La valse d’arrestations et d’emprisonnements des membres de La majorité présidentielle (LMP) qui a cours en Côte d’Ivoire depuis le 11 avril 2011,est loin de s’arrêter. Dans les chancelleries occidentales, on pense que la justice des vainqueurs se cristallise dans le pays. En Côte d’Ivoire, depuis le 11 avril 2011, la pratique est devenue monnaie courante. A domicile, à la descente d’avion ou dans un coin de la rue, des Ivoiriens sont arrêtés et jetés en prison sans aucun motif juridique au préalable. C’est une fois aux arrêts que la justice s’attèle à leur trouver le délit pour lequel ils sont entre les 4 murs. Le drame est que toutes ces arrestations puent la politique. En effet, jusque-là, tous ceux qui ont été les victimes de ce nouveau phénomène qui sévit dans le pays, ont un lieu quelconque avec l’ancien président de la République, Laurent Gbagbo. Déjà le jour de la chute de l’ex-chef d’Etat, il n’est pas le seul à être arrêté. Outre son épouse Simone Ehivet Gbagbo et son fils ainé Michel Gbagbo, ce sont près d’une centaine de ses collaborateurs qui sont pris et dispersés dans les prisons du Nord de la Côte d’Ivoire. On croyait qu’avec ce lot d’arrestations le pouvoir s’arrêterait là, surtout que le chef de l’Etat jurait la main sur le cœur de recoudre le tissu social déchiré par une violente crise post-électorale à travers la réconciliation nationale. Mais voilà que le vendredi 15 avril 2011, la saga des arrestations se poursuit avec la prise de l’ancien patron de la garde républicaine, le général Bruno Dogbo Blé. Cet homme clé de l’appareil sécuritaire du président Laurent Gbagbo est arrêté à Abidjan en pyjama, amené dans un premier temps à l’hôtel du golf, il croupit depuis dans les geôles de Korhogo. Sous l’œil vigilant du commandant Fofié Kouakou. Le samedi 15 octobre 2011, toute la Côte d’ivoire apprend avec stupéfaction l’arrestation, à l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny, du commandant Anselme Séka Séka. Cet officier supérieur de l’armée était, en effet, le chef de la garde rapproche de l’épouse du Président Laurent Gbagbo. C’est à la suite de son arrestation qu’il a été dit que l’homme préparait un coup d’Etat contre l’actuel pouvoir. Outre les autres dossiers pendants dont l’affaire du journaliste franco-canadien, Guy-André Kieffer. Le feuilleton des emprisonnements déroule un autre épisode le vendredi 04 novembre 2011. Cette fois-ci, c’est le second de Charles Blé Goudé au sein du Congrès des jeunes panafricains (COJEP), Angenor Youan Bi, qui tombe dans les filets du pouvoir Ouattara. Selon des sources, le numéro 2 de l’ancien ministre de la jeunesse de Laurent Gbagbo est pris par les forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) à Aboisso alors qu’il s’apprêtait à faire une opération bancaire. Il lui est également reproché d’entreprendre des actions de nature à opérer un changement brutal de régime. Depuis lors, Angenor Youan Bi croupit à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) sans qu’on sache quand l’affaire sera jugée. Avant, il y a la mise aux arrêts du général de gendarmerie Georges Gain Bi Poin, anciennement patron du Centre de commandement des opérations de sécurité (CeCOS). Au début, pour justifier l’arrestation du général, il a été fait cas de la découverte d’un charnier à l’école de gendarmerie d’Abidjan dont il était le commandant. Mais par la suite, le motif s’est curieusement mué en accusant d’atteinte à la sûreté nationale. Un revirement à 180 degrés qui a jeté le doute sur le sérieux du dossier. Contre toute attente, « l’enfant de Vavoua » est libéré après plusieurs mois de détention au camp commando de Koumassi et à la MACA. A la suite du général Guiai Bi Poin, il y a eu le cas du ministre Kata Kéké. A sa sortie des prisons du Nord, deux jours après, ce responsable du Front populaire ivoirien (FPI) a fait un tour dans les cellules de la Direction de surveillance du territoire (DST), le mercredi 16 novembre 2011. Son péché : avoir tenu des propos subversifs lors de la célébration de leur libération organisé, le samedi d’avant, par les camarades de parti. Au FPI, le ministre Kata Kéké n’est pas le seul à connaitre les coins et recoins des cellules de la DST. Il y a également le secrétaire général par intérim du parti, Laurent Akoun. De retour d’un voyage au Ghana où il a rendu une visite aux exilés du parti, il est pris à sa descente d’avion, le jeudi 08 mars 2012. Après une nuit passée à la DST, Laurent Akoun est libéré le jour suivant tard dans la nuit sans qu’on ne sache trop pourquoi il avait été interpellé. Le lundi 26 mars de la même année, c’est l’humoriste Chuken Pat qui tombe dans les filets du régime. Un cas qui, même s’il est loin d’être comique, est cocasse. Après avoir pris fonction pendant plusieurs mois, à l’instar de ses frères d’armes, l’humoriste-militaire est arrêté. Il lui est reproché, à en croire un confrère de la place, son passage à la télévision nationale, alors la crise post-électorale battait son plein, disant qu’il « attend de pieds fermes les rebelles. » Cela lui vaut actuellement un séjour dans l’univers carcéral de la Maison d’arrêt militaire d’Abidjan (MAMA). En attendant que le procureur militaire, le commandant Ange Kessy, trouve la formule juridique qui sied à son cas. Le dernier cas en date, cas qui soulève du reste le courroux de ses collègues, c’est celui de l’avocat de l’ex-Première Dame Simone Ehivet Gbagbo, Ange Rodrigue Babo Dadjé. Il a été arrêté, le jeudi 29 mars 2012, à sa descente d’avion à l’aéroport d’Abidjan. Ce n’est que des jours après que les Ivoiriens ont su le motif de son arrestation : activités subversives. Cette liste arrestation n’est pas exhaustive. Selon le confrère français « La lettre du continent », qui parle « d’arrestations extrajudiciaires », il y a plusieurs ivoiriens qui croupissent dans les cellules de la DST. Il faut noter aussi l’arrestation, toute aussi abusive, de M. Ousmane Sy Savané, patron du groupe de presse Cyclone, il y a quelques semaines. Des étudiants aux hommes d’affaires en passant aux politiciens proches de Laurent Gbagbo, les prisons du pays sont pleines de ces cas. Toujours selon le confrère français, ces emprisonnements sans motif juridique suscitent des craintes dans certaines chancelleries occidentales et américaines. Un sentiment justifié par le fait que ces prisonniers ne sont que d’un seul camp, celui de l’ancien régime. Quant on sait les responsabilités sont partagées dans la tragédie que le pays a vécue. Ces arrestations conjuguées aux inquiétudes des diplomates confortent ceux qui soutiennent que, depuis le 11 avril 2011, en Côte d’ivoire, la justice des vainqueurs fait rage. Romarick N. Foua
Politique Publié le lundi 23 avril 2012 | Trait d’Union