C’est un mordu des planches. Avec sa dernière pièce « Garba Story », il plonge le spectateur au cœur des péripéties de la vie quotidienne ivoirienne. Dans cet entretien, Abass Zein, metteur en scène et dramaturge, explique les motivations de cette création théâtrale et revient sur sa passion pour cet art.
Le Patriote : A quand remonte votre idylle avec le théâtre ?
Abass Zein : Exactement en 1991. Avant je faisais de la scène, mais ce n’était pas du théâtre. Donc je fais de la scène depuis 1984. C’était plutôt des danses folkloriques. C’est quand j’étais à Yamoussoukro que l’idée de faire du théâtre m’est venue à l’esprit afin de faire cohabiter les différentes communautés qui habitaient cette ville mais ne fréquentaient pas du tout. C’est ainsi qu’après deux adaptations, j’ai écrit ma toute première pièce intitulée « Toubabou Story » qui a eu un succès. Après j’ai écrit une autre pièce, en 2000. Ensuite il y a eu des événements en Côte d’Ivoire et je suis venu sur Abidjan. Puis, j’ai écrit « Chawarma Story » qui m’a relancé en 2007. Et en 2012, il y a « Garba Story » qui aurait pu être joué en 2010. « Garba Story » est donc la dernière de mes pièces écrites.
LP : Comment avez-vous justement eu l’idée de monter cette pièce vraiment éclectique dans son écriture ?
AZ : C’est en 2009 que j’ai commencé à écrire « Garba Story » parce que je voulais jouer la pièce pendant la célébration du cinquantenaire des indépendances de nos pays. Elle devait être jouée le 31 octobre 2010. Il y a eu les élections et ensuite la crise postélectorale qui ont tout retardé. J’ai mis deux ans à écrire cette pièce et deux autres années à la peaufiner. Cela, elle est à l’image de toutes mes pièces. C’est toujours un regard caricatural sur la vie et les trois communautés qui vivent en Côte d’Ivoire : la communauté française, la communauté libanaise et la communauté africaine singulièrement ivoirienne. C’est celle que je connais la mieux puisque je me considère comme Ivoirien. Il y a un dialogue de culture qui s’installe et je tiens énormément à ce dialogue-là.
LP : Mais, pourquoi cette focalisation sur le garba ?
AZ : Je pense que c’est le symbole même de l’Ivoirien toutes couches sociales confondues. Pour moi, c’est vraiment le représentatif des gens qui se sentent Ivoiriens. En un mot, c’est le fast-food national. C’est notre McDo à nous. Il coûte moins cher et c’est merveilleux. Ensuite, on ajoute le mot story qui est le label d’Abass Zein.
LP : En jouant beaucoup trop sur la caricature, ne donnez-vous pas l’impression de vous moquer des gens ?
AZ : Non. Je veux plutôt les amener à rire d’eux-mêmes. Parce que rire pour rire ne m’intéresse pas. Je voudrais que les gens rient des choses qui les interpellent après. C’est ce qui est important. Les gens veulent rire d’accord mais s’il n’y a aucun message à leur apporter, cela ne sert à rien. En fait, j’ai un œil moqueur sans moquerie. Je ne suis pas là en fait pour me moquer des gens. Ce n’est pas mon but. La caricature, c’est le défaut qu’on exagère pour que les gens se demandent pourquoi on n’a pas pu penser comme ça. C’est de la caricature pour interpeller les gens et non une moquerie. Les gens rient d’eux-mêmes. La caricature, c’est le miroir de chacun de nous, y compris de moi-même. Je fais partie du lot.
LP : L’une des forces de « Garba Story », c’est la qualité des comédiens, qui se glissent à merveille dans la peau de leur personnage. Où et comment les avez-vous dénichés ?
AZ : J’ai que la chance depuis que je fais du théâtre d’avoir un casting merveilleux. C’est la première fois que je joue avec des professionnels. D’habitude je joue toujours sans professionnels parce que je ne veux pas créer un problème d’égo. Souvent les professionnels ont l’habitude de travailler dans un registre qui n’est pas le mien. Mais, cette fois-ci, ça a très bien marché. J’ai travaillé avec Mike Danon, Beugré Djepp, Oualas et Papy. Ce sont des gens qui connaissent la scène. Ce qui était important de leur faire comprendre, c’est qu’il y avait un texte qui portait tout le monde. Je ne suis pas un metteur en scène ancré sur son écriture. J’estime que les acteurs doivent habiter le personnage. Et ensuite, ils sortent du texte tout en gardant l’idée de la pièce. Je n’écris pas du Molière ou du Proust, je fais du théâtre boulevard. Je suis heureux d’avoir ce casting qui me sied beaucoup. Et cela a été une excellente aventure humaine. Pendant des mois, on a partagé des choses. Et cela s’est ressenti dans la pièce, qui a bien marché. Pour la première fois, une pièce de théâtre a tenu l’affiche pendant une semaine, 3457 personnes l’ont vu. C’est quand même important à souligner.
LP : Etes-vous surpris par ce succès ?
AZ : Oui, énormément. J’ai pris un pari fou de faire cela pendant sept jours dans un concept énorme qui m’a épuisé aussi bien financièrement que physiquement. Oui, le succès a été surprenant.
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LP : Après « Garba Story », quelle sera votre prochaine pièce ?
AZ : Elle est déjà écrite. Mais pas spécialement par moi. C’est une adaptation de quelque chose que j’ai vu à la sauce ivoirienne. Ce que je peux dire, c’est que c’est une pièce connue, que je trouve intéressante. En attendant, on rejouera « Garba Story» en octobre. Là, on ne jouera que la pièce, on ne va pas créer à nouveau le concept du « Garbadrome » (lieu où on vend le garba). Logiquement, le Palais de la culture serait bien l’endroit idéal pour accueillir la pièce. Ma salle, c’est la 700 places où je jouais régulièrement. Malheureusement, elle est inutilisable actuellement. En octobre, on verra où jouer.
LP : Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure avec le théâtre ?
AZ : C’est indescriptible. La scène est une drogue. Je veux que tout le monde fasse de la scène. Ce n’est pas le fait d’être devant la lumière, mais plutôt ce bonheur qu’on donne et qu’on partage avec le public. A un moment donné, les gens sont heureux et vous êtes heureux d’avoir donné du bonheur. On fait un don de soi pour que les gens rient, soient heureux. C’est comme une prière. Quand on prie, on partage. Le théâtre, c’est pareil.
Réalisée par Y. Sangaré
Le Patriote : A quand remonte votre idylle avec le théâtre ?
Abass Zein : Exactement en 1991. Avant je faisais de la scène, mais ce n’était pas du théâtre. Donc je fais de la scène depuis 1984. C’était plutôt des danses folkloriques. C’est quand j’étais à Yamoussoukro que l’idée de faire du théâtre m’est venue à l’esprit afin de faire cohabiter les différentes communautés qui habitaient cette ville mais ne fréquentaient pas du tout. C’est ainsi qu’après deux adaptations, j’ai écrit ma toute première pièce intitulée « Toubabou Story » qui a eu un succès. Après j’ai écrit une autre pièce, en 2000. Ensuite il y a eu des événements en Côte d’Ivoire et je suis venu sur Abidjan. Puis, j’ai écrit « Chawarma Story » qui m’a relancé en 2007. Et en 2012, il y a « Garba Story » qui aurait pu être joué en 2010. « Garba Story » est donc la dernière de mes pièces écrites.
LP : Comment avez-vous justement eu l’idée de monter cette pièce vraiment éclectique dans son écriture ?
AZ : C’est en 2009 que j’ai commencé à écrire « Garba Story » parce que je voulais jouer la pièce pendant la célébration du cinquantenaire des indépendances de nos pays. Elle devait être jouée le 31 octobre 2010. Il y a eu les élections et ensuite la crise postélectorale qui ont tout retardé. J’ai mis deux ans à écrire cette pièce et deux autres années à la peaufiner. Cela, elle est à l’image de toutes mes pièces. C’est toujours un regard caricatural sur la vie et les trois communautés qui vivent en Côte d’Ivoire : la communauté française, la communauté libanaise et la communauté africaine singulièrement ivoirienne. C’est celle que je connais la mieux puisque je me considère comme Ivoirien. Il y a un dialogue de culture qui s’installe et je tiens énormément à ce dialogue-là.
LP : Mais, pourquoi cette focalisation sur le garba ?
AZ : Je pense que c’est le symbole même de l’Ivoirien toutes couches sociales confondues. Pour moi, c’est vraiment le représentatif des gens qui se sentent Ivoiriens. En un mot, c’est le fast-food national. C’est notre McDo à nous. Il coûte moins cher et c’est merveilleux. Ensuite, on ajoute le mot story qui est le label d’Abass Zein.
LP : En jouant beaucoup trop sur la caricature, ne donnez-vous pas l’impression de vous moquer des gens ?
AZ : Non. Je veux plutôt les amener à rire d’eux-mêmes. Parce que rire pour rire ne m’intéresse pas. Je voudrais que les gens rient des choses qui les interpellent après. C’est ce qui est important. Les gens veulent rire d’accord mais s’il n’y a aucun message à leur apporter, cela ne sert à rien. En fait, j’ai un œil moqueur sans moquerie. Je ne suis pas là en fait pour me moquer des gens. Ce n’est pas mon but. La caricature, c’est le défaut qu’on exagère pour que les gens se demandent pourquoi on n’a pas pu penser comme ça. C’est de la caricature pour interpeller les gens et non une moquerie. Les gens rient d’eux-mêmes. La caricature, c’est le miroir de chacun de nous, y compris de moi-même. Je fais partie du lot.
LP : L’une des forces de « Garba Story », c’est la qualité des comédiens, qui se glissent à merveille dans la peau de leur personnage. Où et comment les avez-vous dénichés ?
AZ : J’ai que la chance depuis que je fais du théâtre d’avoir un casting merveilleux. C’est la première fois que je joue avec des professionnels. D’habitude je joue toujours sans professionnels parce que je ne veux pas créer un problème d’égo. Souvent les professionnels ont l’habitude de travailler dans un registre qui n’est pas le mien. Mais, cette fois-ci, ça a très bien marché. J’ai travaillé avec Mike Danon, Beugré Djepp, Oualas et Papy. Ce sont des gens qui connaissent la scène. Ce qui était important de leur faire comprendre, c’est qu’il y avait un texte qui portait tout le monde. Je ne suis pas un metteur en scène ancré sur son écriture. J’estime que les acteurs doivent habiter le personnage. Et ensuite, ils sortent du texte tout en gardant l’idée de la pièce. Je n’écris pas du Molière ou du Proust, je fais du théâtre boulevard. Je suis heureux d’avoir ce casting qui me sied beaucoup. Et cela a été une excellente aventure humaine. Pendant des mois, on a partagé des choses. Et cela s’est ressenti dans la pièce, qui a bien marché. Pour la première fois, une pièce de théâtre a tenu l’affiche pendant une semaine, 3457 personnes l’ont vu. C’est quand même important à souligner.
LP : Etes-vous surpris par ce succès ?
AZ : Oui, énormément. J’ai pris un pari fou de faire cela pendant sept jours dans un concept énorme qui m’a épuisé aussi bien financièrement que physiquement. Oui, le succès a été surprenant.
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LP : Après « Garba Story », quelle sera votre prochaine pièce ?
AZ : Elle est déjà écrite. Mais pas spécialement par moi. C’est une adaptation de quelque chose que j’ai vu à la sauce ivoirienne. Ce que je peux dire, c’est que c’est une pièce connue, que je trouve intéressante. En attendant, on rejouera « Garba Story» en octobre. Là, on ne jouera que la pièce, on ne va pas créer à nouveau le concept du « Garbadrome » (lieu où on vend le garba). Logiquement, le Palais de la culture serait bien l’endroit idéal pour accueillir la pièce. Ma salle, c’est la 700 places où je jouais régulièrement. Malheureusement, elle est inutilisable actuellement. En octobre, on verra où jouer.
LP : Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure avec le théâtre ?
AZ : C’est indescriptible. La scène est une drogue. Je veux que tout le monde fasse de la scène. Ce n’est pas le fait d’être devant la lumière, mais plutôt ce bonheur qu’on donne et qu’on partage avec le public. A un moment donné, les gens sont heureux et vous êtes heureux d’avoir donné du bonheur. On fait un don de soi pour que les gens rient, soient heureux. C’est comme une prière. Quand on prie, on partage. Le théâtre, c’est pareil.
Réalisée par Y. Sangaré