Il revient de loin. Après avoir échappé à la mort, Yacouba Diaby a décidé de témoigner à visage découvert. L’heure est venue pour lui de traquer les bourreaux des populations de Gonzagueville.
Le Patriote : que savez-vous des actes criminels perpétrés par la FESCI de Port-Bouët ?
Yacouba Diaby : j’en sais beaucoup, puisque j’ai moi-même été enlevé de mon domicile puis conduit au GATL (Groupement aérien de transport et de liaison, ndlr).
LP : Quand et par qui avez-vous été enlevé ?
YD : J’ai été enlevé par des éléments de la FESCI. Ils sont allés me prendre chez moi, à Gonzagueville. Cela s’est passé juste après le second tour de la présidentielle. C’était pendant la période où Charles Blé Goudé avait demandé aux jeunes patriotes d’ériger des barrages dans les quartiers pour traquer tous ceux qu’ils considéraient comme des suspects.
LP : Sous quels motifs vous ont-ilsarrêté ?
YD : Avant d’arriver chez moi à domicile, il fallait franchir trois barrages. J’étais ce jour là à la maison avec ma famille quand un jeune du quartier que je connais très bien et qui était parmi ceux qui érigeaient les barrages est arrivé chez moi en compagnie d’un autre jeune que je ne connais pas. Celui que je connais et qui est toujours au quartier se nomme Appia. Ce denier avait sur lui une paire de menottes et une arme. Ils ont dit être venus m’arrêter parce que, selon eux, je serais le chef d’une rébellion venue de Bouaké et que les autres éléments et les armes devant servir à nos opérations étaient cachés chez moi. De chez moi, ils m’ont donc conduit au commissariat du 24ème arrondissement. Une fois sur les lieux, ma femme a essayé de raisonner le commissaire. Ce dernier à répondu qu’il ne pouvait rien faire. J’ai reconnu au passage un gendarme à la retraite qui était de passage. Il est intervenu mais mes ravisseurs n’ont rien voulu comprendre.
LP : Que s’est il passé par la suite ?
DY : Du commissariat, j’ai été escorté par deux hommes armés de DCA jusqu’au GATL. Là-bas, je saurai qu’ils avaient été commis par un officier du nom de Loua Pierre – je suis prêt pour une confrontation avec cet officier. Dans les deux jeeps qui nous transportaient, certains occupants ne parlaient que l’Anglais. Avant que les jeeps ne démarrent, les occupants ont été violemment frappés (Il nous montre deux profondes cicatrices, l’une sur le bras et l’autre sur la tête). Une fois au GATL, j’ai été déshabillé et présenté à l’officier Loua Pierre. Il travaillait avec un certain officier Mollet Mollet, qui m’a soumis à un interrogatoire très serré. Il m’a dit avoir des informations selon lesquelles je venais de Bouaké et que je logeais des rebelles à la maison. Je me suis fort étonné que mes ravisseurs n’aient pas insisté pour fouiller ma maison pour se rendre compte de la véracité de cette information. Je me suis par la suite élevé contre le fait que ce soit de jeunes voyous de la Fesci qui m’arrêtent pour me conduire au GATL. L’officier Loua Pierre ma répondu que désormais, c’est ainsi que se fait le travail au niveau du GATL, il a reconnu que c’étaient des jeunes de la FESCI de Port-Bouët.
LP : Comment vous êtes-vous donc échapper de ce traquenard?
YD : Ma chance est que je venais de subir une intervention chirurgicale. L’officier Doua m’a remis à un autre officier. Tous deux ont décidé, en l’absence de Mollet Mollet – on le disait parti au village ce jour là – de me remettre à la FESCI une fois la nuit tombée.
LP : En ce moment précis, quels sentiment vous habitait?
YD : Evidemment, j’avais peur. Je me disais intérieurement que je vivais mes derniers jours sur la terre des hommes. Pour l’habitant de Port-Bouët que j’étais, je savais que tous ceux qui avaient été remis à la FESCI ont été exécutés. J’ai commencé à faire mes dernières prières quand le gendarme à la retraite, qui avait essayé d’intervenir au 24e est arrivé. Cette fois ci, il s’est fait accompagner par l’un de ses frères, le capitaine Kpan K. du service anti-drogue de la gendarmerie. Ce dernier est entré en contact avec un autre officier de sa promotion. Je voudrais rappeler que tous ceux qui sont passés par le GATL ne sont plus revenus vivants. Le schéma était le suivant : on arrêtait dans les barrages ou on allait jusqu’à leurs domiciles pour les prendre, tous ceux qui étaient considérés comme n’étant pas LMP. On les conduisait ensuite au GATL, qui se chargeait de leur livraison à la Fesci. Les enlèvements et les arrestations se faisaient en complicité avec des militants LMP de notre quartier. Beaucoup d’entre eux gardaient des armes chez eux, c’est le cas d’un chef Bété, actuellement au quartier. Le capitaine Kpan a fini par ramener mes ravisseurs à la raison et peser de tout son poids pour me faire sortir du GATL. Avant de quitter les lieux, l’officier Loua Pierre a dit qu’il ne voulait plus me voir dans le quartier et que la prochaine fois, ce serait la mort. Il a été appuyé par un autre jeune du nom de N’Doli, qui était le patron de la FESCI de la zone. Lui également semait la terreur dans le quartier.
LP : Décrivez-nous l’itinéraire?
YD : On vous prend à un corridor ou chez vous, on vous envoie au GATL qui sert de couverture. Après « l’accord » de Mollet Mollet, on vous conduit à la cité universitaire et votre sort est scellé.
LP : Dans votre entourage, connaissez vous quelqu’un qui a pu sortir vivant après ce parcours?
YD : A ma connaissance, personne n’est sortie vivant une fois arrivé à la cité universitaire. Tous ceux qui y ont été conduits, en majorité des ressortissants étrangers, ont été tués. Aujourd’hui, plusieurs de nos bourreaux vivent encore dans le quartier. Celui qui m’a fait arrêter est encore là au quartier. Après la crise, il s’est excusé.
LP : Pour vous qui avez connu ces atrocités, comment entrevoyez-vous la réconciliation ?
YD : Vous savez, nous les victimes avons vraiment du mal à comprendre les autorités. Nous ne savons pas ce qui peut expliquer par exemple que le sieur Mollet Mollet et certains officiers dont tout le monde sait la participation active à ces horreurs, soient encore là tranquillement en train de vaquer à leurs occupations, comme si de rien n’était. Je me suis renseigné, ils sont encore en activité au GATL. Comment est-ce acceptable pour les victimes et leurs parents ?
Nous notre souhait est qu’ils répondent tout simplement de leurs actes devant la justice. J’aurais souhaité, dans ces cas-là, que le gouvernement parle d’abord de justice avant de parler de réconciliation. Ils sont vite allés en besogne en inversant les choses. Pardon, oui, tolérance, oui, mais justice d’abord. Je supporte très difficilement – et beaucoup de victimes comme moi – de voir qu’un officier supérieur de l’armée de mon pays, qui travaille en collaboration avec des civils et qui a attenté à ma vie, soit encore en liberté. Des innocents ont été tués. Les commanditaires ne sont pas iniquités, ce n’est pas acceptable.
TL
Le Patriote : que savez-vous des actes criminels perpétrés par la FESCI de Port-Bouët ?
Yacouba Diaby : j’en sais beaucoup, puisque j’ai moi-même été enlevé de mon domicile puis conduit au GATL (Groupement aérien de transport et de liaison, ndlr).
LP : Quand et par qui avez-vous été enlevé ?
YD : J’ai été enlevé par des éléments de la FESCI. Ils sont allés me prendre chez moi, à Gonzagueville. Cela s’est passé juste après le second tour de la présidentielle. C’était pendant la période où Charles Blé Goudé avait demandé aux jeunes patriotes d’ériger des barrages dans les quartiers pour traquer tous ceux qu’ils considéraient comme des suspects.
LP : Sous quels motifs vous ont-ilsarrêté ?
YD : Avant d’arriver chez moi à domicile, il fallait franchir trois barrages. J’étais ce jour là à la maison avec ma famille quand un jeune du quartier que je connais très bien et qui était parmi ceux qui érigeaient les barrages est arrivé chez moi en compagnie d’un autre jeune que je ne connais pas. Celui que je connais et qui est toujours au quartier se nomme Appia. Ce denier avait sur lui une paire de menottes et une arme. Ils ont dit être venus m’arrêter parce que, selon eux, je serais le chef d’une rébellion venue de Bouaké et que les autres éléments et les armes devant servir à nos opérations étaient cachés chez moi. De chez moi, ils m’ont donc conduit au commissariat du 24ème arrondissement. Une fois sur les lieux, ma femme a essayé de raisonner le commissaire. Ce dernier à répondu qu’il ne pouvait rien faire. J’ai reconnu au passage un gendarme à la retraite qui était de passage. Il est intervenu mais mes ravisseurs n’ont rien voulu comprendre.
LP : Que s’est il passé par la suite ?
DY : Du commissariat, j’ai été escorté par deux hommes armés de DCA jusqu’au GATL. Là-bas, je saurai qu’ils avaient été commis par un officier du nom de Loua Pierre – je suis prêt pour une confrontation avec cet officier. Dans les deux jeeps qui nous transportaient, certains occupants ne parlaient que l’Anglais. Avant que les jeeps ne démarrent, les occupants ont été violemment frappés (Il nous montre deux profondes cicatrices, l’une sur le bras et l’autre sur la tête). Une fois au GATL, j’ai été déshabillé et présenté à l’officier Loua Pierre. Il travaillait avec un certain officier Mollet Mollet, qui m’a soumis à un interrogatoire très serré. Il m’a dit avoir des informations selon lesquelles je venais de Bouaké et que je logeais des rebelles à la maison. Je me suis fort étonné que mes ravisseurs n’aient pas insisté pour fouiller ma maison pour se rendre compte de la véracité de cette information. Je me suis par la suite élevé contre le fait que ce soit de jeunes voyous de la Fesci qui m’arrêtent pour me conduire au GATL. L’officier Loua Pierre ma répondu que désormais, c’est ainsi que se fait le travail au niveau du GATL, il a reconnu que c’étaient des jeunes de la FESCI de Port-Bouët.
LP : Comment vous êtes-vous donc échapper de ce traquenard?
YD : Ma chance est que je venais de subir une intervention chirurgicale. L’officier Doua m’a remis à un autre officier. Tous deux ont décidé, en l’absence de Mollet Mollet – on le disait parti au village ce jour là – de me remettre à la FESCI une fois la nuit tombée.
LP : En ce moment précis, quels sentiment vous habitait?
YD : Evidemment, j’avais peur. Je me disais intérieurement que je vivais mes derniers jours sur la terre des hommes. Pour l’habitant de Port-Bouët que j’étais, je savais que tous ceux qui avaient été remis à la FESCI ont été exécutés. J’ai commencé à faire mes dernières prières quand le gendarme à la retraite, qui avait essayé d’intervenir au 24e est arrivé. Cette fois ci, il s’est fait accompagner par l’un de ses frères, le capitaine Kpan K. du service anti-drogue de la gendarmerie. Ce dernier est entré en contact avec un autre officier de sa promotion. Je voudrais rappeler que tous ceux qui sont passés par le GATL ne sont plus revenus vivants. Le schéma était le suivant : on arrêtait dans les barrages ou on allait jusqu’à leurs domiciles pour les prendre, tous ceux qui étaient considérés comme n’étant pas LMP. On les conduisait ensuite au GATL, qui se chargeait de leur livraison à la Fesci. Les enlèvements et les arrestations se faisaient en complicité avec des militants LMP de notre quartier. Beaucoup d’entre eux gardaient des armes chez eux, c’est le cas d’un chef Bété, actuellement au quartier. Le capitaine Kpan a fini par ramener mes ravisseurs à la raison et peser de tout son poids pour me faire sortir du GATL. Avant de quitter les lieux, l’officier Loua Pierre a dit qu’il ne voulait plus me voir dans le quartier et que la prochaine fois, ce serait la mort. Il a été appuyé par un autre jeune du nom de N’Doli, qui était le patron de la FESCI de la zone. Lui également semait la terreur dans le quartier.
LP : Décrivez-nous l’itinéraire?
YD : On vous prend à un corridor ou chez vous, on vous envoie au GATL qui sert de couverture. Après « l’accord » de Mollet Mollet, on vous conduit à la cité universitaire et votre sort est scellé.
LP : Dans votre entourage, connaissez vous quelqu’un qui a pu sortir vivant après ce parcours?
YD : A ma connaissance, personne n’est sortie vivant une fois arrivé à la cité universitaire. Tous ceux qui y ont été conduits, en majorité des ressortissants étrangers, ont été tués. Aujourd’hui, plusieurs de nos bourreaux vivent encore dans le quartier. Celui qui m’a fait arrêter est encore là au quartier. Après la crise, il s’est excusé.
LP : Pour vous qui avez connu ces atrocités, comment entrevoyez-vous la réconciliation ?
YD : Vous savez, nous les victimes avons vraiment du mal à comprendre les autorités. Nous ne savons pas ce qui peut expliquer par exemple que le sieur Mollet Mollet et certains officiers dont tout le monde sait la participation active à ces horreurs, soient encore là tranquillement en train de vaquer à leurs occupations, comme si de rien n’était. Je me suis renseigné, ils sont encore en activité au GATL. Comment est-ce acceptable pour les victimes et leurs parents ?
Nous notre souhait est qu’ils répondent tout simplement de leurs actes devant la justice. J’aurais souhaité, dans ces cas-là, que le gouvernement parle d’abord de justice avant de parler de réconciliation. Ils sont vite allés en besogne en inversant les choses. Pardon, oui, tolérance, oui, mais justice d’abord. Je supporte très difficilement – et beaucoup de victimes comme moi – de voir qu’un officier supérieur de l’armée de mon pays, qui travaille en collaboration avec des civils et qui a attenté à ma vie, soit encore en liberté. Des innocents ont été tués. Les commanditaires ne sont pas iniquités, ce n’est pas acceptable.
TL