Le président de la République, Alassane Ouattara, après les évasions massives des prisons ivoiriennes dont les piques ont été observées à la Maison d`arrêt et de correction d`Abidjan (Maca) et à la prison civile d`Agboville, est descendu au bas de l’échelle des responsabilités administratives, pour infliger, lui-même, des sanctions en relevant les régisseurs de leurs fonctions. Il a ainsi pris la serpillère pour prévenir d’autres évasions et mettre fin au laxisme et aux supposées complicités internes dans les prisons. Face au péril que cette fuite en masse de prisonniers fait peser sur la Côte d’Ivoire, les Ivoiriens avaient pensé que le chef de l`Etat ne sanctionnerait, non pas les seconds couteaux, mais les personnes sur qui pèsent la responsabilité de la sécurité des Ivoiriens et qui ont une imputabilité directe dans la surveillance des prisons. Car avant la Maca et la prison d`Agboville d`autres évasions avaient eu lieu dans les prisons de Korhogo, de Katiola et de Boundiali. Le phénomène est en train de prendre de l’ampleur à tel point que les Ivoiriens avaient en tout cas espéré que la sanction du chef de l`Etat serait à la hauteur de la gravité de la situation. Mais à l`arrivée ce sont deux « pauvres » régisseurs qui ont été révoqués par le chef de l`Etat à la demande, semble-t-il du premier ministre, Ahoussou Kouadio Jeannot, lui-même ministre de la justice. «Il faut que les Ivoiriens vivent en paix et que la sécurité soit renforcée partout y compris dans les prisons. Ce qui n’a pas été le cas. En une semaine, il y a eu deux évasions parce que des personnes n’ont pas fait leur travail. Ces personnes seront sanctionnées et de façon immédiate. C’est la décision que je viens de prendre avec le premier ministre-chef du gouvernement-ministre de la justice, et les généraux... Nous ferons en sorte que les prisons soient débarrassées de personnes qui sont complices d’actes de ce genre. Les prisons de Côte d’Ivoire ont été rénovées…» avait prévenu le Chef de l’Etat. Cette décision de révocation, depuis qu`elle a été prise, fait l`objet de beaucoup de commentaires et suscite de nombreuses interrogations. Elle est diversement interprétée dans la forme comme dans le fond. La question que l’on se pose cependant est de savoir si les évasions enregistrées jusqu’ici sont dues à des failles structurelles ou à des dysfonctionnements administratifs ? Dans le premier cas, la responsabilité des régisseurs est sauve. Car, à un problème structurel, il faut apporter des réponses de la même nature. Les prisons ivoiriennes, généralement héritées des époques coloniales sont en totale déphasage avec les nouvelles normes de sécurité. Dès lors, de plus grands investissements sont nécessaires pour espérer mettre fin au cycle et à la fréquence presque mensuelle des évasions. Il urge d’apporter une réponse à cette conjoncture car, s’il est démontré que les prisonniers ont pu s’évader parce que les prisons souffrent d’absence de grilles de sécurité, de mobilier, d’électricité, d’équipements militaires et les gardiens affectés à leur surveillance sont soit sous équipés, soit pas du tout équipés, alors la responsabilité de ces évasions est imputable directement au Garde des Sceaux, ministre de la justice, ce d’autant qu’ici, nous sommes en face d’un problème purement structurel. Dès lors, les régisseurs ne devraient pas porter le chapeau. Mais, si de la Maca à la prison d’Agboville en passant par celles de Korhogo, Katiola, Boundiali les responsables chargés de la surveillance ont failli à leur mission, non pas par manque de moyens, mais par laxisme, alors les régisseurs sont les premiers responsables. Même si c’était le cas, l’on continue de se demander comment le président de la République peut-il lui-même, alors qu`il existe un ministre de la justice, révoquer des régisseurs de prison ? Pourquoi le ministre de la justice s’est-il cru obligé d’attendre que le chef de l’Etat soit de retour de sa mission privée en France pour prendre une sanction ? Pourquoi n’a-t-il pas pris de mesures conservatoires dès que les évasions ont eu lieu ? Peut-on donc déduire qu’Alassane Ouattara est un hyper président qui s’occupe de tout, et ne laisse à ses ministres aucune marge de manœuvre ? Qui trop embrasse mal étreint, dit-on… A quoi sert aujourd’hui le code d’éthique que le président Ouattara a fait signer à ses ministres et qui les responsabilise devant le chef de l’Etat de tous les actes dont se seraient rendus coupables leurs collaborateurs ? Pour nombre d`observateurs, le président Ouattara a visé trop bas, parce qu’à la vérité, les évasions massives auxquelles l’on assiste dans ce pays sont plus liées à des facteurs structurels qu’administratifs. Il a épargné aux dires de nombreux observateurs, les vrais responsables de la porosité de nos prisons. Cela est d’autant vrai que cette décision n`a pas empêché des prisonniers de s`évader de la prison de Danané comme pour dire au Chef de l`Etat que la solution aux évasions se trouve ailleurs et non dans la révocation de simples régisseurs. Le mal se soigne à la racine dit-on. On ne peut pas ici, parler de la part du Chef de l’Etat, de fuite en avant. Il s’agit plutôt de la parfaite application de la politique de l’autruche, ce grand oiseau, qui pour ne pas affronter le danger, baisse la tête ou la fourre dans le sable... En juillet 2011, lorsque la Rti avait manqué de couvrir le retour du chef de l`Etat des États unis, après une visite qui avait été jugée historique, plutôt que de sanctionner le ministre de la communication, c’est le Directeur Général, Brou Aka Pascal qui avait payé les pots cassés. Ouattara voulait par ce fait envoyé un signal fort aux Ivoiriens démontrant que pour combattre le laxisme dans notre administration, il fallait commencer par la tête. Mais, cette décision avait aussi ouvert la porte à la polémique. Dans le cas des évasions les Ivoiriens se posent la question de savoir comment peut-on demander aux gardes pénitenciers ne disposant pas d’armes d`empêcher des prisonniers plus nombreux et quelques fois mieux armés qu`eux de s`évader ? La question reste entière. En tout état de cause, Didier Drogba et Kalou Bonaventure ont donné du sourire aux Ivoiriens ce week-end, par ces temps d’incertitudes, et inscrit leur nom dans le marbre de l’histoire du palmarès de Chelsea, en remportant, devant le Bayern de Munich, la Ligue des champions d’Europe.
COULIBALY Vamara
COULIBALY Vamara