Le secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire ( Fesci) parle de sa nouvelle vie, de la santé de son organisation. Mian Augustin revient sur la récente rencontre avec le Premier ministre, Ahoussou Kouadio Jeannot, et se prononce sur la décision de renvoyer 5800 étudiants, ainsi que sur les découvertes d’ossements humains sur les sites universités.
Comment se porte Mian Augustin ?
Je me porte bien. Mais, il faut dire que je ne me promène plus comme avant. Je vais là où on m’appelle. Je vais là où je pense que j’ai une rencontre au nom des étudiants, au nom des élèves ou je vais à une rencontre familiale très sérieuse. Honnêtement, mes sorties sont limitées.
Un an après la fermeture des universités publiques, que devient la Fesci ?
Avant de dire que devient la Fesci, je pense que nous devons avoir une pensée pieuse pour tous les Ivoiriens, y compris les élèves et étudiants qui sont tombés lors de la crise postélectorale. La crise a profondément affecté toute la Côte d’Ivoire. Et elle a affecté aussi les élèves et étudiants, d’où la Fesci. On sort d’une épreuve terrible. Toute la Côte d’Ivoire était confuse. Il n’y a pas un Ivoirien qui a été épargné. Au sortir d’une telle situation, il est bon de prendre du recule et tout doucement essayer de se relever. C’est ce que la Fesci est en train de faire. Honnêtement, nous avons été beaucoup fragilisés. Il y a des camarades élèves ou étudiants qui sont hors du pays. D’autres sont à l’intérieur du pays et ne peuvent pas venir à Abidjan. Ces faits sont donc des facteurs d’affaiblissement. Mais, aujourd’hui, avec l’évolution des choses, je peux dire que la Fesci commence à se porter de mieux en mieux. Les responsables de la structure sont désormais là. La crise a fait que chacun, pour préserver sa vie, s’était terré. Comme la situation se normalise, tous ceux qui étaient cachés commencent à ressortir même s’il y a encore quelques craintes.
Vous évoquiez à l’instant que beaucoup de vos camarades sont hors de la Côte d’Ivoire. Une question qui a été débattue au cours de votre rencontre avec le Premier ministre, il y a quelques jours. Pouvez-vous revenir sur ce rendez-vous ?
A partir du moment où la structure se reconstitue, les responsables se retrouvent et on commence à se réunir pour réfléchir sur l’Ecole, l’avenir des élèves et étudiants et même d’une façon générale sur l’avenir de la Côte d’Ivoire elle-même parce que nous sommes des étudiants, en ce moment là, on s’adresse aux personnes indiquées pour échanger avec elles sur la situation de l’Ecole et c’est dans cette dynamique que nous avons rencontré le Premier ministre. Mais, il faut dire qu’auparavant, il y a eu plusieurs échanges avec notre ministère de tutelle qui nous a toujours reçu, toutes les fois que nous avons manifesté la volonté de le rencontré. Cette fois, il s’agissait de dire à l’opinion que les étudiants sont là, que la Fesci est là et qu’on continue de réfléchir sur l’école ivoirienne. Nous avons demandé au Premier ministre qu’il y ait un séminaire qui va regrouper tous les acteurs et partenaires du système éducatif pour réfléchir sur la redynamisation de l’Ecole ivoirienne. Nous l’avons aussi sollicité pour qu’il œuvre afin que nos amis qui sont hors du pays puissent rentrer en Côte d’Ivoire parce qu’on doit, reprendre les cours en septembre prochain. Je tiens à la rentrée universitaire car c’est un grand rendez-vous de retrouvailles, de pardon et de réconciliation. Il y a toutes les sensibilités religieuses, politiques,…, à l’université et ce sont plus de 60 000 étudiants qui vont se saluer, partager les mêmes amphithéâtres, les mêmes laboratoires, qui vont fréquenter les mêmes enseignants, cela aidera, à un certain niveau, à la réconciliation nationale.
Dans cette dynamique de réflexion sur l’école ivoirienne, la conférence des présidents des universités publiques a décidé de la suppression du ‘’parapluie atomique’’ et du renvoi de 5800 étudiants qui ont fait 8 voire 10 ans en licence ou en maîtrise. Mian Augustin est-il concerné par cette décision ?
Non ! Je ne suis pas concerné pas cette décision. Je ne fais pas dix ans en licence ni dix ans en maîtrise. Mais, on peut estimer tout mon cursus à pratiquement dix années.
D’une façon générale, quel est l’avis du secrétaire général de la Fesci sur cette décision de renvoyer 5800 étudiants ?
C’est une décision qui est très grave et elle n’est pas la bienvenue. Renvoyer 5800 étudiants, c’est accroître le taux de chômage, avec le risque de créer une situation qui peut avoir des effets négatifs dans le bon fonctionnement de la société. Une chose est de prendre une décision, une autre est de l’appliquer. L’autorité a une volonté d’assainir l’université, c’est normal. Mais je ne pense pas qu’au sortir d’une crise où toute la Côte d’Ivoire s’est affaissée, où tout le monde a été ébranlé, où on parle de cherté de la vie, que ce soit ce moment qu’il faut pour augmenter la souffrance de la jeunesse. J’estime qu’on peut prendre des décisions, et les appliquer dans le temps parce qu’on a une ambition de redorer l’image d’une institution comme l’université. Nous ne combattons pas cette décision, mais c’est sa mise en œuvre qui nous interpelle. Il est clair qu’il faut assainir l’université. Il faut qu’on ait une université digne de ce nom. Mais, il est bon de trouver la formule pour donner une dernière chance à tous ceux qui sont dans cette situation irrégulière. Aujourd’hui, il y a trois générations de bacheliers qui attendent de rentrer à l’université. Depuis 2009, il y a des gens qui ont eu leur Bac et qui n’ont pas encore fait leur premier pas à l’université. Voici autant de temps que perd l’étudiant quand il a le Bac ou lorsqu’il met les pieds à l’université. Honnêtement, ce n’est pas la faute à l’étudiant seul. Il n’y a pas un étudiant digne ce nom qui a étudié pour avoir son baccalauréat et qui a envie de s’éterniser à l’université ou qui ne veut pas en quatre, tout au plus en cinq ans ou six ans obtenir sa maîtrise.
Pour vous, cette situation n’est pas le fait des étudiants seulement ?
Justement. Je profite de cette question pour dire aux uns et aux autres, qu’il ne s’agit pas de critiquer à tout bout de champ la Fesci. Ceux qui ont bien observé savent, depuis que je suis arrivé à la tête de la structure, nous n’avons jamais perturbé l’université. Nous n’avons jamais lancé un mot d’ordre de grève de nature à perturber l’université. Même un coup de sifflet, il n’y en a pas eu sur le campus. Et pourtant, l’université n’a pas fonctionné correctement. En fait, le reflet d’une université, c’est le reflet de la société. De la façon dont la Côte d’Ivoire se présente, c’est comme ça l’université se présente. Il n’y avait plus de repère. L’Ecole était abandonnée et chacun faisait ce qu’il voulait faire. Nous étions dans un système où on tournait en rond. Quelle est la part de responsabilité des étudiants qui ont eu leur Bac en 2009 et qui depuis environ trois ans, attendent toujours pour faire leurs premiers pas à l’université ? Loin d’encourager la médiocrité, je voudrais dire que les étudiants ne sont pas les seuls responsables de cette situation. La faute est collective. C’est pourquoi, nous devons nous asseoir pour réfléchir et dire désormais comment les choses vont se passer. Tout ceci ramène au séminaire que nous avons évoqué. Même en France, récemment le nouveau Premier ministre a dit qu’il faut faire une concertation sur le rythme scolaire. C'est-à-dire qu’on va aviser tous les acteurs du système éducatif pour redynamiser l’école. Et c’est ce que nous demandons ici en sollicitant un séminaire.
Dans ces décisions, il y aussi l’augmentation des frais d’inscription dans les universités publiques…
Cette question existe il y a longtemps. Par le passé, on avait annoncé un montant de 50 000 FCFA, ce qui n’a pas rencontré l’assentiment des étudiants. Cette fois, on est plus prudent, on a annoncé la décision sans fixer de montant. Je me félicite du fait qu’il y aura un cadre de concertation pour trouver une décision consensuelle à ce niveau. L’un dans l’autre, cela va dans le sens du séminaire qui va englober toutes ces questions. Si par le passé, les étudiants se sont opposés à l’augmentation des frais d’inscription, c’est parce qu’il y a eu crise de confiance. Les parents d’élèves, je veux parler des gestionnaires à l’époque de la filière café-cacao, ont injecté près de deux milliards FCFA à l’université mais, on n’a pas vu à quoi cela a servi. Cet argent n’a pas profité à l’université. A partir du moment où il y a eu deux milliards de FCFA qui ont disparu et qu’après il y a près de 500 millions qui sont partis dans le vent, une crise de confiance s’est installée. On demande aux étudiants de cotiser mais sur quelle base ? L’argent va servir à quoi ? Comment il va être géré ? Voilà autant de questions qui ont conduit, par le passé, les étudiants à ne pas accepter une augmentation des frais d’inscription.
L’actualité, ces temps-ci, ce sont les découvertes d’ossements humains sur les sites universitaires. Un doigt accusateur est déjà pointé vers la Fesci. Que répond Mian Augustin ?
D’abord, je m’incline devant les dépouilles de ces ossements humains. Ce sont des Hommes qui ont été tués et enterrés de cette façon. Ce qui est regrettable. Mais je l’ai dit, la crise était tellement profonde, qu’il y a eu des choses terribles qui se sont passées. Et au jour d’aujourd’hui, honnêtement, sans une enquête sérieuse et responsable, vous ne pouvez pas sur des faits non constitués, sur des appréhensions, accusez X ou Y. C’est pourquoi, lorsqu’il y a eu une découverte pareille au campus de Cocody, au début des travaux de réhabilitation de l’université, nous avons dit qu’il faut une enquête de sorte qu’on puisse situer les responsabilités. Sinon à ce rythme là, on va accuser tout le monde parce qu’après cette grave crise où les morts jonchaient les murs un peu partout à Abidjan, des ossements humains peuvent se trouver derrière la maison de tout le monde. Surtout que, pour empêcher la putréfaction, des corps ont été brûlés. Tout ceci, pour dire qu’a priori, ce sont des accusations qui ne sont pas fondées. Des ossements humains ont été découverts au bord de la plage, non loin de la cité universitaire à Port-Bouët. Je ne me défends pas systématiquement, mais je me dis il faut faire attention. La mer est ce qu’elle est. Et à côté de la cité vivent des riverains. Je prends le cas du campus de Cocody où trois à quatre villages existaient depuis 1958, avant même la création de l’université et qui ont cohabité avec ce temple du savoir. Non loin aussi du Chu de Cocody, au niveau de la morgue, il y a eu des choses terribles qui se sont passées. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, la pauvreté emmène des personnes à faire des choses terribles. Dans cet endroit des gens ont enterré leurs morts parce qu’ils n’ont pas les moyens. Ça aussi c’est une réalité. Raison pour laquelle, je dis qu’il faut des enquêtes sérieuses et que les responsabilités soient situées. Aussi, j’insiste pour dire qu’il ne faudrait pas qu’on accuse la Fesci a priori. Je suis contre cela.
Que répondez-vous quand des personnes soutiennent que Mian Augustin, tout en étant avec Gbagbo, était en connexion avec des cadres du RHDP pour se retrouver dans une position plus confortable que certains de ses camarades qui sont aujourd’hui en exil ?
Quand j’ai lu cette information, ça m’a fait rire. Je me suis dit que les gens ne me connaissent pas. Si je suis en vie aujourd’hui, je remercie simplement Dieu. Ce que les gens ne savent pas dans un conflit , c’est que si on ne maîtrise pas ta position, on te tue vite. Il ne faudrait pas que les gens collent ma présence en Côte d’Ivoire à une quelconque amitié au sein du RHDP. Je suis resté parce que j’ai estimé que de là où j’étais, je pouvais rentrer. Des personnes sont allées en exil et elles sont décédées là-bas. Pour avoir la vie sauve, ce n’est pas d’être hors de la Côte d’Ivoire, je peux aller au campement chez moi et avoir la vie sauve. J’insiste pour dire quand tu es à gauche et à droite en même temps, c’est plutôt là , qu’on te tue rapidement parce que tu es le vrai traître. Et moi je n’ai jamais été traître. Si j’avais été traître, je serais déjà mort. Je n’ai pas soufflé le chaud et le froid pour avoir la vie sauve.
A quelle Fesci doit-on s’attendre dans l’avenir ?
Il faut s’attendre à une nouvelle Fesci parce que quoi qu’on dise, l’histoire évolue. Et quand l’histoire évolue, le contexte nous permet de poser d’autres réflexions. Et quand tu es étudiant, tu es amené à faire avancer la société. En fonction de la société qui se présente à toi aujourd’hui, il faut adapter ton intelligence. Il faut créer, d’où une nouvelle Fesci qui va voir le jour. Je quitterai bientôt la tête de la Fesci mais, j’ai confiance aux futurs responsables de la structure. Je pense qu’ils sauront s’adapter au nouveau contexte pour faire avancer la société. Je veux profiter de l’occasion pour demander aux personnes qui continuent de diaboliser la Fesci, d’arrêter. On peut se tromper, faire même des erreurs graves mais quand on est en train de changer, il faut donner cette chance pour qu’on change. En ma qualité de secrétaire général de la Fesci, pour tout ce que nous avons fait et qui n’était pas digne, il faut que les Ivoiriens nous pardonnent.
Réalisée par Raymond Dibi
Comment se porte Mian Augustin ?
Je me porte bien. Mais, il faut dire que je ne me promène plus comme avant. Je vais là où on m’appelle. Je vais là où je pense que j’ai une rencontre au nom des étudiants, au nom des élèves ou je vais à une rencontre familiale très sérieuse. Honnêtement, mes sorties sont limitées.
Un an après la fermeture des universités publiques, que devient la Fesci ?
Avant de dire que devient la Fesci, je pense que nous devons avoir une pensée pieuse pour tous les Ivoiriens, y compris les élèves et étudiants qui sont tombés lors de la crise postélectorale. La crise a profondément affecté toute la Côte d’Ivoire. Et elle a affecté aussi les élèves et étudiants, d’où la Fesci. On sort d’une épreuve terrible. Toute la Côte d’Ivoire était confuse. Il n’y a pas un Ivoirien qui a été épargné. Au sortir d’une telle situation, il est bon de prendre du recule et tout doucement essayer de se relever. C’est ce que la Fesci est en train de faire. Honnêtement, nous avons été beaucoup fragilisés. Il y a des camarades élèves ou étudiants qui sont hors du pays. D’autres sont à l’intérieur du pays et ne peuvent pas venir à Abidjan. Ces faits sont donc des facteurs d’affaiblissement. Mais, aujourd’hui, avec l’évolution des choses, je peux dire que la Fesci commence à se porter de mieux en mieux. Les responsables de la structure sont désormais là. La crise a fait que chacun, pour préserver sa vie, s’était terré. Comme la situation se normalise, tous ceux qui étaient cachés commencent à ressortir même s’il y a encore quelques craintes.
Vous évoquiez à l’instant que beaucoup de vos camarades sont hors de la Côte d’Ivoire. Une question qui a été débattue au cours de votre rencontre avec le Premier ministre, il y a quelques jours. Pouvez-vous revenir sur ce rendez-vous ?
A partir du moment où la structure se reconstitue, les responsables se retrouvent et on commence à se réunir pour réfléchir sur l’Ecole, l’avenir des élèves et étudiants et même d’une façon générale sur l’avenir de la Côte d’Ivoire elle-même parce que nous sommes des étudiants, en ce moment là, on s’adresse aux personnes indiquées pour échanger avec elles sur la situation de l’Ecole et c’est dans cette dynamique que nous avons rencontré le Premier ministre. Mais, il faut dire qu’auparavant, il y a eu plusieurs échanges avec notre ministère de tutelle qui nous a toujours reçu, toutes les fois que nous avons manifesté la volonté de le rencontré. Cette fois, il s’agissait de dire à l’opinion que les étudiants sont là, que la Fesci est là et qu’on continue de réfléchir sur l’école ivoirienne. Nous avons demandé au Premier ministre qu’il y ait un séminaire qui va regrouper tous les acteurs et partenaires du système éducatif pour réfléchir sur la redynamisation de l’Ecole ivoirienne. Nous l’avons aussi sollicité pour qu’il œuvre afin que nos amis qui sont hors du pays puissent rentrer en Côte d’Ivoire parce qu’on doit, reprendre les cours en septembre prochain. Je tiens à la rentrée universitaire car c’est un grand rendez-vous de retrouvailles, de pardon et de réconciliation. Il y a toutes les sensibilités religieuses, politiques,…, à l’université et ce sont plus de 60 000 étudiants qui vont se saluer, partager les mêmes amphithéâtres, les mêmes laboratoires, qui vont fréquenter les mêmes enseignants, cela aidera, à un certain niveau, à la réconciliation nationale.
Dans cette dynamique de réflexion sur l’école ivoirienne, la conférence des présidents des universités publiques a décidé de la suppression du ‘’parapluie atomique’’ et du renvoi de 5800 étudiants qui ont fait 8 voire 10 ans en licence ou en maîtrise. Mian Augustin est-il concerné par cette décision ?
Non ! Je ne suis pas concerné pas cette décision. Je ne fais pas dix ans en licence ni dix ans en maîtrise. Mais, on peut estimer tout mon cursus à pratiquement dix années.
D’une façon générale, quel est l’avis du secrétaire général de la Fesci sur cette décision de renvoyer 5800 étudiants ?
C’est une décision qui est très grave et elle n’est pas la bienvenue. Renvoyer 5800 étudiants, c’est accroître le taux de chômage, avec le risque de créer une situation qui peut avoir des effets négatifs dans le bon fonctionnement de la société. Une chose est de prendre une décision, une autre est de l’appliquer. L’autorité a une volonté d’assainir l’université, c’est normal. Mais je ne pense pas qu’au sortir d’une crise où toute la Côte d’Ivoire s’est affaissée, où tout le monde a été ébranlé, où on parle de cherté de la vie, que ce soit ce moment qu’il faut pour augmenter la souffrance de la jeunesse. J’estime qu’on peut prendre des décisions, et les appliquer dans le temps parce qu’on a une ambition de redorer l’image d’une institution comme l’université. Nous ne combattons pas cette décision, mais c’est sa mise en œuvre qui nous interpelle. Il est clair qu’il faut assainir l’université. Il faut qu’on ait une université digne de ce nom. Mais, il est bon de trouver la formule pour donner une dernière chance à tous ceux qui sont dans cette situation irrégulière. Aujourd’hui, il y a trois générations de bacheliers qui attendent de rentrer à l’université. Depuis 2009, il y a des gens qui ont eu leur Bac et qui n’ont pas encore fait leur premier pas à l’université. Voici autant de temps que perd l’étudiant quand il a le Bac ou lorsqu’il met les pieds à l’université. Honnêtement, ce n’est pas la faute à l’étudiant seul. Il n’y a pas un étudiant digne ce nom qui a étudié pour avoir son baccalauréat et qui a envie de s’éterniser à l’université ou qui ne veut pas en quatre, tout au plus en cinq ans ou six ans obtenir sa maîtrise.
Pour vous, cette situation n’est pas le fait des étudiants seulement ?
Justement. Je profite de cette question pour dire aux uns et aux autres, qu’il ne s’agit pas de critiquer à tout bout de champ la Fesci. Ceux qui ont bien observé savent, depuis que je suis arrivé à la tête de la structure, nous n’avons jamais perturbé l’université. Nous n’avons jamais lancé un mot d’ordre de grève de nature à perturber l’université. Même un coup de sifflet, il n’y en a pas eu sur le campus. Et pourtant, l’université n’a pas fonctionné correctement. En fait, le reflet d’une université, c’est le reflet de la société. De la façon dont la Côte d’Ivoire se présente, c’est comme ça l’université se présente. Il n’y avait plus de repère. L’Ecole était abandonnée et chacun faisait ce qu’il voulait faire. Nous étions dans un système où on tournait en rond. Quelle est la part de responsabilité des étudiants qui ont eu leur Bac en 2009 et qui depuis environ trois ans, attendent toujours pour faire leurs premiers pas à l’université ? Loin d’encourager la médiocrité, je voudrais dire que les étudiants ne sont pas les seuls responsables de cette situation. La faute est collective. C’est pourquoi, nous devons nous asseoir pour réfléchir et dire désormais comment les choses vont se passer. Tout ceci ramène au séminaire que nous avons évoqué. Même en France, récemment le nouveau Premier ministre a dit qu’il faut faire une concertation sur le rythme scolaire. C'est-à-dire qu’on va aviser tous les acteurs du système éducatif pour redynamiser l’école. Et c’est ce que nous demandons ici en sollicitant un séminaire.
Dans ces décisions, il y aussi l’augmentation des frais d’inscription dans les universités publiques…
Cette question existe il y a longtemps. Par le passé, on avait annoncé un montant de 50 000 FCFA, ce qui n’a pas rencontré l’assentiment des étudiants. Cette fois, on est plus prudent, on a annoncé la décision sans fixer de montant. Je me félicite du fait qu’il y aura un cadre de concertation pour trouver une décision consensuelle à ce niveau. L’un dans l’autre, cela va dans le sens du séminaire qui va englober toutes ces questions. Si par le passé, les étudiants se sont opposés à l’augmentation des frais d’inscription, c’est parce qu’il y a eu crise de confiance. Les parents d’élèves, je veux parler des gestionnaires à l’époque de la filière café-cacao, ont injecté près de deux milliards FCFA à l’université mais, on n’a pas vu à quoi cela a servi. Cet argent n’a pas profité à l’université. A partir du moment où il y a eu deux milliards de FCFA qui ont disparu et qu’après il y a près de 500 millions qui sont partis dans le vent, une crise de confiance s’est installée. On demande aux étudiants de cotiser mais sur quelle base ? L’argent va servir à quoi ? Comment il va être géré ? Voilà autant de questions qui ont conduit, par le passé, les étudiants à ne pas accepter une augmentation des frais d’inscription.
L’actualité, ces temps-ci, ce sont les découvertes d’ossements humains sur les sites universitaires. Un doigt accusateur est déjà pointé vers la Fesci. Que répond Mian Augustin ?
D’abord, je m’incline devant les dépouilles de ces ossements humains. Ce sont des Hommes qui ont été tués et enterrés de cette façon. Ce qui est regrettable. Mais je l’ai dit, la crise était tellement profonde, qu’il y a eu des choses terribles qui se sont passées. Et au jour d’aujourd’hui, honnêtement, sans une enquête sérieuse et responsable, vous ne pouvez pas sur des faits non constitués, sur des appréhensions, accusez X ou Y. C’est pourquoi, lorsqu’il y a eu une découverte pareille au campus de Cocody, au début des travaux de réhabilitation de l’université, nous avons dit qu’il faut une enquête de sorte qu’on puisse situer les responsabilités. Sinon à ce rythme là, on va accuser tout le monde parce qu’après cette grave crise où les morts jonchaient les murs un peu partout à Abidjan, des ossements humains peuvent se trouver derrière la maison de tout le monde. Surtout que, pour empêcher la putréfaction, des corps ont été brûlés. Tout ceci, pour dire qu’a priori, ce sont des accusations qui ne sont pas fondées. Des ossements humains ont été découverts au bord de la plage, non loin de la cité universitaire à Port-Bouët. Je ne me défends pas systématiquement, mais je me dis il faut faire attention. La mer est ce qu’elle est. Et à côté de la cité vivent des riverains. Je prends le cas du campus de Cocody où trois à quatre villages existaient depuis 1958, avant même la création de l’université et qui ont cohabité avec ce temple du savoir. Non loin aussi du Chu de Cocody, au niveau de la morgue, il y a eu des choses terribles qui se sont passées. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, la pauvreté emmène des personnes à faire des choses terribles. Dans cet endroit des gens ont enterré leurs morts parce qu’ils n’ont pas les moyens. Ça aussi c’est une réalité. Raison pour laquelle, je dis qu’il faut des enquêtes sérieuses et que les responsabilités soient situées. Aussi, j’insiste pour dire qu’il ne faudrait pas qu’on accuse la Fesci a priori. Je suis contre cela.
Que répondez-vous quand des personnes soutiennent que Mian Augustin, tout en étant avec Gbagbo, était en connexion avec des cadres du RHDP pour se retrouver dans une position plus confortable que certains de ses camarades qui sont aujourd’hui en exil ?
Quand j’ai lu cette information, ça m’a fait rire. Je me suis dit que les gens ne me connaissent pas. Si je suis en vie aujourd’hui, je remercie simplement Dieu. Ce que les gens ne savent pas dans un conflit , c’est que si on ne maîtrise pas ta position, on te tue vite. Il ne faudrait pas que les gens collent ma présence en Côte d’Ivoire à une quelconque amitié au sein du RHDP. Je suis resté parce que j’ai estimé que de là où j’étais, je pouvais rentrer. Des personnes sont allées en exil et elles sont décédées là-bas. Pour avoir la vie sauve, ce n’est pas d’être hors de la Côte d’Ivoire, je peux aller au campement chez moi et avoir la vie sauve. J’insiste pour dire quand tu es à gauche et à droite en même temps, c’est plutôt là , qu’on te tue rapidement parce que tu es le vrai traître. Et moi je n’ai jamais été traître. Si j’avais été traître, je serais déjà mort. Je n’ai pas soufflé le chaud et le froid pour avoir la vie sauve.
A quelle Fesci doit-on s’attendre dans l’avenir ?
Il faut s’attendre à une nouvelle Fesci parce que quoi qu’on dise, l’histoire évolue. Et quand l’histoire évolue, le contexte nous permet de poser d’autres réflexions. Et quand tu es étudiant, tu es amené à faire avancer la société. En fonction de la société qui se présente à toi aujourd’hui, il faut adapter ton intelligence. Il faut créer, d’où une nouvelle Fesci qui va voir le jour. Je quitterai bientôt la tête de la Fesci mais, j’ai confiance aux futurs responsables de la structure. Je pense qu’ils sauront s’adapter au nouveau contexte pour faire avancer la société. Je veux profiter de l’occasion pour demander aux personnes qui continuent de diaboliser la Fesci, d’arrêter. On peut se tromper, faire même des erreurs graves mais quand on est en train de changer, il faut donner cette chance pour qu’on change. En ma qualité de secrétaire général de la Fesci, pour tout ce que nous avons fait et qui n’était pas digne, il faut que les Ivoiriens nous pardonnent.
Réalisée par Raymond Dibi