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Politique Publié le mardi 22 mai 2012 | Le Nouveau Courrier

Ouattara divise les Ivoiriens et compromet la réconciliation

Le chef d’Etat Alassane Ouattara a fait dimanche 20 mai 2012, sur les antennes de RFI, son bilan annuel. En répondant aux questions d’Alain Foka, le président ivoirien s’est illustré de la triste façon en divisant les Ivoiriens et en méprisant leurs souffrances. Dans ces lignes, le délégué national au système monétaire et financier, Dr Prao Yao Séraphin revient sur certains points de cette interview.

1.Sur la question de la justice à deux vitesses

Interrogé sur l’extradition précipitée de l’ancien président de la République, Laurent Gbagbo, le chef de l’Etat Alassane Ouattara s’est voulu très nette : «L’ancien président est à la place qu’il mérite. Puisqu’il a commis des crimes graves, des crimes contre l’humanité. Il est jugé à La Haye parce que, jugé ici, cela aurait donné le sentiment que la justice n’est pas équitable. Là où il est, la justice est réputée indépendante, elle est équitable. Tournons cette page». Pour LIDER, il convient de ne pas tourner aussi facilement cette page.
D’abord, le président Ouattara confond vitesse et précipitation. C’est n’est pas à lui de dire que l’ancien président a commis des crimes contre l’humanité, il revient à la cour pénale internationale de le dire lorsqu’elle dira le droit. Le comportement du chef de l’Etat dénote bien d’un acharnement judiciaire contre l’ancien président.
Lorsqu’Alain Foka demande au président Ouattara si Laurent Gbagbo doit être seul à être juger à la Haye pendant que des militaires ont combattu pour lui, il répond en affirmant qu’il a mis en place, il y a près de neuf mois, une commission nationale d’enquête. Si une commission nationale d’enquête est créée alors pourquoi l’extradition précipitée de l’ancien président ? Le président Ouattara n’est pas logique. En Côte d’Ivoire, deux camps se battaient, deux armées donc. Il est incompréhensible que ce soit seulement le camp de l’ancien Président qui soit coupable et non le camp du président Ouattara.
Et pourtant, un rapport publié en 2011, par Amnesty International intitulé : «Nous voulons rentrer chez nous mais nous ne pouvons pas» clarifie tout. A la page 16 de ce rapport, il est écrit : «Si fin avril et début mai2011, les crimes au regard du droit international pouvaient être attribués aux deux parties auconflit, à partir de la mi-mai, ce sont les FRCI et les Dozos qui se sont rendus responsables de la majorité de ces crimes».
A la page 17 du même rapport, on note ceci «Les FRCI sont désormais largement déployées à travers la Côte d’Ivoire. Mais dans plusieurs régions, la simple présence et le comportement des FRCI sont une source de très grande insécurité. Les FRCI n’ont pas encore gagné la confiance des nombreux groupes ethniques qui ont été la cible d’attaques depuis l’offensive générale lancée par les FRCI contre Laurent Gbagbo fin mars 2011.» Selon Amnesty International, depuis l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril2011, les FRCI ont commis des crimes au regard du droit international à Abidjan, en particulier dans le quartier de Yopougon. Lorsqu’ils étaient à Abidjan en juin 2011, les délégués d’Amnesty International ont recueilli de nombreux récits de première main, provenant notamment de témoins oculaires, relatifs à des crimes au regard du droit international commis par les FRCI. Il semble que, demanière générale, les hommes jeunes qui ont l’air d’être «costauds» courent un risque particulier d’être la cible d’attaques car ils sont présumés avoir été membres des milices pro-Gbagbo. En dehors du rapport d’Amnesty International, sous nos yeux, les FRCI ont tué à Vavoua, à Arrah, à Abidjan, à Bonon, etc.
C’est le Président Ouattara qui a pris une ordonnance portant création des Forces Républicaines de Côte d`Ivoire (FRCI), il est donc responsable des tueries de son armée.
Sur les antennes de RFI, il disait à propos de l’ancien Président ceci : «Il a été le chef suprême des Armées et cette Armée a tué plus de 3000 personnes. Je ne voudrais pas insister sur cette question. Parler trop de cela voudrait dire que nous voulons nous mêler de ce que la justice va faire à La Haye. Laissez La Haye faire son travail».
Le Président Ouattara est lui aussi le responsable suprême des FRCI. Il a prêté serment de défendre et de protéger les Ivoiriens or les FRCI tuent les Ivoiriens dans l’indifférence totale du Président de la république. La Cour pénale internationale gagnerait en crédibilité en poursuivant non seulement les anciens chefs de guerre mais également celui qui a créé les FRCI. Francis Bacon ne disait-il pas que la vengeance est une justice sauvage ? Méditons sur ce que disait le poète Térence : «La justice extrême est une extrême injustice».

2.Sur la question de l’endettement

Lorsque Foka lui demandait si en atteignant le point d’achèvement de l’initiative PPTE, cela ne va pas arranger la situation en Côte d’Ivoire, le président ivoirien, apôtre de l’endettement renie ses convictions. Il dit ceci : « Vous savez, il faut que les Africains arrêtent de penser à l’aide extérieur pour résoudre nos problèmes. C’est avec notre argent et le contrôle de nos dépenses que nous résoudrons nos problèmes en Côte d’Ivoire… ».
C’est seulement maintenant que le Président OUATTARA appréhende que le surendettement d’un pays compromet sa croissance à long terme et sa capacité à se développer et à lutter contre la pauvreté. C’est maintenant qu’il se rend compte que l’endettement excessif réduit les ressources disponibles pour l’investissement et les dépenses sociales. Il diminue également la crédibilité du pays concerné auprès des bailleurs et investisseurs potentiels. C’est seulement maintenant que le Président OUATTARA comprend que les gouvernements très sensibles à l’aide extérieure doivent s’interdire de rêver car les missions messianiques de bienfaisance sont intimement des missions colonisatrices. C’est maintenant qu’il sait que l’aide sans limites aux gouvernements africains a créé la dépendance, encouragé la corruption et enfin perpétué la mal-gouvernance et la pauvreté.
Au lieu de chercher à augmenter les recettes fiscales et de réduire les dépenses ostentatoires de l’Etat pour jeter les bases d’un développement autocentré, le Président OUATTARA endette le pays sans notre avis. Tout ce qu’il sait faire, c’est endetter le pays alors que l’économiste-président devrait s’atteler à faire baisser les prix des denrées alimentaires qui affaissent le pouvoir d’achat des Ivoiriens. Sur ce point, son gouvernement est incapable.

3.Sur la question du rattrapage ethnique

Lorsqu’on l’interroge sur la question du rattrapage ethnique, le Président OUATTARA trouve que ce sont des mots creux. « Je ne vois pas qu’est-ce qu’il y a à rattraper. Il n’y a rien du tout à rattraper » dit-il. Le Président OUATTARA a bel et bien fait du rattrapage dans notre pays, il a divisé les Ivoiriens. En effet, une grande partie des Ivoiriens se sent exclue par la politique de « rattrapage » de Ouattara qui consiste à privilégier les ressortissants du Nord sur le marché du travail. Or lorsqu’on vous exclut du marché du travail, on vous exclut également du partage des richesses. L’égalité des places et l’égalité des chances ont disparu dans notre pays sous son règne.
Le pays fonctionne actuellement en mode «rattrapage» comme il l’a annoncé. A la police, à la gendarmerie, dans l’administration, si vous n’êtes pas de la bonne région ou de la bonne religion, vous n’aurez jamais une promotion. L`exclusion des populations du Nord, au nom de laquelle les anciens rebelles devenus Forces Nouvelles et enfin FRCI et leurs chefs ont pris les armes, est plus que jamais d`actualité sous leur «règne». Le président Ouattara sait-il ce qui se passe dans le cœur des autres habitants de ce pays? Le pouvoir n’étant pas éternel, que deviendront ceux qui profitent aujourd’hui des largesses du Président Ouattara ?
Par Dr Prao Yao Séraphin
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