Un président de la République bastonné dans son bureau. Qui l’eût cru? Et pourtant c’est ce qui s’est passé lundi dernier au Palais de Koulouba à Bamako. Le président Dioncounda Traoré a été rossé par une foule venue lui demander des comptes après sa reconduction pour un an à la tête de la République du Mali. La foule surexcitée s’en est sauvagement pris au chef de l’Etat malien manquant de le faire passer de vie à trépas. Le malheureux président s’en est tiré avec des blessures et les vêtements en lambeaux. Cette nouvelle qui a fait le tour du monde est le comble de la honte et achève de positionner l’Afrique à la tête du hit parade de l’inconséquence. En s’en prenant physiquement au président Traoré, les auteurs et leurs commanditaires sont allés trop loin. A travers l’agression de celui qui dirige la transition politique au Mali, c’est la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest qui est visée. Les commanditaires de cet acte aussi stupide qu’inacceptable, lancent ici un message au président en exercice de l’organisation sous-régionale et à ses pairs. Un véritable pied de nez. «Nous n’avons que faire de vos décisions à la noix», répondent-ils aux dernières résolutions prises par le Conseil des ministres extraordinaire de la CEDEAO tenu les 18 et 19 mai dernier à Abidjan. Et les vrais auteurs de ce spectacle qui n’honore pas l’Afrique ne sont pas à chercher loin de la junte militaire qui a perpétré le coup d’Etat du 22 mars dernier. Sinon comment comprendre que cette foule, venue manifester leur «mécontentement» 48 heures après le soutien sans équivoque de la CEDEAO au président Traoré, ait réussi à avoir accès aussi facilement aux bureaux du chef de l’Etat malien et agir de la sorte sans être inquiétée. La vérité est que depuis le début de la crise politique au Mali, la junte désavouée par la communauté internationale joue à un jeu trouble. Le capitaine Amadou Haya Sanogo et ses camarades acceptent difficilement leur «mise à l’écart» du processus de transition. C’est d’abord la mort dans l’âme que la junte a consenti de rétablir l’ordre constitutionnel sous l’intransigeance et la fermeté de la CEDEAO et la communauté internationale. Ensuite, la fin de non-recevoir que le capitaine Sanogo a reçu lorsqu’il avait manifesté le désir de prendre la tête de la transition à la fin du délai constitutionnel accordé au président Traoré pour organiser les élections, a été perçu comme une véritable gifle par les membres de la junte. Aujourd’hui, à défaut d’obtenir par la force le pouvoir tant convoité, ils utilisent la ruse en manipulant une partie de la population pour assouvir leurs bas desseins. Le capitaine Sanogo n’a aucunement l’intention de lâcher le pouvoir. Derrière toute cette violence se trouve sa marque. Il n’est donc pas normal que des sous-fifres sortis de nulle part s’amusent avec l’avenir du Mali voire de toute la sous-région. Car un Mali durablement déstabilisé est une menace à terme pour la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, la Guinée, le Niger et même le Sénégal. Le spectre islamique est plus que jamais aux portes des Etats de la sous-région. Si on laisse les hommes de Kati continuer de défier le monde entier, c’est tout le monde qui en pâtira, y compris la communauté internationale. C’est pourquoi, il urge ici et maintenant, de mettre un terme à la tragi-comédie qui se joue actuellement à Bamako. Il est temps de sonner la fin de la récréation.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly