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Afrique Publié le samedi 26 mai 2012 | Le Mandat

Mandature de Valéry Bony : Leurre démocratique

Rien à cirer ! La réponse des partisans du Capitaine Amadou Haya Sanogo à l’accord conclu le week-end dernier entre les putschistes, les autorités intérimaires maliennes et la CEDEAO qui s’est traduite par le lynchage - le mot trahit la violence et la perfidie de l’acte - du Pr Dioncounda Traoré, se trouve résumée dans cette boutade. Comme pour signifier à l’organisation régionale qu’elle peut se mettre ses menaces de sanction contre les auteurs d’entrave à la transition là où ils pensent, les militaires favorables à l’homme fort de Bamako ont rajouté une couche à l’humiliation subie par le président intérimaire. Le journal malien, Le Républicain, nous apprend que l’ex-président de l’Assemblée nationale a été bloqué pendant deux heures à l’aéroport de Bamako-senou. « Le Président de la République, le Pr Dioncounda Traoré a été empêché de quitter Bamako pour se rendre à Paris pour les soins approfondis que son état de santé nécessite. S’il a fini par s’envoler pour la France c’est, selon des sources crédibles, à la suite de l’intervention personnelle du premier ministre Cheikh Modibo Diarra (…) Dioncounda a été empêché de décoller de l’avion présidentiel qui le transportait par des militaires en faction à l’aéroport… »,peut-on lire dans cet extrait de l’article qui relate, avec force de détails, le fil de l’agression du septuagénaire. Aussi surréalistes qu’ils puissent paraitre, les évènements de cette semaine à Bamako, source d’inspiration pour une production cinématographique en lice dans la catégorie du César du meilleur scénario, au festival de Cannes qui se déroule actuellement, n’auraient pu se produire ailleurs qu’en Afrique ! Il n’y a que sous nos cieux d’attardés que des quidams, en panne d’ingéniosité lorsqu’il s’agit de trouver des solutions aux maux de leurs pays, puissent échafauder et mettre à exécution des idées que Machiavel leur envierait. Bastonner un président fût-il intérimaire, ça ne s’est jamais vu auparavant. En dépit de toute la haine et le mépris que voue une frange de l’opinion à celui qui incarne l’unité nationale, elle s’est gardée, jusque-là, de cette ignominie. Dans nos sociétés, le respect dû aux ainés reste encore de mise, malgré la récurrence des actes de défiance. Et battre une personne du troisième âge, constitue une infamie qui porte malheur. Pour le Pr Dioncounda, battu par des individus dont certains pourraient être ses enfants ou ses petits-fils, il n’est pas évident que les eaux du «Djoliba » puissent laver son honneur souillé. Voila pour la portée morale de cette honteuse parenthèse à refermer rapidement. Politiquement, l’homme voudra-t-il, après un tel déshonneur, continuer d’assurer l’intérim de la transition au Mali ? A cet âge, on attend moins d’un pays que l’inverse. Moins encore d’un pays qui n’en veut pas. C’est l’une des donnes avec laquelle la CEDEAO va devoir faire, désormais, dans la gestion du dossier malien. Elle qui, par la voix du chef de la diplomatie burkinabé, Djibril Bassolé, émissaire du médiateur Blaise Compaoré, déclarait ne pas avoir de plan B. Dans le bourbier malien, la CEDEAO diplomatiquement embourbée, a naïvement cru qu’il suffisait de petits arrangements attribuant le statut d’ancien chef de l’Etat à un putschiste et quelques avantages pour obtenir une transition apaisée. Un grave précédent dénoncé par les observateurs que l’instance régionale s’efforce d’assimiler à une concession qui, paradoxalement, ruine les acquis de vingt ans d’essai démocratique. A suffisance, le caractère réducteur de cette décision de la CEDEAO a été démontré pour s’y étaler davantage. Que reste-t-il du modèle démocratique malien ? Cité en exemple il n’y a pas si longtemps, il s’est effondré en même temps que chutait le Général Amadou Toumani Touré, son instigateur. Le consensus qui avait jusque là prévalu et assuré au Mali une certaine stabilité n’est plus qu’un lointain souvenir. C’est hélas l’un des drames du continent. Les institutions fortes qui devraient garantir la pérennité de la démocratie demeurent un vœu pieux. Avec des parlements fussent-ils multicolores qui ne demeurent pas moins la chasse-gardée des partis au pouvoir, des oppositions théoriques, sans ligne de conduite claire et incapables de contradiction constructive dont l’agenda se résume à attendre leur tour pour commettre les erreurs qu’elles décrient, une fois au pouvoir, une justice en déficit de crédibilité et corrompue dont les verdicts dépendent plus de la météo politique que du droit, des médias qui peinent à arracher leur indépendance, des populations plongées dans une léthargie suicidaire et dans l’espérance du messie qui viendrait les délivrer des chaines de leur servitude volontaire, la transformation de l’essai en démocratie reste un challenge énorme. Certes, des élections sont organisées à des périodes régulières. Des alternances se produisent parfois, mais cela suffit-il pour décerner le label démocratique à nos Etats ? Certainement pas ! Surtout que, souvent, les acquis reposent sur soit sur la volonté, le charisme, l’aura soit sur l’omnipotence et l’omniprésence d’un homme fort. Après lequel c’est forcément le déluge. Comme un château de cartes, ces avancées s’effondrent au premier coup de vent. Quelques heures de combats dans les rues de Bamako n’ont-ils pas suffi à mettre à terre ce que maintes observateurs percevaient, par illusion, comme la démocratie au Mali ? Un leurre démocratique en réalité.
BONY VALERY
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