Les signaux qui se dégagent du sommet de l’Etat depuis le 22 mai dernier ne sont guère rassurants pour les citoyens, qui gèrent une parcelle de pouvoir. A commencer par les membres du gouvernement, surtout ceux qui ne sont pas issus du Rassemblement des républicains (RDR). Ils doivent certainement être tétanisés par le coup de massue pris par le désormais ex-ministre de l’Intégration africaine, Adama Bictogo. Il a été dégommé suite à son implication dans la gestion d’une partie des fonds versés par Trafigura (la société néerlandaise affréteuse du navire polluant, Probo Koala, en 2006) aux victimes des déchets toxiques. Indubitablement, on peut le dire, il est le sacrifice fait par Alassane Ouattara sur l’autel de la conscience populaire, avant d’engager son combat contre l’impunité annoncé dès l’entame de son mandat. En effet, il était, jusqu’à ce 22 mai, impensable, pour qui a eu l’occasion de mesurer la profondeur des liens entre les deux hommes, que le chef de l’Etat soit capable de prendre une telle décision à l’encontre d’Adama Bictogo. Car, au-delà de ses relations personnelles avec Alassane Ouattara, l’ex-ministre de l’Intégration africaine est aussi un membre influent du Rassemblement des républicains (RDR), parti au pouvoir. Donc, logiquement bénéficiaire d’un double protectorat. Et pourtant, il a été emporté par un scandale auquel il n’est pas mêlé au premier plan. Si Ouattara et le RDR l’ont permis, il n’y aurait pas de raison qu’ils accordent leur miséricorde à un autre citoyen, fut-il membre d’un parti allié. C’est là que réside tout le principe d’une hantise des membres du gouvernement, particulièrement ceux issus des autres partis membres du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui se croyaient jusque là, au nom de l’alliance, à l’abri d’un dégommage. Une peur que partageraient, sans aucune hésitation, les directeurs généraux des régies financières et autres sociétés pourvoyeuses de fonds à l’Etat. L’impunité ayant fait son lit en Côte d’Ivoire depuis plus d’une décennie, il ne serait pas surprenant que l’on découvre encore, les jours à venir, des actes de mauvaise gouvernance et d’autres sujets de scandale dignes de sanctions. Comme Bictogo, elles sont légion, les personnalités qui trainent des casseroles constituées de dossiers sales. Qui, inévitablement, finiront par être captées par les radars de la bonne gouvernance, si ce n’est déjà fait. Dans ce cas de figure, le cas de l’ex-ministre de l’Intégration africaine se présente comme le cercueil du bossu, qui permet à ses pairs d’avoir une idée de la façon dont ils seront inhumés… politiquement.
Par Ulrich Mouahet
Par Ulrich Mouahet