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Société Publié le mardi 5 juin 2012 | Trait d’Union

Déversement des déchets toxiques / Aboubakaré Ouattara (Pdt de l’Ong UVDTAB) : «Adama Bictogo n’est pas seul »

Le président de l'Union des victimes de déchets toxiques et banlieues (UVDTAB), une Organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme et de l’environnement, Aboubakare Mavin Ouattara, interpelle les autorités ivoiriennes face aux dangers que courent les victimes des déchets toxiques six ans après leur déversement à Abidjan et banlieues. Il souhaite le payement les indemnités des personnes qui souffrent dans leur chaire.

Combien de membres comptez-vous dans votre ONG et où en êtes-vous avec le processus d'indemnisation des victimes?

Il y a plusieurs catégories de victimes, certains ont perçu les 200 mille francs Cfa de l'Etat de Côte d'Ivoire et d'autres ont eu des soins dans les formations sanitaires de l'Etat. Nous constatons, avec beaucoup d'amertume, que nombreuses sont des victimes qui n'ont pas encore reçu un centime. Les victimes qui se sont faites consulter dans des centres de santé non agréés par l'Etat de Côte d'Ivoire sont des laissé-pour-compte. Nous dénombrons plus de 100 mille cas. En ce qui concerne la procédure que nous avons engagée à la Haute cours de Justice de Londres, et que nous suivons, nous comptons environ 100 mille victimes. Le processus d'indemnisation est vague. Après l'accord, le 13 février 2007 à Ouagadougou, 100 milliards F Cfa ont été répartis entre les victimes économiques et humaines ainsi que la dépollution des sites. On se rend compte que, concernant l'indemnisation des victimes ambulatoires, aucune action n'est posée à ce jour par les autorités. Nous dénombrons environ 30 mille victimes sur les 95250 qui n'ont pas encore perçu les 200 mille francs Cfa. La procédure était compliquée d'autant que les noms des victimes étaient mal écrits, avec l'affluence qu'il y avait dans les hôpitaux. Aujourd'hui quand on fait un calcul simple en multipliant les 30 mille victimes par 200 mille francs Cfa, on se rend compte qu'il reste une somme importante à distribuer aux victimes. Il convient de rappeler que cette indemnisation a été possible grâce à une action d'un cabinet anglais appuyée par le chef du village de Djibi, ‘’Ezai Moto and other’’. 30 mille personnes devaient être indemnisées grâce à ‘’Action class’’, suite à un accord à l’amiable avec la société multinationale ‘’Trafigura’’ en 2009. Aujourd'hui, 6 mille victimes n'ont pas encore perçu les 750 mille francs Cfa comme annoncé. Je pense que ces victimes doivent retrouver leur dignité bafouée après le déversement des déchets toxiques, quand on sait que les autorités ivoiriennes n'ont rien fait pour elles. Ces victimes doivent également rentrer en possession des 750 mille francs Cfa qui ne sont pas des indemnisations mais des contentements, parce qu'aucune étude n'a été faite sur les victimes avant de les indemniser. Une indemnité a été faite sans tenir compte des cas de chaque malade. Tous les malades n'avaient pas les mêmes maux. Il faut qu'on paie leur 750 mille francs.

A quelle étape d’indemnisations des victimes êtes-vous?

Il faut reconnaître que l'ONG n'est pas engagée dans cette procédure. L'indemnisation des victimes ne nous concerne pas directement parce qu'elles sont allées voir de façon individuelle le cabinet anglais. Cependant indirectement nous sommes concernés, c'est la raison pour laquelle nous nous battons pour que ces personnes perçoivent leur argent.
Quand les 6 mille victimes restantes rentreront-elles en possession des 750 mille francs Cfa?

Savez-vous qu'il reste à ce jour 4,5 milliards F Cfa? Nous avons adressé une lettre à l'Etat de Côte d'Ivoire pour la gestion des 100 milliards de francs Cfa, également pour la gestion des 22,5 milliards francs Cfa, pour qu'un audit soit fait afin que les responsabilités soient situées et que l'Etat de Côte d'Ivoire prenne également ses responsabilités. Les nouvelles autorités prônent la séparation des pouvoirs, nous espérons que chacun fera son travail. A la lumière du dernier développement de l’actualité, certaines personnalités ont été citées dans une affaire de 6 milliards de francs Cfa.

Le processus d'indemnisation des victimes coince. Est-ce qu'il y a-t-il un lien avec « le détournement » d'Adama Bictogo?

Je voudrais vous dire merci. On ne peut pas condamner sans audition. Plusieurs personnes racontent que l'ex-ministre de l'Intégration Africaine, Adama Bictogo est coupable. Je dis à ces personnes qu'on ne peut pas le condamner sans audition. Pour nous c'est une présomption d'innocence. Il faut que les enquêtes déterminent la culpabilité d'Adama Bicgto.

Ce que nous savons, c'est qu'à l'époque, l'accusé avait un cabinet de consultance. C'est à ce titre qu'il a été sollicité en tant que responsable du cabinet. La question que l'on doit se poser, à mon avis est de savoir si la somme de 600 millions de francs Cfa qu'il a perçue est à la mesure de sa prestation. Est-ce que cette somme est raisonnable pour le travail accompli? Si non, on ne peut pas affirmer qu'il a fait du tort aux victimes des déchets toxiques. Suite à une analyse des esperts, nous pourrons procéder à des critiques. Adama Bictogo n'est pas le seul. Le Président du conseil d'administration (PCA) de l'Africa sport est cité dans cette affaire de 22 milliards de francs. L'enquête est en cour pour situer les responsabilités du PCA de ce club. Il faut être prudent en permettant aux enquêtes d'aboutir.

Ce que nous savons, il a été cité à maintes reprises dans cette transaction entre le cabinet anglais et l'association de Claude Gohourou.

Comment est perçue cette affaire dans le milieu des associations des victimes des déchets toxiques?

A priori, c'est une joie. Une joie incontrôlée, si réellement l'ex-ministre de l'Intégration Africaine est inculpé. C'est une joie de savoir qu'aujourd'hui, nous sommes dans un état de droit où il n’y a pas de super homme et la justice est la même pour tous les citoyens vivant sur le territoire ivoirien. La seconde joie, les enquêtes doivent nous permettre de savoir s'il est réellement coupable. Il ne faut pas qu'il soit condamné sur la base des délations mais sur les vrais faits. La justice doit donc nous situer. C'est intéressant qu'il ait démissionné. C'est un grand pas, puisqu'il y a beaucoup de criminels aux cols blancs qui sont liés aux déversements des déchets toxiques. Comment le navire Probo Koala est arrivé en Côte d'Ivoire? Nous avons besoin de réponse à cette question. Nous avons introduit une requête en son temps pour bloquer le procès, nous avons échappé à la mort.

Quelle est la situation sanitaire des victimes, quand on sait que des sites restent toujours pollués?

C'est avec beaucoup de tristesse que je réponds à cette question. Nous ne pouvons pas comprendre qu'après avoir perçu 100 milliards de francs Cfa suite à la signature de l'Etat de Côte d'Ivoire dont 20 milliards de francs Cfa devaient servir à la dépollution des sites, certains endroits soient toujours pollués. Le cas de Djibi village est palpable. Tous les trois sites ne sont pas encore dépollués à ce jour. Nous avons constaté dans ce village que la faune, la flore et le milieu aquatique n'existent plus où ces déchets ont été déversés. Au niveau du Plateau Dokui, il y a eu également un semblant de dépollution. Chaque fois qu'il pleut, il y a une résurgence des déchets qui reviennent à la surface. Akouédo village n'est pas épargné, deux principaux sites hantent le quotidien des habitants. En un mot, la dépollution n'a pas été complète. C'est la même situation qui prévaut en ce moment à N'Dotré 1 et 2. Partout où les déchets toxiques ont été déversés c'est le même constat que nous avons fait, les déchets sont toujours présents. Conséquence, les populations de la capitale économique courent un grand danger. Au niveau de notre ONG, nous avons dénombré de nombreux morts en 2009, 39 au total. Aujourd'hui, nous sommes à plus de 80 morts. Le taux de mortalité infantile de Djibi village depuis le déversement des déchets toxiques s'est accru.

Les fausses couches, les ménopauses précoces sont entre autres les problèmes que rencontrent les populations de Djibi village suite au déversement des déchets toxiques. La catastrophe que vit ce village est grave. C'est pour quoi, nous appelons ses habitants, les oubliés de petite Tchernobyl.


Avec tout ce que vous venez de décrier, qu'attendez-vous concrètement de l'Etat de Côte d'Ivoire?

Je voudrais remercier les nouvelles autorités de ce pays qui sont regardantes sur la situation des victimes des déchets toxiques. Le ministre de l'Environnement et du développement durable fait les mains et pieds depuis sa prise de fonction en nous associant à toutes ses cérémonies. Dans la pratique, Remi Allah Kouadio est allé constater lui même la situation sanitaire catastrophique des populations de Djibi village. Il a promis que tout sera mis en œuvre pour que ce village soit définitivement débarrassé des déchets. Parallèlement à l'action du ministre, avec Robin des bois, nous sommes en train de faire un travail exceptionnel. Aujourd'hui, nous avons envoyé un courrier aux 259 députés européens pour activer la résolution de septembre 2006 qui contraignait les Etats, la Hollande, la Grande Bretagne à se débarrasser des déchets toxiques en Côte d'Ivoire. Nous sommes en train d'activer cette résolution avec Robin des bois pour qu'on trouve une solution au problème des victimes. Au delà de notre action, nous souhaitons qu'une enquête sérieuse soit diligentée sur le rôle des uns et des autres lors des déversements des déchets toxiques, sur les conséquences du déversement des déchets toxiques à Abidjan et banlieues dont les conclusions doivent êtres publiées. Puisque des personnalités avaient été citées en son temps, notamment les Directeurs généraux du Port autonome d'Abidjan, de la Douane, des ministres ainsi de hautes personnalités du pouvoir défunt. Des enquêtes avaient été menées, sans attendre les résultats, tous ceux qui ont été mis en cause ont été rétablis par le premier ministre d'alors qui n'est autre que Guillaume Soro. Une formation sanitaire adéquate doit être construite pour les victimes. Elle doit être équipée de matériels performants. Que l'indemnisation de l'Etat de Côte d'Ivoire se poursuive pour contenter les victimes qui restent.

Enfin, la dépollution totale et effective de tous les sites de déversement des déchets toxiques doit être une réalité.

Entretien réalisé par Souleymane Koné
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