Sur le plateau de la 1ère chaîne de, télévision ivoirienne, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko a fait état d’un complot contre les institutions de la République qui a échoué. Aussi a-t-il accusé ouvertement certains partisans de l’ancien régime. Ci-dessous les échanges entre Hamed Bakayoko et le DG de la RTI.
La Côte d’Ivoire est-elle en danger, Monsieur le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et les Ivoiriens ont-ils raison d’avoir peur?
Je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de faire un tour d’horizon sur une question sensible qui touche la sûreté de l’Etat. Je vais répondre à votre question sans ambages. Les Ivoiriens ne sont pas en danger et ils ne doivent pas avoir peur. Les Ivoiriens peuvent rester sereins et avoir une pleine confiance en leurs dirigeants, au gouvernement, au président de la République, qui suivent toutes ces questions avec la plus grande attention. Cependant, je dois aux Ivoiriens la vérité. Nous avons promis une gouvernance de transparence. Et, pour autant qu’on puisse évoquer toutes ces questions sur la place publique, je ferai l’effort de dire ce qu’on peut dire dans le but de rassurer les Ivoiriens et de leur donner un minimum d’informations. Qu’est-ce qu’on peut dire aujourd’hui de la situation en Côte d’Ivoire? Je pense qu’après la crise postélectorale, nous avons aujourd’hui deux catégories de personnes parmi les proches de l’ex-Président. Il y a ceux qui considèrent qu’ils ont perdu les élections, qu’ils ont mené une guerre absurde qu’ils ont perdue et qu’aujourd’hui, ils doivent revoir leur approche politique et s’inscrire dans le processus de réconciliation nationale et aller de l’avant. Et il y a l’autre catégorie, parfaitement identifiée, qui considère qu’elle n’a rien fait, qu’elle n’a rien perdu, n’assume pas et considère qu’elle doit se venger. Et que ce n’est pas fini. Ces personnes disent qu’il y a un second tour qui doit arriver et qu’elles doivent perturber l’évolution du pays. Nous avons suivi avec la plus grande attention, comme dans un Etat moderne qui a le droit de se protéger, ces personnes. Je pense qu’aujourd’hui (hier, ndlr) je suis sur ce plateau pour dire aux Ivoiriens qu’ils peuvent être tranquilles. Ils ont au gouvernement, une équipe qui travaille sérieusement sur ces questions, point après point. Sans beaucoup parler, nous avons arrêté des personnes et aujourd’hui, j’aurai l’occasion d’en dire un peu plus.
Ce qui vous préoccupe aujourd’hui, c’est la sûreté de l’Etat. Qu’est-ce que cette notion renferme pour les Ivoiriens?
C’est l’équilibre, c’est la stabilité du pays. Ce sont toutes les questions qui touchent à la stabilité des institutions. Pour parler simplement aux Ivoiriens, quand des gens veulent déstabiliser l’Etat, le chef de l’Etat, les institutions de l’Etat, on parle d’atteinte à la sûreté de l’Etat. C’est vraiment le degré supérieur de la sécurité dans le pays.
Plusieurs personnes à ce jour, Monsieur le ministre, ont été interpellées pour, justement, atteinte à la sûreté de l’Etat de Côte d’Ivoire. Au nombre desquelles l’ancien aide de camp de l’ex-Première Dame, le capitaine Séka Séka Anselme que tous les Ivoiriens ont vu lorsqu’il a été arrêté ici à Abidjan. Monsieur le ministre, qui est-il?
Je pense que tout le monde connaît Séka Séka Anselme. Il a été l’aide de camp de l’ex-Première Dame, Simone Gbagbo. Il a été, tout le monde sait, à la tête des escadrons de la mort et il a conduit les dernières opérations guerrières à Abidjan. Il était en exil au Ghana et nous le suivions. Il a fait escale à Abidjan pour un rendez-vous à Conakry où avec un groupe de personnes, il devait contacter une société qui emploie des mercenaires originaires d’un pays de l’Europe de l’Est. Recoupements d’informations, nous avons pu mettre la main sur lui. Je peux vous dire qu’il a été présenté au Parquet militaire et il n’a pas fait de difficultés pour avouer qu’il était dans la logique d’un projet de déstabilisation de l’Etat de Côte d’Ivoire.
Avez-vous des preuves, Monsieur le ministre, de ce que vous avancez?
Séka Séka a été le premier grand dossier qui nous a permis d’ouvrir la porte à beaucoup d’autres dossiers. Sur lui, on a découvert pratiquement 14 000 emails, 2000 photos, 3000 fichiers qu’on n’a même pas encore fini d’explorer. On a trouvé essentiellement dans les affaires de Séka Séka, la transcription d’une opération militaire baptisée «Esaïe 60» qui indique qu’il fallait libérer les captifs d’Israël. A l’intérieur, son dossier est très clair. Il présente le contexte, la crise. Ensuite, il fait le point de la stratégie. Il neutralisait les forces ennemies, troupes françaises, embuscades, troupes onusiennes, embuscades, FRCI, les détruit par tous les moyens. Il a une stratégie des forces amies à l’intérieur. Il a également le nombre d’hommes dont il a besoin pour son opération et il a les noms des codes que nous avons pu déceler grâce à certains recoupements. Les coordinations des opérations par Z1 et Z6, brouillages de lignes, poseurs de bombes. Il a aussi indiqué les villes à occuper. C’est donc toute l’opération qu’il devait monter avec la complicité des personnes qu’il devait recruter à l’intérieur. Mais il leur fallait l’intervention d’un groupe de mercenaires qui devait leur apporter l’appui logistique. Il partait justement à Conakry pour ce rendez-vous quand nous avons mis fin à ces desseins. Il a été interrogé. Il a été présenté au juge et quand son procès commencera, les Ivoiriens réaliseront la véracité de toutes ces informations.
Est-ce que vous avez essayé de décrypter la référence biblique qui a été donnée à l’opération militaire?
Je dois dire non. Les opérations militaires aiment donner les codes qu’ils comprennent eux-mêmes. Ce qu’on doit dire, l’objectif, c’était de libérer le couple du «Golf». C’est-à-dire le couple Gbagbo par une opération militaire à Korhogo et à Odienné. C’est un projet, on peut dire, un peu irréaliste. Toujours beaucoup d’illusions, beaucoup de rêve. Mais ce qui est évident, c’est qu’il y avait ce projet qu’il ne nie pas. Je voudrais saluer nos services qui, avec efficacité, discrétion et intelligence, ont réussi à empêcher l’amorce de ce projet.
De tels projets ne peuvent être menés par une seule personne. Vos services ont procédé à d’autres arrestations dans le cadre d’autres activités subversives. Peut-on en avoir une idée?
Ecoutez, le dossier Séka Séka, c’était déjà en Octobre 2011. Evidemment, avec tous les éléments que son ordinateur et les interrogatoires ont donnés, nous avons continué de tout suivre. Et au mois de janvier, février, mars, nous avions des indications très précises qu’un groupe d’officiers en exil à Accra, préparait une opération militaire sur la Côte d’Ivoire, dans le but de déstabiliser le pays. Nous avions échangé déjà, à cette époque, avec les autorités ghanéennes. Et puis ces personnes étaient suivies. Nos services regardaient cela de très près. Ce qui s’est passé, c’est qu’ils avaient décidé d’un jour pour faire cette opération. Ils étaient tellement sûrs de leur fait, qu’ils ont enregistré la déclaration de prise du pouvoir. On y voit dans la vidéo, des officiers qui sont totalement connus. Il y a Yapi, qui était l’adjoint du commandant de la CRS 1, le Commandant Tapéko Kipré, qui était le commandant de la garde républicaine de Yamoussoukro, le colonel Gouanou Alphonse, qui était le commandant du 2ème bataillon de Daloa, Katé Gnatoa de la garde républicaine, qui est le porte-parole de ce groupe de militaires. Il y a le colonel Gadi Rigobert, qui était l’ancien commandant de la BASA (Bataillon d’artillerie sol Air d’Akouédo). Il y a le Commandant Loba Patrice, ancien commandant de la BAE et le sergent-chef Brou Serge Pacôme, alias Tom. Ils avaient préenregistré cette cassette qui proclamait la prise du pouvoir par eux-mêmes, la création d’un Conseil pour la Souveraineté Nationale (CSN). Ils avaient une complicité à la RTI, qui devait introduire cette cassette au moment où ils démarreraient les attaques afin de créer l’émoi et la panique chez les Ivoiriens.
C’était à quelle période, Monsieur Le ministre?
Au mois de mars. Mais vous savez, la méthode du chef de l’Etat, c’est de privilégier l’efficacité aux grandes déclarations. Nous préférons travailler doucement mais être efficaces.
M. Le Ministre, vos services nous ont permis d’avoir la cassette de cette vidéo.
On va vous la reprendre après.
Il n’y a pas de problème. On va suivre cela. M. Le Ministre, il s’agit là d’une déclaration de prise de pouvoir.
Oui, en fait, c’est vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ou attrapé. Celui qui a parlé, c’est le colonel Katé Gnatoa. Il est de la Garde républicaine. Il a été arrêté. Il était venu en positionnement à Grand-Bassam. Du Ghana, ils sont passés par Assinie. On suivait tous leurs mouvements. Et à un moment donné, un groupe devait donner l’assaut. Nos forces, très discrètement, ont réagi. On n’a pas voulu troubler le sommeil des Ivoiriens. Je crois qu’il a pris une balle, il a été soigné et présenté au Tribunal militaire au mois de mars. Nous n’avons pas voulu faire de tapage parce que le plus important pour nous, c’est l’efficacité.
Avez-vous des faits qui authentifient cette vidéo? Parce qu’on pourrait dire que c’est un montage.
Je voudrais vous rassurer que cette vidéo est authentique. Lui-même a été interrogé. Il reconnait qu’elle a été réalisée à Accra. Et les Ivoiriens qui connaissent tous ces militaires, savent qui ils sont. Et mieux, l’interrogatoire nous a permis d’être situés sur l’implication de tous les exilés et d’une frange de cadres du FPI. La première réunion s’est tenue par exemple chez Koné Katinan, porte-parole de l’ex-président Gbagbo. J’ai la liste. Il y a Secré Richard, Kadet Bertin, Koné Amara, l’ex-ministre du gouvernement fantoche qui leur a fourni des thurayas, l’ex-pasteur Koré Moïse. Il y a également Augustin Comoé, l’ancien ministre des Mines, Nady Bamba, Kassoum Fadiga, ancien Directeur de PETROCI, Ben Zahoui, votre confrère journaliste, Stéphane Kipré. Nous avons des éléments très précis sur les échanges de mails et SMS. Nous n’avons jamais cherché à tricher, à faire croire aux gens ce qu’ils ne sont pas. Nous avons des éléments précis. Donc, ils sont authentifiés. Et à la disposition de quiconque voudrait les vérifier.
L’Officier qui vient de parler se présente comme le véritable cerveau de cette opération.
C’est lui. Écoutez, on fera un lien avec le ministre Lida Kouassi qui a reconnu cette opération. Il a dit qu’il était d’accord avec cette opération, mais, ne souhaitait pas que ce soit le colonel Gouanou qui assure cette transition. Il a ajouté qu’il était Bété et que cela pourrait paraître comme une vengeance du clan de l’ancien chef de l’Etat. Il préférerait que ce soit le Commandant Abehi de la gendarmerie. Sur ce point de désaccord, il s’est un peu détaché de cette opération pour en monter une autre.
Ceux qui sont sur la vidéo ont-ils été arrêtés?
Pas tous. Il n’y en a que trois sur la vidéo qui ont été arrêtés. Et les autres sont activement recherchés. Et je leur demande d’arrêter de courir. Parce que dès qu’on a arrêté le ministre Lida, quelqu’un comme Abehi qui était à Téma a bougé immédiatement. Ça ne sert à rien. Le Président leur a lancé un appel de retour. Il y a des gens comme le Commandant Konan Boniface qui sont rentrés. On ne leur a rien fait. Mais de rester en dehors du pays, du développement, de concevoir des projets pour replonger le pays dans le chaos, je pense qu’ils perdent leur temps. Ce sont des entreprises qui sont vaines.
Monsieur le ministre, parlons des civils qui ont été aussi arrêtés.
Les documents que nous avons montrent vraiment les faits dans les détails. Tous ces politiques, tous ces proches du Président Gbagbo, ces responsables qui sont en exil et une partie de ceux qui sont ici au pays, que nous suivons bien sûr. Nous essayons, à chaque fois, de bien voir le lien entre ces personnes et ces opérations. Vous vous souvenez de l’interpellation d’Akoun Laurent, je peux vous le dire aujourd’hui. Le jour où Akoun Laurent a été interpellé, on l’a fait parce que cette opération était en cours le même jour. Il rentrait d’Accra. Nous avons fait des vérifications sur-le-champ. Nous n’avons pas pu faire de lien. Mais depuis l’enquête a évolué. Et l’arrestation de Lida nous a donné de nouveaux éléments. Nous, nous voulons être très sérieux dans ce que nous faisons. Aucun abus, mais nous avons le devoir et la responsabilité de protéger les Ivoiriens, de leur assurer une quiétude. Là, vous voyez, j’ai un rapport des emails entre Stéphane Kipré et Seka Yapo Anselme. Je vous lis un paragraphe intéressant : «je viens de quitter. En fait la dame, c’est Nadi Bamba. C’est elle et Kassoum qui doivent me donner 1 million de dollars. Elle avait voulu que toi et l’autre (l’autre c’est Katinan) vous soyez d’accord d’abord avant qu’elle ne puisse décaisser. Je lui ai donc fait le CR dont vous avez parlé». Ce sont des échanges qui sont numériques. On ne peut pas tricher. Pendant les procès, tout cela sera mis à disposition du juge. Certainement que les avocats eux-mêmes pourraient en prendre connaissance. Toutes ces personnes sont impliquées. Et nous avons les éléments et les preuves de leur implication.
Parlant de civils impliqués, vos services ont aussi arrêté un journaliste du quotidien Le Temps. Que lui reproche-t-on?
Ecoutez, il n’a pas été arrêté en qualité d’homme de presse. On l’a arrêté parce que le croisement de toutes ces données nous a amenés à son ordinateur. On a vu qu’il fédérait certaines actions. Pour cette opération, ils ont besoin d’argent. Il y avait donc une opération de mobilisation d’argent. On est tombé sur des notes importantes où il donnait pouvoir à Mme Nadi Bamba d’opérer sur un compte off shore de la société. On suivait cela. C’est une organisation. Il y a un volet militaire. On a retrouvé dans l’ordinateur d’Ousmane Sy Savané, des notes. Ils le disent bien : «Propositions de personnes ressources qui sont restées en Côte d’Ivoire et qui semblent être tolérées par les tenants du pouvoir». Donc, il y a le pool lobbying, il y a Kassoum lui-même, Nadi, Docteur Abié, Koudou Jeannette, Kadet Bertin, Ottro... Il y a le pool Media : Demba, Ousmane, Léonie, Bamba, Yacou, Aly Keita, Ben Soumahoro. Il y a le Pool Finance : Koné Katina, Marcelin Zahui, Djédjé Mama… le Président, ils ont mis des points d’interrogation. Dans le projet de déstabilisation, il avait des responsabilités et il le décline au niveau des actions : il faut noircir l’image du Président de la République, il faut dire qu’il ne travaille pas bien, que l’argent ne circule pas bien, que tout est cher, qu’il faut amplifier tout ce qui peut noircir le tableau, il faut montrer que le Président Gbagbo est quelqu’un qui était aimé… Il y a un élément qui m’a choqué : ils ont écrit qu’il faut utiliser l’image de la maman du chef pour choquer la sensibilité de notre cible. La maman du Président Gbagbo, bien sûr. Donc bientôt vous allez voir fréquemment des images de la mère de Gbagbo, etc. Il s’agit d’éléments précis. Et il l’a reconnu. Il participe à des réunions. Il croise des informations, etc. tout cela participe de leur stratégie. Toutes ces actions sont des actions de subversion. Sur le plan financier, il est très connaisseur. C’est l’homme de main de Nadi Bamba. On n’a rien contre cette dame. Mais si elle veut, par de l’argent, par des réseaux, par de la communication, déstabiliser le régime, nous avons une responsabilité et nous faisons face.
Toutes ces personnes civiles impliquées courent toujours. Elles sont dans les différents pays auxquels la justice ivoirienne a émis des mandats d’arrêt.
Vous savez, les procédures judiciaires sont assez complexes et souvent longues. Mais, ne vous en faites pas. Un à un, vous les verrez arriver. Un à un.
Monsieur le ministre d’Etat, un de ces mandats d’arrêt a abouti. Récemment, les autorités togolaises ont interpellé et extradé l’ancien ministre de la Défense de Gbagbo, Moïse Lida Kouassi. Qu’est-ce que cette extradition a pu révéler?
Je salue la coopération entre les polices de nos deux pays. C’est cela l’esprit de partage et d’échange dans le cadre des accords qui nous lient au sein de la Cedeao. M. Lida Moïse était donc en exil au Togo depuis près d’un an. Il y avait ce mandat d’arrêt mais qui n’avait pas été exécuté. Il y avait une certaine tolérance des autorités mais qui leur avait demandé à tous, un devoir de réserve. A plusieurs reprises, il n’a pas respecté ce devoir de réserve avec des déclarations dans la presse, des communiqués, etc. Les autorités policières togolaises ont, à un moment donné, aussi noté un activisme de nuit, je devrais dire. Evidemment, ces personnes là ne pensent pas qu’elles sont suivies. Il y a eu une perquisition. Celle-ci a permis de voir le lien direct entre Lida, le concepteur de toute cette opération, dont vous avez eu la casette tout à l‘heure, et la rédaction d’un plan de transition. Avec son volet militaire, son volet politique, son volet communication et même une adresse qu’il avait commencé à rédiger, qui était manuscrite et qu’il n’avait pas terminée. Lui-même, pendant l’interrogatoire, a avoué ces faits. Moi, je suis très content de cette coopération. Parce que les gens ne réalisent pas à quel point ce genre d’actions sauve la vie des peuples. Et ces gens ne sont pas conscients de ce qu’ils ont fait à ce pays. Ils ne réalisent pas que dans ce pays, tout le monde a souffert de cette crise et qu’on veut en sortir définitivement. Mais je peux vous le dire, ce n’est pas de la fanfaronnade, ce n’est pas de l’abus de confiance, nous allons veiller au grain pour que les Ivoiriens vivent sereinement pendant de longues années. De très longues années.
Monsieur le ministre d’Etat, ce reportage semble avoir choqué certaines personnes. La façon dont il a été extradé en Côte d’Ivoire. Les images ont pu choquer. Quels commentaires faites-vous de cela?
Je parle des actions de choc que les gens ne réalisent pas même. Beaucoup de gens ont trop vite oublié ce qui s’est passé dans ce pays. Moi, je parle avec des gens qui au cours de ces moments étaient sous des tables et pendant ce temps leurs vitres volaient en éclats, des gens qui ne pouvaient pas sortir. Tout le monde a payé. Et on a des gens qui n’ont même pas le repentir, qui n’arrivent même pas à demander pardon et on me parle d’être choqué par des images d’arrestation. Enfin ! Chacun a sa sensibilité. La mienne est ailleurs.
M. le ministre, c’est tout même la première fois qu’un mandat d’arrêt est exécuté. C’est le seul jusqu’à présent.
Ecoutez ! Nous ne sommes pas passés par une autre étape. C’est qu’au départ, beaucoup de chefs d’Etat de ces pays ne réalisaient pas à quel point ces gens-là n’avaient pas changé et à quel point, sous leur nez, des projets de déstabilisation de la Côte d’Ivoire et de toute la sous-région étaient en train d’être conçus. Avec tous ces éléments de preuve, ils ont compris. Et je peux vous le dire, dans les jours qui viennent, vous allez voir une accélération des événements.
Une semaine après son arrestation, est-ce que M. Lida Kouassi a été auditionné ? A-t-il fait une déclaration ?
Il a été auditionné. Il a reconnu que c’est à la demande de Katina Koné, porte-parole de M. Gbagbo, qu’il a dû rédiger le plan de transition qu’on a trouvé avec lui. Il a reconnu qu’il a travaillé au projet qui a conduit à l’arrestation du colonel Katé Gnatoa, l’auteur de la déclaration. Il a reconnu qu’il avait un point de divergence avec eux. Et c’était conforme. Quand vous prenez l’interrogatoire du colonel Katé Gnatoa, c’est tellement conforme. Car il dit qu’à un moment donné Lida Kouassi l’a abandonné pour son poulain Abéhi. Il faut noter que le commandant Abéhi a été l’aide de camp de Lida Kouassi Moïse lorsqu’il était ministre de la Défense.
M. le ministre, cette déclaration de Lida Kouassi pourrait confondre tous ceux qui jusqu’ici le disaient innocent. Mais vous, quelle leçon vous en tirez ?
Ecoutez ! Je ne sais pas comment ils fonctionnent. C’est la même logique qui les a amenés quand tout le monde entier disait que c’était fini, eux, dans le bunker ils disaient encore que c’était possible. Que la dynamique du pays allait être renforcée par la venue de pays amis. Ils ont encore l’illusion que c’est peut-être encore possible des choses nettes. J’ai demandé au colonel Katé : « Si vous faites un coup comme ça et qu’il marche. Après, vous faites quoi ? Vous n’aurez personne, personne ! Le monde a changé. Aujourd’hui, l’aspect légitime est au-dessus de tout. Si vous voulez le bonheur de vos compatriotes, préparez-vous à aller aux élections et démontrez que vous êtes capables de leur apporter le bonheur». Moi, je veux les appeler à la raison. Je me dis tout cela pour quoi ? Et je me dis comment ils fonctionnent et je veux profiter de votre micro pour leur dire d’arrêter. Parce que c’est un peu plus d’humiliation, un peu plus de souffrance pour eux-mêmes. Au vu de ces éléments, nous avons voulu prendre les Ivoiriens et la communauté internationale à témoin. Sur la défense de l’intérêt de l’Etat, la quiétude des Ivoiriens, nous serons très fermes.
Le colonel Katé a été aussi auditionné.
Bon, je vous ai montré les images déjà. Je ferai un commentaire après. Ce que je peux dire, il y a une annonce de taille. Dans son PV, le colonel Katé Gnatoa, ancien membre de la Garde républicaine, a déclaré qu’il a été le témoin oculaire de l’assassinat du général Guéi Robert par le commandant Séka Séka Anselme. C’est très triste. C’est enfin lever un pan de voile sur une des tristes pages de l’histoire de notre pays. Je pense que les juges sauront aller plus loin pour que la vérité se sache. Moi, j’étais à l’Ouest avec le président de la République lors de la visite d’Etat et l’un des frères du président Guéi a demandé au chef de l’Etat : « M. le président, on veut savoir qui a tué notre frère ». Aujourd’hui, on a un témoin oculaire, un témoin de l’assassinat du général Guéi par le commandant Séka Séka Anselme.
Revenons à Lida Kouassi, qui est haut cadre du FPI et qui dit qu’il s’inscrit dans le cadre de la réconciliation. Qu’est-ce que cela vous inspire comme commentaire ?
Ce que je voudrais que les Ivoiriens voient est que nous avons tendu la main. Le président de la République depuis son arrivée au pouvoir, n’a fait que tendre la main. Il a parlé de réconciliation. Et depuis, on voyait bien que des gens n’y croyaient pas et ne se pressaient pas. Souvent, ils sont en contact avec ces gens qui leur promettent que tôt ou tard, ils arriveront. Et c’était tellement organisé. La période du mois de juin a été choisie comme la période du harcèlement médiatique. Ils ont décidé de réveiller les réseaux sociaux. C’est-à-dire les syndicats. Toutes les petites revendications seront manipulées dans le sens de perturber. On a vu récemment plein de choses. Ils ont décidé de recruter, on a des correspondances, des mercenaires libériens identifiés qui sont des enfants de la guerre nés de parents chefs de guerre et qui vivent dans les villages au Liberia. Ils traversent à pirogue le fleuve Cavally pour tuer des populations et retourner au Liberia ; parce qu’évidemment, cette zone étant difficile à sécuriser à cause des 700 km de frontière, du littoral de Cavally et de la forêt dense. Où il y a de petits villages et plus d’une cinquantaine de campements. Ils viennent perturber tout cela pour ne pas que la confiance revienne, pour ne pas qu’il y ait le développement. Ils savent qu’ils ne peuvent rien faire de sérieux. Mais comment harceler le pouvoir en place ? Il y a ceux qui gèrent la communication, ceux qui gèrent la politique. Il y en a qui croient tenir du vrai. Mais aujourd’hui, à la face du monde, nous voudrions leur dire d’arrêter et de venir répondre à l’appel du président de la République. Le président Ouattara croit en la réconciliation. Il pense que la paix durable, c’est d’abord par la réconciliation. Donc, arrêtez vos illusions et inscrivez-vous dans un schéma normal de vie d’un parti politique. Beaucoup de gens nous reprochent notre trop grande tolérance à l’égard de ces gens. Parce qu’en Tunisie, il n’y a pas eu plus de morts qu’ici. Mais le parti de l’ancien président Ben Ali a été dissous ; On ne laisse même pas une forme d’expression. Mais ici, voilà des gens qui ont un journal où ils écrivent n’importe quoi. Il y a eu des tueries à l’ouest. Mais il n’y a eu aucune condamnation.
On a tué des agents de l’ONU, des casques bleus, des gens qui ont quitté leur femme, leurs enfants, leurs familles pour venir à des kilomètres très loin pour apporter la paix à un pays frère. On les tue parce que des gens que vous avez achetés, ont agi dans ce sens. Vous ne condamnez pas. Ils ont l’outrecuidance de dire que c’est de la manipulation, et des montages. Je pense que nous avons voulu montrer que nous passons à autre chose. Nous ne pouvons pas accepter que ces gens continuent de distraire les Ivoiriens.
Vous venez de démontrer qu’il ya un lien entre toutes ces affaires
Bien sûr. Les éléments sont très clairs. Nous avons par exemple le colonel Alphonse Gouanou, le commandant Loba Patrice qui étaient en mission au Libéria. Il a même dit dans les éléments dont nous disposons que Koné Katina lui a remis de l’argent. Il a recruté un groupe. Ils ont ténu des réunions à Accra. Leur première action était de tout faire pour perturber la mission du chef de l’Etat à l’ouest. Il fallait agir. Il pressait les éléments recrutés à agir. Diantre, que de mal dans leur tête ! Nous sommes un grand pays, nous sommes un grand peuple, nous aspirons au développement ! Nous avons un Président qui est acharné, qui a envie de transformer la Côte d’Ivoire. Mais ne soyez pas en marge. Votre intention funeste ne marchera pas. Voici des gens qui avaient le pouvoir d’Etat, l’argent, la télévision, la gendarmerie, la police, l’armée, les armes lourdes et qui n’ont pas pu le garder. Comment peuvent-ils espérer le reprendre dans un environnement où le monde entier les a reconnus responsables des morts, et dont le leader est à la CPI. Il y a des victimes. Voilà un pays qui se reconstruit, certes difficilement. Les Ivoiriens aujourd’hui peinent à cause de cette situation. Mais, ils ont confiance en l’avenir. Pendant ce temps, vous voulez les faire retomber dans le chaos. Aujourd’hui, nous disons que trop, c’est trop. Ces gens doivent arrêter. Ils ont fait trop de mal à la Côte d’Ivoire. Il faut qu’ils arrêtent.
L’ouest de la Côte d’Ivoire, M le ministre d’Etat, continue de nous interpeller. Des casques bleus ont été tués, il y a eu des cérémonies pour leurs dépouilles mortelles, quel message avez-vous pour eux et leurs familles.
D’abord, ce sont des mots de compassion, de solidarité et de condoléance. Le président de la République a parlé au téléphone au représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, il a adressé un courrier au secrétaire général de l’ONU, il est en contact avec le Président du Niger, qui a perdu sept de ses ressortissants. Nous lui adressons nos condoléances. Nous promettons que justice sera faite. Sur la situation du Libéria, le ministre de la Défense, que je salue, est en train d’organiser avec l’état-major, deux actions d’envergure. La première, est une grosse manœuvre de ratissage de toute la zone et de toutes les forêts. Cela prendra le temps qu’il faudra, les moyens que cela engendrera. Nous allons investir cette zone. Nous allons ratisser et y rester. Aujourd’hui, si vous avez suivi les informations, ceux qui ont fait le coup ont commencé à être poursuivis par nos hommes. Sur leur passage, ils ont encore commis la désolation. Ils ont tué dans un village. Avec la fermeture, ils ont pénétré les forêts. Nos hommes continuent de les poursuivre. Leur présence sera plus forte dans cette zone dans les prochains jours. Demain, (aujourd’hui, ndrl), il est prévu une grande réunion entre les ministres des Affaires Etrangères, de la Défense et de l’Intérieur du Libéria et leurs homologues de la Côte d’Ivoire. Il s’agira d’une réunion pour coordonner une grosse opération militaire qui va voir intervenir l’armée libérienne et l’armée ivoirienne, la mission des Nations Unies au Libéria (MUNIL), la mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et l’appui des pays qui voudront participer, tels que la France, les Etats Unis d’Amérique, dans le cadre d’une manœuvre militaire globale. Ce sera une décision énergique pour sécuriser la zone. Ensuite, au plan politique, cette zone est fragile parce que la longue guerre du Libéria a des relents de conflits intercommunautaires. Vous avez les Kran au Libéria, qui est l’équivalant des Krou en Côte et les Ghuiho qui sont l’équivalent des manding, qui ont les mêmes contradictions. Notre responsabilité également, c’est de parler aux chefs de communauté, d’organiser sur ces sites des réunions pour leur expliquer que leurs enfants peuvent avoir un avenir autre que celui de la guerre. Il ne sert à rien d’être fils de chef de guerre, de grandir et vivre dans la guerre. Nous avons décidé également de lancer ce second volet qui permettra de sensibilisation. Ce qui se passe, c’est que ces gens ne sont pas dans les camps de réfugiés. Ils vivent avec les populations, avec les caches d’armes pour traverser la frontière dès qu’ils ont l’occasion pour semer la désolation et se replier.
Nous terminons cet entretien. Que pouvez-vous dire aux Ivoiriens ?
Je voudrais d’abord vous remercier. Ce n’est pas un exercice facile de traiter de ces questions très sensibles à la face du monde, à la télévision. On essaie de donner ce qu’on peut sans aller trop loin. Nous sommes arrivés à un stade où nous avons un devoir de partage d’informations, de partage de responsabilité, de transparence vis-à-vis des Ivoiriens. Je veux dire aux Ivoiriens que tout ce qu’on dit et tout ce qu’on entend peut faire peur. Mais, ils peuvent nous faire confiance. Ce n’est pas de l’arrogance. Nous travaillons sérieusement. Le président de la République suit lui-même ces dossiers méthodiquement. Nous travaillons sérieusement. Nous sommes très concentrés. Nous sommes très conscients de notre responsabilité dans ce domaine. Ils peuvent nous faire confiance, ils peuvent vaquer à leurs occupations. Ils peuvent continuer leur vie sereinement. La Côte d’Ivoire est en train de repartir. Chacun à sa place. Le président de la République a lancé un appel à la réconciliation. Je demande à tous ceux qui rêvent à ces choses là de sortir de leurs illusions. C’est important. Si vous voyez que la réconciliation est en panne, c’est parce que la quasi-totalité de ces dirigeants attendent ça. Si ça ne vient jamais, quel avenir réserve-t-il à leurs enfants, à eux-mêmes. Il faut qu’ils en sortent. Moi je les y invite. Il n’est pas tard. Le Président a toujours un traitement particulier pour ceux qui sont venus de bon cœur à la réconciliation. Même ceux qui ont commis de graves fautes n’ont pas été inquiétés. Ils ont eu un traitement particulier. On a vu le cas des généraux. C’est le Président lui-même qui les a proposés comme ambassadeurs. C’est lui-même qui a proposé que certains militaires encadrés par le ministre de la Défense, aient un traitement particulier. Le colonel Konan a été chef des opérations pendant ces évènements. Il a mené des opérations sur le terrain. Mais on ne fera pas subir aux militaires la faute des politiques. S’ils se repentent, ils n’auront rien à craindre. Je dis aux autres d’arrêter. Certains qui m’écoutent savent que je leur parle. Nous nous parlons. Ils peuvent encore sauver leur famille, leur vie. Parce que la vie, ce n’est pas être en cavale, se cacher tous les jours. Les grands officiers sont aperçus dans les rues d’Accra comme des … ils ont leur place en Côte d’Ivoire. Il faut qu’ils arrêtent. Parce que nous n’allons pas laisser prospérer la chienlit en Côte d’Ivoire. En dehors de cet appel, je veux vraiment, sans donner dans ce qu’on a vu ces dernières années avec des déclarations tapageuses du ministre de l’Intérieur, dire que nous ne parlerons pas beaucoup. Nous allons agir. Tous ceux qui seront dans cette logique auront affaire à nous. La Côte d’Ivoire est en train de se reconstruire. Le Président a engagé beaucoup de chantiers. Aujourd’hui, les Ivoiriens se plaignent de la cherté de la vie et du manque d’argent. Je pense que la situation s’y prêtait. Nous venons d’une économie qui a fait moins 4,7% de croissance et nous envisageons aller à 8,1 %. Il y a un passage. Nous voulons assainir les finances publiques, tous ces marchés qui ont été passés dans des conditions que l’on sait. Savez-vous que quelques mois encore après notre prise de pouvoir, nous avons découvert que la femme de l’ex-DG de la Petroci est allée retirer des chèques de 130 millions par mois parce qu’elle avait une entreprise qui faisait la restauration à la Petroci. Le contrat a été signé par l’époux et l’épouse. On ne peut pas tolérer ces choses. Pendant ces dix dernières années, ce sont les refondateurs qui avaient de l’argent dans ce pays. Quand leurs avoirs ont été asséchés, cela s’est ressenti dans le pays. Nous sommes en train d’assainir tous ses flux. Avec le PPTE qui est annoncé pour le 26 de ce mois, ce sera un levier formidable de l’économie. Les prix du café et du cacao pourront être garantis, grâce à la politique du Président pour la prochaine campagne. Les paysans seront payés à un prix au-dessus de ce qu’on a vécu. Les flux financiers vont revenir et la Côte d’Ivoire va rentrer dans une fin d’année qui sera lumineuse. 2013 sera l’année du repositionnement et de la consolidation. La situation n’est pas facile. Tous les jours, nous allons renforcer, consolider la sécurité. Tous les jours qui passent, nous allons grandir dans ces chapitres. Moi, je considère que nous avons un grand pays, une grande ambition. Le Président est tous les jours à la tâche. Il travaille sans relâche. Nous n’avons pas le droit d’être distrait par ce genre de problème. Je veux que chaque Ivoirien prenne sa part dans la gestion de ce grand pays qui est en marche.
La Côte d’Ivoire est-elle en danger, Monsieur le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et les Ivoiriens ont-ils raison d’avoir peur?
Je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de faire un tour d’horizon sur une question sensible qui touche la sûreté de l’Etat. Je vais répondre à votre question sans ambages. Les Ivoiriens ne sont pas en danger et ils ne doivent pas avoir peur. Les Ivoiriens peuvent rester sereins et avoir une pleine confiance en leurs dirigeants, au gouvernement, au président de la République, qui suivent toutes ces questions avec la plus grande attention. Cependant, je dois aux Ivoiriens la vérité. Nous avons promis une gouvernance de transparence. Et, pour autant qu’on puisse évoquer toutes ces questions sur la place publique, je ferai l’effort de dire ce qu’on peut dire dans le but de rassurer les Ivoiriens et de leur donner un minimum d’informations. Qu’est-ce qu’on peut dire aujourd’hui de la situation en Côte d’Ivoire? Je pense qu’après la crise postélectorale, nous avons aujourd’hui deux catégories de personnes parmi les proches de l’ex-Président. Il y a ceux qui considèrent qu’ils ont perdu les élections, qu’ils ont mené une guerre absurde qu’ils ont perdue et qu’aujourd’hui, ils doivent revoir leur approche politique et s’inscrire dans le processus de réconciliation nationale et aller de l’avant. Et il y a l’autre catégorie, parfaitement identifiée, qui considère qu’elle n’a rien fait, qu’elle n’a rien perdu, n’assume pas et considère qu’elle doit se venger. Et que ce n’est pas fini. Ces personnes disent qu’il y a un second tour qui doit arriver et qu’elles doivent perturber l’évolution du pays. Nous avons suivi avec la plus grande attention, comme dans un Etat moderne qui a le droit de se protéger, ces personnes. Je pense qu’aujourd’hui (hier, ndlr) je suis sur ce plateau pour dire aux Ivoiriens qu’ils peuvent être tranquilles. Ils ont au gouvernement, une équipe qui travaille sérieusement sur ces questions, point après point. Sans beaucoup parler, nous avons arrêté des personnes et aujourd’hui, j’aurai l’occasion d’en dire un peu plus.
Ce qui vous préoccupe aujourd’hui, c’est la sûreté de l’Etat. Qu’est-ce que cette notion renferme pour les Ivoiriens?
C’est l’équilibre, c’est la stabilité du pays. Ce sont toutes les questions qui touchent à la stabilité des institutions. Pour parler simplement aux Ivoiriens, quand des gens veulent déstabiliser l’Etat, le chef de l’Etat, les institutions de l’Etat, on parle d’atteinte à la sûreté de l’Etat. C’est vraiment le degré supérieur de la sécurité dans le pays.
Plusieurs personnes à ce jour, Monsieur le ministre, ont été interpellées pour, justement, atteinte à la sûreté de l’Etat de Côte d’Ivoire. Au nombre desquelles l’ancien aide de camp de l’ex-Première Dame, le capitaine Séka Séka Anselme que tous les Ivoiriens ont vu lorsqu’il a été arrêté ici à Abidjan. Monsieur le ministre, qui est-il?
Je pense que tout le monde connaît Séka Séka Anselme. Il a été l’aide de camp de l’ex-Première Dame, Simone Gbagbo. Il a été, tout le monde sait, à la tête des escadrons de la mort et il a conduit les dernières opérations guerrières à Abidjan. Il était en exil au Ghana et nous le suivions. Il a fait escale à Abidjan pour un rendez-vous à Conakry où avec un groupe de personnes, il devait contacter une société qui emploie des mercenaires originaires d’un pays de l’Europe de l’Est. Recoupements d’informations, nous avons pu mettre la main sur lui. Je peux vous dire qu’il a été présenté au Parquet militaire et il n’a pas fait de difficultés pour avouer qu’il était dans la logique d’un projet de déstabilisation de l’Etat de Côte d’Ivoire.
Avez-vous des preuves, Monsieur le ministre, de ce que vous avancez?
Séka Séka a été le premier grand dossier qui nous a permis d’ouvrir la porte à beaucoup d’autres dossiers. Sur lui, on a découvert pratiquement 14 000 emails, 2000 photos, 3000 fichiers qu’on n’a même pas encore fini d’explorer. On a trouvé essentiellement dans les affaires de Séka Séka, la transcription d’une opération militaire baptisée «Esaïe 60» qui indique qu’il fallait libérer les captifs d’Israël. A l’intérieur, son dossier est très clair. Il présente le contexte, la crise. Ensuite, il fait le point de la stratégie. Il neutralisait les forces ennemies, troupes françaises, embuscades, troupes onusiennes, embuscades, FRCI, les détruit par tous les moyens. Il a une stratégie des forces amies à l’intérieur. Il a également le nombre d’hommes dont il a besoin pour son opération et il a les noms des codes que nous avons pu déceler grâce à certains recoupements. Les coordinations des opérations par Z1 et Z6, brouillages de lignes, poseurs de bombes. Il a aussi indiqué les villes à occuper. C’est donc toute l’opération qu’il devait monter avec la complicité des personnes qu’il devait recruter à l’intérieur. Mais il leur fallait l’intervention d’un groupe de mercenaires qui devait leur apporter l’appui logistique. Il partait justement à Conakry pour ce rendez-vous quand nous avons mis fin à ces desseins. Il a été interrogé. Il a été présenté au juge et quand son procès commencera, les Ivoiriens réaliseront la véracité de toutes ces informations.
Est-ce que vous avez essayé de décrypter la référence biblique qui a été donnée à l’opération militaire?
Je dois dire non. Les opérations militaires aiment donner les codes qu’ils comprennent eux-mêmes. Ce qu’on doit dire, l’objectif, c’était de libérer le couple du «Golf». C’est-à-dire le couple Gbagbo par une opération militaire à Korhogo et à Odienné. C’est un projet, on peut dire, un peu irréaliste. Toujours beaucoup d’illusions, beaucoup de rêve. Mais ce qui est évident, c’est qu’il y avait ce projet qu’il ne nie pas. Je voudrais saluer nos services qui, avec efficacité, discrétion et intelligence, ont réussi à empêcher l’amorce de ce projet.
De tels projets ne peuvent être menés par une seule personne. Vos services ont procédé à d’autres arrestations dans le cadre d’autres activités subversives. Peut-on en avoir une idée?
Ecoutez, le dossier Séka Séka, c’était déjà en Octobre 2011. Evidemment, avec tous les éléments que son ordinateur et les interrogatoires ont donnés, nous avons continué de tout suivre. Et au mois de janvier, février, mars, nous avions des indications très précises qu’un groupe d’officiers en exil à Accra, préparait une opération militaire sur la Côte d’Ivoire, dans le but de déstabiliser le pays. Nous avions échangé déjà, à cette époque, avec les autorités ghanéennes. Et puis ces personnes étaient suivies. Nos services regardaient cela de très près. Ce qui s’est passé, c’est qu’ils avaient décidé d’un jour pour faire cette opération. Ils étaient tellement sûrs de leur fait, qu’ils ont enregistré la déclaration de prise du pouvoir. On y voit dans la vidéo, des officiers qui sont totalement connus. Il y a Yapi, qui était l’adjoint du commandant de la CRS 1, le Commandant Tapéko Kipré, qui était le commandant de la garde républicaine de Yamoussoukro, le colonel Gouanou Alphonse, qui était le commandant du 2ème bataillon de Daloa, Katé Gnatoa de la garde républicaine, qui est le porte-parole de ce groupe de militaires. Il y a le colonel Gadi Rigobert, qui était l’ancien commandant de la BASA (Bataillon d’artillerie sol Air d’Akouédo). Il y a le Commandant Loba Patrice, ancien commandant de la BAE et le sergent-chef Brou Serge Pacôme, alias Tom. Ils avaient préenregistré cette cassette qui proclamait la prise du pouvoir par eux-mêmes, la création d’un Conseil pour la Souveraineté Nationale (CSN). Ils avaient une complicité à la RTI, qui devait introduire cette cassette au moment où ils démarreraient les attaques afin de créer l’émoi et la panique chez les Ivoiriens.
C’était à quelle période, Monsieur Le ministre?
Au mois de mars. Mais vous savez, la méthode du chef de l’Etat, c’est de privilégier l’efficacité aux grandes déclarations. Nous préférons travailler doucement mais être efficaces.
M. Le Ministre, vos services nous ont permis d’avoir la cassette de cette vidéo.
On va vous la reprendre après.
Il n’y a pas de problème. On va suivre cela. M. Le Ministre, il s’agit là d’une déclaration de prise de pouvoir.
Oui, en fait, c’est vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ou attrapé. Celui qui a parlé, c’est le colonel Katé Gnatoa. Il est de la Garde républicaine. Il a été arrêté. Il était venu en positionnement à Grand-Bassam. Du Ghana, ils sont passés par Assinie. On suivait tous leurs mouvements. Et à un moment donné, un groupe devait donner l’assaut. Nos forces, très discrètement, ont réagi. On n’a pas voulu troubler le sommeil des Ivoiriens. Je crois qu’il a pris une balle, il a été soigné et présenté au Tribunal militaire au mois de mars. Nous n’avons pas voulu faire de tapage parce que le plus important pour nous, c’est l’efficacité.
Avez-vous des faits qui authentifient cette vidéo? Parce qu’on pourrait dire que c’est un montage.
Je voudrais vous rassurer que cette vidéo est authentique. Lui-même a été interrogé. Il reconnait qu’elle a été réalisée à Accra. Et les Ivoiriens qui connaissent tous ces militaires, savent qui ils sont. Et mieux, l’interrogatoire nous a permis d’être situés sur l’implication de tous les exilés et d’une frange de cadres du FPI. La première réunion s’est tenue par exemple chez Koné Katinan, porte-parole de l’ex-président Gbagbo. J’ai la liste. Il y a Secré Richard, Kadet Bertin, Koné Amara, l’ex-ministre du gouvernement fantoche qui leur a fourni des thurayas, l’ex-pasteur Koré Moïse. Il y a également Augustin Comoé, l’ancien ministre des Mines, Nady Bamba, Kassoum Fadiga, ancien Directeur de PETROCI, Ben Zahoui, votre confrère journaliste, Stéphane Kipré. Nous avons des éléments très précis sur les échanges de mails et SMS. Nous n’avons jamais cherché à tricher, à faire croire aux gens ce qu’ils ne sont pas. Nous avons des éléments précis. Donc, ils sont authentifiés. Et à la disposition de quiconque voudrait les vérifier.
L’Officier qui vient de parler se présente comme le véritable cerveau de cette opération.
C’est lui. Écoutez, on fera un lien avec le ministre Lida Kouassi qui a reconnu cette opération. Il a dit qu’il était d’accord avec cette opération, mais, ne souhaitait pas que ce soit le colonel Gouanou qui assure cette transition. Il a ajouté qu’il était Bété et que cela pourrait paraître comme une vengeance du clan de l’ancien chef de l’Etat. Il préférerait que ce soit le Commandant Abehi de la gendarmerie. Sur ce point de désaccord, il s’est un peu détaché de cette opération pour en monter une autre.
Ceux qui sont sur la vidéo ont-ils été arrêtés?
Pas tous. Il n’y en a que trois sur la vidéo qui ont été arrêtés. Et les autres sont activement recherchés. Et je leur demande d’arrêter de courir. Parce que dès qu’on a arrêté le ministre Lida, quelqu’un comme Abehi qui était à Téma a bougé immédiatement. Ça ne sert à rien. Le Président leur a lancé un appel de retour. Il y a des gens comme le Commandant Konan Boniface qui sont rentrés. On ne leur a rien fait. Mais de rester en dehors du pays, du développement, de concevoir des projets pour replonger le pays dans le chaos, je pense qu’ils perdent leur temps. Ce sont des entreprises qui sont vaines.
Monsieur le ministre, parlons des civils qui ont été aussi arrêtés.
Les documents que nous avons montrent vraiment les faits dans les détails. Tous ces politiques, tous ces proches du Président Gbagbo, ces responsables qui sont en exil et une partie de ceux qui sont ici au pays, que nous suivons bien sûr. Nous essayons, à chaque fois, de bien voir le lien entre ces personnes et ces opérations. Vous vous souvenez de l’interpellation d’Akoun Laurent, je peux vous le dire aujourd’hui. Le jour où Akoun Laurent a été interpellé, on l’a fait parce que cette opération était en cours le même jour. Il rentrait d’Accra. Nous avons fait des vérifications sur-le-champ. Nous n’avons pas pu faire de lien. Mais depuis l’enquête a évolué. Et l’arrestation de Lida nous a donné de nouveaux éléments. Nous, nous voulons être très sérieux dans ce que nous faisons. Aucun abus, mais nous avons le devoir et la responsabilité de protéger les Ivoiriens, de leur assurer une quiétude. Là, vous voyez, j’ai un rapport des emails entre Stéphane Kipré et Seka Yapo Anselme. Je vous lis un paragraphe intéressant : «je viens de quitter. En fait la dame, c’est Nadi Bamba. C’est elle et Kassoum qui doivent me donner 1 million de dollars. Elle avait voulu que toi et l’autre (l’autre c’est Katinan) vous soyez d’accord d’abord avant qu’elle ne puisse décaisser. Je lui ai donc fait le CR dont vous avez parlé». Ce sont des échanges qui sont numériques. On ne peut pas tricher. Pendant les procès, tout cela sera mis à disposition du juge. Certainement que les avocats eux-mêmes pourraient en prendre connaissance. Toutes ces personnes sont impliquées. Et nous avons les éléments et les preuves de leur implication.
Parlant de civils impliqués, vos services ont aussi arrêté un journaliste du quotidien Le Temps. Que lui reproche-t-on?
Ecoutez, il n’a pas été arrêté en qualité d’homme de presse. On l’a arrêté parce que le croisement de toutes ces données nous a amenés à son ordinateur. On a vu qu’il fédérait certaines actions. Pour cette opération, ils ont besoin d’argent. Il y avait donc une opération de mobilisation d’argent. On est tombé sur des notes importantes où il donnait pouvoir à Mme Nadi Bamba d’opérer sur un compte off shore de la société. On suivait cela. C’est une organisation. Il y a un volet militaire. On a retrouvé dans l’ordinateur d’Ousmane Sy Savané, des notes. Ils le disent bien : «Propositions de personnes ressources qui sont restées en Côte d’Ivoire et qui semblent être tolérées par les tenants du pouvoir». Donc, il y a le pool lobbying, il y a Kassoum lui-même, Nadi, Docteur Abié, Koudou Jeannette, Kadet Bertin, Ottro... Il y a le pool Media : Demba, Ousmane, Léonie, Bamba, Yacou, Aly Keita, Ben Soumahoro. Il y a le Pool Finance : Koné Katina, Marcelin Zahui, Djédjé Mama… le Président, ils ont mis des points d’interrogation. Dans le projet de déstabilisation, il avait des responsabilités et il le décline au niveau des actions : il faut noircir l’image du Président de la République, il faut dire qu’il ne travaille pas bien, que l’argent ne circule pas bien, que tout est cher, qu’il faut amplifier tout ce qui peut noircir le tableau, il faut montrer que le Président Gbagbo est quelqu’un qui était aimé… Il y a un élément qui m’a choqué : ils ont écrit qu’il faut utiliser l’image de la maman du chef pour choquer la sensibilité de notre cible. La maman du Président Gbagbo, bien sûr. Donc bientôt vous allez voir fréquemment des images de la mère de Gbagbo, etc. Il s’agit d’éléments précis. Et il l’a reconnu. Il participe à des réunions. Il croise des informations, etc. tout cela participe de leur stratégie. Toutes ces actions sont des actions de subversion. Sur le plan financier, il est très connaisseur. C’est l’homme de main de Nadi Bamba. On n’a rien contre cette dame. Mais si elle veut, par de l’argent, par des réseaux, par de la communication, déstabiliser le régime, nous avons une responsabilité et nous faisons face.
Toutes ces personnes civiles impliquées courent toujours. Elles sont dans les différents pays auxquels la justice ivoirienne a émis des mandats d’arrêt.
Vous savez, les procédures judiciaires sont assez complexes et souvent longues. Mais, ne vous en faites pas. Un à un, vous les verrez arriver. Un à un.
Monsieur le ministre d’Etat, un de ces mandats d’arrêt a abouti. Récemment, les autorités togolaises ont interpellé et extradé l’ancien ministre de la Défense de Gbagbo, Moïse Lida Kouassi. Qu’est-ce que cette extradition a pu révéler?
Je salue la coopération entre les polices de nos deux pays. C’est cela l’esprit de partage et d’échange dans le cadre des accords qui nous lient au sein de la Cedeao. M. Lida Moïse était donc en exil au Togo depuis près d’un an. Il y avait ce mandat d’arrêt mais qui n’avait pas été exécuté. Il y avait une certaine tolérance des autorités mais qui leur avait demandé à tous, un devoir de réserve. A plusieurs reprises, il n’a pas respecté ce devoir de réserve avec des déclarations dans la presse, des communiqués, etc. Les autorités policières togolaises ont, à un moment donné, aussi noté un activisme de nuit, je devrais dire. Evidemment, ces personnes là ne pensent pas qu’elles sont suivies. Il y a eu une perquisition. Celle-ci a permis de voir le lien direct entre Lida, le concepteur de toute cette opération, dont vous avez eu la casette tout à l‘heure, et la rédaction d’un plan de transition. Avec son volet militaire, son volet politique, son volet communication et même une adresse qu’il avait commencé à rédiger, qui était manuscrite et qu’il n’avait pas terminée. Lui-même, pendant l’interrogatoire, a avoué ces faits. Moi, je suis très content de cette coopération. Parce que les gens ne réalisent pas à quel point ce genre d’actions sauve la vie des peuples. Et ces gens ne sont pas conscients de ce qu’ils ont fait à ce pays. Ils ne réalisent pas que dans ce pays, tout le monde a souffert de cette crise et qu’on veut en sortir définitivement. Mais je peux vous le dire, ce n’est pas de la fanfaronnade, ce n’est pas de l’abus de confiance, nous allons veiller au grain pour que les Ivoiriens vivent sereinement pendant de longues années. De très longues années.
Monsieur le ministre d’Etat, ce reportage semble avoir choqué certaines personnes. La façon dont il a été extradé en Côte d’Ivoire. Les images ont pu choquer. Quels commentaires faites-vous de cela?
Je parle des actions de choc que les gens ne réalisent pas même. Beaucoup de gens ont trop vite oublié ce qui s’est passé dans ce pays. Moi, je parle avec des gens qui au cours de ces moments étaient sous des tables et pendant ce temps leurs vitres volaient en éclats, des gens qui ne pouvaient pas sortir. Tout le monde a payé. Et on a des gens qui n’ont même pas le repentir, qui n’arrivent même pas à demander pardon et on me parle d’être choqué par des images d’arrestation. Enfin ! Chacun a sa sensibilité. La mienne est ailleurs.
M. le ministre, c’est tout même la première fois qu’un mandat d’arrêt est exécuté. C’est le seul jusqu’à présent.
Ecoutez ! Nous ne sommes pas passés par une autre étape. C’est qu’au départ, beaucoup de chefs d’Etat de ces pays ne réalisaient pas à quel point ces gens-là n’avaient pas changé et à quel point, sous leur nez, des projets de déstabilisation de la Côte d’Ivoire et de toute la sous-région étaient en train d’être conçus. Avec tous ces éléments de preuve, ils ont compris. Et je peux vous le dire, dans les jours qui viennent, vous allez voir une accélération des événements.
Une semaine après son arrestation, est-ce que M. Lida Kouassi a été auditionné ? A-t-il fait une déclaration ?
Il a été auditionné. Il a reconnu que c’est à la demande de Katina Koné, porte-parole de M. Gbagbo, qu’il a dû rédiger le plan de transition qu’on a trouvé avec lui. Il a reconnu qu’il a travaillé au projet qui a conduit à l’arrestation du colonel Katé Gnatoa, l’auteur de la déclaration. Il a reconnu qu’il avait un point de divergence avec eux. Et c’était conforme. Quand vous prenez l’interrogatoire du colonel Katé Gnatoa, c’est tellement conforme. Car il dit qu’à un moment donné Lida Kouassi l’a abandonné pour son poulain Abéhi. Il faut noter que le commandant Abéhi a été l’aide de camp de Lida Kouassi Moïse lorsqu’il était ministre de la Défense.
M. le ministre, cette déclaration de Lida Kouassi pourrait confondre tous ceux qui jusqu’ici le disaient innocent. Mais vous, quelle leçon vous en tirez ?
Ecoutez ! Je ne sais pas comment ils fonctionnent. C’est la même logique qui les a amenés quand tout le monde entier disait que c’était fini, eux, dans le bunker ils disaient encore que c’était possible. Que la dynamique du pays allait être renforcée par la venue de pays amis. Ils ont encore l’illusion que c’est peut-être encore possible des choses nettes. J’ai demandé au colonel Katé : « Si vous faites un coup comme ça et qu’il marche. Après, vous faites quoi ? Vous n’aurez personne, personne ! Le monde a changé. Aujourd’hui, l’aspect légitime est au-dessus de tout. Si vous voulez le bonheur de vos compatriotes, préparez-vous à aller aux élections et démontrez que vous êtes capables de leur apporter le bonheur». Moi, je veux les appeler à la raison. Je me dis tout cela pour quoi ? Et je me dis comment ils fonctionnent et je veux profiter de votre micro pour leur dire d’arrêter. Parce que c’est un peu plus d’humiliation, un peu plus de souffrance pour eux-mêmes. Au vu de ces éléments, nous avons voulu prendre les Ivoiriens et la communauté internationale à témoin. Sur la défense de l’intérêt de l’Etat, la quiétude des Ivoiriens, nous serons très fermes.
Le colonel Katé a été aussi auditionné.
Bon, je vous ai montré les images déjà. Je ferai un commentaire après. Ce que je peux dire, il y a une annonce de taille. Dans son PV, le colonel Katé Gnatoa, ancien membre de la Garde républicaine, a déclaré qu’il a été le témoin oculaire de l’assassinat du général Guéi Robert par le commandant Séka Séka Anselme. C’est très triste. C’est enfin lever un pan de voile sur une des tristes pages de l’histoire de notre pays. Je pense que les juges sauront aller plus loin pour que la vérité se sache. Moi, j’étais à l’Ouest avec le président de la République lors de la visite d’Etat et l’un des frères du président Guéi a demandé au chef de l’Etat : « M. le président, on veut savoir qui a tué notre frère ». Aujourd’hui, on a un témoin oculaire, un témoin de l’assassinat du général Guéi par le commandant Séka Séka Anselme.
Revenons à Lida Kouassi, qui est haut cadre du FPI et qui dit qu’il s’inscrit dans le cadre de la réconciliation. Qu’est-ce que cela vous inspire comme commentaire ?
Ce que je voudrais que les Ivoiriens voient est que nous avons tendu la main. Le président de la République depuis son arrivée au pouvoir, n’a fait que tendre la main. Il a parlé de réconciliation. Et depuis, on voyait bien que des gens n’y croyaient pas et ne se pressaient pas. Souvent, ils sont en contact avec ces gens qui leur promettent que tôt ou tard, ils arriveront. Et c’était tellement organisé. La période du mois de juin a été choisie comme la période du harcèlement médiatique. Ils ont décidé de réveiller les réseaux sociaux. C’est-à-dire les syndicats. Toutes les petites revendications seront manipulées dans le sens de perturber. On a vu récemment plein de choses. Ils ont décidé de recruter, on a des correspondances, des mercenaires libériens identifiés qui sont des enfants de la guerre nés de parents chefs de guerre et qui vivent dans les villages au Liberia. Ils traversent à pirogue le fleuve Cavally pour tuer des populations et retourner au Liberia ; parce qu’évidemment, cette zone étant difficile à sécuriser à cause des 700 km de frontière, du littoral de Cavally et de la forêt dense. Où il y a de petits villages et plus d’une cinquantaine de campements. Ils viennent perturber tout cela pour ne pas que la confiance revienne, pour ne pas qu’il y ait le développement. Ils savent qu’ils ne peuvent rien faire de sérieux. Mais comment harceler le pouvoir en place ? Il y a ceux qui gèrent la communication, ceux qui gèrent la politique. Il y en a qui croient tenir du vrai. Mais aujourd’hui, à la face du monde, nous voudrions leur dire d’arrêter et de venir répondre à l’appel du président de la République. Le président Ouattara croit en la réconciliation. Il pense que la paix durable, c’est d’abord par la réconciliation. Donc, arrêtez vos illusions et inscrivez-vous dans un schéma normal de vie d’un parti politique. Beaucoup de gens nous reprochent notre trop grande tolérance à l’égard de ces gens. Parce qu’en Tunisie, il n’y a pas eu plus de morts qu’ici. Mais le parti de l’ancien président Ben Ali a été dissous ; On ne laisse même pas une forme d’expression. Mais ici, voilà des gens qui ont un journal où ils écrivent n’importe quoi. Il y a eu des tueries à l’ouest. Mais il n’y a eu aucune condamnation.
On a tué des agents de l’ONU, des casques bleus, des gens qui ont quitté leur femme, leurs enfants, leurs familles pour venir à des kilomètres très loin pour apporter la paix à un pays frère. On les tue parce que des gens que vous avez achetés, ont agi dans ce sens. Vous ne condamnez pas. Ils ont l’outrecuidance de dire que c’est de la manipulation, et des montages. Je pense que nous avons voulu montrer que nous passons à autre chose. Nous ne pouvons pas accepter que ces gens continuent de distraire les Ivoiriens.
Vous venez de démontrer qu’il ya un lien entre toutes ces affaires
Bien sûr. Les éléments sont très clairs. Nous avons par exemple le colonel Alphonse Gouanou, le commandant Loba Patrice qui étaient en mission au Libéria. Il a même dit dans les éléments dont nous disposons que Koné Katina lui a remis de l’argent. Il a recruté un groupe. Ils ont ténu des réunions à Accra. Leur première action était de tout faire pour perturber la mission du chef de l’Etat à l’ouest. Il fallait agir. Il pressait les éléments recrutés à agir. Diantre, que de mal dans leur tête ! Nous sommes un grand pays, nous sommes un grand peuple, nous aspirons au développement ! Nous avons un Président qui est acharné, qui a envie de transformer la Côte d’Ivoire. Mais ne soyez pas en marge. Votre intention funeste ne marchera pas. Voici des gens qui avaient le pouvoir d’Etat, l’argent, la télévision, la gendarmerie, la police, l’armée, les armes lourdes et qui n’ont pas pu le garder. Comment peuvent-ils espérer le reprendre dans un environnement où le monde entier les a reconnus responsables des morts, et dont le leader est à la CPI. Il y a des victimes. Voilà un pays qui se reconstruit, certes difficilement. Les Ivoiriens aujourd’hui peinent à cause de cette situation. Mais, ils ont confiance en l’avenir. Pendant ce temps, vous voulez les faire retomber dans le chaos. Aujourd’hui, nous disons que trop, c’est trop. Ces gens doivent arrêter. Ils ont fait trop de mal à la Côte d’Ivoire. Il faut qu’ils arrêtent.
L’ouest de la Côte d’Ivoire, M le ministre d’Etat, continue de nous interpeller. Des casques bleus ont été tués, il y a eu des cérémonies pour leurs dépouilles mortelles, quel message avez-vous pour eux et leurs familles.
D’abord, ce sont des mots de compassion, de solidarité et de condoléance. Le président de la République a parlé au téléphone au représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, il a adressé un courrier au secrétaire général de l’ONU, il est en contact avec le Président du Niger, qui a perdu sept de ses ressortissants. Nous lui adressons nos condoléances. Nous promettons que justice sera faite. Sur la situation du Libéria, le ministre de la Défense, que je salue, est en train d’organiser avec l’état-major, deux actions d’envergure. La première, est une grosse manœuvre de ratissage de toute la zone et de toutes les forêts. Cela prendra le temps qu’il faudra, les moyens que cela engendrera. Nous allons investir cette zone. Nous allons ratisser et y rester. Aujourd’hui, si vous avez suivi les informations, ceux qui ont fait le coup ont commencé à être poursuivis par nos hommes. Sur leur passage, ils ont encore commis la désolation. Ils ont tué dans un village. Avec la fermeture, ils ont pénétré les forêts. Nos hommes continuent de les poursuivre. Leur présence sera plus forte dans cette zone dans les prochains jours. Demain, (aujourd’hui, ndrl), il est prévu une grande réunion entre les ministres des Affaires Etrangères, de la Défense et de l’Intérieur du Libéria et leurs homologues de la Côte d’Ivoire. Il s’agira d’une réunion pour coordonner une grosse opération militaire qui va voir intervenir l’armée libérienne et l’armée ivoirienne, la mission des Nations Unies au Libéria (MUNIL), la mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et l’appui des pays qui voudront participer, tels que la France, les Etats Unis d’Amérique, dans le cadre d’une manœuvre militaire globale. Ce sera une décision énergique pour sécuriser la zone. Ensuite, au plan politique, cette zone est fragile parce que la longue guerre du Libéria a des relents de conflits intercommunautaires. Vous avez les Kran au Libéria, qui est l’équivalant des Krou en Côte et les Ghuiho qui sont l’équivalent des manding, qui ont les mêmes contradictions. Notre responsabilité également, c’est de parler aux chefs de communauté, d’organiser sur ces sites des réunions pour leur expliquer que leurs enfants peuvent avoir un avenir autre que celui de la guerre. Il ne sert à rien d’être fils de chef de guerre, de grandir et vivre dans la guerre. Nous avons décidé également de lancer ce second volet qui permettra de sensibilisation. Ce qui se passe, c’est que ces gens ne sont pas dans les camps de réfugiés. Ils vivent avec les populations, avec les caches d’armes pour traverser la frontière dès qu’ils ont l’occasion pour semer la désolation et se replier.
Nous terminons cet entretien. Que pouvez-vous dire aux Ivoiriens ?
Je voudrais d’abord vous remercier. Ce n’est pas un exercice facile de traiter de ces questions très sensibles à la face du monde, à la télévision. On essaie de donner ce qu’on peut sans aller trop loin. Nous sommes arrivés à un stade où nous avons un devoir de partage d’informations, de partage de responsabilité, de transparence vis-à-vis des Ivoiriens. Je veux dire aux Ivoiriens que tout ce qu’on dit et tout ce qu’on entend peut faire peur. Mais, ils peuvent nous faire confiance. Ce n’est pas de l’arrogance. Nous travaillons sérieusement. Le président de la République suit lui-même ces dossiers méthodiquement. Nous travaillons sérieusement. Nous sommes très concentrés. Nous sommes très conscients de notre responsabilité dans ce domaine. Ils peuvent nous faire confiance, ils peuvent vaquer à leurs occupations. Ils peuvent continuer leur vie sereinement. La Côte d’Ivoire est en train de repartir. Chacun à sa place. Le président de la République a lancé un appel à la réconciliation. Je demande à tous ceux qui rêvent à ces choses là de sortir de leurs illusions. C’est important. Si vous voyez que la réconciliation est en panne, c’est parce que la quasi-totalité de ces dirigeants attendent ça. Si ça ne vient jamais, quel avenir réserve-t-il à leurs enfants, à eux-mêmes. Il faut qu’ils en sortent. Moi je les y invite. Il n’est pas tard. Le Président a toujours un traitement particulier pour ceux qui sont venus de bon cœur à la réconciliation. Même ceux qui ont commis de graves fautes n’ont pas été inquiétés. Ils ont eu un traitement particulier. On a vu le cas des généraux. C’est le Président lui-même qui les a proposés comme ambassadeurs. C’est lui-même qui a proposé que certains militaires encadrés par le ministre de la Défense, aient un traitement particulier. Le colonel Konan a été chef des opérations pendant ces évènements. Il a mené des opérations sur le terrain. Mais on ne fera pas subir aux militaires la faute des politiques. S’ils se repentent, ils n’auront rien à craindre. Je dis aux autres d’arrêter. Certains qui m’écoutent savent que je leur parle. Nous nous parlons. Ils peuvent encore sauver leur famille, leur vie. Parce que la vie, ce n’est pas être en cavale, se cacher tous les jours. Les grands officiers sont aperçus dans les rues d’Accra comme des … ils ont leur place en Côte d’Ivoire. Il faut qu’ils arrêtent. Parce que nous n’allons pas laisser prospérer la chienlit en Côte d’Ivoire. En dehors de cet appel, je veux vraiment, sans donner dans ce qu’on a vu ces dernières années avec des déclarations tapageuses du ministre de l’Intérieur, dire que nous ne parlerons pas beaucoup. Nous allons agir. Tous ceux qui seront dans cette logique auront affaire à nous. La Côte d’Ivoire est en train de se reconstruire. Le Président a engagé beaucoup de chantiers. Aujourd’hui, les Ivoiriens se plaignent de la cherté de la vie et du manque d’argent. Je pense que la situation s’y prêtait. Nous venons d’une économie qui a fait moins 4,7% de croissance et nous envisageons aller à 8,1 %. Il y a un passage. Nous voulons assainir les finances publiques, tous ces marchés qui ont été passés dans des conditions que l’on sait. Savez-vous que quelques mois encore après notre prise de pouvoir, nous avons découvert que la femme de l’ex-DG de la Petroci est allée retirer des chèques de 130 millions par mois parce qu’elle avait une entreprise qui faisait la restauration à la Petroci. Le contrat a été signé par l’époux et l’épouse. On ne peut pas tolérer ces choses. Pendant ces dix dernières années, ce sont les refondateurs qui avaient de l’argent dans ce pays. Quand leurs avoirs ont été asséchés, cela s’est ressenti dans le pays. Nous sommes en train d’assainir tous ses flux. Avec le PPTE qui est annoncé pour le 26 de ce mois, ce sera un levier formidable de l’économie. Les prix du café et du cacao pourront être garantis, grâce à la politique du Président pour la prochaine campagne. Les paysans seront payés à un prix au-dessus de ce qu’on a vécu. Les flux financiers vont revenir et la Côte d’Ivoire va rentrer dans une fin d’année qui sera lumineuse. 2013 sera l’année du repositionnement et de la consolidation. La situation n’est pas facile. Tous les jours, nous allons renforcer, consolider la sécurité. Tous les jours qui passent, nous allons grandir dans ces chapitres. Moi, je considère que nous avons un grand pays, une grande ambition. Le Président est tous les jours à la tâche. Il travaille sans relâche. Nous n’avons pas le droit d’être distrait par ce genre de problème. Je veux que chaque Ivoirien prenne sa part dans la gestion de ce grand pays qui est en marche.