La semaine dernière, plus précisément, vendredi, samedi et dimanche, je me trouvais à Sassandra. Ce n’était pas ma première visite de cette ville. Mais la troisième. Je connais presque toute la Côte d’Ivoire, sauf la région du Boukani. D’ailleurs, je connais assez bien plus une vingtaine de pays africains. C’est ainsi que je constate, à chaque fois, que tous les pays africains, à peu de détails près, se ressemblent comme des frères siamois. Les capitales sont de véritables vitrines. L’arrière pays vit dans une autre époque. En fait, ce n’est pas faute de pouvoir les développer, mais c’est surtout trop de problèmes à la fois pour un gouvernement. En plus, c’est bien plus efficace d’épater l’étranger qui vient dans le pays en embellissant la capitale. On retrouve le même phénomène dans les foyers. Des salons de ministres et des chambres d’ouvriers. Félix Houphouët-Boigny disait de chercher, à chaque instant, le meilleur par rapport au bon, le durable par rapport au passager. Ce voyage, quatre ans après dans cette région, m’a permis de constater que la route est vraiment mauvaise. Heureusement qu’il ne pleuvait pas et qu’il est annoncé un vaste profilage de la Côtière. Une très bonne nouvelle. Au cours de mon voyage, en aller et retour, je ne cessais de penser au Père de la Nation. J’étais adolescente, très jeune encore, quand je l’entendais dire qu’avant 1980 la Côte d’Ivoire n’aura plus de taudis. Evidemment, le pari n’a pas été tenu. Il suffit de voir les bidonvilles dans Abidjan même, la perle des lagunes. Mais chacun d’entre nous fait des prévisions, des projets, sur plusieurs années et ne réussit pas à les mener jusqu’au bout. Un gouvernement ne saurait y échapper. Entre le rêve, le désir et la réalité, il y a souvent un grand fossé insurmontable. Le Père de la Nation en était conscient. Dans un message adressé à la Nation, le 31 décembre 1967, il disait : « Persuadons-nous que le développement d’un pays n’est pas une affaire d’années, mais celle de plusieurs générations d’hommes et de femmes responsables, marchant d’un même pas vers un seul et même but. » Ces discours à la nation étaient pour moi une fontaine pour m’abreuver de connaissances pour le développement du pays. Et jusqu’aujourd’hui, je me plonge constamment dans l’ouvrage consacré à ces principaux discours et qui porte le titre de : ‘’Le Président Félix Houphouët-Boigny et la Nation Ivoirienne. » Publié en 1975, on peut en 2012 reprendre les mêmes phrases comme si les années n’avaient pas bougé. Que de passages sur la cherté de la vie. Le 7 juin 1974, au cours d’une conférence de presse donnée au Gabon. « Or, que lisons-nous dans la presse africaine d’inspiration européenne ? Des critiques systématiques : rien ne va, écrit-on, mais on ne propose rien comme remède. » Cet ouvrage que tout homme politique et autre citoyen passionné des problèmes de développement du pays doivent posséder et consulter à tout moment. Rien ne semble changer sous le soleil. Et dire qu’en 1975 on parlait déjà avec acuité du problème du chômage. A Sassandra, comme sur la route, j’ai vu comment les condiments étaient d’un prix abordable. Dans la ville, des poissons à gogo à en perdre le goût. C’est que la ville avec son embouchure aurait pu devenir un grenier halieutique pour la Cote d’Ivoire avec des installations adaptées. Disons des usines. Que de possibilités ! Hélas tout se fait ou presque à Abidjan. Et c’est pourquoi je me rends compte que l’indispensable ou l’important pour une émergence doit passer absolument par des voies ferrées. Tout comme les pays développés possèdent des milliers de voies ferrées. Imaginons un chemin de fer San-Pedro-Abidjan et beaucoup d’autres villes sur Abidjan. C’est ainsi qu’on comprend que le pouvoir c’est la force de l’impuissance. Trop de choses à faire, mais peu de moyens pour les réaliser. Cette région qui est une vraie aubaine pour le tourisme manque encore d’infrastructures adaptées. J’ai appris que Best Africa, l’un des plus beaux sites touristiques du continent, n’existe pratiquement plus. La crise est passée par là. On image que nos dirigeants politiques, surtout le Président, ne doivent pas beaucoup dormir. Envie de faire et pas de moyens de le faire. Et surtout le peuple qui pense qu’on ne fait rien. Ce peuple ne se dit pas que lui aussi ne réalise pas ses désirs personnels malgré son envie. Encore les moyens. Les moyens sont toujours rares chez l’individu comme chez l’Etat. « Il n’y a pas de miracles en matière de progrès économique, social et culturel où les conditions du succès s’appellent travail, investissements, discipline, union et signifient pour tous les citoyens d’un pays en voie de développement : foi dans l’avenir et goût du risque, continuité dans l’effort et, également, abnégation et sacrifice. » C’était le 7 février 1963 à l’occasion de la pose de la première pierre de l’Université d’Abidjan. Une autre citation que le Président Ouattara peut reprendre, mot par mot, encore à la prochaine rentrée universitaire en septembre prochain. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly