x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le lundi 9 juillet 2012 | Le Patriote

Alassane Ouattara (Président de la République) : “La violence ne mènera le FPI nulle part”

© Le Patriote Par DR
Financement de la 2e phase du Programme économique régional (PER) de l`UEMOA: le Président Alassane Ouattara à la Table ronde des bailleurs de fonds
Lundi 2 juillet 2012. Abidjan. Palais présidentiel, du Plateau. Le chef de l`Etat, SEM Alassane Ouattara à la Table ronde des bailleurs de fonds sur le financement de la 2e phase du Programme économique régional (PER) de l`UEMOA
Le chef de l’Etat était hier sur le plateau de la chaine de télévision internationale, Africa 24, pour parler de son bilan à la tête de la Côte d’Ivoire depuis 13 mois ainsi que de son rôle à la tête de la CEDEAO. Nous vous proposons cet entretien en intégralité.

Africa 24 : En mai 2011, vous étiez ici à Yamoussoukro et vous y avez prêté serment. La Côte d’Ivoire regardait alors la fin d’une longue crise postélectorale pour poser les bases d’un nouveau départ. 13 mois après votre investiture, les attentes dans la population sont toujours vives. Entre le rêve d’une véritable et définitive réconciliation nationale, le défi est essentiellement économique. Il faut construire les infrastructures, assurer le pouvoir d’achat des Ivoiriens, assainir les finances publiques et matérialiser une bonne gouvernance. Autant de défis qui nécessitent une démarche sans concession. 13 mois plus tard, après avoir prêté serment en tant que président de la République, quel est chez vous le sentiment qui domine ? La joie, la frustration, la colère, l’inquiétude?
Alassane Ouattara : En un mot, c’est d’abord la charge de la fonction, la responsabilité, les engagements pris à l’endroit de mon peuple. Ceux de faire en sorte que la Côte d’Ivoire redevienne un pays de paix, de sécurité et de prospérité. Vous avez mentionné toute une série de défis. Vous avez bien raison. Quand j’ai prêté serment, c’était au lendemain de la crise postélectorale. Ce pays était totalement détérioré, la situation était catastrophique. Pas d’Etat, pas d’Armée…

A24 : Vous avez dit pas d’administration, des infrastructures dégradées. Mais, qu’est-ce que vous avez fait de ces ruines ?
AO : Mais d’abord, il fallait s’occuper des populations. Il y avait des milliers de cadavres qui jonchaient les rues. Il fallait malheureusement les ramasser. C’était des ordures un peu partout. Il fallait éviter une épidémie de choléra. J’ai mis en place un système de soins gratuits, de nettoyage de la ville, de reprise de la sécurité en main, j’ai fait en sorte que le pays redevienne à peu près un pays normal, fréquentable. C’était très difficile. Beaucoup de gens avaient quitté la ville. Des millions de réfugiés dont la moitié était à Abidjan. Bref, je ne veux m’attarder sur le passé. Il fallait se mettre au travail. Ce que nous avons fait et aujourd’hui la Côte d’Ivoire est en paix, la sécurité est revenue, le pays est normalisé. Nous avons tenu les élections législatives. Au niveau politique, la normalisation est faite. Au niveau économique, vous l’avez dit, nous avons entrepris toute une série de travaux d’infrastructures. Nous avons investi dans le social, dans la santé, dans l’école. Au niveau de la reconstruction, nous ne nous sommes pas limités seulement qu’à Abidjan. Nous avons investi également l’intérieur. Evidemment, nous avons tout fait pour améliorer le quotidien des Ivoiriens. Et le quotidien des Ivoiriens ne veut pas dire seulement le pouvoir d’achat. Cela veut aussi dire les routes, les écoles, les dispensaires, ainsi de suite. Sur le pouvoir d’achat, comme vous l’avez dit, c’est un problème que je rencontre partout où je vais. Depuis ma prise de fonction, j’ai visité une vingtaine de pays africains, le thème revient dans chaque pays. Pourquoi ? Dans notre zone, nous avons la chance d’avoir une monnaie unique. Le phénomène n’est pas monétaire comme dans les autres pays anglophones. Le taux d’inflation statistiquement est comme en Europe, 2 %. Mais la réalité, c’est que pour le panier de la ménagère, la plupart des produits sont importés. Nous sommes assujettis à l’augmentation brutale des prix de ces produits de consommation. Il nous appartient de faire en sorte de baisser les prix des produits de grande consommation, que ce soit le riz, le sucre, etc.

A24 : Par quel mécanisme ?
ADO : Par un mécanisme d’abord d’assainissement des circuits. Ce pays a connu une mauvaise gouvernance pendant des années, il faut s`assurer qu’on fasse sortir les faussaires du système, que la marge de la corruption soit ramenée à des niveaux à peu près corrects. Deuxièmement, l’évacuation des productions de l’intérieur du pays vers les centres-villes doit être améliorée. Que ce soit la tomate, la banane, l’igname. Parce ce que nous n’avons pas de pistes, aucun investissement n’ayant été fait dans ce sens. Nous devons faire en sorte que le transport s’améliore. Nous devons mieux surveiller les prix et faire en sorte que nous produisions plus. Pour le riz par exemple, nous allons augmenter notre production de 25 % cette année. Dans trois ans, nous serons autosuffisants. Je peux continuer sur ces questions, c’est fondamental d’améliorer le quotidien des Ivoiriens.

A24: Monsieur le Président, quand vous décrivez tout ce que vous allez mettre en place, êtes-vous conscient que pour l’Ivoirien de base, tout cela est une théorie. Qu’il se dit : « écoutez, c’est un grand intellectuel, il s’y connait, il veut nous rassurer avec ses paroles, mais rien ne change». Pouvez-vous nous dire quelles seront les trois grandes principales étapes d’évolution de ce coût de la vie?
ADO : Je ne sais pas si vous avez parlé à l’Ivoirien moyen. Peut-être pas à eux tous. Par contre, nous, nous avons une série de sondages où l’Ivoirien moyen constate que son environnement est meilleur. Il y a un an, il ne pouvait pas sortir de chez lui. Or aujourd’hui, il a la paix.
Deuxièmement, l’Ivoirien moyen constate que dans son quartier les routes ont été réparées.
Troisièmement, l’Ivoirien moyen constate que dans les centres de santé, les hôpitaux, il y a des médicaments. Mieux, les soins sont gratuits, surtout pour les femmes enceintes et pour les enfants de 1 à 5 ans. L’Ivoirien moyen le sait et tous les CHU le pratiquent. Nous avons eu d’ailleurs à licencier un certain nombre de médecins qui ne travaillent pas dans cette direction.
Quatrièmement, l’Ivoirien moyen constate que les coupures d’eau et d’électricité qui étaient partout en ville, sont localisées. Et dans un an, il n’y en aura plus à Abidjan ou dans les grandes villes.
Vous savez, pour l’Ivoirien moyen, qu’est ce qui l’importe ? C’est d’abord son environnement, se nourrir, avoir une maison, envoyer ses enfants à l’école. Je peux développer sur toutes ces choses ce que nous avons fait et ce qui est visible. Ce n’est pas seulement des mots. Nous sommes en train de reconstruire et de réhabiliter toutes les cités universitaires à Abidjan et à Bouaké. Cela va nous coûter 100 milliards de francs CFA. Dans quelques semaines, les travaux vont finir et l’université va rouvrir au mois de septembre. Nous sommes en train de réhabiliter les centres de santé. Si vous prenez l’Ouest où nous avons eu toute cette situation de conflit, nous avons réhabilité toutes les infrastructures.

A24 : D’où vient tout cet argent ? Récemment, la Côte d’Ivoire a eu un allègement de sa dette extérieure. Beaucoup de gens disent que ce sont vos amis, vos anciens collaborateurs du FMI qui ont souhaité vous faire plaisir.
ADO : En tant que banquier, je peux vous dire qu’en matière d’argent, il n’y a pas d’amitié.

A24 : Pouvez-vous donner le chiffre exact du montant de la dette ivoirienne et expliquer le mécanisme. Pourquoi 3,1 milliards ou 4 milliards dans la globalité et pas la totalité ?
ADO : Il faut mériter ce que l’on vous donne. C’est la vie. Quand on travaille, on est récompensé.

A24 : Pourquoi la Côte d’Ivoire obtient cet allègement en 13 mois, alors que d’autres pays se battent depuis ?
ADO : Parce qu’en face de vous, à la tête de ce pays, vous avez un ancien Directeur général adjoint du FMI, qui a pratiqué la macroéconomie, les programmes d’ajustement et de restructuration quasiment sur tous les pays africains du nord au sud, de l’est à l’ouest. Donc, nous savons ce qu’il faut faire et nous avons fait ce qu’il y avait lieu de faire. Que ce soit en matière de gestion budgétaire, macroéconomique, en matière de restructuration des entreprises, ainsi de suite.

A24 : Donc, les 12 milliards sont exacts comme chiffre ?
ADO : Non, c’est 12 000 milliards de francs CFA d’allègement. C’était au début. Maintenant, les choses se sont améliorées, nous sommes à 6000 milliards. Et l’allègement porte sur 2200 milliards. Il restera encore à peu près 3000 milliards de dette, mais essentiellement sur le club de Paris, c’est-à-dire les banques commerciales et autres. Mais, nous allons également négocier. Savez-vous qu’au moment de la crise postélectorale, la dette de la Côte d’Ivoire se vendait à 5 % de sa valeur. Aujourd’hui, cette dette, qui est des marchés parallèles, se vend à 75 % de sa valeur. C’est vous dire qu’en un an la confiance est revenue. Et c’est un élément important de toute politique économique.

A24 : la Côte d’ivoire a travaillé déjà sur la réduction de ses dettes. En quoi avez-vous le sentiment de faire mieux ?
AO : Vous l’avez dit vous-même. En dix ans, le taux de croissance n’a été que de 7%, de -3 à 4%. Mais en une année, en 2012, nous aurons un taux de croissance de 8%. Donc en un an, nous aurons fait ce que l’ancien régime a fait en dix ans. Pourquoi cela ? Nous avons d’abord resserré le budget. Nous avons procédé à une véritable gestion budgétaire. Nous avons fait en sorte que la corruption diminue. Nous avons entrepris les investissements qui ont un impact bien sûr la croissance. Nous allons faire en sorte qu’à compter du 1er octobre, les producteurs aient des prix réels qui soient un tiers à 40% plus que ce qu’ils ont touché précédemment, ainsi de suite. Il s’agit donc d’améliorer l’investissement, d’améliorer la gestion et de faire en sorte que la plus grande proportion de la population, le tiers, les paysans, reçoivent la rémunération qui leur est due par leur travail. Ensuite, l’année prochaine, j’ai comme ambition de faire en sorte que la croissance continue de s’améliorer pour qu’en 2015, nous ayons une croissance à deux chiffres, c`est-à-dire plus de 10%.

A24 : sur cette base économique, votre méthode, c’est réhabilitation, la création d’emplois. Il y a un autre point qui est aussi cruciale en dehors de la vie chère, c’est le point de la sécurité. On voit que l’indice de la sécurité serait passé de 4 à 1
AO : « Est passé », pas « serait passé ». Ce n’est pas moi qui le dis…

A24 : En tout cas, selon les organismes internationaux. Pourtant, on a le sentiment qu’une certaine insécurité dissuade les opérateurs économiques. Quel est l’impact de cette situation sur l’économie intra-ivoirienne ?
AO : S’il y avait de l’insécurité, il n’y aurait pas la confiance.

A24 : Je parle de faits qui existent.
AO : Ah non ! Ça a existé mais ça n’existe plus. Vous êtes arrivé à Abidjan. Avez-vous été agressé ? Avez-vous vu quelqu’un qui a été agressé ? Soyons très précis. Abidjan est une ville de 6 millions d’habitants. Tous les matins, je reçois des rapports de la police et de la gendarmerie. Et je peux vous dire que la situation est meilleure qu’il y a un an, qu’il y a dix, qu’il y a 20 ans. Donc la situation s’est fortement améliorée. Vous savez, il n’y a pas que la sécurité par la police et la gendarmerie, il y a la question de la restructuration de l’armée. J’ai mis en place un comité pour restructurer et intégrer de façon définitive les deux armées qui se sont battues. Et ça se passe bien.

A24: Vous êtes optimiste…
AO : Pas que je suis optimiste. Je constate que ça se passe bien. Nous allons doter cette armée de moyens nécessaire pour participer à sa mission de protection de la Côte d’ivoire.

A24 : Nous avons trois petits derniers points. C’est l’état des arriérés vis-à-vis des entreprises. On parle de plus 250 milliards…
AO : Environ 220…

A24 : que l’Etat ne veut pas payer. Beaucoup se disent que vous cherchez à régler des comptes avec des hommes d’affaires qui ne vous ont pas accompagné dans votre quête du pouvoir. Où est la réalité ?
AO : Ceux qui vous disent cela ne me connaissent pas. Je n’ai pas l’esprit de vengeance ni d’injustice. Je veux être équitable. J’ai fait un travail de recensement des arriérés intérieurs dans d’autres pays notamment en Afrique centrale. Qu’est ce que j’ai trouvé ? Qu’en général, lorsqu’on est en période de crise, il y a de la surfacturation par les opérateurs. Pas seulement du fait de la corruption, mais parce que les opérateurs se disent : « je fais un travail, je ne serais payé que dans 4 ans, donc je prends 15% par an, ça fait 60% ». Après le travail que nous avons fait, nous avons constaté que les montants sont surévalués, sont multipliés par 2, par 3, par 4. Je l’ai constaté par moi-même. J’ai donc demandé un audit qui sera terminé dans les semaines qui viennent. Et dans le dernier trimestre de l’année, nous commencerons à payer les vrais arriérés. Le montant n’est pas de 220 milliards, il y a à peu près 450 milliards d’arriérés au total. 220, disons la moitié, d’arriérés privés, c`est-à-dire aux fournisseurs et autres et aux entreprises, l’autre moitié, ce sont en réalité des établissements publics, des conseils généraux ou des mairies. Cela sera traité différemment. Parce que si les arriérés ne sont pas payés, la machine ne tourne pas. Mon ambition, c’est de faire en sorte que la croissance économique s’accélère. Et cette accélération demande à ce que les arriérés soient réglés. Mais il faut que ce soit réglé sur des bases équitables et transparentes.

A24 : Vous avez mis l’accent sur la bonne gouvernance. Mais on constate que les primes d’augmentation de vos ministres se sont accrues de 6 fois le montant du salaire, des indemnités fortes, voitures avec chauffeurs, ce n’est pas trop pour un pays….
AO : Je crois que vous avez vu des gens qui vous intoxiquent. Ce n’est pas vrai.

A24: Je n’ai vu personne.
AO : Ils vous ont donné de fausses informations. Rien n’a changé depuis que je suis arrivé.

A24: Par rapport au régime précédent ?
AO : Par rapport au régime précédent, absolument rien.

A24 : Mais d’où vient cette information ?
AO : Elle est fausse. Il n’y a pas eu d’augmentation. J’applique les frais d’installation qu’il y avait. J’applique les salaires qu’il y avait. Les ministres avaient une voiture avec un chauffeur, de la sécurité. Moi, je suis en train de réduire le train de vie de l’Etat et je vais vous dire une chose : les ministres sont comme tous les citoyens, ils n’ont pas reçu d’augmentation de leur pouvoir d’achat depuis 20 ans. Je n’ai absolument rien changé.

A24 : au risque encore de me faire intoxiquer, je veux parler de transparence et de bonne gouvernance. Depuis votre prise de pouvoir, on vous reproche de ne pas publier votre patrimoine comme la constitution de 2000 le demande. Pourquoi ? Avez-vous des choses à cacher aux Ivoiriens ?
AO : Je ne sais pas qui vous avez vu dans ce pays. La Constitution demande la publication du patrimoine entre les mains de la chambre des comptes de la Cour suprême. Je l’ai fait. J’en ai informé le conseil des ministres. Moi, je n’ai rien à cacher. Tout le monde sait que je vivais bien déjà quand j’étais dans l’opposition. J’ai quand même occupé des fonctions importantes, M. Nemalé. J’ai été Gouverneur de la Banque centrale, j’ai été Premier ministre, j’ai été Directeur général adjoint du fonds monétaire international. Moi, je n’ai rien à cacher. Et je peux vous dire que je dépense beaucoup moins que mon prédécesseur. Ceci étant, il faut de la transparence, ça ne se limite pas seulement au Président de la République, cela s’applique aux ministres. Et le Premier ministre Guillaume Soro en son temps a fait adopter un code d’éthique par les ministres. Le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur vient de faire adopter, hier, un code d’éthique pour les policiers. Le ministre de la Fonction publique va faire un code de bonne conduite pour les fonctionnaires. Et ceux qui ne seront pas conformes à ce code, seront sanctionnés. Nous sommes dans la totale transparence, dans la bonne gouvernance. Parce que je tiens à cela. C’est ce qui crée la confiance chez les investisseurs.

A24 : autre chose qui peut créer la confiance, c’est le retour d’une réconciliation. Or on voit que des dissensions existent sur la méthode, qu’il existe des craintes d’un certain nombre de personnes membre du FPI qui sont en exil, et on dit le fait d’envoyer Gbagbo à la Haye est comme enterrer la réconciliation….
AO : La réconciliation est une priorité pour moi. J’ai mis en place dès mon investiture une commission Dialogue vérité et réconciliation. Mais pour qu’il y ait une vraie réconciliation, il faut le pardon, mais il faut aussi la repentance. Quand j’ai pris fonction, il y avait plus de 250 000 refugiés dans les pays voisins. Aujourd’hui, il en reste encore 60 000. Et je veux que tous mes compatriotes rentrent. J’ai fait le tour de l’Afrique de l’Ouest pour demander à mes compatriotes de rentrer. La plupart de ceux qui n’avaient rien à se reprocher sont rentrés. Même certains militaires qui avaient commis certains actes pas criminels sont de retour. Maintenant, il y a un groupe qui a commis des crimes de sang, des crimes économiques qui ne veulent pas rentrer parce qu’ils ne veulent pas faire face à la justice. Je leur demande de rentrer. La justice est équitable. Nous tenons à l’Etat de droit. Cela nécessite aussi un dialogue. Et nous avons fait ce dialogue. J’ai demandé au FPI de venir au Gouvernement, ils ne l’ont pas accepté. Je leur ai demandé de participer aux élections législatives, ils ne l’ont pas accepté. Maintenant, il y a un dialogue politique qui est en cours. Je leur demande de rentrer dans ce dialogue. Parce que si on sort du processus politique, il ne reste que la violence. La violence ne les mènera nulle part. Et je ne souhaite pas, ayant connu l’exil, que des personnes qui ont occupé de hautes responsabilités dans ce pays reste en exil pendant des mois et des années.
Maintenant, sur l’ancien Président, vous savez qu’après sa défaite, il s’est accroché au pouvoir, il a utilisé des armes lourdes, plus de 3000 personnes ont été tuées, il a commis des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, si j’avais décidé de le juger ici, on m’aurait accusé de tout. Il est entre les mains de la Cour pénale internationale. C’est une justice impartiale. Je ne peux pas manipuler la Cpi. Quand on commet de tels crimes, il faut pouvoir les juger. Mais la Côte d’ivoire n’avait pas la possibilité de le faire. Les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, nous n’avions pas les instruments, nous n’avions pas les infrastructures. Vous savez que toute la prison d’Abidjan était détruite. Plus de 6000 personnes en étaient sorties. Nous n’avions pas les juges, qui s’étaient tous enfuis. Pour l’ancien Président, je considère que cette situation était la meilleure. Elle participe d’ailleurs à la réconciliation. Parce que cela veut dire que la juste impartiale, internationale, la Cpi, si elle revient sur les accusations de crime de guerre et de crime contre l’humanité, prendrait une décision. Mais si cela se confirme, évidemment, la chose sera très claire pour tout le monde.

A24 : M. le président, vous êtes à la Cedeao, qui vient de tenir son sommet à Yamoussoukro où nous nous trouvons. Quel bilan faites-vous de votre présidence et quel regard portez-vous maintenant que vous êtes président de cette Institution, du fonctionnement de nos Institutions?
AO : Vous savez, moi, je crois beaucoup à l’intégration. D’ailleurs, ma carrière l’a démontré. J’ai été cadre à la Bceao, directeur, gouverneur. Et la Cedeao est une structure d’intégration monétaire. J’ai travaillé à ce que cette structure fasse l’intégration économique. Je suis à la tête de la Cedeao, c’est une grande institution, par la volonté de mes pairs, d’ailleurs à l’unanimité. La Cedeao, c’est 300 millions d’habitants, 15 pays dont le Nigéria fait la moitié. Nos ambitions au niveau de la Cedeao, c’est d’abord d’assurer la paix, la sécurité. Nous voulons développer les infrastructures, faire en sorte que les économies soient plus intégrées et qu’il n’y ait pas d’obstacles aux mouvements, aux déplacements des citoyens. En bref, je veux une Cedeao des peuples. Que ce soit la citoyenneté commune, que nous soyons tous citoyens de la Cedeao d’abord avant de nous retrouver comme étant des Ivoiriens, des Ghanéennes, des Nigériens, etc.

A24 : Que faites-vous de l’efficacité de cette organisation?
AO : Je trouve que la Cedeao a fait preuve de beaucoup d’efficacité. Il est vrai, avec ma présidence, je n’ai pas beaucoup de chance, puisque je tombe dans deux crises importantes : le Mali et la Guinée Bissau. Mais cela nous emmène à nous dire que la paix et la sécurité doivent être une priorité, quand on sait comment la crise ivoirienne a été gérée. Mais dans les cas présents, nous avons eu des coups d’Etat et nous condamnons les coups d’Etat. Je ferrai en sorte que ce soit les derniers coups d’Etat de l’Afrique de l’Ouest. Nous prendrons toutes les sanctions nécessaires contre les auteurs de coups d’Etat. Nous irons le plus loin possible. Bien sûr, nous devons tenir compte de la souffrance de la population, mais il est inadmissible qu’un pays démocratique comme le Mali, à deux mois des élections, soit frappé par un coup d’Etat. Nous ferons en sorte que le Mali retrouve son intégrité territoriale, retrouve bien entendu la démocratie, avec un processus électoral normal et apaisé.

A24 : Vous condamnez les coups d’Etat, vous êtes touché par la souffrance des peuples, vous voulez afficher une fermeté, mais à la fin, on s’interroge : vous avez parlé du Mali, comment la Cedeao, comment la médiation a-t-elle pu donner un statut d’ancien chef de l’Etat au chef de la junte, Haya Sanogo ?
AO : Jamais, la Cedeao n’a donné un statut d’ancien chef de l’Etat au capitaine Sanogo. Pas du tout. Nous constatons cela. Les négociateurs ont cru bien faire en s’associant à cette imposture. Je condamne en tant que président en exercice de la Cedeao, le fait que le Capitaine Sanogo ait le statut d’ancien chef de l’Etat. Le sommet de la Cedeao dira cela de manière publique. Nous ne reconnaissons pas le statut d’ancien chef de l’Etat au Capitaine Sanogo. Ecoutez, c’est une blague ! Quelqu’un qui fait un coup d’Etat, qui dure une semaine, avec la remise en place du processus constitutionnel, on va l’appeler ancien chef d’Etat ? Mais en ce moment-là, tout le monde fera des coups d’Etat.

A24 : On entend certains présidents demander une intervention du Conseil de sécurité, la caution des Nations Unies. Quelle est pour vous, le Président Alassane Ouattara, la véritable solution ou méthode à appliquer au Mali?
AO : Vous savez, la Cedeao a toujours été très claire dans la hiérarchie des décisions. Il y a des changements qui influencent…
Parce que dans ce processus international, les choses prennent du temps et les uns et les autres s’expriment comme ils le souhaitent. Ce qui d’ailleurs est démocratique. C’est la liberté d’expression. Mais ceci étant, dès le coup d’Etat, nous l’avons condamné, nous avons imposé les sanctions. Nous avons exigé le transfert du pouvoir aux autorités constitutionnelles. Cela a été fait malgré tout ce que nous savons avec la situation du Président Diaconda Traoré, etc. Je ne reviendrai pas là-dessus. Ensuite, nous avons réuni la Cedeao et nous nous sommes mis d’accord qu’il fallait faire en sorte qu’il y ait une intervention au Mali pour en assurer l’intégrité territoriale. Nous avons saisi les Nations Unies, nous avons envoyé une forte délégation qui a vu le Conseil de sécurité. Il y aura bientôt une déclaration des Nations Unies suivie d’une résolution. Cela permettra une intervention au Mali, parce que nous ne pouvons pas accepter cela.

A24 : Une intervention armée?
AO : Bien sûr ! Mais pendant ce temps, il y a des négociations, ce qui est normal. Souhaitons qu’elles aboutissent parce que comme tout le monde, nous ne souhaitons pas qu’il y ait la guerre au Mali. Mais ne pouvons pas laisser le Mali entre les mains de terroristes.

A24 : Les terroristes se battent maintenant entre eux…
AO : Il n’est pas question pour nous de négocier avec des terroristes. Non, nous n’allons pas négocier, en tout cas en tant que président en exercice, je ne négocierai pas avec des terroristes. Les terroristes doivent être boutés dehors. Nous devons appuyer l’armée malienne pour faire cela, pour redonner aux maliens, leur fierté, pour redonner au Mali son intégrité totale et nous le ferons. Nous attendons la résolution des Nations Unies. Nous avons une force en attente de la Cedeao qui a été activée. Nous avons 3270 personnes qui sont en entrainement. Nous avons demandé les appuis logistiques, financiers et autres aux grandes puissances. Nous interviendrons.

A24 : La majorité des pays africains ne sont pas fabriquant d’armes. Pourtant, sur ce continent se retrouve toute une gamme d’armes qui créent ces guerres, qui créent ces situations. Pourquoi n’est-on pas capable d’imposer un moratoire sur la livraison des armes en Afrique ? Deuxième question : on connait qui sont les vendeurs de ces armes. Les mêmes pays que vous avez cités pour les aides. On retient la France, la Chine, les Etats Unis, la Russie. On ne s’en sortira jamais ?
AO : Alors si, on s’en sortira

A24 : Mais comment ?
AO : Les terroristes ont des armes. Pourquoi voulez-vous que les autres n’aient pas d’armes ? Nous avons des armées. Donc vous insinuez qu’on doit dissoudre toutes les armées dans nos pays ?

A24 : Comme des indiens, on va se donner des armes et on va se détruire… ?
AO : Non ! non ! nous sommes à des accords. Nous avons des armées, il faut que ces armées soient organisées, que les militaires soient formés et que ces militaires aient des armes. Il faut que la gendarmerie et la police aient des armes de différentes catégories pour le maintien de l’ordre. Ceci étant, il ne faut pas en abuser. Il faut la démocratie. Vous savez, si vous avez un pouvoir démocratique, les policiers, les militaires et les gendarmes seront sous l’autorité des politiques. Il faut aussi s’assurer que sur le continent, l’Union africaine arrive à s’organiser pour avoir des forces d’intervention au niveau du continent.

A24 : En est-elle capable ?
AO : Bien sûr, ça a commencé en Somalie, même si c’est encore à l’état embryonnaire. Et nous devons faire en sorte que nous soyons nous-mêmes capables de régler nos problèmes entre Africains. Le Mali nous concerne tous. Vous savez, c’est très dangereux, ces terroristes et trafiquants de drogue qui sont dans la bande sahélo-sahélienne. Ils sont en train des former des jeunes gens qu’ils recrutent partout, que ce soit en Côte d’Ivoire, au Burkina, même au Niger et au Togo qui ne sont pas des pays frontaliers. Ces jeunes gens, ces pauvres qui n’ont pas d’emplois, pensent qu’ils s’en vont pour avoir une perspective. Ils se retrouvent dans des armées pour être utilisés. C’est inadmissible. Nous avons l’obligation d’intervenir rapidement. Je souhaite que les Nations Unies nous donnent ce feu vert. Je souhaite aussi que les négociations aboutissent, que ces terroristes et trafiquants de drogue quittent le Mali, autrement nous interviendront.

A24 : Monsieur le Président, quand on regarde l’ensemble de ces problèmes posés en Afrique, on voit qu’il y a certaines relations avec l’extérieur. A présent, quel type de relations nous les Africains, nous devons avoir avec les Occidentaux ou les pays industrialisés les plus avancés?
AO : Là-dessus, mon attitude est simple. C’est ce que je pratique depuis que je suis aux affaires. Nous devons avoir des attitudes décomplexés. Nous avons besoin de certains pays comme ces pays ont besoin de nous. Moi, je n’irai pas tendre la main à un pays étranger pour qu’il m’aide à financer mon budget, à payer mes salaires. Mais ceci étant, je dois exporter mes produits qui vont dans ces pays. Nous devons avoir une égalité de traitement dans le commerce mondial. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Ces pays subventionnent leurs productions, ce que nous n’avons pas le moyen de faire. Ces pays ont des entreprises qui ont des dimensions internationales, qui peuvent venir exploiter nos produits. Mais il faut que nous puissions par l’intégration, nous aussi, avoir des entreprises de dimension internationale qui puissent travailler dans ces pays. Pour moi, la démocratie permettra à l’Afrique de développer la confiance pour les investisseurs. La démocratie permettra également de faire en sorte que les Africains se prennent en charge.

A24 : Monsieur le Président, merci pour ce « Face à nous » exceptionnel avec vous. Nous reviendrons bien évidemment porter un regard particulier sur ce parcours de la réconciliation et du développement de la Côte d’Ivoire. A cet instant, de manière brève, je vais vous demander un exercice voulu dans cette émission. Voulez-vous adresser le message de votre choix aux Ivoiriens et aux Africains, au-delà de votre vision politique?
AO : Mes chers compatriotes, chers frères et s?urs africains, nous avons un devoir de faire mieux que par le passé. Oui, nous les responsables politiques, qui avons eu l’honneur et la responsabilité d’être élus démocratiquement par nos peuples, devons donner des résultats. Et faire en sorte que l’espoir qui est placé en nous, soit mérité. Moi, je peux dire à mes compatriotes que nous avons bien commencé. Je dirai aux autres Africains que je suis confiant quant à l’avenir de l’Afrique. Parce que la démocratie va ouvrir les portes sur l’Etat de droit, sur la croissance économique et sur le respect des Africains au plan international. Donc, formons ensemble une grande coalition pour la paix, le développement et la fierté des africains.

Je vous remercie.
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ