x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le mercredi 22 août 2012 | Ivoire-Presse

Le devoir de mémoire : 19 août 2006- 19 août 2012, tragédie des déchets toxiques

© Ivoire-Presse Par DR
Scandale des déchets toxiques : ouverture à Amsterdam (Hollande) du procès du Probo Koala
La cargaison de déchets toxiques du Probo Koala avait finalement été épandue en 2006 en Côte d`Ivoire
C’est, je crois, Amadou Hampaté BA (à vérifier) qui nous disait que la Richesse de l’Afrique c’est sa Pauvreté. Puis-je, imprudemment, ajouter que son Amnésie est aussi son Bonheur. Sa capacité à oublier ou à fouler au pied tout ce qui pourrait être source d’une prise de conscience collective dans la tragédie qui résume son existence. Que ce soit Tchernobyl, que ce soit le 11 septembre, que ce soit le Tsunami, que ce soit plus récemment Fukushima, que ce soit le décès d’un être exceptionnel, dans toutes les grandes nations, la commémoration de ces évènements est un acte de civisme national de très haute portée où tous les fils du pays se retrouvent d’une manière ou d’une autre pour se souvenir et rendre hommage aux victimes. Certains esprits chagrins me répliqueront que si un jour doit être choisi pour commémorer les tragédies en Afriques, les jours de l’année ne suffiront pas. D’autres plus ironiques rétorqueront que si les africains sont infichus de trouver une date pour commémorer une tragédie aussi importante et défigurante de leur destin qu’est l’esclavage, ce n’est pas pour le déversement de déchets toxiques à Abidjan que l’on retiendra une date commémorative.
Et pourtant aucun de ces évènements cités aussi tragiques soient-ils n’a autant d’importance et d’impact dans la gravité des faits que celui des déchets toxiques déversés à Abidjan. Et aucun de ces évènements n’exige autant la nécessité d’une commémoration que le jour du déversement des déchets toxiques. Car bien que la mortalité ait été fortement sous-estimée, l’intérêt d’une commémoration ne réside pas dans le nombre des victimes. Il réside dans les conditions d’avènement de cet évènement tragique : La cupidité et l’inconscience des hommes. Dans tous les autres évènements tragiques du monde que j’ai cité, il s’agit d’accidents imprévisibles quelques fois naturels, d’actes de terrorisme ou de guerre. Les déchets toxiques représentent l’unique cas où la volonté humaine guidée par la seule cupidité a sollicité et détourné de sa trajectoire un chargement hautement mortel aux conséquences encore mal évaluées, pour venir inconsciemment, mais en pleine conscience, déverser le contenu en pleine zone urbaine endeuillant de nombreuses familles et compromettant la santé et probablement la vie reproductive de centaines d’autres pour très longtemps y compris la flore et la faune. Une tragédie dont seule l’Afrique sait créer de toute pièce quand la nature ou le destin l’en épargne. Le cas des déchets toxiques est unique dans l’histoire humaine contemporaine avec tous les moyens de contrôle et de prévention que notre époque a en sa possession.

Depuis le 14 septembre, date de mon premier article de presse sur cet évènement et des autres qui s’en sont suivi, je n’ai cessé d’exiger deux choses à la fois des pouvoirs publics et des associations de victimes des déchets toxiques : L’indispensable nécessité de création d’un Centre de suivi et de prise en charge des victimes et bien évidemment la commémoration nationale de cet évènement dont la vertu première serait de prévenir la survenue d’une telle tragédie dans le futur par son rappel à la conscience collective à travers la commémoration et l’édification d’un monument à l’honneur du drame. Winston Churchill a dit qu’un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre.

Depuis 6 ans, les réactions des pouvoirs publics se résument en des tentatives de déni des conséquences des déchets toxiques ou en des actes délictueux de scandales financiers prouvant si besoin était, de la nécessité de commémoration de cet évènement. Car le pire en Afrique est toujours dans le futur. Si non comment comprendre qu’une telle tragédie née de la cupidité des hommes puissent éveiller, dans la gestion du drame, d’autres appétits qui puissent aboutir à des détournements des fonds mis à la disposition des victimes ? Ce qui prouve que la menace qui plane sur les populations du fait de l’avidité des responsables est toujours présente. Hier, c’étaient les déchets toxiques, demain pourrait être des produits avariés de grande consommation (riz, viande, poisson, etc…..).
Ce qui me surprend encore plus dans l’amnésie collective des déchets toxiques c’est qu’il semble que ce soit une amnésie sélective. Car au plus fort de la campagne pour les élections présidentielles, chaque candidat s’en est servi pour sensibiliser la population et faire des promesses.

J’ai, récemment, reçu une correspondance d’un représentant de la Fédération Mondiale des Journalistes Scientifiques (WFSJ), qui me posait textuellement les questions suivantes auxquelles je n’ai pas, à ce jour, répondues : << Est-ce qu'il y a eu une suite à votre proposition de créer un centre de suivi et de recherches sur les victimes? Avez-vous entrepris des démarches pour sensibiliser l'Etat à la création de ce centre? Est-ce qu'une initiative a été prise par la communauté scientifique ivoirienne pour analyser de nouveau l'eau et la terre dans les zones contaminées ou est-ce que vous avez demandé à l'Etat d'entreprendre ces analyses? Est-ce que vous envisagez des démarches déterminées? Comment évaluez-vous l'impact, au niveau de la communauté ivoirienne scientifique, de l'article de Fraternité matin, qui remet en cause les résultats des analyses de 2006? >>. Que répondre à la légitime inquiétude d’Institutions qui ne sont même pas de notre pays, a fortiori, celles vivant ici ? Leur répondre « Je vis en Afrique » ou « Je suis africain » suffirait-il à les apaiser et à les ramener à plus de réalisme et de modération dans leur quête de savoir ? Que la Fédération sache que j’’écris plus par nécessité d’honnêteté et de conformité avec ma conscience et mon rêve d’une Afrique égale aux autres continents que d’une réelle espérance de voir réagir ceux qui devraient l’être. En Afrique les problèmes sont posés ou créés à la communauté, mais c’est à chaque individu d’inventer la solution qui lui convient.
Et pourtant, la création d’un centre de suivi et de prise en charge répond à plusieurs besoins : 1) Il permet d’évaluer réellement l’impact sur la santé des victimes supposées et d’aider surtout celles qui souffrent sans pouvoir expliquer leur mal, et sans pouvoir trouver de structure (centre) capable de répondre à leur demande de soins 2) Il permet d’avoir des données scientifiques importantes et indispensables permettant une plus forte et meilleure réactivité si un tel drame devait survenir un jour ailleurs par la masse de connaissances que nous pourrons accumuler sur le cas ivoirien, 3) La notion de victimes est galvaudée et injuste, car se dit victime la personne qui réussit à s’inscrire sur une prétendue liste en payant ladite inscription. Les fausses victimes à indemniser sont légion tout comme les vraies victimes qui ne figurent sur aucune liste. Un centre réparerait une telle injustice en traitant toutes les victimes en fonctions de leurs symptômes et non de leurs moyens, 4) Les conséquences au long terme et, probablement, les plus redoutables, ne pourront être gérées qu’en établissant un lien de causalité entre les déchets toxiques et l’apparition de leur mal, et cela ne peut se faire que si nous avons des données actuelles sur les victimes qui puissent permettent de les suivre au long cours. Ses conséquences bien souvent cancérogènes apparaitront dans un délai de 10 à 20 ans. Seule l’existence d’un centre pourrait répondre à ce besoin au moment opportun. Et ce n’est point les indemnisations définitives perçues par les victimes qui pourraient répondre à l’éventualité de ce fléau.

Je fonde un réel espoir sur les autorités de ce pays afin qu’elles se saisissent enfin du dossier des déchets toxiques avec tout le sérieux que requiert l’envergure de la tragédie. Je ne doute point que cela fasse partie des chantiers prioritaires. Si non, comment en serait-il autrement ? Il s’agit de la vie d’enfants, de femmes et d’hommes.

Chateaubriand nous disait que "Les vivants ne peuvent plus rien apprendre aux morts, mais les morts au contraire instruisent les vivants". C’est pourquoi, je m’incline bien bas, devant toutes les victimes des déchets toxiques. Je reste convaincu d’une chose. Ce n’est ni la volonté divine, ni les catastrophes naturelles qui détruiront l’Afrique. L’Afrique sera détruite par la volonté implacable des africains à se nuire, à se haïr, à se diviser, à s’entretuer. Pour un seul objectif : l’enrichissement personnel sans effort, à tous les prix. Cette vision étriquée de l’avenir qui se limite à notre espérance de vie et à ce que nous pouvons amasser pendant le temps de notre vie. Et pourtant on n’a jamais autant prié en Afrique pour l’Afrique. L’ENFER NE SERAIT-IL PAS, FINALEMENT, DE NAITRE NOIR ?
Dieu nous garde.

Dr COULIBALY Foungotin Hamidou

Maître-Assistant Génétique Humaine Cytogénéticien et Biologiste de la Procréation
Attaché de Recherche Clinique
E-mail : cfoungh@yahoo.fr
Site internet : www.crieafrique.net
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ