Les rites du hadj auront lieu du 24 au 29 octobre. L’Etat de Côte d’Ivoire a clôturé ses inscriptions le 25 août. 5.000 pèlerins ont été retenus. Si tout se passe comme prévu, les vols départ auront lieu du 29 septembre au 1er octobre. Si rien ne vient coincer la machine.
C’est encore le hadj. Dans les familles des candidats, on est partagé entre la joie d’avoir pu inscrire son parent, et l’angoisse de la très probable souffrance qu’il va subir au moment du départ. Parfois, le pessimisme est quasi absolu. Des candidats au hadj, ou leurs proches, se disent que le voyage peut ne pas avoir lieu, bien qu’ils aient déboursé la somme de 1,5 million FCFA demandée à chaque aspirant, et rempli toutes les formalités administratives requises.
C’est la conséquence d’une dizaine d’années d’échecs. Depuis la catastrophe de 2006, où 2.400 partants sont restés bloqués à l’aéroport d’Abidjan, l’organisation du hadj n’a plus été parfaite en Côte d’Ivoire. Excepté 2007, où peu de problèmes ont été signalés. Chaque année, à l’aller ou au retour, de sérieux couacs surviennent dans le transport aérien. Les conditions d’hébergement, la restauration l’encadrement religieux ou autres sont régulièrement décriés. «Nous avons souffert, nous avons pleuré. Les organisateurs nous ont abandonnés à Médine. Et nous avons été chassés de nos chambres d’hôtels comme des malpropres parce que nous n’avions plus d’argent. Et quand nous sommes allés à Djedda, nous étions dehors comme des chiens…», explosait le 2 décembre dernier Cissé Ramatou, passagère du 10e et dernier vol retour du hadj 2011. C’était à l’aéroport Félix Houphouet-Boigny de Port-Bouët. Triste fin pour une édition qui avait déjà connu un début désastreux. Faute d’avion, le calendrier des vols aller n’a pas été respecté. A moins de deux semaines des rites en 2011, l’impatience grandissait chez 5.000 pèlerins bloqués. Ils craignaient que, comme en décembre 2006, l’on ne trouve pas de moyen pour les transporter en terre sainte avant la fermeture des aéroports saoudiens. Ne croyant plus aux assurances données par les organisateurs, des dizaines d’entre eux, soutenus par leurs enfants, descendent dans la rue le 28 octobre. Ils obstruent le boulevard Mitterrand au niveau du lycée technique de Cocody. La manifestation est en effet partie de la Direction générale des cultes voisine. La circulation devient impossible sur la voie que les marcheurs occupent. La nouvelle se répand dans tout Abidjan, et même au-delà. Une première en Côte d’Ivoire. Les jours suivants, on sent que le problème préoccupe jusqu’au sommet de l’Etat. Dans les coulisses, il revient que le chef de l’Etat a dû entrer en action pour l’arrivée de gros porteurs pouvant évacuer à temps le contingent ivoirien. Après un appel d’offres, le transport aérien de l’édition avait été confié à STMB Tours qui avait pour partenaire Ethiopian Airlines.
Mais pour des raisons qui n’ont jamais été élucidées-puisqu’il n’y a pas eu de bilan officiel du hadj 2011-le Boeing 737 affrété par la compagnie Ethiopienne arrive à Abidjan avec un jour de retard pour commencer sa rotation, soit le samedi 22 octobre au lieu du vendredi 21. «Lundi, le second vol est parti. Alors que nous étions tous à l’aéroport, on nous a dit que seul le troisième vol partira ce soir (ndlr : mercredi) et qu’il fallait qu’on rentre chez nous», se plaignait Ali Dagnogo, un des manifestants du 28 octobre. Sur dix vols programmés, seuls trois avaient été effectués, et le reste était incertain. Les passagers de l’ensemble des vols se retrouvent à la mosquée de la Riviera Golf où se font les enregistrements. Ils y passent des jours et des nuits sans voir d’avions. Quand le 4e vol est finalement annoncé, même des personnes enregistrées dans le 9e veulent partir. C’est le cafouillage. Malgré l’arrivée d’un second avion venu en renfort à celui de Ethiopian qui poursuivait cahin-caha son programme, le désordre continue jusqu’à ce que le dernier pèlerin quitte Abidjan le 30 octobre. Ce hadj avait pourtant été annoncé comme celui de la rupture. Lors de la cérémonie de lancement le 21 juillet 2011 à l’ex-Caistab au Plateau, la communauté musulmane et le gouvernement avaient pris ensemble l’engagement de tourner définitivement la page de l’anarchie. Sans user de la langue de bois, le ministre de l’Artisanat et des PME, qui représentait son collègue de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, a publiquement déclaré que le changement de régime en Côte d’Ivoire ôte à quiconque la possibilité d’attribuer un échec du hadj à l’absence d’un musulman à la tête de l’Etat. «Cette année, du début à la fin, tous les acteurs sont musulmans. Si nous ne réussissons pas, c’est que ce n’est plus la peine…», a lancé Sidiki Konaté. L’officiel connu pour son franc-parler a aussi touché du doigt les querelles intestines qui poussent des membres du staff d’organisation à œuvrer plus pour l’échec que pour le succès. Malgré ses mises en garde, le hadj 2011 a été ce qu’il a été.
Cette année 2012, le même message a été repris lors du lancement par le président du Conseil supérieur des imams(Cosim). «Le président de la République est un musulman, le ministre de l’Intérieur est un musulman. La directrice des cultes est une musulmane (…) Nous n’avons d’autre choix que de réussir. Le pèlerin doit pouvoir prendre son avion, se loger, sans crainte», s’est inquiété Cheikh Boikary Fofana. Va-ton lui donner tort, ou va-t-on reproduire l’histoire ? Etat-organisateur, à vous !
Cissé Sindou
C’est encore le hadj. Dans les familles des candidats, on est partagé entre la joie d’avoir pu inscrire son parent, et l’angoisse de la très probable souffrance qu’il va subir au moment du départ. Parfois, le pessimisme est quasi absolu. Des candidats au hadj, ou leurs proches, se disent que le voyage peut ne pas avoir lieu, bien qu’ils aient déboursé la somme de 1,5 million FCFA demandée à chaque aspirant, et rempli toutes les formalités administratives requises.
C’est la conséquence d’une dizaine d’années d’échecs. Depuis la catastrophe de 2006, où 2.400 partants sont restés bloqués à l’aéroport d’Abidjan, l’organisation du hadj n’a plus été parfaite en Côte d’Ivoire. Excepté 2007, où peu de problèmes ont été signalés. Chaque année, à l’aller ou au retour, de sérieux couacs surviennent dans le transport aérien. Les conditions d’hébergement, la restauration l’encadrement religieux ou autres sont régulièrement décriés. «Nous avons souffert, nous avons pleuré. Les organisateurs nous ont abandonnés à Médine. Et nous avons été chassés de nos chambres d’hôtels comme des malpropres parce que nous n’avions plus d’argent. Et quand nous sommes allés à Djedda, nous étions dehors comme des chiens…», explosait le 2 décembre dernier Cissé Ramatou, passagère du 10e et dernier vol retour du hadj 2011. C’était à l’aéroport Félix Houphouet-Boigny de Port-Bouët. Triste fin pour une édition qui avait déjà connu un début désastreux. Faute d’avion, le calendrier des vols aller n’a pas été respecté. A moins de deux semaines des rites en 2011, l’impatience grandissait chez 5.000 pèlerins bloqués. Ils craignaient que, comme en décembre 2006, l’on ne trouve pas de moyen pour les transporter en terre sainte avant la fermeture des aéroports saoudiens. Ne croyant plus aux assurances données par les organisateurs, des dizaines d’entre eux, soutenus par leurs enfants, descendent dans la rue le 28 octobre. Ils obstruent le boulevard Mitterrand au niveau du lycée technique de Cocody. La manifestation est en effet partie de la Direction générale des cultes voisine. La circulation devient impossible sur la voie que les marcheurs occupent. La nouvelle se répand dans tout Abidjan, et même au-delà. Une première en Côte d’Ivoire. Les jours suivants, on sent que le problème préoccupe jusqu’au sommet de l’Etat. Dans les coulisses, il revient que le chef de l’Etat a dû entrer en action pour l’arrivée de gros porteurs pouvant évacuer à temps le contingent ivoirien. Après un appel d’offres, le transport aérien de l’édition avait été confié à STMB Tours qui avait pour partenaire Ethiopian Airlines.
Mais pour des raisons qui n’ont jamais été élucidées-puisqu’il n’y a pas eu de bilan officiel du hadj 2011-le Boeing 737 affrété par la compagnie Ethiopienne arrive à Abidjan avec un jour de retard pour commencer sa rotation, soit le samedi 22 octobre au lieu du vendredi 21. «Lundi, le second vol est parti. Alors que nous étions tous à l’aéroport, on nous a dit que seul le troisième vol partira ce soir (ndlr : mercredi) et qu’il fallait qu’on rentre chez nous», se plaignait Ali Dagnogo, un des manifestants du 28 octobre. Sur dix vols programmés, seuls trois avaient été effectués, et le reste était incertain. Les passagers de l’ensemble des vols se retrouvent à la mosquée de la Riviera Golf où se font les enregistrements. Ils y passent des jours et des nuits sans voir d’avions. Quand le 4e vol est finalement annoncé, même des personnes enregistrées dans le 9e veulent partir. C’est le cafouillage. Malgré l’arrivée d’un second avion venu en renfort à celui de Ethiopian qui poursuivait cahin-caha son programme, le désordre continue jusqu’à ce que le dernier pèlerin quitte Abidjan le 30 octobre. Ce hadj avait pourtant été annoncé comme celui de la rupture. Lors de la cérémonie de lancement le 21 juillet 2011 à l’ex-Caistab au Plateau, la communauté musulmane et le gouvernement avaient pris ensemble l’engagement de tourner définitivement la page de l’anarchie. Sans user de la langue de bois, le ministre de l’Artisanat et des PME, qui représentait son collègue de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, a publiquement déclaré que le changement de régime en Côte d’Ivoire ôte à quiconque la possibilité d’attribuer un échec du hadj à l’absence d’un musulman à la tête de l’Etat. «Cette année, du début à la fin, tous les acteurs sont musulmans. Si nous ne réussissons pas, c’est que ce n’est plus la peine…», a lancé Sidiki Konaté. L’officiel connu pour son franc-parler a aussi touché du doigt les querelles intestines qui poussent des membres du staff d’organisation à œuvrer plus pour l’échec que pour le succès. Malgré ses mises en garde, le hadj 2011 a été ce qu’il a été.
Cette année 2012, le même message a été repris lors du lancement par le président du Conseil supérieur des imams(Cosim). «Le président de la République est un musulman, le ministre de l’Intérieur est un musulman. La directrice des cultes est une musulmane (…) Nous n’avons d’autre choix que de réussir. Le pèlerin doit pouvoir prendre son avion, se loger, sans crainte», s’est inquiété Cheikh Boikary Fofana. Va-ton lui donner tort, ou va-t-on reproduire l’histoire ? Etat-organisateur, à vous !
Cissé Sindou