Directeur de l’Institut de géographie tropicale (IGT) et candidat malheureux aux dernières élections à la présidence de l’Université de Cocody aujourd’hui Université Félix Houphouët-Boigny, le professeur Aloko-N’guessan Jérôme se prononce sur le nouveau dynamisme enclenché dans les temples du savoir.
Depuis le 03 septembre 2012, les universités publiques sont rouvertes, après près de deux ans de fermeture. Quelle est l’appréciation de l’enseignant et du premier responsable d’un département dans ce que l’on appelle aujourd’hui ‘’Départ nouveau’’ ?
Le président de la République a dit que c’était une décision douloureuse de fermer les universités publiques, notamment pour nos étudiants. Cette inactivité d’environ deux ans a été aussi difficile pour les enseignants. Mais vous savez qu’on accouche toujours dans la douleur les bonnes choses. Aujourd’hui, nous avons une université qui répond aux standards internationaux. Ce que j’ai cru comprendre du concept de ‘’Départ nouveau’’, initié par la tutelle, c’est qu’au-delà de la qualité des infrastructures qui sont mises à notre disposition, il y a l’état d’esprit qui doit être nouveau. Parce que nous avons souffert pendant longtemps de la violence à l’école, de l’introduction de la politique en notre sein et de la difficulté de créer les conditions d’une meilleure transmission du savoir. Nous nous réjouissons que nous ayons cette université de qualité. Le ‘’Départ nouveau’’ doit être caractérisé par un état d’esprit nouveau des enseignants et des étudiants. Il faut désormais se concentrer sur l’essentiel. C’est-à-dire les enseignants doivent donner le meilleur d’eux-mêmes dans la transmission du savoir. Quant aux étudiants, ils doivent être respectueux de leurs maîtres, avides du savoir et désireux d’apprendre.
Ce ‘’Départ nouveau’’ est également marqué par la réforme de l’enseignement avec l’introduction du système LMD (Licence, Master, Doctorat). Peut-on espérer que les enseignants sont déjà dans des dispositions pour une réelle application de ce système ?
Le système LMD s’impose à nous parce que c’est une forme de transmission du savoir au niveau international. Nous allons effectivement faire en sorte que nous l’introduisions de la meilleure manière. De toutes les façons, nous avons seulement cette année pour l’introduire. Les universités en Afrique occidentale et centrale y sont déjà engagées. La tutelle a créé les conditions à travers des séminaires pour que les étudiants, les enseignants et le personnel administratif s’imprègnent de cette nouvelle forme de transmission du savoir qui est le système LMD. C’est vrai que ce n’est pas tous les acteurs qui ont pris part à ces rencontres, mais je pense bien que par étape, par séminaire interne et progressivement, nous serons tous imprégnés de ce système. Mais à l’Institut de géographie tropicale, depuis deux ou trois ans que je suis à la tête de l’institut, tous les éléments constitutifs d’une bonne application du système LMD, nous l’avions déjà intégré. L’un des éléments essentiels, c’est le niveau d’intégration du système aux technologies de l’information et de la communication (TIC) qui depuis quelques années sont bien intégrées dans nos enseignements.
Vous parlez des TIC qui occupent désormais une place de choix dans la réforme de l’enseignement à l’université. Pensez-vous que les enseignants, de façon générale, ont des aptitudes en la matière, quand on sait que beaucoup d’entre eux sont d’une époque où les TIC
n’étaient pas développées ?
C’est vrai que la jeune génération d’enseignants est très imprégnée dans les technologies de l’information et de la communication et que les anciens le sont plus ou moins. Mais comme c’est un passage obligé qui est constitutif de notre nouvelle méthode d’enseigner, je pense que les séminaires de formation qui vont suivre vont initier progressivement les plus âgés qui ne sont pas encore familiarisés avec cette technologie. Toutefois, je pense que l’âge n’est pas forcément un handicap. En prenant mon cas, je ne suis pas jeune mais je suis imprégné des TIC. D’ailleurs, l’institut que je dirige est très en avance dans ce domaine. Je pense que ça ne devrait pas poser de problèmes majeurs étant donné l’engagement des autorités d’introduire véritablement les technologies de l’information et de la communication dans les universités publiques.
Introduction du système LMD, forte utilisation des TIC dans les enseignements, peut-on affirmer que c’est la fin des fascicules dans les universités publiques ?
Je ne crois pas que les fascicules soient un obstacle à l’application du système LMD. Je vous vois venir. Vous faites sans doute allusion au fait que les cours seront en ligne et que nous aurons des enseignements virtuels qui dans votre esprit devraient s’opposer à un enseignement formel de type fascicule. Mais je ne crois pas que ce soit antinomique. Parce que de toutes les façons, l’enseignement virtuel peut être reproduit sur fascicule. Ce n’est pas la contrainte majeure. D’ailleurs, je ne vois pas un étudiant, sachant qu’il doit ménager sa vue, en train d’apprendre directement ses leçons sur son ordinateur. Le système LMD ne signifie pas la fin des fascicules.
L’un des véritables problèmes dans nos universités publiques, c’est l’insuffisance d’enseignants. Pour des observateurs, cette situation relève en partie de l’indisponibilité des maîtres à encadrer les étudiants qui entendent faire un troisième cycle. Que répondez-vous ?
La question du déphasage entre les besoins réels en formateur et le nombre d’étudiants est une question récurrente qui se pose effectivement avec acuité au sein de nos universités publiques. Mais ça montre bien la difficulté de former un professeur de rang magistral. Et c’est cela la vraie question. Peut-être, faudrait-il insister un peu plus sur une vraie politique de formation des professeurs titulaires qui passent par le financement de leur recherche pour leur promotion. Nous devons tous nous engager pour réaliser les ambitions que la tutelle s’est assignées. J’insiste pour dire que la vraie question réside dans la mise en place d’une politique réelle pour former les enseignants de rang magistral pour qu’il y ait un bon niveau d’encadrement des étudiants. En tout état de cause, nous faisons ce que nous pouvons. J’ai, en deux années environ, formé à peu près une dizaine d’étudiants en thèse. Nous encadrons les étudiants, quelque fois au prix de notre santé. Je crois qu’on ne peut pas récriminer les enseignants sur cette question. Aussi, le problème ne se pose pas au niveau de la disponibilité des enseignants. La formation d’un enseignant de niveau magistral nécessite la mobilité. Si vous ne sortez pas pour aller vers des universités sœurs en Europe ou aux Etats-Unis, vous ne pouvez pas avoir une bonne formation. Nos voyages sont une obligation par rapport à notre formation. Il est même bon d’augmenter les missions à l’étranger des enseignants pour qu’ils puissent se frotter au savoir universel afin d’avoir une bonne formation et bien former les étudiants.
L’un des handicaps au bon fonctionnement des temples du savoir, ce sont également les grèves des enseignants, revendiquant la plupart du temps, des meilleures conditions sociales. Peut-on affirmer que le ‘’Départ nouveau’’ sonne le glas des arrêts inopinés des cours dans les universités publiques ?
Je dois commencer à dire que la grève est un droit constitutionnel. Et donc penser à la fin de la grève au motif que l’université s’oriente désormais vers sa vraie fonction de formation de qualité avec des infrastructures de qualité, n’est pas quelque chose qu’on puisse raisonnablement envisager. Ceci dit, il est certain que la grève n’est qu’un moyen de revendications des conditions de travail et de vie meilleures. Si les enseignants observent que les conditions de travail s’améliorent comme on le voit, ainsi que leurs conditions de vie, il n’y a aucune raison objective parce qu’un droit de grève est garanti, qu’ils rentrent en grève. Je pense que cette question, elle s’éteind d’elle-même par rapport aux conditions qui sont offertes aux enseignants. J’estime que nous sommes sur la bonne voie, puisqu’aujourd’hui, nous avons des perspectives que notre université retrouve véritablement le chemin de la qualité.
Réalisée par Raymond Dibi
Depuis le 03 septembre 2012, les universités publiques sont rouvertes, après près de deux ans de fermeture. Quelle est l’appréciation de l’enseignant et du premier responsable d’un département dans ce que l’on appelle aujourd’hui ‘’Départ nouveau’’ ?
Le président de la République a dit que c’était une décision douloureuse de fermer les universités publiques, notamment pour nos étudiants. Cette inactivité d’environ deux ans a été aussi difficile pour les enseignants. Mais vous savez qu’on accouche toujours dans la douleur les bonnes choses. Aujourd’hui, nous avons une université qui répond aux standards internationaux. Ce que j’ai cru comprendre du concept de ‘’Départ nouveau’’, initié par la tutelle, c’est qu’au-delà de la qualité des infrastructures qui sont mises à notre disposition, il y a l’état d’esprit qui doit être nouveau. Parce que nous avons souffert pendant longtemps de la violence à l’école, de l’introduction de la politique en notre sein et de la difficulté de créer les conditions d’une meilleure transmission du savoir. Nous nous réjouissons que nous ayons cette université de qualité. Le ‘’Départ nouveau’’ doit être caractérisé par un état d’esprit nouveau des enseignants et des étudiants. Il faut désormais se concentrer sur l’essentiel. C’est-à-dire les enseignants doivent donner le meilleur d’eux-mêmes dans la transmission du savoir. Quant aux étudiants, ils doivent être respectueux de leurs maîtres, avides du savoir et désireux d’apprendre.
Ce ‘’Départ nouveau’’ est également marqué par la réforme de l’enseignement avec l’introduction du système LMD (Licence, Master, Doctorat). Peut-on espérer que les enseignants sont déjà dans des dispositions pour une réelle application de ce système ?
Le système LMD s’impose à nous parce que c’est une forme de transmission du savoir au niveau international. Nous allons effectivement faire en sorte que nous l’introduisions de la meilleure manière. De toutes les façons, nous avons seulement cette année pour l’introduire. Les universités en Afrique occidentale et centrale y sont déjà engagées. La tutelle a créé les conditions à travers des séminaires pour que les étudiants, les enseignants et le personnel administratif s’imprègnent de cette nouvelle forme de transmission du savoir qui est le système LMD. C’est vrai que ce n’est pas tous les acteurs qui ont pris part à ces rencontres, mais je pense bien que par étape, par séminaire interne et progressivement, nous serons tous imprégnés de ce système. Mais à l’Institut de géographie tropicale, depuis deux ou trois ans que je suis à la tête de l’institut, tous les éléments constitutifs d’une bonne application du système LMD, nous l’avions déjà intégré. L’un des éléments essentiels, c’est le niveau d’intégration du système aux technologies de l’information et de la communication (TIC) qui depuis quelques années sont bien intégrées dans nos enseignements.
Vous parlez des TIC qui occupent désormais une place de choix dans la réforme de l’enseignement à l’université. Pensez-vous que les enseignants, de façon générale, ont des aptitudes en la matière, quand on sait que beaucoup d’entre eux sont d’une époque où les TIC
n’étaient pas développées ?
C’est vrai que la jeune génération d’enseignants est très imprégnée dans les technologies de l’information et de la communication et que les anciens le sont plus ou moins. Mais comme c’est un passage obligé qui est constitutif de notre nouvelle méthode d’enseigner, je pense que les séminaires de formation qui vont suivre vont initier progressivement les plus âgés qui ne sont pas encore familiarisés avec cette technologie. Toutefois, je pense que l’âge n’est pas forcément un handicap. En prenant mon cas, je ne suis pas jeune mais je suis imprégné des TIC. D’ailleurs, l’institut que je dirige est très en avance dans ce domaine. Je pense que ça ne devrait pas poser de problèmes majeurs étant donné l’engagement des autorités d’introduire véritablement les technologies de l’information et de la communication dans les universités publiques.
Introduction du système LMD, forte utilisation des TIC dans les enseignements, peut-on affirmer que c’est la fin des fascicules dans les universités publiques ?
Je ne crois pas que les fascicules soient un obstacle à l’application du système LMD. Je vous vois venir. Vous faites sans doute allusion au fait que les cours seront en ligne et que nous aurons des enseignements virtuels qui dans votre esprit devraient s’opposer à un enseignement formel de type fascicule. Mais je ne crois pas que ce soit antinomique. Parce que de toutes les façons, l’enseignement virtuel peut être reproduit sur fascicule. Ce n’est pas la contrainte majeure. D’ailleurs, je ne vois pas un étudiant, sachant qu’il doit ménager sa vue, en train d’apprendre directement ses leçons sur son ordinateur. Le système LMD ne signifie pas la fin des fascicules.
L’un des véritables problèmes dans nos universités publiques, c’est l’insuffisance d’enseignants. Pour des observateurs, cette situation relève en partie de l’indisponibilité des maîtres à encadrer les étudiants qui entendent faire un troisième cycle. Que répondez-vous ?
La question du déphasage entre les besoins réels en formateur et le nombre d’étudiants est une question récurrente qui se pose effectivement avec acuité au sein de nos universités publiques. Mais ça montre bien la difficulté de former un professeur de rang magistral. Et c’est cela la vraie question. Peut-être, faudrait-il insister un peu plus sur une vraie politique de formation des professeurs titulaires qui passent par le financement de leur recherche pour leur promotion. Nous devons tous nous engager pour réaliser les ambitions que la tutelle s’est assignées. J’insiste pour dire que la vraie question réside dans la mise en place d’une politique réelle pour former les enseignants de rang magistral pour qu’il y ait un bon niveau d’encadrement des étudiants. En tout état de cause, nous faisons ce que nous pouvons. J’ai, en deux années environ, formé à peu près une dizaine d’étudiants en thèse. Nous encadrons les étudiants, quelque fois au prix de notre santé. Je crois qu’on ne peut pas récriminer les enseignants sur cette question. Aussi, le problème ne se pose pas au niveau de la disponibilité des enseignants. La formation d’un enseignant de niveau magistral nécessite la mobilité. Si vous ne sortez pas pour aller vers des universités sœurs en Europe ou aux Etats-Unis, vous ne pouvez pas avoir une bonne formation. Nos voyages sont une obligation par rapport à notre formation. Il est même bon d’augmenter les missions à l’étranger des enseignants pour qu’ils puissent se frotter au savoir universel afin d’avoir une bonne formation et bien former les étudiants.
L’un des handicaps au bon fonctionnement des temples du savoir, ce sont également les grèves des enseignants, revendiquant la plupart du temps, des meilleures conditions sociales. Peut-on affirmer que le ‘’Départ nouveau’’ sonne le glas des arrêts inopinés des cours dans les universités publiques ?
Je dois commencer à dire que la grève est un droit constitutionnel. Et donc penser à la fin de la grève au motif que l’université s’oriente désormais vers sa vraie fonction de formation de qualité avec des infrastructures de qualité, n’est pas quelque chose qu’on puisse raisonnablement envisager. Ceci dit, il est certain que la grève n’est qu’un moyen de revendications des conditions de travail et de vie meilleures. Si les enseignants observent que les conditions de travail s’améliorent comme on le voit, ainsi que leurs conditions de vie, il n’y a aucune raison objective parce qu’un droit de grève est garanti, qu’ils rentrent en grève. Je pense que cette question, elle s’éteind d’elle-même par rapport aux conditions qui sont offertes aux enseignants. J’estime que nous sommes sur la bonne voie, puisqu’aujourd’hui, nous avons des perspectives que notre université retrouve véritablement le chemin de la qualité.
Réalisée par Raymond Dibi