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Société Publié le mardi 30 octobre 2012 | Nord-Sud

Trafic humain transfrontalier / N’Guessan Kouakou, sous-préfet de Diawala: “Nous avons sauvé 71 enfants”

La Côte d’Ivoire se heurte à certaines difficultés dans la lutte contre la traite des enfants, notamment à la frontière malienne. Témoignage du sous-préfet de Diawala, ville dépendante de la préfecture de Ouangolo dans le Nord du pays.


Quel est l’état des lieux du trafic des enfants dans votre circonscription ?
C’est un phénomène réel surtout que nous sommes à cheval sur le Burkina Faso et le Mali. La difficulté réside plus du côté de la frontière malienne. Les transporteurs maliens savent que le trafic d’enfants est interdit. Avant d’arriver à la frontière ivoirienne, ils arrêtent le car et font descendre les enfants. Ils prennent des détours à travers les pistes par les motos-taxis. Et ils se retrouvent de l’autre côté de la frontière. Ce qui fait que les enfants échappent très souvent à la vigilance des forces de l’ordre.

En général, quel est l’état d’esprit des enfants ? Savent-ils qu’ils sont victimes d’un trafic ?
Généralement, ils ne savent pas grand-chose. On leur fait croire qu’ils vont travailler pour gagner beaucoup d’argent. Pour eux, ils s’en vont vers un mieux-être. Alors, ils sont heureux. Ce sont des fillettes et des garçons âgés entre 10 et 15 ans. Très souvent, ils sont entassés dans les cars avec un pisteur. Et ce dernier fait croire que leurs parents se trouvent à Abidjan.

La crise malienne n’y est-elle pas pour quelque chose ?
Le trafic a pris de l’ampleur avec cette crise. Et pas seulement pour les enfants. Il y a aussi le fait que de grandes personnes descendent vers la Côte d’Ivoire pour fuir la crise. Une fois à la frontière, ces gens prennent des détours sans remplir les formalités de vaccinations et autres. Et c’est le même procédé qui est utilisé pour les enfants. Ils empruntent les détours, les pistes qui ne sont pas contrôlées, sans être vaccinés. Or, on dénom­bre plus de 56 pistes. Il y a donc des ris­ques de contaminations. C’est l’une des difficultés à éradiquer la poliomyélite. Il y a aussi des risques d’autres maladies telles que la rougeole, le choléra et autres maladies contagieuses.

Combien d’enfants sont-ils interceptés en moyenne ?
A plusieurs reprises, nous avons eu à refouler des enfants. Depuis 2011, 71 enfants ont été refoulés à la frontière avec le Burkina Faso par le commissariat de Ouangolo. Nous les avons donc sauvés. Au niveau de la frontière malienne, il est difficile de les intercepter. Il y a aussi des enfants talibés victimes du trafic. Ils viennent certainement par les circuits clandestins du Mali et du Burkina Faso. Quand vous arrivez à Ouangolo, ils vous accueillent avec des versets coraniques en mendiant. Ils sont abandonnés par leurs parents aux mains des maîtres-marabouts pour, disent-ils, leur inculquer une éducation. Or en réalité, ils ne partent même pas à l’école coranique. Ils sont aux abords des routes à la merci des intempéries pour ramener la pitance aux maîtres-marabouts. Celui qui ne ramène rien doit rendre des comptes.

Avez-vous une fois interpellé un de ces maîtres-marabouts?
Lors d’un atelier à l’occasion de la Journée mondiale de l’enfant, le 20 septembre dernier, nous avons invité ces maîtres-marabouts. A les entendre, ils sont accrochés à une tradition chez eux qui veut que dans l’éducation d’un enfant, il faut lui apprendre l’humilité par la mendicité. Et exposé dehors, il s’habitue aux rigueurs de la vie. Les enfants issus du trafic ne sont pas que des talibés. Certains guident des bœufs. Ce qui n’est pas recommandé pour leur âge. Mais c’est aussi le résultat du poids de la tradition. Nous poursuivons donc la sensibilisation.

Pourquoi les pisteurs en provenance du Mali ne sont-ils pas inquiétés ?
A la différence des autorités maliennes, les Burkinabè sont plus rigoureux dans le contrôle. Nous avons même interpellé 16 enfants en direction de ce pays, il y a deux semaines. Il faut dire aussi qu’il y a une seule frontière naturelle. C’est celle du fleuve Laléraba. Ce qui facilite le contrôle. Au niveau du Mali, les pisteurs ne sont pas avec les enfants. Il y a tellement de pistes que bien souvent, ils arrivent à s’échapper.

Est-ce à dire que vos moyens d’actions ne sont pas efficaces ?
Nous disposons des personnels de la police et de la gendarmerie. La police transfrontalière se bat pour éradiquer ce phénomène. Une fois que nous interceptons un camion suspect, les enfants sont purement et simplement renvoyés dans leur pays d’origine. Nous ne pouvons pas mettre les enfants en détention préventive. Cependant, il faut ajouter que les éléments de la police et de la gen­darmerie, censés lutter contre ce phénomène, ne sont pas en nombre suffisant. Ils n’ont pas de moyens de mo­bilité. Au niveau de la frontière malienne, il y a plus de 56 pistes de contournement. Il faut de la mobilité au niveau des motos, des véhicules. Vous savez que nous sortons de crise et que c’est maintenant que la police et la gendarmerie sont redéployées. Les moyens de locomotion ne sont pas toujours suffisants. Il y a lieu d’accroître ces moyens-là.

N’est-il pas opportun d’interpeller les autorités maliennes ?
Nous avons une réunion en vue avec les autorités maliennes de même qu’avec les autorités burkinabè pour harmoniser les méthodes de lutte contre ce phénomène. Elle aura lieu bientôt mais la date n’est pas encore fixée. En ce qui con­cerne la sécurité transfrontalière, il y a eu des échanges entre les autorités des trois pays.

Un appel particulier à lancer ?
Nous demandons plus de moyens à la police et à la gendarmerie et même à la douane pour qu’elles puissent bien contrer ce phénomène encouragé par des trafiquants véreux. Il y a non seulement le trafic d’enfants, mais il y a aussi les autres types de trafic à contrôler comme celui des armes.


Interview réalisée au téléphone par Nesmon De Laure
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