Carrefour Samaké à Abobo, ce vendredi 23 novembre 2012. Une journée relativement calme après les déguerpissements sanglants qui ont endeuillé la commune récemment. Fréquenté il y a peu par les commerçants, cette zone commerciale est loin de renaître de ses cendres. Le marché de fortune qui grouillait de monde, il y a seulement quelques semaines, a été complètement rasé par Mme Anne Oulotto, l’ex-ministre de la Salubrité urbaine. Clôturé par des tôles, ce n’est plus qu’un tas de gravas et de tôles froissées. A côté de ce marché, des commerçantes déguerpies ont signé leur retour. Elles se sont réinstallées, dans l’incommodité, sur le qui-vive, prêtes à prendre la poudre d’escampette, au moindre bruit des Frci qui les font chanter à longueur de journée, en leur réclamant de l’argent pour leur maintien sur les lieux et la poursuite de leurs activités. C’est une présence instable et précaire qu’elles vivent au quotidien, pour survivre, nourrir leurs enfants, leurs familles. 25ans environ, mère d’un garçon, le visage grave, Coulibaly Fanta, vendeuse de friperie, raconte avec tristesse sa galère depuis qu’elle a été déguerpie de ce marché précaire. «Mes affaires ne marchent plus comme avant depuis que Anne Oulotto nous a chassés. Avant, je gagnais 1000Fcfa à 2000Fcfa par jour, maintenant c’est à peine si je gagne 500 Fcfa. Je loue ma maison à 20000Fcfa par mois. Je vis avec mes deux sœurs qui sont élèves. Je paie leur transport chaque jour pour qu’elles aillent à l’école. La vie devient compliquée pour moi. C’est dur», se lamente-t-elle. Abiba Touré, sa compagne d’infortune s’invite dans la causerie et tance le régime Ouattara. «C’est comme ça que nous sommes remerciés. Qu’est ce qu’on n’a pas fait pour le Rdr ? Nous avons donné notre vie, nos poitrines pour Alassane Ouattara. Nous avons pris des risques pour lui. Notre récompense, c’est de nous chasser», dit-elle avec amertume. Ce procès du Rdr a été fait par bon nombre de commerçants déguerpis sur la voie principale qui part du carrefour Samaké à Biabou, en passant par le village d’Abobo-baoulé». De nombreux commerçants du secteur informel qui se sont installés en bordure de la voie, ont été sommés de plier bagage. Jean Kaboré, tenait «au carrefour étage noir», un repère du village d’Abobo-baoulé, un kiosque à café qui faisait recette. Son kiosque a été rasé sans ménagement par les bulldozers d’Anne Oulotto. Réduit à néant, il peste de colère. «Je n’ai pratiquement plus rien. J’ai pris toutes mes économies pour construire ce kiosque. ça commençait à me rapporter de l’argent lorsque le gouvernement l’a détruit. Ce que j’ai comme argent ne peut pas me permettre de construire un autre kiosque. Ce gouvernement m’a ruiné. Et ça me fait très mal parce que non seulement, je suis un militant du Rdr, mais j’ai fait du mal aux pro-Gbagbo pour rien. Si je savais que le Rdr allait être jusqu’à ce point ingrat envers nous, je n’aurais pas voté pour Ouattara. Non seulement, on nous a déguerpis, mais on nous tabasse, on nous tire dessus. Regardez ce qui s’est passé au rond- point de la mairie d’Abobo où les FRCI ont ouvert un déluge de feu sur les commerçants et les transporteurs dont certains sont des militants du Rdr», parle sans retenue cette victime, traumatisée, le visage émacié, rongé par la pauvreté. C’est également un sentiment de colère que partagent également ces commerçants chassés et qui sont revenus s’installer entre le carrefour Samaké et la voie principale qui même à la mairie d’Abobo. Outre les commerçants, des chauffeurs de wôrô-wôrô déguerpis broient du noir. Leurs activités ne tournent pas à plein régime. Chassés de l’ancienne gare routière, ils ont été relogés sur un espace réduit du rond-point de la mairie, noyés parmi les gnambros, les coxers et des commerçants informels qui ont réinvesti les lieux au nez et à la barbe des Frci, visiblement épuisées de les traquer.
Des chauffeurs de wôrô-wôrô réduits à la portion congrue
La clientèle n’est plus celle qu’ont connue les chauffeurs de wôrô-wôrô du rond-point de la mairie d’Abobo fortement touchés par les déguerpissements. Obligés de raser la clôture du chantier de l’ex-gare routière, proche de la mairie, les gbakas et les wôrô-wôrô, n’inondent plus les environs. Un espace réduit a été attribué aux taxis-communaux de couleur jaune, ne passe pas inaperçu. Un espace qui ne peut que contenir quelques wôrô-wôrô. Quant aux taxis-compteurs, très peu nombreux, ils se contentent également de la portion congrue. Confinés sur une partie du rond- point de la mairie. Kouamé Kouadio, la quarantaine, les cheveux grisonnants, est l’un des chauffeurs de taxis-communaux, recasé provisoirement à coté de l’ex-gare. Il essaie tant bien que mal de gagner le minimum pour survivre. La récente guerre armée entre transporteurs et FRCI en ces lieux et l’insécurité qui en a découlé, a-t-il justifié, a fait fuir bien de clients. «Je gagnais sur l’ancienne gare au minimum 10 mille Fcfa par jour. Je suis obligé de me contenter de 7 mille Fcfa. C’est peu, mais c’est mieux que rien», avoue t-il, adossé à son véhicule. Les gbakas ne sont plus également en grand nombre dans les environs de la mairie comme par le passé. La majorité a préféré aller ailleurs faire fortune. Les plus nantis ont opté pour la nouvelle gare internationale à Anonkoi-Kouté, vomie des transporteurs et dont les tarifs de stationnement ne sont pas à la portée du premier venu. «Ce n’est plus ça. Nos recettes ont légèrement baissé à cause des Frci qui font fuir nos clients. Pratiquement, ils nous traquent. Ils ne veulent pas nous voir près de la mairie. Or, c’est ici que nous gagnons nos recettes parce que c’est une zone de transit. Tout le monde passe par là», lance un peu découragé Yacouba Bamba, qui a du mal à comprendre que le Rdr qu’il a soutenu avant, pendant et après la crise postélectorale, maltraite ses militants parmi lesquels des transporteurs. Du coté de la brigade de gendarmerie, les gares de Gagnoa, d’Adzopé, de Bongouanou, d’Arrah... n’existent plus. Les transporteurs chassés manu militari. Quelques véhicules de transport communément appelés Massa, reviennent furtivement sur les lieux pour récupérer des voyageurs nostalgiques. Une opération à hauts risques et qui se termine bien souvent par des courses-poursuites sanglantes déclenchées par des Frci.
Annoncés après le déguerpissement sanglant de ce début de novembre dernier à la nouvelle gare routière internationale, les commerçants et les transporteurs continuent de bouder cette gare qui présente des commodités. Elle est située pratiquement à la sortie nord de cette commune, sur la voie qui mène à Anyama.
Gare routière internationale, échec et désaveu
Sommés par la municipalité à rejoindre la nouvelle gare routière internationale, les transporteurs et les commerçants déguerpis de plusieurs sites de la commune, dans leur grande majorité, continuent de boycotter l’appel de l’autorité municipale. Construits sur plusieurs hectares et comportant plusieurs stations modernes de gros cars et minicars, des quais pour les taxis-compteurs et taxis-communaux, des abris pour les voyageurs relativement confortables, cette infrastructure moderne ne les emballe malheureusement pas. Encore moins la grande mosquée, les différents services installés sur place dont un établissement financier de la place. A peine une dizaine de compagnies de transport installée sur plus de trente attendues. Le nombre de commerçants est dérisoire, moins de 200 sur ce vaste espace qui peut en contenir plus d’un millier. Les déguerpis ne sont pas encore sortis de la précarité pour louer des magasins, des box ou des gares de cars, de minicars, de taxis-communaux à des tarifs qui ne sont pas à la portée de n’importe quelle bourse. La mairie impose aux commerçants, à prendre ou à laisser 450 mille Fcfa comme caution pour obtenir un box, 210 mille Fcfa pour un étal, 2 millions 800 mille Fcfa comme caution pour louer un magasin à 70 mille Fcfa par mois, 10 millions Fcfa pour la caution de stationnement des véhicules poids lourds de transport. A cause de ses tarifs très élevés et de son éloignement du centre-ville, cette gare est boudée par les transporteurs et les commerçants qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent casser leur tirelire pour acheter à prix d’or des places. C’est un sentiment de frustration qui les anime. Au banc des accusés, le pouvoir en place qu’ils taxent d’ingrats. Adama Toungara, le maire d’Abobo est lui, voué aux gémonies. Selon eux, le maître à penser de ce business à gros sous, adossé aux recasements des déguerpis n’est que le premier magistrat de la commune d’Abobo.
Un reportage de Charles Bédé
Des chauffeurs de wôrô-wôrô réduits à la portion congrue
La clientèle n’est plus celle qu’ont connue les chauffeurs de wôrô-wôrô du rond-point de la mairie d’Abobo fortement touchés par les déguerpissements. Obligés de raser la clôture du chantier de l’ex-gare routière, proche de la mairie, les gbakas et les wôrô-wôrô, n’inondent plus les environs. Un espace réduit a été attribué aux taxis-communaux de couleur jaune, ne passe pas inaperçu. Un espace qui ne peut que contenir quelques wôrô-wôrô. Quant aux taxis-compteurs, très peu nombreux, ils se contentent également de la portion congrue. Confinés sur une partie du rond- point de la mairie. Kouamé Kouadio, la quarantaine, les cheveux grisonnants, est l’un des chauffeurs de taxis-communaux, recasé provisoirement à coté de l’ex-gare. Il essaie tant bien que mal de gagner le minimum pour survivre. La récente guerre armée entre transporteurs et FRCI en ces lieux et l’insécurité qui en a découlé, a-t-il justifié, a fait fuir bien de clients. «Je gagnais sur l’ancienne gare au minimum 10 mille Fcfa par jour. Je suis obligé de me contenter de 7 mille Fcfa. C’est peu, mais c’est mieux que rien», avoue t-il, adossé à son véhicule. Les gbakas ne sont plus également en grand nombre dans les environs de la mairie comme par le passé. La majorité a préféré aller ailleurs faire fortune. Les plus nantis ont opté pour la nouvelle gare internationale à Anonkoi-Kouté, vomie des transporteurs et dont les tarifs de stationnement ne sont pas à la portée du premier venu. «Ce n’est plus ça. Nos recettes ont légèrement baissé à cause des Frci qui font fuir nos clients. Pratiquement, ils nous traquent. Ils ne veulent pas nous voir près de la mairie. Or, c’est ici que nous gagnons nos recettes parce que c’est une zone de transit. Tout le monde passe par là», lance un peu découragé Yacouba Bamba, qui a du mal à comprendre que le Rdr qu’il a soutenu avant, pendant et après la crise postélectorale, maltraite ses militants parmi lesquels des transporteurs. Du coté de la brigade de gendarmerie, les gares de Gagnoa, d’Adzopé, de Bongouanou, d’Arrah... n’existent plus. Les transporteurs chassés manu militari. Quelques véhicules de transport communément appelés Massa, reviennent furtivement sur les lieux pour récupérer des voyageurs nostalgiques. Une opération à hauts risques et qui se termine bien souvent par des courses-poursuites sanglantes déclenchées par des Frci.
Annoncés après le déguerpissement sanglant de ce début de novembre dernier à la nouvelle gare routière internationale, les commerçants et les transporteurs continuent de bouder cette gare qui présente des commodités. Elle est située pratiquement à la sortie nord de cette commune, sur la voie qui mène à Anyama.
Gare routière internationale, échec et désaveu
Sommés par la municipalité à rejoindre la nouvelle gare routière internationale, les transporteurs et les commerçants déguerpis de plusieurs sites de la commune, dans leur grande majorité, continuent de boycotter l’appel de l’autorité municipale. Construits sur plusieurs hectares et comportant plusieurs stations modernes de gros cars et minicars, des quais pour les taxis-compteurs et taxis-communaux, des abris pour les voyageurs relativement confortables, cette infrastructure moderne ne les emballe malheureusement pas. Encore moins la grande mosquée, les différents services installés sur place dont un établissement financier de la place. A peine une dizaine de compagnies de transport installée sur plus de trente attendues. Le nombre de commerçants est dérisoire, moins de 200 sur ce vaste espace qui peut en contenir plus d’un millier. Les déguerpis ne sont pas encore sortis de la précarité pour louer des magasins, des box ou des gares de cars, de minicars, de taxis-communaux à des tarifs qui ne sont pas à la portée de n’importe quelle bourse. La mairie impose aux commerçants, à prendre ou à laisser 450 mille Fcfa comme caution pour obtenir un box, 210 mille Fcfa pour un étal, 2 millions 800 mille Fcfa comme caution pour louer un magasin à 70 mille Fcfa par mois, 10 millions Fcfa pour la caution de stationnement des véhicules poids lourds de transport. A cause de ses tarifs très élevés et de son éloignement du centre-ville, cette gare est boudée par les transporteurs et les commerçants qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent casser leur tirelire pour acheter à prix d’or des places. C’est un sentiment de frustration qui les anime. Au banc des accusés, le pouvoir en place qu’ils taxent d’ingrats. Adama Toungara, le maire d’Abobo est lui, voué aux gémonies. Selon eux, le maître à penser de ce business à gros sous, adossé aux recasements des déguerpis n’est que le premier magistrat de la commune d’Abobo.
Un reportage de Charles Bédé