Eco-diplomatie ou diplomatie économique. C’est la nouvelle mission que le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, assigne au ministère d’Etat, ministère des Affaires étrangères. Gnamien Yao, en sa qualité de président de l’Institut Africain de Développement et de Stratégies (IADS) et par ailleurs diplomate, en donne ici quelques précisions.
En tant que président de l’Institut Africain de Développement et de Stratégies (IADS), que revêt pour vous, le terme éco-diplomatie ? Qu’est-ce qui différencie cette éco-diplomatie de la diplomatie classique?
Je voudrais vous remercier de donner la parole à l’Institut Africain de Développement de Stratégies (IADS), en invitant son modeste président que je suis, à se pencher sur un terme aussi complexe que la diplomatie économique ou l’Eco-diplomatie. Je voudrais tout de suite dire qu’on ne peut pas faire de diplomatie sans économie. Avec la diplomatie économique ou Eco-diplomatie, nos diplomates sont désormais appelés à accroître leur capacité à attirer davantage d’investissements pour la Côte d’Ivoire. Leurs interlocuteurs, en plus des Etats, seront davantage les entreprises, le secteur privé, le monde des investisseurs… Ce que je dois dire, c’est que le concept est connu depuis longtemps. Il prend tout son sens dans la mondialisation. Parce que les interlocuteurs des Etats ne sont plus seulement des Etats, mais aussi des entreprises. Et pour que les pays comme les nôtres qui n’ont pas la possibilité d’avoir une épargne intérieure importante et suffisante pour financer eux-mêmes leur développement, aient des chances de relancer leur croissance, il est bien évident que nous sommes obligés d’aller là où se trouvent les investisseurs pour leur demander de venir investir dans nos différents pays. C’est ce mouvement vers les investisseurs qui est l’objet de la diplomatie économique ou l’éco-diplomatie.
Est-ce à dire que l’éco-diplomatie s’impose à nous aujourd’hui?
Je crois que nous sommes en période de reconstruction post-crise. Que nous le voulions ou pas, notre pays a des besoins de financement qui sont au-delà de ses capacités propres. Et quand vous avez des besoins qui sont au-delà de vos capacités, vous êtes obligés, soit de tendre la main, soit de valoriser vos atouts. Par le passé, il y a eu le plan Marshall en Europe après la guerre. Mais, dans notre cas ici, ce dont nous avons besoin pour reconstruire notre pays, et relancer la croissance économique, ce ne sont pas seulement des dons. Les gens ne viendront pas seulement pour nous donner de l’argent. Mais nous devons aller expliquer à l’extérieur aux investisseurs qu’ils peuvent se faire de l’argent en investissant dans des projets en Côte d’Ivoire, et puis s’en sortir avec des bénéfices, des profits. C’est un peu la priorité ou la quintessence de ce que nous allons appeler la diplomatie économique. La grande innovation, c’est que cette fois-ci, nous allons demander aux investisseurs d’envoyer leur argent en Côte d’Ivoire en leur promettant de veiller à ce que les investissements soient effectivement effectués dans de très bonnes conditions. C’est cela aussi une autre dimension de la diplomatie économique.
Allons-nous donc chercher de l’argent à l’extérieur pour investir en Côte d’Ivoire ? Si tel est le cas, ne va-t-on pas tomber dans un nouveau cycle d’endettement ?
Non ! J’ai dit que, désormais, les principaux acteurs de l’économie internationale sont les entreprises. Et une entreprise a pour premier objectif de réaliser des profits. Donc, ce que nous sommes en train de faire, n’est pas de l’endettement. Il s’agit d’expliquer à l’extérieur que nous sommes un espace compétitif. Ce que nous apporterons à l’extérieur, c’est notre capacité à attirer de l’investissement productif. Donc, ce n’est pas de l’endettement. Il ne s’agit pas d’aller prendre l’argent de quelqu’un et venir l’utiliser comme bon nous semble. Mais, cette fois-ci, on va dire à quelqu’un, tu envoies ton argent parce qu’il y a un tel projet à financer, et si tu le fais, non seulement tu retireras ton argent, mais aussi tu dégageras des bénéfices. Et nous allons nous assurer que l’argent qui a été réuni a servi à réaliser ce projet, et que la réalisation de ce projet a rapporté de l’argent à celui qui l’a envoyé. En retour nous gagnons en termes de création d’emplois et de possibilité de réduction de la pauvreté. Ce qui est en jeu, c’est la compétitivité de notre pays. Parce qu’il y a plusieurs pays au monde qui vont aussi à la recherche de fonds pour pouvoir développer leur économie. Celui qui a son argent n’est pas obligé de venir chez vous. C’est la raison pour laquelle, je dis que lorsque vous faites de la diplomatie économique, vos interlocuteurs privilégiés en dehors des Etats qui sont vos partenaires traditionnels, s’appellent des entreprises, des banques et surtout le secteur privé. Ceux-là ne sont pas des philanthropes. Quand vous leur vendez votre destination, ils l’achètent, dans le souci de réaliser des profits.
Pour que la diplomatie économique marche, il faut assainir l’environnement des affaires…C’est bien ça ?
Oui, bien sûr. Lorsque vous parlez d’éco- diplomatie, ou de diplomatie économique ce que vous avez comme atouts, en sachant que vous êtes une destination parmi tant d’autres, c’est le climat de l’investissement ou en gros l’environnement des affaires. Donc, si vous n’êtes pas compétitifs, l’investisseur ne viendra pas chez vous. C’est différent des relations bilatérales avec un pays par exemple, où en fonction de l’histoire ou de la culture, vous êtes éligibles à des programmes d’aide. Mais, les multinationales n’ont pas ce sentiment, elles n’ont pas non plus cette contrainte. Si votre environnement des affaires n’est pas propice, vous allez tourner partout dans le monde, personne ne viendra chez vous.
Cela signifie-t-il que la Côte d’Ivoire doit être présente à tous les grands rendez-vous ?
Oui. Nous devons être présents à tous les grands rendez-vous avec tous les atouts attractifs qu’un pays moderne doit avoir. C’est la raison pour laquelle nous disons qu’il est très difficile de faire l’éco-diplomatie sans faire de diplomatie classique.
C’est-à-dire…
C’est-à-dire, sans être un pays fréquentable. Si par exemple, les facteurs de compétitivité, qu’on appelle aujourd’hui, Etat de Droit, bonne gouvernance, lutte contre la corruption, stabilité, transparence… ne sont pas réunis, votre appel ne sera pas entendu. Parce que ces investissements que nous allons chercher ont besoin d’évoluer dans un environnement favorable, c’est-à-dire un environnement sécurisé où il y a une justice pour tous, l’autorité de l’Etat est respectée... Donc, voilà autant d’éléments que nous devons réunir pour réussir notre diplomatie économique. C’est la raison pour laquelle nous devons nous mobiliser derrière le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères pour que la destination Côte d’Ivoire soit une destination compétitive. Parce que nous sommes en compétition avec plus d’une centaine de pays au monde. Donc, il appartient à chacun de ces pays d’offrir le meilleur climat des affaires pour tirer le maximum d’investissements.
Peut-on avoir un exemple de réussite de la diplomatie économique au monde ?
Si nous prenons le cas de la Chine par exemple, qui vient investir en Côte d’Ivoire à travers ses entreprises. C’est un modèle de réussite de l’éco-diplomatie. Vous voyez que la Chine appuie ses entreprises pour qu’elles investissent chez nous dans le but d’accroître la prospérité des Chinois en ce qui les concerne et nous en tant que pays d’accueil, nous encourageons les investissements chinois pour le bonheur de notre population. Ça aussi, c’est un modèle de l’éco-diplomatie. Il en est de même pour les Etats-Unis, la France, etc. quand leurs entreprises viennent investir dans notre pays. Ils font de l’éco-diplomatie de même que nous, pour atteindre les mêmes objectifs : stimuler la croissance dans nos pays respectifs et lutter contre la pauvreté. Le but de l’éco-diplomatie, c’est donc d’aller au-delà des frontières nationales, dans l’espoir d’accroître la prospérité de nos populations respectives, celles des populations des pays d’origine des investisseurs et celles des pays qui accueillent les investissements. Quand nous arrivons par exemple, à vendre le cacao à l’étranger, nous faisons de l’éco-diplomatie (la diplomatie commerciale). Parce que nous réussissons à donner à notre cacao, toutes les chances de se vendre. Et quand on le vend bien et mieux, ça nous rapporte de l’argent. Quand la Côte d’Ivoire fait en sorte que tous les pays de l’hinterland viennent s’approvisionner à partir du Port d’Abidjan au lieu d’aller ailleurs, c’est le résultat de l’éco-diplomatie. Maintenant, il faut aller au-delà, surtout que nous voulons être un pays émergent à l’horizon 2020.
Pensez-vous que l’éco-diplomatie est le meilleur choix pour relancer la machine économique en Côte d’Ivoire ?
Oui. N’oubliez pas que nous sommes dans une économie planétaire. Personne ne peut vivre en autarcie. Et aujourd’hui, personne n’est suffisamment riche pour financer son développement seul. Quand vous prenez les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, le Brésil, l’Afrique du Sud… vous voyez que les uns ont besoin des autres pour pouvoir financer leurs développements respectifs et lutter contre la pauvreté. Donc, si vous avez des atouts à faire valoir, il faut que vous vous organisiez pour développer ces atouts et aller les vendre pour capter en retour les ressources nécessaires pour accroître votre développement, c’est-à-dire, entre autres objectifs, créer de nouveaux emplois ou améliorer ceux qui existent déjà, stimuler la croissance pour réduire la pauvreté. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a besoin d’être reconstruite. Et quand vous optez pour la reconstruction, vous êtes un chantier, un marché d’opportunités. Il nous appartient de nous organiser pour que toutes les opportunités en Côte d’Ivoire puissent bien se vendre, afin que nous puissions réaliser notre rêve, celui d’être un pays émergent à l’horizon 2020, c’est-à-dire avoir des taux de croissance positifs et soutenus capables de nous aider à réduire le taux de pauvreté.
Outre votre casquette de président de l’IADS, vous êtes également diplomate et non moins ancien ministre de l’Artisanat et des Petites et moyennes entreprises. Sachant votre connaissance en la matière, avez-vous des pistes de réflexions à donner, en termes de priorité, au nouveau ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Charles Diby Koffi ?
D’abord, je voudrais que vous m’aidiez à traduire mon admiration à Monsieur le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Charles Diby Koffi, qui est mon patron. Normalement, si j’ai des suggestions à faire, je les ferai autrement. Mais, je pense qu’en tant que citoyen ivoirien, vivant en Côte d’Ivoire, je peux déjà affirmer qu’au regard de tout ce que nous venons de dire, et de ce que nous savons, il a le profil du job. C’est-à-dire qu’il a le profil du métier. Donc, ce que nous devons tous faire, en tant que diplomates, agents du ministère de l’Economie et des Finances et autres administrations publiques et privées ivoiriennes, agents du secteur privé, c’est de nous mettre tous derrière notre ministre pour que le cap qui vient d’être donné à la diplomatie ivoirienne, c’est-à-dire la diplomatie économique, bénéficie d’un vent favorable.
Peut-on ainsi parler de changement du visage de la diplomatie ivoirienne?
Il s’agit d’une vision qu’il faut saluer et encourager compte tenu des besoins actuels de notre pays. N’oubliez pas que la menace la plus sérieuse que nous devons écarter s’appelle la pauvreté. Aujourd’hui, la vision c’est la diplomatie économique qui tient compte du nouveau contexte international. Et je pense qu’à ce niveau-là, les Ivoiriens doivent se mobiliser derrière leur ministère d’Etat, ministère des Affaires étrangères pour que la nouvelle mission qui lui est assignée soit couronnée de succès.
Pour terminer, pouvez-vous revenir sur le terme éco-diplomatie, un Centre de promotion des investissements grand format ?
Ecoutez, le ministre d’Etat l’a dit lui-même. Son rôle, c’est de capter les ressources, de les transmettre à la Côte d’Ivoire. Donc, désormais, tous les Ivoiriens, où qu’ils se trouvent, doivent faire en sorte qu’une grande partie de l’épargne mondiale puisse converger vers Abidjan. Et dans ce sens, le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Charles Diby Koffi, peut rencontrer les banques, les opérateurs économiques privés, la diaspora ivoirienne à l’étranger, et tous ceux qui peuvent nous aider à stimuler la croissance dans notre pays. Cela veut dire que désormais les interlocuteurs du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, faut-il le préciser, ne seront plus seulement des acteurs étatiques. A ce niveau-là, vous comprenez que c’est une mission de promotion de l’investissement en Côte d’Ivoire qu’il nous faut tous soutenir pour faire reculer la pauvreté dans notre pays. Nous devons tous nous battre dans la cohésion retrouvée, pour que la Côte d’Ivoire puisse avancer dans sa diplomatie économique qui traduit bien sa volonté de faire reculer la première menace qui nous guette, c’est-à-dire la pauvreté.
Propos recueillis par Honoré Kouassi
En tant que président de l’Institut Africain de Développement et de Stratégies (IADS), que revêt pour vous, le terme éco-diplomatie ? Qu’est-ce qui différencie cette éco-diplomatie de la diplomatie classique?
Je voudrais vous remercier de donner la parole à l’Institut Africain de Développement de Stratégies (IADS), en invitant son modeste président que je suis, à se pencher sur un terme aussi complexe que la diplomatie économique ou l’Eco-diplomatie. Je voudrais tout de suite dire qu’on ne peut pas faire de diplomatie sans économie. Avec la diplomatie économique ou Eco-diplomatie, nos diplomates sont désormais appelés à accroître leur capacité à attirer davantage d’investissements pour la Côte d’Ivoire. Leurs interlocuteurs, en plus des Etats, seront davantage les entreprises, le secteur privé, le monde des investisseurs… Ce que je dois dire, c’est que le concept est connu depuis longtemps. Il prend tout son sens dans la mondialisation. Parce que les interlocuteurs des Etats ne sont plus seulement des Etats, mais aussi des entreprises. Et pour que les pays comme les nôtres qui n’ont pas la possibilité d’avoir une épargne intérieure importante et suffisante pour financer eux-mêmes leur développement, aient des chances de relancer leur croissance, il est bien évident que nous sommes obligés d’aller là où se trouvent les investisseurs pour leur demander de venir investir dans nos différents pays. C’est ce mouvement vers les investisseurs qui est l’objet de la diplomatie économique ou l’éco-diplomatie.
Est-ce à dire que l’éco-diplomatie s’impose à nous aujourd’hui?
Je crois que nous sommes en période de reconstruction post-crise. Que nous le voulions ou pas, notre pays a des besoins de financement qui sont au-delà de ses capacités propres. Et quand vous avez des besoins qui sont au-delà de vos capacités, vous êtes obligés, soit de tendre la main, soit de valoriser vos atouts. Par le passé, il y a eu le plan Marshall en Europe après la guerre. Mais, dans notre cas ici, ce dont nous avons besoin pour reconstruire notre pays, et relancer la croissance économique, ce ne sont pas seulement des dons. Les gens ne viendront pas seulement pour nous donner de l’argent. Mais nous devons aller expliquer à l’extérieur aux investisseurs qu’ils peuvent se faire de l’argent en investissant dans des projets en Côte d’Ivoire, et puis s’en sortir avec des bénéfices, des profits. C’est un peu la priorité ou la quintessence de ce que nous allons appeler la diplomatie économique. La grande innovation, c’est que cette fois-ci, nous allons demander aux investisseurs d’envoyer leur argent en Côte d’Ivoire en leur promettant de veiller à ce que les investissements soient effectivement effectués dans de très bonnes conditions. C’est cela aussi une autre dimension de la diplomatie économique.
Allons-nous donc chercher de l’argent à l’extérieur pour investir en Côte d’Ivoire ? Si tel est le cas, ne va-t-on pas tomber dans un nouveau cycle d’endettement ?
Non ! J’ai dit que, désormais, les principaux acteurs de l’économie internationale sont les entreprises. Et une entreprise a pour premier objectif de réaliser des profits. Donc, ce que nous sommes en train de faire, n’est pas de l’endettement. Il s’agit d’expliquer à l’extérieur que nous sommes un espace compétitif. Ce que nous apporterons à l’extérieur, c’est notre capacité à attirer de l’investissement productif. Donc, ce n’est pas de l’endettement. Il ne s’agit pas d’aller prendre l’argent de quelqu’un et venir l’utiliser comme bon nous semble. Mais, cette fois-ci, on va dire à quelqu’un, tu envoies ton argent parce qu’il y a un tel projet à financer, et si tu le fais, non seulement tu retireras ton argent, mais aussi tu dégageras des bénéfices. Et nous allons nous assurer que l’argent qui a été réuni a servi à réaliser ce projet, et que la réalisation de ce projet a rapporté de l’argent à celui qui l’a envoyé. En retour nous gagnons en termes de création d’emplois et de possibilité de réduction de la pauvreté. Ce qui est en jeu, c’est la compétitivité de notre pays. Parce qu’il y a plusieurs pays au monde qui vont aussi à la recherche de fonds pour pouvoir développer leur économie. Celui qui a son argent n’est pas obligé de venir chez vous. C’est la raison pour laquelle, je dis que lorsque vous faites de la diplomatie économique, vos interlocuteurs privilégiés en dehors des Etats qui sont vos partenaires traditionnels, s’appellent des entreprises, des banques et surtout le secteur privé. Ceux-là ne sont pas des philanthropes. Quand vous leur vendez votre destination, ils l’achètent, dans le souci de réaliser des profits.
Pour que la diplomatie économique marche, il faut assainir l’environnement des affaires…C’est bien ça ?
Oui, bien sûr. Lorsque vous parlez d’éco- diplomatie, ou de diplomatie économique ce que vous avez comme atouts, en sachant que vous êtes une destination parmi tant d’autres, c’est le climat de l’investissement ou en gros l’environnement des affaires. Donc, si vous n’êtes pas compétitifs, l’investisseur ne viendra pas chez vous. C’est différent des relations bilatérales avec un pays par exemple, où en fonction de l’histoire ou de la culture, vous êtes éligibles à des programmes d’aide. Mais, les multinationales n’ont pas ce sentiment, elles n’ont pas non plus cette contrainte. Si votre environnement des affaires n’est pas propice, vous allez tourner partout dans le monde, personne ne viendra chez vous.
Cela signifie-t-il que la Côte d’Ivoire doit être présente à tous les grands rendez-vous ?
Oui. Nous devons être présents à tous les grands rendez-vous avec tous les atouts attractifs qu’un pays moderne doit avoir. C’est la raison pour laquelle nous disons qu’il est très difficile de faire l’éco-diplomatie sans faire de diplomatie classique.
C’est-à-dire…
C’est-à-dire, sans être un pays fréquentable. Si par exemple, les facteurs de compétitivité, qu’on appelle aujourd’hui, Etat de Droit, bonne gouvernance, lutte contre la corruption, stabilité, transparence… ne sont pas réunis, votre appel ne sera pas entendu. Parce que ces investissements que nous allons chercher ont besoin d’évoluer dans un environnement favorable, c’est-à-dire un environnement sécurisé où il y a une justice pour tous, l’autorité de l’Etat est respectée... Donc, voilà autant d’éléments que nous devons réunir pour réussir notre diplomatie économique. C’est la raison pour laquelle nous devons nous mobiliser derrière le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères pour que la destination Côte d’Ivoire soit une destination compétitive. Parce que nous sommes en compétition avec plus d’une centaine de pays au monde. Donc, il appartient à chacun de ces pays d’offrir le meilleur climat des affaires pour tirer le maximum d’investissements.
Peut-on avoir un exemple de réussite de la diplomatie économique au monde ?
Si nous prenons le cas de la Chine par exemple, qui vient investir en Côte d’Ivoire à travers ses entreprises. C’est un modèle de réussite de l’éco-diplomatie. Vous voyez que la Chine appuie ses entreprises pour qu’elles investissent chez nous dans le but d’accroître la prospérité des Chinois en ce qui les concerne et nous en tant que pays d’accueil, nous encourageons les investissements chinois pour le bonheur de notre population. Ça aussi, c’est un modèle de l’éco-diplomatie. Il en est de même pour les Etats-Unis, la France, etc. quand leurs entreprises viennent investir dans notre pays. Ils font de l’éco-diplomatie de même que nous, pour atteindre les mêmes objectifs : stimuler la croissance dans nos pays respectifs et lutter contre la pauvreté. Le but de l’éco-diplomatie, c’est donc d’aller au-delà des frontières nationales, dans l’espoir d’accroître la prospérité de nos populations respectives, celles des populations des pays d’origine des investisseurs et celles des pays qui accueillent les investissements. Quand nous arrivons par exemple, à vendre le cacao à l’étranger, nous faisons de l’éco-diplomatie (la diplomatie commerciale). Parce que nous réussissons à donner à notre cacao, toutes les chances de se vendre. Et quand on le vend bien et mieux, ça nous rapporte de l’argent. Quand la Côte d’Ivoire fait en sorte que tous les pays de l’hinterland viennent s’approvisionner à partir du Port d’Abidjan au lieu d’aller ailleurs, c’est le résultat de l’éco-diplomatie. Maintenant, il faut aller au-delà, surtout que nous voulons être un pays émergent à l’horizon 2020.
Pensez-vous que l’éco-diplomatie est le meilleur choix pour relancer la machine économique en Côte d’Ivoire ?
Oui. N’oubliez pas que nous sommes dans une économie planétaire. Personne ne peut vivre en autarcie. Et aujourd’hui, personne n’est suffisamment riche pour financer son développement seul. Quand vous prenez les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, le Brésil, l’Afrique du Sud… vous voyez que les uns ont besoin des autres pour pouvoir financer leurs développements respectifs et lutter contre la pauvreté. Donc, si vous avez des atouts à faire valoir, il faut que vous vous organisiez pour développer ces atouts et aller les vendre pour capter en retour les ressources nécessaires pour accroître votre développement, c’est-à-dire, entre autres objectifs, créer de nouveaux emplois ou améliorer ceux qui existent déjà, stimuler la croissance pour réduire la pauvreté. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a besoin d’être reconstruite. Et quand vous optez pour la reconstruction, vous êtes un chantier, un marché d’opportunités. Il nous appartient de nous organiser pour que toutes les opportunités en Côte d’Ivoire puissent bien se vendre, afin que nous puissions réaliser notre rêve, celui d’être un pays émergent à l’horizon 2020, c’est-à-dire avoir des taux de croissance positifs et soutenus capables de nous aider à réduire le taux de pauvreté.
Outre votre casquette de président de l’IADS, vous êtes également diplomate et non moins ancien ministre de l’Artisanat et des Petites et moyennes entreprises. Sachant votre connaissance en la matière, avez-vous des pistes de réflexions à donner, en termes de priorité, au nouveau ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Charles Diby Koffi ?
D’abord, je voudrais que vous m’aidiez à traduire mon admiration à Monsieur le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Charles Diby Koffi, qui est mon patron. Normalement, si j’ai des suggestions à faire, je les ferai autrement. Mais, je pense qu’en tant que citoyen ivoirien, vivant en Côte d’Ivoire, je peux déjà affirmer qu’au regard de tout ce que nous venons de dire, et de ce que nous savons, il a le profil du job. C’est-à-dire qu’il a le profil du métier. Donc, ce que nous devons tous faire, en tant que diplomates, agents du ministère de l’Economie et des Finances et autres administrations publiques et privées ivoiriennes, agents du secteur privé, c’est de nous mettre tous derrière notre ministre pour que le cap qui vient d’être donné à la diplomatie ivoirienne, c’est-à-dire la diplomatie économique, bénéficie d’un vent favorable.
Peut-on ainsi parler de changement du visage de la diplomatie ivoirienne?
Il s’agit d’une vision qu’il faut saluer et encourager compte tenu des besoins actuels de notre pays. N’oubliez pas que la menace la plus sérieuse que nous devons écarter s’appelle la pauvreté. Aujourd’hui, la vision c’est la diplomatie économique qui tient compte du nouveau contexte international. Et je pense qu’à ce niveau-là, les Ivoiriens doivent se mobiliser derrière leur ministère d’Etat, ministère des Affaires étrangères pour que la nouvelle mission qui lui est assignée soit couronnée de succès.
Pour terminer, pouvez-vous revenir sur le terme éco-diplomatie, un Centre de promotion des investissements grand format ?
Ecoutez, le ministre d’Etat l’a dit lui-même. Son rôle, c’est de capter les ressources, de les transmettre à la Côte d’Ivoire. Donc, désormais, tous les Ivoiriens, où qu’ils se trouvent, doivent faire en sorte qu’une grande partie de l’épargne mondiale puisse converger vers Abidjan. Et dans ce sens, le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Charles Diby Koffi, peut rencontrer les banques, les opérateurs économiques privés, la diaspora ivoirienne à l’étranger, et tous ceux qui peuvent nous aider à stimuler la croissance dans notre pays. Cela veut dire que désormais les interlocuteurs du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, faut-il le préciser, ne seront plus seulement des acteurs étatiques. A ce niveau-là, vous comprenez que c’est une mission de promotion de l’investissement en Côte d’Ivoire qu’il nous faut tous soutenir pour faire reculer la pauvreté dans notre pays. Nous devons tous nous battre dans la cohésion retrouvée, pour que la Côte d’Ivoire puisse avancer dans sa diplomatie économique qui traduit bien sa volonté de faire reculer la première menace qui nous guette, c’est-à-dire la pauvreté.
Propos recueillis par Honoré Kouassi