Lisaili Fort, à une quarantaine de minutes de Dubaï. Sur ce vaste espace situé en plein désert, plusieurs centaines de festivaliers dégustent, sous de grandes tentes, les mets typiquement émiratis. Sur une scène, vêtus du traditionnel caftan blanc et coiffés de l’inséparable gandoura, des artistes offrent une balade mélodieuse au cœur de la musique émiratie. Entre-temps, comme au bon vieux temps, une femme grille des beignets, d’autres posent des tatouages quand des hommes s’adonnent à une partie de thé, autour du bois de chauffe. L’ambiance est visiblement à la fête, et les invités ravis de se retrouver dans ce décor exotique. Dimanche dernier, à l’initiative de son président d’honneur son Altesse Sheikh Ahmed bin Saeed Al Maktoum, le 9ème Festival international du film de Dubaï a refermé ses portes dans l’allégresse. Une manière subtile de clore en beauté une semaine d’intenses activités marquées par les projections de films et les rencontres professionnelles. Cette année, le festival a donné à voir, du 9 au 16 décembre 2012, 158 films issus de 61 pays pour 43 langues différentes. Ils étaient repartis dans neuf sections dont trois en compétitions, à savoir «Muhr Emirati Awards», qui récompense les meilleurs films des Emirats Arabes Unis, «Muhr Arab Awards», qui distingue les meilleures productions arabes (documentaire, court et long métrage), «Muhr AsiaAfrica Awards», qui prime les meilleurs films d’Asie et d’Afrique (documentaire, court et long métrage). A ces trois catégories majeures du festival, s’ajoutent six autres pour le prestige. Car elles sont hors compétition. Il s’agit de «Gala Screenings» (les projections de gala), qui a permis au public de découvrir de grosses productions internationales comme «Life of Pi» d’Ang Lee en 3D, «Hitchcock» de Sacha Gervasi ou encore «Amour» de Michael Haneke, Palme d’Or au récent festival de Cannes… De même, on note «Arabian Nights» (Les Nuits arabes), «Cinema of The World» (Cinéma du monde), «Cinema of AsiaAfrica» (Cinéma d’Asie et d’Afrique), «Celebration of Indian Cinema» (Célébration du Cinéma indien), «Cinema for children», (Cinéma pour enfants) et «Gulf Voices» (Les Voix du Golf). Au-delà de cette pléthore de sections, ce qui est intéressant, c’est la variété de la sélection de ce 9ème DIFF qui a permis au public de voyager de l’Afrique à l’Asie en passant par le Moyen-Orient, avec à la clé, la découverte d’un cinéma qui a encore ses armes à fourbir, mais ne manque pour autant pas de qualité, le cinéma émirati. On a ainsi pu apprécier de beaux courts métrages comme «Raas Al Ghanam (The Goat’s Head» de Juma Al Sahli, «Durbeen» de Muna Al Ali, «The Path» de Humaid Alawadi et Abdulla Aljunaibi, «Half Emirati» d’Amal Al-Agroobi pour ne citer qu’eux.
Le festival, c’est une autre leçon, a mis en lumière la vitalité du cinéma dans le Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie, qui a considérablement évolué, aussi bien au niveau technique que de la pertinence des histoires que les films racontent. A Dubaï, ce cinéma a rappelé qu’il puise encore son inspiration dans la guerre ou les révolutions arabes à l’image des films comme «Infiltrators», de Khaled Jarrar et « Gaza Calling» de Nahed Awwad, qui évoquent la cohabitation difficile entre palestiniens et israéliens, «Ya Man Aach (It was better tomorrow)» de Hinde Boujemaa qui plonge le spectateur au cœur des heures chaudes de la révolution tunisienne. Mais, ce cinéma a aussi montré qu’il peut se démarquer de ce quotidien tumultueux, qui rythme en général la vie des populations de cette partie du monde, s’ouvrant de nouveaux horizons marqués par la présence de l’enfant. Oui, on a constaté une présence forte d’enfants dans certains films notamment «Bekas» du Suédois d’origine Kurde irakienne Karzan Kader, «Wadjda» de la Saoudienne Haifaa Al Mansour ou encore «Sabbat El Aïd/ My shoes» du Tunisien Anis Lassaoued… Cela dénote d’une véritable volonté des professionnels du cinéma de cette région, d’explorer d’autres pistes, qui tranchent avec ce qu’on avait l’habitude de voir. Et ce qui séduit, c’est la très bonne direction d’acteurs qui rend ces enfants sublimes dans leur interprétation. Sur ce plan-là, vu les performances des deux héros de «Bekas», Zamand Taha et Sarwar Fazil, ou de l’héroïne de Wadjda, Waad Mohamed, récompensée justement par le Prix de la meilleure actrice, le cinéma arabe et asiatique n’a rien à envier à Hollywood. Autre fait notable, la quête de liberté des peuples affichée par les cinéastes à travers leurs films, notamment «Gulabi Gang» de Nishtha et «Al Sarkha (The Scream)» de la Yéménite Khadija Al-Salami qui posent, avec acuité, la problématique des droits des femmes. Le festival a également permis de voir de bons longs métrages d’Afrique noire comme «Virgem Margarida (Virgin Margarida)» du Mozambicain Licinio Azevedo, qui présente le Mozambique en pleine révolution, au lendemain de sa souveraineté nationale, voulant coûte que coûte se refaire une nouvelle virginité en recyclant de jeunes prostituées, «Nairobi Half Life» du Kenyan Tosh Gitonga qui évoque, entre vols et trafics divers, la violence urbaine de Nairobi, «Por Aqui Tudo Bem (All is Well)» de l’Angolaise Pocas Pascoal, qui raconte la pénible adaptation à la vie européenne de deux jeunes sœurs angolaises. Fuyant la guerre civile dans leur pays, elles «échouent» au Portugal. On n’oublie surtout pas le documentaire «Comarada Presidente (Comrade President)» du Zimbabwéen Mosco Kamwendo, qui est une pertinente réflexion sur la lutte pour l’indépendance du Mozambique et la bataille pour le leadership du pays après la colonisation. «C’est un film qui interpelle sur les farouches rivalités entre les hommes politiques africains pour la conquête du pouvoir», nous soufflait-il, au détour d’une causerie. C’est à juste titre, que le Jury lui a décerné une mention spéciale dans la catégorie «Documentaire Asie-Afrique».
En marge des projections, qui se sont déroulé sur trois sites à savoir, le Madinat Arena, le Madinat Théâtre et le complexe Vox Cinema logé dans l’imposant centre commercial Mall of Emirates, ce 9ème DIFF a été également marqué par les rencontres professionnelles, singulièrement le forum du Marché du Film de Dubai.
Du lundi 10 au dimanche 16 décembre, plusieurs professionnels de l’industrie du cinéma entre autres les acteurs, les réalisateurs, les producteurs et les distributeurs ont échangé, à travers des sous-thèmes, sur les différentes préoccupations de l’industrie du cinéma certes dans le Moyen-Orient et en Asie, mais aussi en général dans le monde. Et les débats ont porté entre autres sur la diffusion dans le monde arabe, les réalités du cinéma indien, les stratégies pour mieux vendre son film, la recherche de fonds pour le financement des productions, l’émergence des femmes réalisateurs dans le Golf... Sans oublier les dialogues avec la réalisatrice égyptienne de «Moondog», Khairy Beshara et surtout le britannique Michael Apted, qui a reçu un prix pour l’ensemble de son œuvre, ainsi que l’acteur égyptien Mahmoud Abdel Aziz. D’après l’un des participants, c’est plus d’une centaine de diffuseurs, venus de partout dans le monde, qui ont accouru au Marché du Film de Dubaï, pour faire des acquisitions de films. Ce qu’est à saluer, c’est l’engagement des responsables du DIFF, singulièrement son Président Abdulhamid Juma et son équipe, à tisser, via un réseau fort, à partir de Dubaï une véritable toile, qui sera le pilier de l’industrie cinématographique dans le monde arabe et en Asie. Déjà, avec «le Filmmart», une bibliothèque digitale, ils offrent la possibilité aux distributeurs de consulter une liste de films de qualité qu’ils peuvent acquérir en toute quiétude.Bien entendu, on ne saurait faire ce bilan, sans relever la très bonne organisation mise en place par la Team du DIFF. Avec un point d’honneur sur la rigueur et la ponctualité. Les projections débutaient à l’heure pile poil. Et aucune entrée n’était permise dès que le film était lancé. De plus, dans les hôtels, il y avait, toutes les cinq minutes, une rotation des navettes, histoire de faciliter la mobilité des festivaliers et leur permettre de suivre aisément les activités du festival. Et que dire de la vidéothèque numérique installée au quartier général, précisément au centre de presse. Géniale trouvaille, elle offrait l’opportunité à ceux qui n’ont pu voir les films en salle de les visionner sur les écrans d’ordinateurs, avec une qualité de son excellente. Ce système installé, par une structure française basée à Cannes, a été très utile aux festivaliers, en témoigne l’engouement qu’il y avait autour de ces machines. Enfin, on salue la clairvoyance des responsables du DIFF qui, chaque année, ne ménagent aucun effort pour donner une dimension prestigieuse à l’événement, avec la marche des stars du cinéma sur le tapis rouge, le fameux «Red Carpet», comme on l’appelle à Dubai. En 2011, il y avait Tom Cruise, venu présenter «Mission Impossible : Protocole fantôme». Cette année, le festival a accueilli l’actrice australienne Cate Blanchett, l’Américain Kevin Spacey, la vedette indienne Freida Pinto et bien d’autres célébrités. Ce n’est donc pas une surprise, qu’en l’espace de neuf éditions, le DIFF soit devenu l’événement cinématographique majeur du Moyen-Orient. Pour sûr, il n’a pas fini de nous surprendre…
Y. Sangaré, envoyé spécial à Dubai
Le festival, c’est une autre leçon, a mis en lumière la vitalité du cinéma dans le Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie, qui a considérablement évolué, aussi bien au niveau technique que de la pertinence des histoires que les films racontent. A Dubaï, ce cinéma a rappelé qu’il puise encore son inspiration dans la guerre ou les révolutions arabes à l’image des films comme «Infiltrators», de Khaled Jarrar et « Gaza Calling» de Nahed Awwad, qui évoquent la cohabitation difficile entre palestiniens et israéliens, «Ya Man Aach (It was better tomorrow)» de Hinde Boujemaa qui plonge le spectateur au cœur des heures chaudes de la révolution tunisienne. Mais, ce cinéma a aussi montré qu’il peut se démarquer de ce quotidien tumultueux, qui rythme en général la vie des populations de cette partie du monde, s’ouvrant de nouveaux horizons marqués par la présence de l’enfant. Oui, on a constaté une présence forte d’enfants dans certains films notamment «Bekas» du Suédois d’origine Kurde irakienne Karzan Kader, «Wadjda» de la Saoudienne Haifaa Al Mansour ou encore «Sabbat El Aïd/ My shoes» du Tunisien Anis Lassaoued… Cela dénote d’une véritable volonté des professionnels du cinéma de cette région, d’explorer d’autres pistes, qui tranchent avec ce qu’on avait l’habitude de voir. Et ce qui séduit, c’est la très bonne direction d’acteurs qui rend ces enfants sublimes dans leur interprétation. Sur ce plan-là, vu les performances des deux héros de «Bekas», Zamand Taha et Sarwar Fazil, ou de l’héroïne de Wadjda, Waad Mohamed, récompensée justement par le Prix de la meilleure actrice, le cinéma arabe et asiatique n’a rien à envier à Hollywood. Autre fait notable, la quête de liberté des peuples affichée par les cinéastes à travers leurs films, notamment «Gulabi Gang» de Nishtha et «Al Sarkha (The Scream)» de la Yéménite Khadija Al-Salami qui posent, avec acuité, la problématique des droits des femmes. Le festival a également permis de voir de bons longs métrages d’Afrique noire comme «Virgem Margarida (Virgin Margarida)» du Mozambicain Licinio Azevedo, qui présente le Mozambique en pleine révolution, au lendemain de sa souveraineté nationale, voulant coûte que coûte se refaire une nouvelle virginité en recyclant de jeunes prostituées, «Nairobi Half Life» du Kenyan Tosh Gitonga qui évoque, entre vols et trafics divers, la violence urbaine de Nairobi, «Por Aqui Tudo Bem (All is Well)» de l’Angolaise Pocas Pascoal, qui raconte la pénible adaptation à la vie européenne de deux jeunes sœurs angolaises. Fuyant la guerre civile dans leur pays, elles «échouent» au Portugal. On n’oublie surtout pas le documentaire «Comarada Presidente (Comrade President)» du Zimbabwéen Mosco Kamwendo, qui est une pertinente réflexion sur la lutte pour l’indépendance du Mozambique et la bataille pour le leadership du pays après la colonisation. «C’est un film qui interpelle sur les farouches rivalités entre les hommes politiques africains pour la conquête du pouvoir», nous soufflait-il, au détour d’une causerie. C’est à juste titre, que le Jury lui a décerné une mention spéciale dans la catégorie «Documentaire Asie-Afrique».
En marge des projections, qui se sont déroulé sur trois sites à savoir, le Madinat Arena, le Madinat Théâtre et le complexe Vox Cinema logé dans l’imposant centre commercial Mall of Emirates, ce 9ème DIFF a été également marqué par les rencontres professionnelles, singulièrement le forum du Marché du Film de Dubai.
Du lundi 10 au dimanche 16 décembre, plusieurs professionnels de l’industrie du cinéma entre autres les acteurs, les réalisateurs, les producteurs et les distributeurs ont échangé, à travers des sous-thèmes, sur les différentes préoccupations de l’industrie du cinéma certes dans le Moyen-Orient et en Asie, mais aussi en général dans le monde. Et les débats ont porté entre autres sur la diffusion dans le monde arabe, les réalités du cinéma indien, les stratégies pour mieux vendre son film, la recherche de fonds pour le financement des productions, l’émergence des femmes réalisateurs dans le Golf... Sans oublier les dialogues avec la réalisatrice égyptienne de «Moondog», Khairy Beshara et surtout le britannique Michael Apted, qui a reçu un prix pour l’ensemble de son œuvre, ainsi que l’acteur égyptien Mahmoud Abdel Aziz. D’après l’un des participants, c’est plus d’une centaine de diffuseurs, venus de partout dans le monde, qui ont accouru au Marché du Film de Dubaï, pour faire des acquisitions de films. Ce qu’est à saluer, c’est l’engagement des responsables du DIFF, singulièrement son Président Abdulhamid Juma et son équipe, à tisser, via un réseau fort, à partir de Dubaï une véritable toile, qui sera le pilier de l’industrie cinématographique dans le monde arabe et en Asie. Déjà, avec «le Filmmart», une bibliothèque digitale, ils offrent la possibilité aux distributeurs de consulter une liste de films de qualité qu’ils peuvent acquérir en toute quiétude.Bien entendu, on ne saurait faire ce bilan, sans relever la très bonne organisation mise en place par la Team du DIFF. Avec un point d’honneur sur la rigueur et la ponctualité. Les projections débutaient à l’heure pile poil. Et aucune entrée n’était permise dès que le film était lancé. De plus, dans les hôtels, il y avait, toutes les cinq minutes, une rotation des navettes, histoire de faciliter la mobilité des festivaliers et leur permettre de suivre aisément les activités du festival. Et que dire de la vidéothèque numérique installée au quartier général, précisément au centre de presse. Géniale trouvaille, elle offrait l’opportunité à ceux qui n’ont pu voir les films en salle de les visionner sur les écrans d’ordinateurs, avec une qualité de son excellente. Ce système installé, par une structure française basée à Cannes, a été très utile aux festivaliers, en témoigne l’engouement qu’il y avait autour de ces machines. Enfin, on salue la clairvoyance des responsables du DIFF qui, chaque année, ne ménagent aucun effort pour donner une dimension prestigieuse à l’événement, avec la marche des stars du cinéma sur le tapis rouge, le fameux «Red Carpet», comme on l’appelle à Dubai. En 2011, il y avait Tom Cruise, venu présenter «Mission Impossible : Protocole fantôme». Cette année, le festival a accueilli l’actrice australienne Cate Blanchett, l’Américain Kevin Spacey, la vedette indienne Freida Pinto et bien d’autres célébrités. Ce n’est donc pas une surprise, qu’en l’espace de neuf éditions, le DIFF soit devenu l’événement cinématographique majeur du Moyen-Orient. Pour sûr, il n’a pas fini de nous surprendre…
Y. Sangaré, envoyé spécial à Dubai