Considérée à tort comme à raison, être une des bases arrières de la déstabilisation en Côte d’Ivoire, la Guinée via une cinquantaine de ses soldats occupe de force depuis quelques jours, un village ivoirien à la frontière ivoiro-guinéenne. Une annexion qui ne dit pas son nom. Kpabéa, village ivoirien proche de la ville de Sipilou et situé à 15 km de la frontière ivoiro-guinéenne depuis 21 jours ne fait plus partie du territoire ivoirien. Et pour cause, sa prise de force par plus de 50 militaires guinéens qui y ont chassé les forces républicaines ivoiriennes basées dans cette zone afin d’assurer la sécurité des populations ivoiriennes ainsi que l’intégrité dudit territoire. Pis, les militaires d’Alpha Condé se sont permis de planter en lieu et place du drapeau ivoirien, celui de leur pays. Ce, après avoir destitué le chef de village ivoirien pour installer un citoyen guinéen. Ce grave fait, relayé par une agence de presse, tire sa source dans un conflit qui date dit-on de l’ère des présidents feus Félix Houphouët- Boigny et Sékou Touré. En effet, du temps des deux chefs d’Etats cités, ce conflit avait fait jour. Mais très vite les choses sont rentrées dans l’ordre lorsque le président ivoirien d’alors avait remonté les bretelles à son homologue guinéen en démontrant que le village de Kpabéa était bel et bien de la Côte d’Ivoire. 50 ans après, ce conflit territorial refait surface de la plus violente manière avec la prise dudit village par les forces militaires du pays frontalier qu’est la Guinée. Mieux, de sources concordantes, l’armée de ce pays nourrissait déjà sa velléité d’annexion de cette zone ivoirienne du temps du président Gbagbo mais le pouvoir ivoirien d’alors avait su mettre les choses dans l’ordre. Aussi, à la faveur de la crise ivoirienne la région de l’Ouest, étant devenue une zone d’insécurité, l’armée guinéenne a remis sur le tapis sa funeste volonté d’ôter de la carte ivoirienne ce paisible village. Et depuis le début du mois de février, c’est désormais chose faite. « Le village de Kpabéa, proche de la ville de Sipilou dans l’ouest ivoirien est occupé par une cinquantaine de soldats guinéens armés de kalachnikovs. Ils ont retiré le drapeau ivoirien pour hisser celui de la Guinée ; ils ont destitué le chef du village pour installer un chef venu de la Guinée et tutti quanti», a déclaré à la presse un militaire des Forces républicaines de Côte d’Ivoire. Combien de villages ont-ils sur leur liste ? Ne court-on pas vers une déclaration de guerre ? Déclaration de guerre ou acte d’invasion ? Est-ce une déclaration de guerre qui ne dit pas son nom ou un simple acte de soldats incontrôlés ? Difficile d’y répondre. Sauf que l’acte posé par les soldats guinéens ne serait pas fortuit dans la mesure où ceux-ci se sont permis de déterrer le drapeau ivoirien, symbole de souveraineté dudit pays pour y implanter le leur. Et avec comme cérise sur la gâteau, la destitution d’un chef de village, représentant légal et officiel du préfet, qui représente lui, le président de la République. Le faisant, ne s’en prennent-ils pas à l’autorité ivoirienne ? Ne déclarent-ils pas la guerre ? Ne l’ont-ils pas fait avec l’accord du chef d’Etat guinéen, Alpha Condé ? Quand on sait que ce dernier n’a toujours pas été en odeur de sainteté avec le Président Alassane Ouattara au vu de son soutien à l’ex-président Laurent Gbagbo, le pas peut être vite franchi. Dans ce cas de figure, sans être alarmiste, l’on pourrait s’attendre dans les jours qui viennent au début d’une rébellion Et si c’était le début d’une rébellion ? Cette invasion militaire guinéenne qui ne dit pas son nom pourrait déboucher, si l’on n’y prend pas garde à une rébellion. En effet, l’Ouest ivoirien, depuis l’accession du Président Ouattara à la magistrature suprême, a de tout temps été objet de convoitise de certains politiciens qui ruminent vengeance. Déjà, des services spéciaux ivoiriens faisaient état de ce que cette zone était convoitée par les milices pro-Gbagbo qui entendaient s’y installer en vue de créer leur rébellion à elle comme ce fut le cas des zones du Centre et du Nord en 2002. Est-ce donc ces milices qui sont en dessous de cet acte afin de refaire surface ? Seul, l’avenir nous le dira. Que dit le pouvoir ivoirien ? Face à cette situation, le gouvernement ivoirien a décidé de passer à une offensive diplomatique. Ainsi, à l’issue du Conseil des ministres tenu hier mercredi 20 février 2013, une rencontre est prévue dans les jours à venir entre les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays. En attendant, les décisions de cette rencontre, la réalité est toujours présente. Le village de Kpabéa est toujours aux mains des soldats guinéens. Pis, les populations ivoiriennes fortement menacées par cette invasion et ses soldats devenus les seuls maîtres absolus fuient les environs de peur de se voir massacrer. Aujourd’hui, c’est la psychose totale à Kpabéa et dans les autres villages frontaliers qu’on dit être sur la liste des zones à annexer. Il se raconte aussi que la Guinée a toujours proclamé que la région d’Odienné fait partie de leur pays. Tout le monde fuit ne sachant à quel saint se vouer. Surtout que c’est l’armée ivoirienne qui a été repoussé. Même si les circonstances, les lieux et les temps ne sont pas les mêmes, il faut reconnaitre qu’il y a des moments où la diplomatie n’a pas droit de cité. L’armée guinéenne a-t-elle négocié son arrivée à Kpabéa ? Nous ne le croyons pas. Dès-lors, le gouvernement ivoirien, avant tout acte, se devrait de redorer sa souveraineté bafouée en reprenant son territoire avant d’engager des discussions, si discussions il y a. On se souvient, lorsque Kragbé Gnagbé, opposant à Houphouët-Boigny s’était permis de déterrer le drapeau ivoirien pour planter un autre drapeau et proclamer une autre République, l’Etat ivoirien n’avait pas hésiter d’y envoyer son armée pour pacifier la région. Lorsque l’ex-Haute Volta s’était permise de vouloir annexer des villages ivoiriens, le président Houphouët y avait dépêché feu le Général Thomas d’Aquin pour rétablir l’ordre. Tout près de nous, lorsqu’il y a eu la rébellion avec Guillaume Soro, jamais celle-ci n’a daigné implanter un autre drapeau. Le gouvernement ivoirien se doit d’ouvrir grandement l’œil et prendre les décisions qui s’imposent et non mettre en pratique la fameuse formule du « on voit le dos du nageur » surtout qu’on sait où celle-ci a conduit son inventeur.
Laurence Aboh
Laurence Aboh