L’audience de confirmation des charges contre le président Laurent Gbagbo était, hier, à son sixième jour. La défense, qui avait encore la parole, est revenue sur les accusations concernant la marche des femmes à Abobo, le supposé bombardement d’un marché, toujours à Abobo, et des massacres supposés à Yopougon au lendemain de l’arrestation du président Gbagbo par l’armée française.
Sur les trois évènements qui, avec la marche du 10 décembre 2010 sur la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti), constituent le cœur de l’accusation contre le président Gbagbo, l’équipe de défense s’est employé à montrer très clairement que pas une seule fois le procureur n’a pris la peine de faire sa propre enquête, pour se faire une vraie opinion, sur les faits allégués. Il s’est seulement contenté de collectionner les rapports d’Ong et ceux d’organismes internationaux comme l’Onuci.
Sur la marche des femmes à Abobo, la défense a d’abord relevé que le procureur s’appuie essentiellement sur des témoins anonymes. Or, selon les textes de la Cour pénale internationale (Cpi), repris par la défense, les témoignages anonymes ont une valeur très limitée. Sur le fond du sujet, la défense a insisté sur l’environnement de guerre qui régnait à Abobo début mars 2011. Où de nombreux groupes rebelles, notamment « le Commando invisible », lourdement armés s’attaquaient aux forces de l’ordre et à la population civile. S’appuyant à plusieurs reprises sur les déclarations des témoins de l’accusation, elle-même, la défense a démontré clairement qu’au moment des faits, plusieurs groupes rebelles étaient armés de Rpg et de Kalachnikov. Mieux, les faits ont prouvé que plusieurs individus se déguisaient en membres des forces de l’ordre, dans un environnement de chaos généralisé. La défense a d’autant plus dénoncé le défaut d’enquête de la part du procureur que, nulle part, dans son acte d’accusation, il ne fait mention du démenti publié par les Fds, le jour où la marche est supposée avoir eu lieu. Au même titre qu’aucune mention n’est faite des enquêtes préliminaires faites par la gendarmerie et la police sur ces évènements. Il en est de même de l’enquête ouverte par le tribunal militaire sur la même affaire.
Ces observations faites, la défense s’est interrogée sur un certain nombre de faits intrigants. Pourquoi, depuis ces évènements, aucune famille n’a porté plainte pour l’assassinat d’un proche ? Pourquoi une des victimes a-t-elle été enterrée précipitamment dans la forêt du Banco ? Pourquoi les autres victimes ont-elles été enterrées dans des fosses communes ? Autant de questions auxquelles le procureur n’a donné aucune réponse, parce qu’il ne s’est pas donné la peine de faire sa propre enquête. Le même défaut d’enquête a été soulevé par la défense, surtout que plusieurs témoignages, dont ceux d’un membre du « Commando invisible » publiés dans un livre, font état de ce que la mort supposée des femmes n’était qu’un montage destiné à émouvoir l’opinion internationale. Au surplus, la défense a estimé que, même si les meurtres ont eu lieu, le procureur ne donne aucune preuve concrète de l’implication des Fds dans les incidents, mais qu’en plus, aucun élément tangible ne permet d’engager la responsabilité du président Gbagbo.
Sur le supposé bombardement d’un marché à Abobo, la défense est restée sur la même ligne. Elle a notamment pointé du doigt l’absence de toute expertise balistique, aucun relevé d’impact, une définition floue du lieu visé et des informations invraisemblables. Sur ce cas précis, la défense a estimé qu’un obus tiré du camp commando d’Abobo ne pouvait pas raisonnablement tomber dans le village Sos. Tout simplement parce que ce village est trop proche du camp d’où l’obus est supposé avoir été tiré. En effet, pour la défense, ce type d’armes (les mortiers) est utilisé contre des cibles se trouvant à des distances d’au moins un kilomètre. Pour ce qui concerne précisément le bombardement supposé du marché, le procureur s’est contenté de capture d’images de Google, en l’absence de toute enquête et d’expertise sérieuses pour déterminer avec exactitude l’origine des tirs. Là encore, aucune expertise militaire ou balistique. Sur le contexte général même de l’incident, la défense a relevé que le jour supposé du bombardement coïncidait avec la signature par Alassane Dramane Ouattara d’une ordonnance créant les Frci. Mais la défense a une fois de plus déploré la volonté manifeste du procureur de passer sous silence la réalité des faits à Abobo, au moment des faits. A savoir que, plus groupés et armés, les rebelles disposaient d’armes lourdes et auraient pu être à l’origine des faits incriminés. Or, ces groupes étant présents dans la population, la défense estime que c’est à tort que le procureur tentait de faire croire que des attaques ont visé essentiellement des populations civiles.
Le dernier fait majeur retenu contre le président Gbagbo, ce sont les massacres supposés de Yopougon, le 12 avril 2011, le lendemain de l’arrestation du président Gbagbo. Là aussi, la défense s’est étonnée de ce que, pour des faits qui sont au cœur de son accusation, le procureur ne consacre qu’un seul paragraphe de son document de confirmation des charges. Sur les faits mêmes, la défense a trouvé le témoignage retenu par le parquet imprécis. En effet, selon le parquet, le témoin, qui serait un étudiant, aurait entendu des tirs, avant de découvrir des corps le lendemain. Là aussi, la défense a affirmé que les auteurs des crimes ne sont pas identifiés. A contrario, la défense a démontré comment plusieurs chefs rebelles ont tué et massacré de nombreux civils à leur arrivée à Yopougon. S’agissant des viols imputés à des supposés pro-Gbagbo, là encore, l’accusation n’a retenu qu’un seul cas. Malheureusement, la défense n’a pu aller au terme de sa démonstration à cause d’une autre interruption technique de la retransmission du procès.
Demain, la défense devrait achever sa présentation et laisser la place au parquet pour ses conclusions, avant de revenir à la charge. Cette fois, avec un avocat de poids : le président Gbagbo lui-même.
Guillaume T. Gbato
Sur les trois évènements qui, avec la marche du 10 décembre 2010 sur la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti), constituent le cœur de l’accusation contre le président Gbagbo, l’équipe de défense s’est employé à montrer très clairement que pas une seule fois le procureur n’a pris la peine de faire sa propre enquête, pour se faire une vraie opinion, sur les faits allégués. Il s’est seulement contenté de collectionner les rapports d’Ong et ceux d’organismes internationaux comme l’Onuci.
Sur la marche des femmes à Abobo, la défense a d’abord relevé que le procureur s’appuie essentiellement sur des témoins anonymes. Or, selon les textes de la Cour pénale internationale (Cpi), repris par la défense, les témoignages anonymes ont une valeur très limitée. Sur le fond du sujet, la défense a insisté sur l’environnement de guerre qui régnait à Abobo début mars 2011. Où de nombreux groupes rebelles, notamment « le Commando invisible », lourdement armés s’attaquaient aux forces de l’ordre et à la population civile. S’appuyant à plusieurs reprises sur les déclarations des témoins de l’accusation, elle-même, la défense a démontré clairement qu’au moment des faits, plusieurs groupes rebelles étaient armés de Rpg et de Kalachnikov. Mieux, les faits ont prouvé que plusieurs individus se déguisaient en membres des forces de l’ordre, dans un environnement de chaos généralisé. La défense a d’autant plus dénoncé le défaut d’enquête de la part du procureur que, nulle part, dans son acte d’accusation, il ne fait mention du démenti publié par les Fds, le jour où la marche est supposée avoir eu lieu. Au même titre qu’aucune mention n’est faite des enquêtes préliminaires faites par la gendarmerie et la police sur ces évènements. Il en est de même de l’enquête ouverte par le tribunal militaire sur la même affaire.
Ces observations faites, la défense s’est interrogée sur un certain nombre de faits intrigants. Pourquoi, depuis ces évènements, aucune famille n’a porté plainte pour l’assassinat d’un proche ? Pourquoi une des victimes a-t-elle été enterrée précipitamment dans la forêt du Banco ? Pourquoi les autres victimes ont-elles été enterrées dans des fosses communes ? Autant de questions auxquelles le procureur n’a donné aucune réponse, parce qu’il ne s’est pas donné la peine de faire sa propre enquête. Le même défaut d’enquête a été soulevé par la défense, surtout que plusieurs témoignages, dont ceux d’un membre du « Commando invisible » publiés dans un livre, font état de ce que la mort supposée des femmes n’était qu’un montage destiné à émouvoir l’opinion internationale. Au surplus, la défense a estimé que, même si les meurtres ont eu lieu, le procureur ne donne aucune preuve concrète de l’implication des Fds dans les incidents, mais qu’en plus, aucun élément tangible ne permet d’engager la responsabilité du président Gbagbo.
Sur le supposé bombardement d’un marché à Abobo, la défense est restée sur la même ligne. Elle a notamment pointé du doigt l’absence de toute expertise balistique, aucun relevé d’impact, une définition floue du lieu visé et des informations invraisemblables. Sur ce cas précis, la défense a estimé qu’un obus tiré du camp commando d’Abobo ne pouvait pas raisonnablement tomber dans le village Sos. Tout simplement parce que ce village est trop proche du camp d’où l’obus est supposé avoir été tiré. En effet, pour la défense, ce type d’armes (les mortiers) est utilisé contre des cibles se trouvant à des distances d’au moins un kilomètre. Pour ce qui concerne précisément le bombardement supposé du marché, le procureur s’est contenté de capture d’images de Google, en l’absence de toute enquête et d’expertise sérieuses pour déterminer avec exactitude l’origine des tirs. Là encore, aucune expertise militaire ou balistique. Sur le contexte général même de l’incident, la défense a relevé que le jour supposé du bombardement coïncidait avec la signature par Alassane Dramane Ouattara d’une ordonnance créant les Frci. Mais la défense a une fois de plus déploré la volonté manifeste du procureur de passer sous silence la réalité des faits à Abobo, au moment des faits. A savoir que, plus groupés et armés, les rebelles disposaient d’armes lourdes et auraient pu être à l’origine des faits incriminés. Or, ces groupes étant présents dans la population, la défense estime que c’est à tort que le procureur tentait de faire croire que des attaques ont visé essentiellement des populations civiles.
Le dernier fait majeur retenu contre le président Gbagbo, ce sont les massacres supposés de Yopougon, le 12 avril 2011, le lendemain de l’arrestation du président Gbagbo. Là aussi, la défense s’est étonnée de ce que, pour des faits qui sont au cœur de son accusation, le procureur ne consacre qu’un seul paragraphe de son document de confirmation des charges. Sur les faits mêmes, la défense a trouvé le témoignage retenu par le parquet imprécis. En effet, selon le parquet, le témoin, qui serait un étudiant, aurait entendu des tirs, avant de découvrir des corps le lendemain. Là aussi, la défense a affirmé que les auteurs des crimes ne sont pas identifiés. A contrario, la défense a démontré comment plusieurs chefs rebelles ont tué et massacré de nombreux civils à leur arrivée à Yopougon. S’agissant des viols imputés à des supposés pro-Gbagbo, là encore, l’accusation n’a retenu qu’un seul cas. Malheureusement, la défense n’a pu aller au terme de sa démonstration à cause d’une autre interruption technique de la retransmission du procès.
Demain, la défense devrait achever sa présentation et laisser la place au parquet pour ses conclusions, avant de revenir à la charge. Cette fois, avec un avocat de poids : le président Gbagbo lui-même.
Guillaume T. Gbato