Mme la présidente, Mme et Messieurs les juges
Vous vous souvenez certainement que depuis le déclenchement de la crise post électorale en Côte d’Ivoire. Le procureur n’a pas cessé de proclamer qu’il poursuivrait tous les auteurs de crimes quelque soit leur camp. Mais ici il ne se trouve que le président Gbagbo, Pourquoi ? Est ce parce que les auteurs de ces crimes sont inconnus ? Bien au contraire, ils sont connus de tous et leurs crimes sont documentés, documentés en détail par toutes les organisations de défense des droits de l’Homme. Ils sont bien connus ceux qui se sont appropriés et ont mis en coupe réglée le nord du pays depuis le 19 septembre 2002. Ils sont connus ceux qui sont soupçonnés d’avoir ordonné l’assassinat des gendarmes de Bouaké en 2002 , le meurtre et le viol de civils à Man en 2003, le meurtre de civils à Korhogo en juin 2004 lors d’un conflit entre Soro et Ib, les massacres de Bouaké en 2007, le meurtre d’opposants et de civils lors de conflits sanglants entre rebelles en 2008, entre autres atrocités. Ils sont connus de tous, ceux qui sont soupçonnés d’avoir fait torturer et tuer à Yopougon en mai 2011. Ceux qui depuis le 19 septembre 2002 pratiquent le pillage, l’extorsion à grande échelle et se livrent à toutes sortes de trafic en violation des lois. Ceux qui font du viol systématique une politique, ceux qui utilisent les mercenaires et les miliciens Dozos qui terrorisent la population, et ceux qui continuent encore aujourd’hui à commettre des crimes, notamment dans l’ouest ivoirien ! Ils sont cités dans les rapports des nations unies d’Amnesty international, de Human Right Watch de l’International Crisis Group de Global Witness, du département d’Etat Américain et bien d’autres encore… Alors, serait ce parce qu’ils se cachent qu’on ne saurait ou les trouver ? Pourtant l’un est préfet, l’autre dirige l’armée, un troisième le groupe de sécurité de la présidence, un quatrième la garde républicaine, ou bien encore la force spéciale, tous nommés par Alassane ouattara en 2011 et 2012. D’autres encore sont des hommes politiques de premier plan et ne se cachent pas ! Alors pourquoi ne sont ils pas là ? Pourquoi ne sont-ils pas poursuivis ? Car ne s’agit il pas ici de déterminer les responsabilités d’un conflit long et douloureux ? Tout se passe, comme si le procureur auprès de la cour pénale internationale avait été convaincu, depuis les débuts, qu’il n’y avait qu’un responsable au drame que vit la Cote d’Ivoire. Notons, que depuis le second tour des élections présidentielles, le novembre 2010, pas une fois il n’a essayé de rentrer en contact avec le Président Gbagbo ou son gouvernement, pas une fois ! Alors qu’il était en contact avec Alassane Ouattara et ses représentants ! Pas une fois, il n’a mis en garde de façon claire et précise des responsables de la rébellion et des chefs de guerre de la rébellion soupçonnés de crimes de masses ; réservant ses flèches et ses menaces au seul camp gouvernemental. Dans ces conditions, comment s’étonner que le document contenant les charges, ne soit que le reflet des accusations portées par les chefs rebelles et, la presse pro Ouattara au moment de la crise. Ce document (il indique le Document Contenant les Charges sur son pupitre en le tapotant), n’est qu’une revue de presse, la revue d’une presse engagée contre le président Gbagbo. Il est vrai que le procureur mentionne un certain nombre de rapports d’organisations de défense des droits de l’Homme, mais vous aurez noté que le procureur en fait un usage partial, passant sous silence les éléments gênants pour ses thèses. Ces rapports eux-mêmes auraient mérité de la part du procureur des investigations complémentaires. Nulle trace ici d’enquêtes, nulle trace d’enquête proprement parlé, nulle trace d’enquêtes à charges ou à décharges. Le procureur n’apporte aucun élément probant à l’appui de ses accusations. Il est frappant de constater le faible nombre d’attestations qu’il présente, leurs caractères vagues, et le flou qui les caractérise, sans compter le fait qu’elles soient souvent en contradiction les unes avec les autres. Il est frappant aussi de constater que nulle part, il n’y a trace d’un ordre quelconque du président Gbagbo ou de responsables politiques ou militaires, qui corroboreraient, ne serait ce qu’en partie, au moins, l’une de ses allégations.
«Le récit du procureur est parcellaire et lacunaire»
Il n’y a rien !! Comme nous le montrerons, absolument rien qui soutienne non seulement les allégations, mais encore le récit même du procureur, à fortiori rien pour discuter d’une éventuelle responsabilité du président Gbagbo. D’ailleurs le procureur a tellement conscience des insuffisances de son document qu’il entretient lui-même à dessein le flou, confondant les événements et les protagonistes. Plus même, il a changé au dernier moment son fusil d’épaule, se fondant sur un nouveau mode de responsabilités plus limité, sans apparemment prendre garde que, ce faisant, il affaiblissait sa propre démonstration. La défense démontrera que le procureur n’apporte aucun élément de preuve suffisant, qui permette d’établir des motifs substantiels de croire, que les quatre événements choisis par lui se sont déroulés comme il le prétend. Elle démontrera qu’il n’existe donc aucune base factuelle aux accusations du procureur. Elle démontrera en conséquence qu’il n’est pas possible d’établir l’existence de motifs substantiels de croire que le président Gbagbo aurait commis les crimes qui lui sont imputés. Elle démontrera qu’il n’existe pas de motifs substantiels de croire que le président Gbagbo porterait une quelconque responsabilité, dans les faits visés comme co-auteur indirect et à fortiori comme contributeur, parce qu’à aucun moment le procureur ne parvient à démontrer l’existence d’un lien entre le président Gbagbo et les quatre événements allégués. Le récit du procureur est parcellaire, lacunaire, pour une raison simple : La réalité ne cadrant pas avec ses accusations, il lui faut tenter de la transformer, et pour cela il lui faut en occulter certains aspects. Mais les faits sont têtus et nous allons les rappeler, sans omettre d’éléments importants pour la compréhension des événements. Le récit du procureur est biaisé pour deux raisons : L’une nous l’avons dit est qu’il dépend des éléments qui lui auraient été transmis par les autorités ivoiriennes. L’autre, plus fondamentalement, est que pour faire peser la responsabilité du conflit sur les seules épaules du président Gbagbo, il lui faut adhérer au narratif construit par les adversaires du président Gbagbo, à l’époque de la crise pour le délégitimer, et pour convaincre la communauté internationale de soutenir un camp contre l’autre. Et c’est ce qui explique le choix des quatre événements qui structurent son document contenant les charges aussi flou, contradictoire et discutable soit il, comme nous le montrerons. Parce que ces événements constituaient autant de tournant dans la crise post électorale ivoirienne, autant d’étapes dans la «délégitimation» du président GBAGBO, et parallèlement dans l’engagement de certaines puissances dans le conflit. La prétendue répression lors de l’attaque de la Rti en Décembre 2010 a entrainé au plan international la condamnation du régime du Président GBAGBO. Les allégations concernant la manifestation des femmes au début du mois de mars 2011, ont entrainé l’immédiate suspension des négociations de paix en cours. Les puissances ne voulaient pas d’une paix négociée et nous le montrerons. Le bombardement allégué du marché d’Abobo, le 17 mars 2011, a conduit, quelques jours plus tard, à l’adoption de la résolution 1975 du conseil de sécurité et au déclenchement de l’offensive terrestre, préparée en sous main et de longue date par les forces françaises et par l’Onuci. Et que dire des accusations concernant les combats à Yopougon, après la chute du président Gbagbo? Elles permettent d’occulter les rafles, les violations systématiques des droits de l’homme commises par les forces pro Ouattara. Ces quatre événements donnent donc à lire un récit, à croire en une histoire qui légitime ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui. Ils peignent à grands traits un camp du bien et un camp du mal ! De ce point de vue ils ont donc une signification politique. Ils ont construit une réalité légitimante qui a servi de fondement à la prise de pouvoir du camp Ouattara. Plutôt que de vérifier la véracité de ce récit. Plutôt que d’enquêter pour en déterminer la réalité, le procureur l’a tenue pour acquis. Le problème, c’est qu’il ne peut plus maintenant s’en écarter sous peine de remettre en cause tout l’édifice. Hors l’édifice ne tient pas !!! L’attaque de la Rti, tous les éléments à notre disposition le prouvent ! Ce ne sont pas les forces qui auraient attaqué des foules désarmées, mais bien au contraire les miliciens pro-Ouattara qui ont lancé une attaque préméditée et préparée contre les forces de maintien de l’ordre.
Des accusations incohérences : «le procureur n’a visiblement pas eu le temps d’examiner, d’analyser, d’évaluer les éléments à charge»
La répression de la marche des femmes, la presse ivoirienne elle-même s’est faite l’écho des incohérences des accusations. Le procureur lui a tenu pour acquis que la version d’un seul camp était la seule bonne, sans enquêter, sans vérifier différentes hypothèses. Le bombardement du marché d’Abobo, le moins que l’on puisse dire, c’est que le dossier présenté par les autorités ivoiriennes n’est pas convaincant, et que le procureur n’a rien fait pour éclaircir les choses. Comment d’ailleurs, ne pas s’étonner que ceux que le procureur présente aujourd’hui comme les relais du président Gbagbo dans la mise en œuvre de la prétendue politique qu’il lui reproche, aient été promus et récompensés par Alassane Ouattara. Il n’est pas difficile de comprendre que la réalité est toute autre et ce n’est pas une thèse que nous exposons, c’est un constat que nous posons. Car la réalité est têtue et se devine à travers les éléments de preuves à la disposition des parties. Tout le problème est la, trop occupée à vouloir prouver la responsabilité du président Gbagbo, le procureur n’a visiblement pas eu le temps d’examiner, d’analyser, d’évaluer les éléments à charge. Il n’a même pas regardé les vidéos tournées à l’époque. L’aurait-il fait, L’aurait-il fait, il aurait vu des combattants pro-Ouattara lourdement armés se diriger vers la Rti. Il aurait vu des combats entre miliciens et forces de l’ordre, il aurait pu entendre les appels à la violence, à donner l’assaut aux institutions de l’Etat et à la présidence, lancés la veille du 16 décembre par les chefs rebelles et par Guillaume Soro, le premier ministre d’Alassane Ouattara, et renouvelés le soir même de l’attaque. Il se serait interrogé sur les conditions de la prise de pouvoir des groupes pro-Ouattara à Abobo en janvier et février 2011. Les attaques contre les populations civiles d’Abobo ? Ce sont les policiers qui ont été attaqués et tués, brulés vifs par les membres des milices pro-Ouattara. Tandis que les populations civiles, toutes origines confondues, fuyaient les miliciens pro-Ouattara et le commando invisible, elles ne fuyaient pas les forces de maintien de l’ordre qui tentaient de les protéger. S’il avait lu la presse ivoirienne, le procureur n’aurait pas manqué d’enquêter de manière impartiale sur les circonstances dans lesquelles auraient eu lieu la marche des femmes. Il aurait examiné le peu de témoignage qu’il présente avec plus d’esprit critique. Il aurait examiné avec la plus grande circonspection les témoignages concernant le bombardement du marché d’Abobo et aurait procédé aux analyses nécessaires, il n’a rien fait ! Quant aux attaques des pro-Gbagbo à Yopougon, les attaques alléguées des pro-Gbagbo à Yopougon, le moins qu’on puisse dire, c’est que le procureur ne les documente pas, ou pas suffisamment, alors que nombre d’organisations de défense des droits de l’homme se sont fait l’écho des rafles, des assassinats perpétrés par les forces rebelles, dans la commune de Yopougon, exactement au même moment !
«S’il avait réellement enquêté, le procureur n’aurait pas transmis à la défense comme preuves à charge des images de violence s’étant déroulées au Kenya»
S’il avait réellement enquêté, le procureur n’aurait pas transmis à la défense comme preuves à charge des images de violence s’étant déroulées au Kenya. S’il avait enquêté il aurait du prendre en compte la réalité de la situation, et prendre en compte les éléments innocentant le président Gbagbo. Mais il a préféré lire la réalité ivoirienne à travers un prisme simplificateur. Il est plus simple d’êtres manichéen, de se représenter des foules désarmées, mitraillées, lorsque l’on veut distinguer entre le camp du bien et le camp du mal. Cela parle d’emblée à l’imagination, cela est déjà inscrit dans l’inconscient collectif, parce qu’il n’a pas enquêté lui-même, parce qu’il s’est reposé sur ce que lui confiait les autorités ivoiriennes. Le procureur n’est pas à même de saisir quelle a été la réalité du terrain et par conséquent ne peut la donner à voir à la chambre. Nous montrerons au cours des débats combien cette tentation de la facilite de la simplification a des conséquences graves et a conduit le procureur à mal interpréter les événements dont il parle. Ainsi pour écrire un scenario devant entrainer la mise en accusation du président Gbagbo devant la Cpi, le procureur a-t-il du force la vérité et réinventer une réalité. Pourtant la vérité, tous les spécialistes et tous les habitants de la Côte d’Ivoire la connaissent. La chute du président Gbagbo a été planifiée et organisée, nous verrons comment, écrit à la va vite ne résiste pas à l’analyse. L’une est que le pays était en paix jusqu’aux élections 2010. Nous venons d’entendre le contraire. L’autre est que le responsable de la crise post électorale serait le Pr Gbagbo du fait de son refus prétendu d’accepter le verdict des urnes.
«Ce n’est pas Gbagbo qui a refusé le verdict des urnes,… qui a refusé la décision du Conseil constitutionnel,… qui a refusé les tentatives de médiation»
Mais ce n’est pas lui (Ndlr: Gbagbo) qui a refusé le verdict des urnes. Ce n’est pas lui qui s’est autoproclamé. Ce n’est pas lui qui a refusé la décision du Conseil constitutionnel. Ce n’est pas lui qui a refusé les tentatives de médiation. Nous reviendrons en détail sur tous ces points car ils sont au cœur des présents débats. Ces deux propositions constituent les deux piliers sur lesquelles repose la pseudo-démonstration du procureur. Lorsque l’on oublie la vérité, l’on oublie tous ceux qui ont souffert, toutes les victimes qui réclament en ce moment même justice et qui, après avoir entendu le procureur, se sentent aujourd’hui un peu plus abandonnées. Il convient ici d’avoir une pensée pour toutes les victimes, non seulement pour celles qui ce sont manifestées, mais encore pour toutes celles qui souffrent en silence, abandonnées, mises à l’index, parce que ne faisant pas partie du camp des vainqueurs. Je mentionnerais les habitants de la cite martyr de Duékoué, victimes de martyr en 2005 et en 2011, sous les yeux des forces de l’Onuci. Je mentionnerais les populations Guéré de l’ouest du pays victimes d’une opération de purification ethnique, qui a conduit et conduit encore aujourd’hui des dizaines de milliers d’habitants à fuir leur pays. J’ai une pensée toute particulière pour les femmes martyres, brutalisées, violées, certaines même devant leurs familles et qui attendent même avec espoir que justice leur soit rendue. La Côte d’Ivoire est un pays traumatisé, traumatisé par des tentatives de coups d’état à répétition, par la mise en coupe réglée à partir de septembre 2002 du nord du pays, par une guerre terrible infligée aux populations par ces mêmes rebelles en 2010 et 2011. Mme le président Mme Messieurs, c’est une partie risquée que joue le procureur, en adhérant à un récit élaboré par d’autres. En effet si le récit sur lequel il s’appuie était remis en cause, toute la construction intellectuelle visant à accuser le Président Gbagbo et parallèlement tout l’édifice visant à légitimer Alassane Ouattara s’écroulerait. Apparaîtrait alors en toute lumière ce qu’est le fond des accusations: La recherche d’un bouc émissaire, qui n’est en réalité qu’un homme coupable d’avoir voulu émanciper son pays, un homme coupable d’avoir préféré la liberté à la servitude. C’est bien une partie risquée que joue le procureur en se focalisant sur les quatre incidents les plus médiatiques, ceux qui ont eu des conséquences politiques internationales, car se faisant il oublie les crimes innombrables qu’ont subi les populations ivoiriennes. Le peuple ivoirien aurait mérité Mme le président, Mesdames Messieurs, que ses souffrances soient prisent en compte.il aurait mérité un autre procès qu’un procès politique, il aurait mérité que soit instruit le procès des vrais responsables de la destruction depuis une décennie du pays et la cour aurait mérité de pouvoir se pencher sur ce qui s’est réellement passe en Cote d’Ivoire pendant toutes ses années. Elle aurait pu alors jouer un rôle bénéfique dans la réconciliation nationale. Vous savez, cette affaire, est en fait non seulement une affaire ivoirienne, mais aussi une affaire française !! Permettez-moi de vous rappeler qu’en cinquante ans, la France est intervenue militairement une quarantaine de fois en Afrique, une quarantaine de fois. Penser pouvoir saisir les tenants et les aboutissants de la crise ivoirienne sans se pencher en profondeur sur les vraies raisons de cette crise, c’est se fourvoyer et fourvoyer la justice. La réalité est là sous nos yeux et c’est la tâche combien noble et essentielle de la chambre de la dévoiler.
Je vous remercie ...
Propos recueillis par Fabrice Tété
Vous vous souvenez certainement que depuis le déclenchement de la crise post électorale en Côte d’Ivoire. Le procureur n’a pas cessé de proclamer qu’il poursuivrait tous les auteurs de crimes quelque soit leur camp. Mais ici il ne se trouve que le président Gbagbo, Pourquoi ? Est ce parce que les auteurs de ces crimes sont inconnus ? Bien au contraire, ils sont connus de tous et leurs crimes sont documentés, documentés en détail par toutes les organisations de défense des droits de l’Homme. Ils sont bien connus ceux qui se sont appropriés et ont mis en coupe réglée le nord du pays depuis le 19 septembre 2002. Ils sont connus ceux qui sont soupçonnés d’avoir ordonné l’assassinat des gendarmes de Bouaké en 2002 , le meurtre et le viol de civils à Man en 2003, le meurtre de civils à Korhogo en juin 2004 lors d’un conflit entre Soro et Ib, les massacres de Bouaké en 2007, le meurtre d’opposants et de civils lors de conflits sanglants entre rebelles en 2008, entre autres atrocités. Ils sont connus de tous, ceux qui sont soupçonnés d’avoir fait torturer et tuer à Yopougon en mai 2011. Ceux qui depuis le 19 septembre 2002 pratiquent le pillage, l’extorsion à grande échelle et se livrent à toutes sortes de trafic en violation des lois. Ceux qui font du viol systématique une politique, ceux qui utilisent les mercenaires et les miliciens Dozos qui terrorisent la population, et ceux qui continuent encore aujourd’hui à commettre des crimes, notamment dans l’ouest ivoirien ! Ils sont cités dans les rapports des nations unies d’Amnesty international, de Human Right Watch de l’International Crisis Group de Global Witness, du département d’Etat Américain et bien d’autres encore… Alors, serait ce parce qu’ils se cachent qu’on ne saurait ou les trouver ? Pourtant l’un est préfet, l’autre dirige l’armée, un troisième le groupe de sécurité de la présidence, un quatrième la garde républicaine, ou bien encore la force spéciale, tous nommés par Alassane ouattara en 2011 et 2012. D’autres encore sont des hommes politiques de premier plan et ne se cachent pas ! Alors pourquoi ne sont ils pas là ? Pourquoi ne sont-ils pas poursuivis ? Car ne s’agit il pas ici de déterminer les responsabilités d’un conflit long et douloureux ? Tout se passe, comme si le procureur auprès de la cour pénale internationale avait été convaincu, depuis les débuts, qu’il n’y avait qu’un responsable au drame que vit la Cote d’Ivoire. Notons, que depuis le second tour des élections présidentielles, le novembre 2010, pas une fois il n’a essayé de rentrer en contact avec le Président Gbagbo ou son gouvernement, pas une fois ! Alors qu’il était en contact avec Alassane Ouattara et ses représentants ! Pas une fois, il n’a mis en garde de façon claire et précise des responsables de la rébellion et des chefs de guerre de la rébellion soupçonnés de crimes de masses ; réservant ses flèches et ses menaces au seul camp gouvernemental. Dans ces conditions, comment s’étonner que le document contenant les charges, ne soit que le reflet des accusations portées par les chefs rebelles et, la presse pro Ouattara au moment de la crise. Ce document (il indique le Document Contenant les Charges sur son pupitre en le tapotant), n’est qu’une revue de presse, la revue d’une presse engagée contre le président Gbagbo. Il est vrai que le procureur mentionne un certain nombre de rapports d’organisations de défense des droits de l’Homme, mais vous aurez noté que le procureur en fait un usage partial, passant sous silence les éléments gênants pour ses thèses. Ces rapports eux-mêmes auraient mérité de la part du procureur des investigations complémentaires. Nulle trace ici d’enquêtes, nulle trace d’enquête proprement parlé, nulle trace d’enquêtes à charges ou à décharges. Le procureur n’apporte aucun élément probant à l’appui de ses accusations. Il est frappant de constater le faible nombre d’attestations qu’il présente, leurs caractères vagues, et le flou qui les caractérise, sans compter le fait qu’elles soient souvent en contradiction les unes avec les autres. Il est frappant aussi de constater que nulle part, il n’y a trace d’un ordre quelconque du président Gbagbo ou de responsables politiques ou militaires, qui corroboreraient, ne serait ce qu’en partie, au moins, l’une de ses allégations.
«Le récit du procureur est parcellaire et lacunaire»
Il n’y a rien !! Comme nous le montrerons, absolument rien qui soutienne non seulement les allégations, mais encore le récit même du procureur, à fortiori rien pour discuter d’une éventuelle responsabilité du président Gbagbo. D’ailleurs le procureur a tellement conscience des insuffisances de son document qu’il entretient lui-même à dessein le flou, confondant les événements et les protagonistes. Plus même, il a changé au dernier moment son fusil d’épaule, se fondant sur un nouveau mode de responsabilités plus limité, sans apparemment prendre garde que, ce faisant, il affaiblissait sa propre démonstration. La défense démontrera que le procureur n’apporte aucun élément de preuve suffisant, qui permette d’établir des motifs substantiels de croire, que les quatre événements choisis par lui se sont déroulés comme il le prétend. Elle démontrera qu’il n’existe donc aucune base factuelle aux accusations du procureur. Elle démontrera en conséquence qu’il n’est pas possible d’établir l’existence de motifs substantiels de croire que le président Gbagbo aurait commis les crimes qui lui sont imputés. Elle démontrera qu’il n’existe pas de motifs substantiels de croire que le président Gbagbo porterait une quelconque responsabilité, dans les faits visés comme co-auteur indirect et à fortiori comme contributeur, parce qu’à aucun moment le procureur ne parvient à démontrer l’existence d’un lien entre le président Gbagbo et les quatre événements allégués. Le récit du procureur est parcellaire, lacunaire, pour une raison simple : La réalité ne cadrant pas avec ses accusations, il lui faut tenter de la transformer, et pour cela il lui faut en occulter certains aspects. Mais les faits sont têtus et nous allons les rappeler, sans omettre d’éléments importants pour la compréhension des événements. Le récit du procureur est biaisé pour deux raisons : L’une nous l’avons dit est qu’il dépend des éléments qui lui auraient été transmis par les autorités ivoiriennes. L’autre, plus fondamentalement, est que pour faire peser la responsabilité du conflit sur les seules épaules du président Gbagbo, il lui faut adhérer au narratif construit par les adversaires du président Gbagbo, à l’époque de la crise pour le délégitimer, et pour convaincre la communauté internationale de soutenir un camp contre l’autre. Et c’est ce qui explique le choix des quatre événements qui structurent son document contenant les charges aussi flou, contradictoire et discutable soit il, comme nous le montrerons. Parce que ces événements constituaient autant de tournant dans la crise post électorale ivoirienne, autant d’étapes dans la «délégitimation» du président GBAGBO, et parallèlement dans l’engagement de certaines puissances dans le conflit. La prétendue répression lors de l’attaque de la Rti en Décembre 2010 a entrainé au plan international la condamnation du régime du Président GBAGBO. Les allégations concernant la manifestation des femmes au début du mois de mars 2011, ont entrainé l’immédiate suspension des négociations de paix en cours. Les puissances ne voulaient pas d’une paix négociée et nous le montrerons. Le bombardement allégué du marché d’Abobo, le 17 mars 2011, a conduit, quelques jours plus tard, à l’adoption de la résolution 1975 du conseil de sécurité et au déclenchement de l’offensive terrestre, préparée en sous main et de longue date par les forces françaises et par l’Onuci. Et que dire des accusations concernant les combats à Yopougon, après la chute du président Gbagbo? Elles permettent d’occulter les rafles, les violations systématiques des droits de l’homme commises par les forces pro Ouattara. Ces quatre événements donnent donc à lire un récit, à croire en une histoire qui légitime ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui. Ils peignent à grands traits un camp du bien et un camp du mal ! De ce point de vue ils ont donc une signification politique. Ils ont construit une réalité légitimante qui a servi de fondement à la prise de pouvoir du camp Ouattara. Plutôt que de vérifier la véracité de ce récit. Plutôt que d’enquêter pour en déterminer la réalité, le procureur l’a tenue pour acquis. Le problème, c’est qu’il ne peut plus maintenant s’en écarter sous peine de remettre en cause tout l’édifice. Hors l’édifice ne tient pas !!! L’attaque de la Rti, tous les éléments à notre disposition le prouvent ! Ce ne sont pas les forces qui auraient attaqué des foules désarmées, mais bien au contraire les miliciens pro-Ouattara qui ont lancé une attaque préméditée et préparée contre les forces de maintien de l’ordre.
Des accusations incohérences : «le procureur n’a visiblement pas eu le temps d’examiner, d’analyser, d’évaluer les éléments à charge»
La répression de la marche des femmes, la presse ivoirienne elle-même s’est faite l’écho des incohérences des accusations. Le procureur lui a tenu pour acquis que la version d’un seul camp était la seule bonne, sans enquêter, sans vérifier différentes hypothèses. Le bombardement du marché d’Abobo, le moins que l’on puisse dire, c’est que le dossier présenté par les autorités ivoiriennes n’est pas convaincant, et que le procureur n’a rien fait pour éclaircir les choses. Comment d’ailleurs, ne pas s’étonner que ceux que le procureur présente aujourd’hui comme les relais du président Gbagbo dans la mise en œuvre de la prétendue politique qu’il lui reproche, aient été promus et récompensés par Alassane Ouattara. Il n’est pas difficile de comprendre que la réalité est toute autre et ce n’est pas une thèse que nous exposons, c’est un constat que nous posons. Car la réalité est têtue et se devine à travers les éléments de preuves à la disposition des parties. Tout le problème est la, trop occupée à vouloir prouver la responsabilité du président Gbagbo, le procureur n’a visiblement pas eu le temps d’examiner, d’analyser, d’évaluer les éléments à charge. Il n’a même pas regardé les vidéos tournées à l’époque. L’aurait-il fait, L’aurait-il fait, il aurait vu des combattants pro-Ouattara lourdement armés se diriger vers la Rti. Il aurait vu des combats entre miliciens et forces de l’ordre, il aurait pu entendre les appels à la violence, à donner l’assaut aux institutions de l’Etat et à la présidence, lancés la veille du 16 décembre par les chefs rebelles et par Guillaume Soro, le premier ministre d’Alassane Ouattara, et renouvelés le soir même de l’attaque. Il se serait interrogé sur les conditions de la prise de pouvoir des groupes pro-Ouattara à Abobo en janvier et février 2011. Les attaques contre les populations civiles d’Abobo ? Ce sont les policiers qui ont été attaqués et tués, brulés vifs par les membres des milices pro-Ouattara. Tandis que les populations civiles, toutes origines confondues, fuyaient les miliciens pro-Ouattara et le commando invisible, elles ne fuyaient pas les forces de maintien de l’ordre qui tentaient de les protéger. S’il avait lu la presse ivoirienne, le procureur n’aurait pas manqué d’enquêter de manière impartiale sur les circonstances dans lesquelles auraient eu lieu la marche des femmes. Il aurait examiné le peu de témoignage qu’il présente avec plus d’esprit critique. Il aurait examiné avec la plus grande circonspection les témoignages concernant le bombardement du marché d’Abobo et aurait procédé aux analyses nécessaires, il n’a rien fait ! Quant aux attaques des pro-Gbagbo à Yopougon, les attaques alléguées des pro-Gbagbo à Yopougon, le moins qu’on puisse dire, c’est que le procureur ne les documente pas, ou pas suffisamment, alors que nombre d’organisations de défense des droits de l’homme se sont fait l’écho des rafles, des assassinats perpétrés par les forces rebelles, dans la commune de Yopougon, exactement au même moment !
«S’il avait réellement enquêté, le procureur n’aurait pas transmis à la défense comme preuves à charge des images de violence s’étant déroulées au Kenya»
S’il avait réellement enquêté, le procureur n’aurait pas transmis à la défense comme preuves à charge des images de violence s’étant déroulées au Kenya. S’il avait enquêté il aurait du prendre en compte la réalité de la situation, et prendre en compte les éléments innocentant le président Gbagbo. Mais il a préféré lire la réalité ivoirienne à travers un prisme simplificateur. Il est plus simple d’êtres manichéen, de se représenter des foules désarmées, mitraillées, lorsque l’on veut distinguer entre le camp du bien et le camp du mal. Cela parle d’emblée à l’imagination, cela est déjà inscrit dans l’inconscient collectif, parce qu’il n’a pas enquêté lui-même, parce qu’il s’est reposé sur ce que lui confiait les autorités ivoiriennes. Le procureur n’est pas à même de saisir quelle a été la réalité du terrain et par conséquent ne peut la donner à voir à la chambre. Nous montrerons au cours des débats combien cette tentation de la facilite de la simplification a des conséquences graves et a conduit le procureur à mal interpréter les événements dont il parle. Ainsi pour écrire un scenario devant entrainer la mise en accusation du président Gbagbo devant la Cpi, le procureur a-t-il du force la vérité et réinventer une réalité. Pourtant la vérité, tous les spécialistes et tous les habitants de la Côte d’Ivoire la connaissent. La chute du président Gbagbo a été planifiée et organisée, nous verrons comment, écrit à la va vite ne résiste pas à l’analyse. L’une est que le pays était en paix jusqu’aux élections 2010. Nous venons d’entendre le contraire. L’autre est que le responsable de la crise post électorale serait le Pr Gbagbo du fait de son refus prétendu d’accepter le verdict des urnes.
«Ce n’est pas Gbagbo qui a refusé le verdict des urnes,… qui a refusé la décision du Conseil constitutionnel,… qui a refusé les tentatives de médiation»
Mais ce n’est pas lui (Ndlr: Gbagbo) qui a refusé le verdict des urnes. Ce n’est pas lui qui s’est autoproclamé. Ce n’est pas lui qui a refusé la décision du Conseil constitutionnel. Ce n’est pas lui qui a refusé les tentatives de médiation. Nous reviendrons en détail sur tous ces points car ils sont au cœur des présents débats. Ces deux propositions constituent les deux piliers sur lesquelles repose la pseudo-démonstration du procureur. Lorsque l’on oublie la vérité, l’on oublie tous ceux qui ont souffert, toutes les victimes qui réclament en ce moment même justice et qui, après avoir entendu le procureur, se sentent aujourd’hui un peu plus abandonnées. Il convient ici d’avoir une pensée pour toutes les victimes, non seulement pour celles qui ce sont manifestées, mais encore pour toutes celles qui souffrent en silence, abandonnées, mises à l’index, parce que ne faisant pas partie du camp des vainqueurs. Je mentionnerais les habitants de la cite martyr de Duékoué, victimes de martyr en 2005 et en 2011, sous les yeux des forces de l’Onuci. Je mentionnerais les populations Guéré de l’ouest du pays victimes d’une opération de purification ethnique, qui a conduit et conduit encore aujourd’hui des dizaines de milliers d’habitants à fuir leur pays. J’ai une pensée toute particulière pour les femmes martyres, brutalisées, violées, certaines même devant leurs familles et qui attendent même avec espoir que justice leur soit rendue. La Côte d’Ivoire est un pays traumatisé, traumatisé par des tentatives de coups d’état à répétition, par la mise en coupe réglée à partir de septembre 2002 du nord du pays, par une guerre terrible infligée aux populations par ces mêmes rebelles en 2010 et 2011. Mme le président Mme Messieurs, c’est une partie risquée que joue le procureur, en adhérant à un récit élaboré par d’autres. En effet si le récit sur lequel il s’appuie était remis en cause, toute la construction intellectuelle visant à accuser le Président Gbagbo et parallèlement tout l’édifice visant à légitimer Alassane Ouattara s’écroulerait. Apparaîtrait alors en toute lumière ce qu’est le fond des accusations: La recherche d’un bouc émissaire, qui n’est en réalité qu’un homme coupable d’avoir voulu émanciper son pays, un homme coupable d’avoir préféré la liberté à la servitude. C’est bien une partie risquée que joue le procureur en se focalisant sur les quatre incidents les plus médiatiques, ceux qui ont eu des conséquences politiques internationales, car se faisant il oublie les crimes innombrables qu’ont subi les populations ivoiriennes. Le peuple ivoirien aurait mérité Mme le président, Mesdames Messieurs, que ses souffrances soient prisent en compte.il aurait mérité un autre procès qu’un procès politique, il aurait mérité que soit instruit le procès des vrais responsables de la destruction depuis une décennie du pays et la cour aurait mérité de pouvoir se pencher sur ce qui s’est réellement passe en Cote d’Ivoire pendant toutes ses années. Elle aurait pu alors jouer un rôle bénéfique dans la réconciliation nationale. Vous savez, cette affaire, est en fait non seulement une affaire ivoirienne, mais aussi une affaire française !! Permettez-moi de vous rappeler qu’en cinquante ans, la France est intervenue militairement une quarantaine de fois en Afrique, une quarantaine de fois. Penser pouvoir saisir les tenants et les aboutissants de la crise ivoirienne sans se pencher en profondeur sur les vraies raisons de cette crise, c’est se fourvoyer et fourvoyer la justice. La réalité est là sous nos yeux et c’est la tâche combien noble et essentielle de la chambre de la dévoiler.
Je vous remercie ...
Propos recueillis par Fabrice Tété