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Afrique Publié le lundi 11 mars 2013 | L’Inter

Prévention des conflits - Mme Mugiraneza Assumpta( politologue rwandaise) : « Ces paroles qui conduisent au génocide »

A la faveur de la guerre post-électorale de mars-avril 2011, des dignitaires du régime Laurent Gbagbo sont inculpés notamment pour génocide. Le génocide n'est donc pas une vue de l'esprit en Côte d'Ivoire. C'est pour prévenir une tragédie à l'échelle de celle qu'a connue le Rwanda, qu'une universitaire issue de ce pays est venue interpeller les Ivoiriens sur le genre de discours qui conduit au génocide. Invitée par la Chaire Unesco de l'Université Félix Houphouët Boigny de Cocody, la politologue rwandaise Mugiraneza Assumpta y a prononcé une conférence publique, vendredi 8 mars dernier sur le thème « Mémoire et prévention des conflits ». S'appuyant sur les génocides juifs et rwandais, elle a mis en garde contre les propos qui conduisent au génocide. A cet effet, l'universitaire s'est employée à décrypter le discours qui fait le lit à l'extermination d'un groupe national ciblé. Ce discours, a-t-elle expliqué, tend à victimiser une frange de la population. La population ainsi ciblée est d'abord présentée graduellement comme des hommes mauvais, des ennemis, des bêtes, puis de petites bêtes( poux, cafards, microbe, virus ).

Ce discours vise à déshumaniser les personnes qui seront plus tard victimes de génocide. Celles-ci sont présentées comme des étrangers qui viennent envahir les autochtones des pays concernés. Ce discours est fondé sur la discrimination entre d'un côté la majorité, les autochtones, les nationaux et de l'autre les étrangers, les envahisseurs. Dans les cas des génocides juifs et rwandais, les Juifs étaient ces vermines, ces étrangers qu'il fallait anéantir ; tout comme les Tutsi au Rwanda. Le discours de la haine qui conduit au génocide met également en avant la notion de race pure. Les populations qui vont être exterminées sont vues comme des personnes qui portent le mal en elles, dans leur sang. « L'idéologie génocidaire va se charger de présenter l'ennemi comme étant le mal absolu et ce mal est dans les gênes, dans le sang », a souligné Mme Mugiraneza. C'est du reste le scénario auquel l'on a assisté dans les cas de l'holocauste et du génocide rwandais. « Le Juif et le Tutsi ne sont pas de race ou de sang purs, ils menacent la pureté du sang de leurs hôtes, puisque le mal est en eux », a en effet dit la politologue venue du Rwanda. Elle a par ailleurs indiqué que le génocide est un processus, « c'est un projet politique, de sa conception à sa réalisation ». Elle a même souligné que ses instigateurs vont jusqu'à procéder à des tests pour voir la faisabilité du projet. Aussi a-t-elle interpellé les uns et les autres sur les effets dévastateurs de ce discours de la haine. Pour le professeur Gérard Lezou Dago, titulaire de la Chaire Unesco, qui a initié la conférence, la meilleure façon de désamorcer les risques de génocide c'est d'agir sur ce discours qui précède l'action. « Le discours conditionne d'abord l'homme pour justifier l'action qui sera posée après.

C'est donc sur le discours qu'il faut agir si l'on veut conjurer le mal. Il faut donc faire attention au discours », a dit le patron de la Chaire Unesco de l'Université Félix Houphouët Boigny de Cocody. Lui et la politologue rwandaise se sont par ailleurs prononcés sur la question de l'amnistie dont il est de plus en plus question. « L'amnistie peut être une bonne ou une mauvaise chose. Le tout, c'est une question de sincérité, car s'il n'y a pas de sincérité, des années après la guerre revient », a soutenu le Pr. Lezou, quand l'universitaire rwandaise estimait pour sa part que si l'amnistie devait être synonyme d'impunité, alors « rendez-vous pour des problèmes plus graves ».

Assane NIADA
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