Depuis le coup d’Etat de 1999, plusieurs lois d’amnistie ont été votées en faveur des acteurs des différentes crises en vue d’œuvrer au retour de la cohésion sociale en Côte d’Ivoire. Mais cette disposition n’a pas mis le pays à l’abri des violences de 2000 à 2010.
Faut-il punir ou grâcier les auteurs des crimes de guerre et de graves violations des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire ? L’amnistie constitue un point de blocage dans le dialogue direct engagé par le gouvernement avec le Front populaire ivoirien (Fpi). Si pour ce parti, l’amnistie doit être le point de départ des actions d’apaisement et un impératif à la réconciliation, pour le gouvernement, elle est le couronnement d’un processus. Le débat est donc ouvert. Au regard de la loi, l’amnistie est un acte du législateur qui efface rétroactivement le caractère punissable des faits auxquels il s'applique. Selon le cas, l'amnistie empêche ou éteint l'action publique, annule la condamnation déjà prononcée ou met un terme à l'exécution de la peine. Les peines ainsi amnistiées ne figurent plus au casier judiciaire. En 2000, la nouvelle Constitution ivoirienne, en son article 132, a donné l’immunité à tous les auteurs des événements ayant entraîné le changement de régime intervenu le 24 décembre 1999. Donc les ‘’zinzins ‘’ et les ‘’bayéfouè‘’ ont obtenu l’annulation de leurs actes. Aujourd’hui, le Front populaire ivoirien (Fpi) recourt à cette alternative, prétextant qu’elle avait permis le rétablissement de la confiance lors des négociations entre le régime de Laurent Gbagbo et la rébellion d’alors. Pour les frontistes, une nouvelle loi d’amnistie produira le même effet en cette période postélectorale où des cœurs de victimes, de parents de victimes et ceux de personnes aux mains de la justice sont encore meurtris. Mais en face des frontistes, les républicains et tous ceux qui leur sont proches, estiment que l’ancien parti présidentiel prend un raccourci. Ils ne sont pas seuls à le dire, car même Mamadou Koulibaly, le président de Liberté et démocratie pour la République (Lider), transfuge du Fpi, pense que les différentes lois d’amnistie antérieures « semblent avoir encouragé la violence en politique». Les Nations unies sont formelles : «il importe, disent-elles, d’enquêter sur ces violations et ces exactions qui auraient été commises par toutes les parties, quels que soient leur statut ou leur appartenance politique, y compris durant la crise postélectorale, notamment les exécutions extrajudiciaires, les mutilations, les arrestations arbitraires et les enlèvements de civils, les disparitions forcées, les actes de vengeance (...) ». Elles consacrent même la Résolution 2062 (ou R 20) sur la justice post-crise en Côte d’Ivoire. En son article 10, cette résolution « souligne l’importance que revêtent l’obligation de rendre compte et l’impartialité de la justice pour une réconciliation durable en Côte d’Ivoire ». Autrement dit, au nom d’une réconciliation durable dans le pays, les bourreaux et les victimes doivent se regarder en face. L’Onu bat donc en brèche la thèse de l’amnistie, préalable à la réconciliation. Pour le Conseil de sécurité, l’amnistie pourrait être le précédent qui consacre l’impunité. Il relève ce souci dans le préambule de la R 20 : «(l’Onu) s’inquiétant qu’il soit encore fait état de violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, commises notamment contre des femmes et des enfants, y compris une multiplication des violences sexuelles, en particulier celles attribuées à des hommes armés ».
Danielle Tagro
Faut-il punir ou grâcier les auteurs des crimes de guerre et de graves violations des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire ? L’amnistie constitue un point de blocage dans le dialogue direct engagé par le gouvernement avec le Front populaire ivoirien (Fpi). Si pour ce parti, l’amnistie doit être le point de départ des actions d’apaisement et un impératif à la réconciliation, pour le gouvernement, elle est le couronnement d’un processus. Le débat est donc ouvert. Au regard de la loi, l’amnistie est un acte du législateur qui efface rétroactivement le caractère punissable des faits auxquels il s'applique. Selon le cas, l'amnistie empêche ou éteint l'action publique, annule la condamnation déjà prononcée ou met un terme à l'exécution de la peine. Les peines ainsi amnistiées ne figurent plus au casier judiciaire. En 2000, la nouvelle Constitution ivoirienne, en son article 132, a donné l’immunité à tous les auteurs des événements ayant entraîné le changement de régime intervenu le 24 décembre 1999. Donc les ‘’zinzins ‘’ et les ‘’bayéfouè‘’ ont obtenu l’annulation de leurs actes. Aujourd’hui, le Front populaire ivoirien (Fpi) recourt à cette alternative, prétextant qu’elle avait permis le rétablissement de la confiance lors des négociations entre le régime de Laurent Gbagbo et la rébellion d’alors. Pour les frontistes, une nouvelle loi d’amnistie produira le même effet en cette période postélectorale où des cœurs de victimes, de parents de victimes et ceux de personnes aux mains de la justice sont encore meurtris. Mais en face des frontistes, les républicains et tous ceux qui leur sont proches, estiment que l’ancien parti présidentiel prend un raccourci. Ils ne sont pas seuls à le dire, car même Mamadou Koulibaly, le président de Liberté et démocratie pour la République (Lider), transfuge du Fpi, pense que les différentes lois d’amnistie antérieures « semblent avoir encouragé la violence en politique». Les Nations unies sont formelles : «il importe, disent-elles, d’enquêter sur ces violations et ces exactions qui auraient été commises par toutes les parties, quels que soient leur statut ou leur appartenance politique, y compris durant la crise postélectorale, notamment les exécutions extrajudiciaires, les mutilations, les arrestations arbitraires et les enlèvements de civils, les disparitions forcées, les actes de vengeance (...) ». Elles consacrent même la Résolution 2062 (ou R 20) sur la justice post-crise en Côte d’Ivoire. En son article 10, cette résolution « souligne l’importance que revêtent l’obligation de rendre compte et l’impartialité de la justice pour une réconciliation durable en Côte d’Ivoire ». Autrement dit, au nom d’une réconciliation durable dans le pays, les bourreaux et les victimes doivent se regarder en face. L’Onu bat donc en brèche la thèse de l’amnistie, préalable à la réconciliation. Pour le Conseil de sécurité, l’amnistie pourrait être le précédent qui consacre l’impunité. Il relève ce souci dans le préambule de la R 20 : «(l’Onu) s’inquiétant qu’il soit encore fait état de violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, commises notamment contre des femmes et des enfants, y compris une multiplication des violences sexuelles, en particulier celles attribuées à des hommes armés ».
Danielle Tagro