« Les coopératives ne contrôlent qu’en réalité 10% notre production de cacao »
Chaque jeudi, de 18 à 20 heures plus exactement, Cheick Yhane, animateur à Radio Nostalgie, reçoit des invités dans le cadre de son émission « une fois n’est pas coutume. Ainsi, pour ce jeudi 14 mars 2013, les studios de l’avenue chardy de la commune du plateau ont ouvert ses portes au ministre ivoirien en charge de l’Agriculture, Coulibaly Mamadou Sangafowa. Nous proposons l’intégralité de ce face à face.
Cheick Yhvane. - Monsieur Mamadou Sangafoha Coulibaly nous fait l’honneur de répondre à notre invitation et nous en sommes ravis. Sangafoha Coulibaly bonsoir.
Coulibaly Mamadou Sangafowa.
– Bonsoir.
J’ai été surtout fasciné par une chose. J’ai lu votre curriculum vitae officiel, et j’ai vu que vous n’aviez même pas 50 ans.
Ah bon ! Vous croyez que 50 ans ou 49 ans c’est peu ?
Je trouve que ce n’est pas fréquent en Afrique d’avoir de jeunes ministres. Et, à qui on confie d’ailleurs des portefeuilles si importants. Comment vous appréciez cette charge-là ?
Ecoutez, avec le soutien du Président de la république (Alassane Ouattara, ndlr), du premier ministre (Daniel Kablan Duncan, ndlr). Il suffit de suivre les orientations et puis on s’en sort.
Vous parlez du chef de l’Etat et vous parlez du Premier ministre et des orientations. Je vous lis rapidement cette question qui est encore d’actualités puisse qu’on sort pratiquement donc à peine du Premier séminaire gouvernemental de l’année 2013. En clôture, le Président déclare ceci : « un accès doit être mis sur les priorités en matière de développement agricole ». Réactions ?
Vous savez, le Président ne fait que rappeler l’orientation qu’il nous a déjà donnée lorsque nous avions pris fonction, à savoir, nous devons mettre la priorité sur le secteur agricole de manière à impulser à la croissance économique de façon générale. Mais spécifiquement sur la sécurité alimentaire.
Et Premier ministre Kablan Duncan a dit : « a mis parcours du mandat présidentiel, nous ne pourrons pas nous permettre de ne pas aller vite ».Vous pensez qu’on va suffisamment vite ou non ?
Je crois que le rythme est soutenu. C’est un rythme qui est à mon avis, correspond aux besoins du pays.
C’est très diplomatique comme réponse ça. Un rythme soutenu (rires)
Non ! En fait, nous sortons quand même de 10 années de difficultés. Vous savez bien. En plus, elles se sont terminées par une crise électorale. Quand je prends par exemple le secteur qui est le mien. La crise post-électorale a contribué à détériorer l’outil de production agricole, donc il fallait remettre l’outil en état et ensuite avoir des programmes de développement durables. Je le dis parce que, sortir de la crise post-électorale veut dire qu’il faut faire les choses vite. Parce que les agendas sont très serrés. Il faut faire en sorte que la confiance revienne très vite pour les investisseurs. Ça veut dire qu’il faut travailler au niveau sécuritaire. Vous voyez que chaque jour, il y a des décisions nouvelles qui sont prises de manière à renforcer la sécurité et rassurer tout le monde.
Je me permets de vous citer, ça date du 12 décembre 2011, lors des matinales d’informations du gouvernement. Vous disiez ceci : « au lendemain de son indépendance, notre pays a fait le choix stratégique et pertinent de baser son développement sur le secteur agricole, pendant des décennies le surplus tiré des exportations a permis de financer les investissements dans les secteurs sociaux de base ( de l’éducation notamment ), et dans les infrastructures économiques ( routes , ports, aéroports, industries ) » ; et puis vous vous rappelez que ces investissements lancés ont soutenu la croissance , qui au début des années 80 a atteint l’indice de 7%. Aujourd’hui, on n’est très mal barrés, on peut le dire non ?
Aujourd’hui, on n’est pas si mal barré parce que je rappelle quand même que malgré cela, on n’est quand même 1er pays producteur au monde de cacao. Au niveau de l’Afrique, nous avons des rangs enviables. Notamment dans l’hévéa, le palmier…Il y a ce qu’on appelle une résilience du secteur. Cette résilience est due essentiellement au secteur privé qui est investi dans les secteurs de rente, ce qui a permis de tenir un peu le secteur agricole. Mais c’est vrai que le secteur est rentré en crise dès les années 80. Et cela est dû premièrement de façon structurelle à la chute des cours de matières premières. Vous savez que notre pays dépendait essentiellement de la vente des matières premières. Nous nous sommes rendus compte que le modèle que nous avions choisi, à savoir, faire en sorte que ce soit l’Etat qui investisse dans le secteur au niveau de la production, de la commercialisation, la transformation. Et peut-être qu’il fallait que l’Etat fasse la place au secteur privé.
On n’est toujours avec le ministre de l’Agriculture, Mamadou Sangafoha Coulibaly pour évoquer évidemment des sujets d’actualités, des sujets majeurs, d’autant que son département est évidemment en avant- postes des décisions politiques et même gouvernementales. C’est vrai que le secteur agricole est toujours le socle de l’économie ivoirienne, ou faut ranger ça aux calendres grecques ?
A non ! Pas du tout. Aujourd’hui le secteur agricole offre 2/3 des emplois dans le pays, contribue entre 24 et 35 % dans la formulation du PIB (produit intérieur brut, ndlr), c’est-à-dire la richesse nationale. C’est le secteur agricole qui permet de lutter efficacement contre la pauvreté. Dans notre pays, quand vous voulez sortir 4 personnes de la pauvreté, 3 le seront grâce au secteur agricole. Toutes les études ont montré que notre pays n’a pas le choix que de reposer la relance économique sur le secteur agricole. Ensuite, nous avons une grande expérience, à partir des années 60, on n’a déjà réussi cela. Ça nous a conduits à un miracle ivoirien. C’est pour cela que le Président de la république a promis le 2ème miracle ivoirien et notre pays émergeant d’ici l’horizon 2020. Ça se fera avec le secteur agricole et le secteur des mines viendra en appoint.
Je voudrais justement qu’on évoque le PNIA (Programme National de d’Investissement agricole), vous avez donc la levée des fonds, 2.040 milliards de FCFA, c’était novembre dernier. Pour l’instant on est parvenu à financer à hauteur de 400 milliards. Le privé qui a promis environ 1.619 milliards FCFA ne s’est toujours pas manifesté. C’est du à quoi ?
Ah non, ce n’est pas comme cela que ça marche. Vous savez, la table ronde ce sont des intentions de financement. D’abord, nous avons évalué le programme compte tenu des objectifs que nous avons donné à ces programmes. Nous avons évalué les coûts financiers. Quels sont les objectifs que nous avons donnés au programme ? Pour ce programme pour 5 ans, il s’agit de sortir 6 à 7 millions personnes de la faim. Pour ce programme dans les 5 ans, et de sa mise en œuvre, et s’agit de créer 2 millions 400 emplois. Dans ce programme, il s’agit de porter la croissance agricole à 9%. Ce programme permettra d’assurer la sécurité alimentaire. Non seulement pour notre pays, mais également pour la sous-région. Quand vous avez de telles ambitions, il faut qu’il y ait un coût en face. C’est pour cela que le coût a été évalué à 2002.000 000 000 milliards de FCFA. Qui va financer ? L’Etat à hauteur de 10% au moins de la ressource nationale, les partenaires techniques et financiers, et essentiellement le secteur privé. Aujourd’hui la répartition est celle-ci : 60 % des ressources ont été annoncé par le secteur privé comme les intentions de financement. Les 40 %, c’est l’Etat et les partenaires techniques et financiers. Je peux vous dire que sur les 2040.000 000 000 milliards, 421 000 000 000 milliards sont des acquis. C’est-à-dire que ce sont des financements qui sont acquis auprès des partenaires techniques et financiers. Et pour cette année, nous allons investir 177 000 000 000 milliards issus de l’accord avec les partenaires techniques et financiers. Le secteur privé a annoncé 1600 000 000 000 milliards. Le secteur privé a déjà les ressources. D’ailleurs, pour les 6600 000 000 000 milliards, nous n’avons pas comptabilisé ceux qui ont des idées de projets. Nous avons comptabilisé ceux des membres du secteur privé qui ont le financement, et qui ont un projet prêt, pour lequel ils attendent que l’Etat puisse faire un minimum pour leur permette de réaliser leurs investissements. 1600 000 000 000 milliards, alors je peux vous dire que pour cette année, il y en a 233 000 000 000 milliards qui seront investis pour six projets de secteur privé.
Lesquels projets rapidement ?
En général, ce sont des projets tournés vers la sécurité alimentaire. Ce sont des projets sur le vivrier, ce sont des projets notamment sur les cultures de rentes. Mais mieux, nous avons un projet pilote pour voir comment on peut harmonieusement intégrer toutes les productions. C’est-à-dire, faire en sorte plutôt que de mettre les productions, comment faire en sorte que les cultures de rentes contribuent à financer le secteur du vivrier. Et que les deux puissent évoluer parallèlement. Donc, nous avons des gens du secteur prié qui sont intéressés par ce type d’investissement. Pour résumer, pour cette année, c’est 233 000 000 000 milliards que le secteur privé doit investir. Et ils attendent qu’on les accompagne. Vous Yhane, si vous avez envie de faire un investissement dans le secteur privé. Alors vous êtes privé et vous avez envie de faire un investissement dans le secteur agricole, si vous n’avez pas besoin de l’Etat, vous réalisez. Je ne compte pas tous les investissements tous les investissements qui sont réalisés par ailleurs, pour lesquels on n’a pas besoin forcément d’un accompagnement de l’Etat. Là, je ne parle que des investissements pour lesquels on n’a besoin de l’accompagnement de l’Etat. Et ce n’est pas u accompagnement financier. C’est-à-dire que chacun à son métier. Celui qui veut faire du riz, il nous dit « écoutez, il appartient à l’Etat de faire une ouverture donc. C’est ce qu’on appelle « les ouvrages ultra-agricoles ». Si l’Etat n’a pas les moyens, l’Etat emprunte auprès des partenaires techniques et financiers pour réaliser l’ouvrage. Et une fois l’ouvrage réalisé, lui il a de l’eau, et il tire l’eau pour irriguer sa plantation.
La sécurité alimentaire qui est un concept nouveau, qui n’a absolument rien à voir avec l’autosuffisance alimentaire ni la sécurité sanitaire des aliments. C’est en fait un concept qui cumulativement tient compte de quatre paramètres que je vais me faire fort rapidement de rappeler, en espérant donc de ne pas me perdre dans mes notes. C’est d’abord la disponibilité, donc la production intérieure, la capacité de stockage et tout, c’est aussi l’accès qui en fait dépend du pouvoir d’achat et des infrastructures disponibles. C’est aussi la stabilité des infrastructures, mais aussi, la stabilité climatique et politique. Et puis enfin, la qualité et la sécurité alimentaire (la salubrité, l’hygiène alimentaire, la non-toxicité de l’accès à l’eau justement). On en est où dans votre département ?
D’abord l’autosuffisance alimentaire dans le concept actuel, c’est pratiquement une utopie. Parce que ça veut dire quoi ?
Ça veut dire que le pays doit se suffire à lui-même, ne doit rien importer. Aucun pays au monde ne peut réussir cela. La sécurité alimentaire c’est d’avoir donc des stocks alimentaires de manière à ce qu’a tout moment, vous puissiez faire face à des situations qui sont peut-être dues à des conditions climatiques imprévisibles. Par exemple quand je prends notre stratégie dans le riz. Il est prévu un stock régulateur, il est prévu un stock de sécurité alimentaire. Une fois qu’on aura produit suffisamment pour nos besoins, nous allons avoir un stock en flux tendu qui fait qu’à tout moment, on peut recourir à ce stock pour faire face à des situations imprévues.
Est-ce qu’on a ce stock ?
Pour le moment, on n’a pas encore atteint la production pour satisfaire nos besoins.
C’est un objectif ?
Bien sûr, c’est notre objectif avant l’exportation. Vous parlez de la sécurité alimentaire des aliments. Ça, c’est un autre chapitre. Parce que c’est tous les pays qui sont concernés. Parce que ce que nous mangeons, ça doit être pour nous nourrir et donc pas pour nous empoisonner. Aujourd’hui, je peux vous dire que tous les pays sont stricts pour le contrôle des denrées alimentaires. Toutes nos exportations passent par ces mécanismes de contrôle, aussi bien au départ comme à l’arrivée. Ce que nous importons est aussi contrôlé dans nos laboratoires. Pour parler par exemple des OGM (organisme génétiquement modifié, ndlr), vous savez qu’il y a beaucoup d’écoles à dessus. La protection du consommateur vient en tout. Et je peux vous dire que notre pays fait un travail dans ce sens.
On va parler de la filière café-cacao, le sujet est crucial. Je veux citer Lambert Kouassi Konan qui est Président du Conseil d’Administration du Conseil café-cacao qui disait qu’il y a quatre problématiques à résoudre pour réussir la réforme de la filière café-cacao. Il cite, c’était le 11 juillet 2012, il y a d’abord la qualité des produits, il y a des pistes rurale qu’il faut évidemment réaménager, il y a la relance de la production du café, et enfin, la gestion des coopératives. C’est votre point de vue ?
Ça c’est un autre chapitre de la réforme. Au lendemain de l’indépendance, on avait ce qu’on appelait la caisse de stabilisation. L’Etat était en quelque sorte propriétaire du physique. A l’époque, l’Etat gérait la filière. Il y a eu après la libération, et l’Etat a cédé la place au privé. La réforme que nous avions mis en place sous la direction du Président de la république lui-même, c’est une réforme qui emprunte à la fois à l’ancien système de la caisse de stabilisation et au système de libération. En ce qui concerne par exemple la gouvernance de la filière, cette réforme, ce n’est pas seulement l’Etat qui gère la filière. La filière est gérée de manière paritaire avec les interprofessions, notamment le secteur privé. La deuxième chose c’est qu’au niveau de la gouvernance, les structures étaient budgétivores. Donc, nous avons ramené toutes ces structures à une structure unique, ce que nous avons emprunté à l’ancien système, c’est-à-dire le système de la caisse de stabilisation. Alors, quels sont les principaux objectifs de cette réforme ? Dans le système de libération, pour fixer le prix aux paysans, quand on connaissait le prix caf, on enlevait les frais d’approche de tout le monde, chacun enlevait sa marge et le prix qui restait, on l’attribué aux paysans. Ce qu’on appelait à l’époque le prix résiduel. C’est-à-dire que personne ne se préoccupait de savoir quelle est sa charge d’exploitation, quel est son coût de production. Le Président de la république a dit qu’il faut inverser, que c’est une aberration économique et que c’est moralement pas acceptable. Ce qui est fait maintenant dans cette réforme, c’est de dire que dès qu’on connait le prix caf, si vous voulez appelons-le dès qu’on connait la taille du gâteau, quel que soit sa taille, 60% de ce gâteau est reversé déjà aux producteurs, ensuite, les uns et les autres vont amener leurs frais d’approche jusqu’à leurs mage ainsi de suite y compris l’Etat.
Les 470. 000 000 000 milliards ont été reversée aux producteurs en trois mois.
Oui, entre octobre, novembre et décembre. Il était indexé aux fluctuations trop prononcées des cours. Aujourd’hui le cacao peut être à un prix, au bout d’une semaine, ça varie. Le Président a stabilisé le prix à travers des ventes anticipées à la moyenne qui permettent de chercher un prix fixe aux paysans de sorte que sur une campagne, il a affaire à un prix stabilisé. Et donc, il peut faire de la prévision.
Est-ce que la qualité du cacao y est ?
Par le passé notre pays faisait de la bonne qualité au point où nous avions une surcote. C’est avec la libération que les efforts ce sont relâchés. Parce que quand je vous décris ce que je viens de vous décrire, quand un paysan ne gagne pas suffisamment, il n’a pas le courage d’entretenir sa plantation ; il n’a pas le courage d’observer les bonnes pratiques agricoles. Parce que quand il finit de récolter le cacao doit être manipulé d’une façon pour qu’il garde une bonne qualité. Mais il ne s’investit plus dans ces démarches de qualité. Aujourd’hui avec la réforme, quand il a su que son prix était non seulement stable et qu’il n’avait pas à se précipiter, et que nous avons été aussi très fermes pour dire que le prix qu’on vous a donnés, c’est le prix pour un cacao de qualité. Si vous venez avec le cacao qui n’est pas bien séché et fermenté, on ne pourra pas vous l’acheter puisse que nous n’allons pas autoriser que quelqu’un paie en dessous du prix indiqué, ils se sont tous alignés, et les opérateurs, les transformateurs comme les transformateurs étaient les premiers à nous dire qu’ils ont observé un bond qualitatif de la qualité du cacao de la Côte d’Ivoire, de plus de 25%. Ce qui nous a permis de retrouver du coup une surcote. Or nous on était sous-cotés. C’est-à-dire que lorsque que vous connaissez le prix de long, si vous dites que c’est l’origine Côte d’Ivoire, il y a une dépréciation. Aujourd’hui quand vous dites l’origine Côte d’Ivoire, il y a appréciation.
L’autre point focal de la réforme c’est la question des organisations professionnelles. Vous dites notamment « 51 ans après l’indépendance, notre agriculture continue de fournir au marché mondial essentiellement de la matière brute, sans valeur ajoutée, même le conditionnement approprié des produits agricoles confèrent une meilleure qualité et une durée de conservation plus longue et donc la valeur ajoutée n’est pas maitrisée pour la plupart des filières. La faiblesse persistance de l’organisation professionnelle agricole et l’illégitimité criarde des représentants du monde paysan sont des facteurs qui nuisent au secteur que de le servir ». Vous avez trouvé une solution à cela ?
Là il faut que je sois très explicite. Vous savez que quand l’Etat s’est retiré. Par le passé c’est l’Etat qui faisait la production, la transformation, la commercialisation. Evidemment ce n’est pas le rôle de l’Etat de rester dans ces fonctions. Ce n’est pas une fonction régalienne. Dès qu’il y a eu la crise, et que l’Etat était obligé de sortir ; l’Etat est sorti de manière inattendue, on va dire de toutes ces fonctions. La position des bailleurs de fonds, dans le fond ils n’ont pas tort, c’était de dire que les organisations professionnelles agricoles prendront le relais ainsi que le secteur privé. Mais à l’analyse, le retrait de l’Etat n’a pas été planifié et ordonné. Par conséquent, l’Etat n’a pas eu le temps de mettre à niveau les organisations agricoles de manière à leur passer le relais. Pour nous, il y a eu une faiblesse structurelles qui est née à partir de là qui fait qu’on a pensé que le secteur privé et les autres avaient la capacité de prendre le relève après l’Etat mais ça n’a pas suivi. De telle sorte que toutes les reformes qui se sont succédé, même si elles avaient un sens dans le fond, mais elles reposaient sur des organisations qui elles-mêmes n’étaient pas suffisamment structurées et bien organisées.
Qu’est-ce que vous avez décidé de faire ?
C’est de partir à la base. Premièrement, il faut déjà recenser de manière exhaustive tous les producteurs. Ce qui est en cours avec un financement de l’Union Européenne et de l’Etat. Tous les producteurs de toutes les spéculations, mais mieux, nous allons recenser les exploitations, et à chaque producteur sera donné une exploitation. Et ça, c’est la valeur de base qui permettra après de vérifier la viabilité et la fiabilité des coopératives. Vous savez que les coopératives permettent d’aller à l’interprofession ; et ça permet aussi d’avoir des représentants pour la chambre d’agriculture. Nous pensons qu’en faisant cela, on règle deux problèmes. Premièrement, on sait qu’on a affaire à des producteurs, donc des professionnels, et en ce moment ils pourront bénéficier de la vision de l’Etat qui permettra de renforcer leurs capacités en leur apprenant la façon dont on gère une coopérative, comment on fait pour ne pas confondre le bénéfice avec le chiffre d’affaire.
Autrement il faut professionnaliser ces organisations.
Exactement ! Malheureusement la période de la libération qui a perverti le système. Il y a des coopératives sui ont été constitué de telle sorte que finalement même ceux qui ne sont pas producteurs ont constitué des coopératives pour pouvoir bénéficier de ces rentes. Donc, on s’est retrouvé avec une inflation de coopératives à travers le pays. Les coopératives ne contrôlent qu’en réalité 10% notre production de cacao par exemple. Il s’agit donc d’assainir ce milieu. Et pour l’assainir, il faut déjà commencer à recenser et pour avoir un fichier fiable qui permettrait de générer d’autres fichiers afin de renforcer la capacité de ceux qui sont des vrais agriculteurs.
En novembre 2012, la Côte d’Ivoire a abrié pour la première fois, la première conférence mondiale de cacao, l’objectif était de faire une sorte d’examen critique majeur qui s’impose au secteur de l’industrie cacaoyère. Il y a eu 1200 participants venus d’une quarantaine de pays. C’est quoi le bénéfice direct pour le citoyen lambda, pour le vulgum pecus d’une telle rencontre ?
Nous contrôlons 40% de la production mondiale de cacao. Mais, nous sommes absents dans la gouvernance mondiale du cacao. C’est une aberration. Pour nous, il s’agissait de dire que la Côte d’Ivoire est de retour. Et le Président de la république, qui lui-même s’est investi, investi son image et son leadership pour faire en sorte que nous puissions obtenir l’organisation de cette conférence dans notre pays. Ce qui a été fait. La deuxième chose, c’est que nous voulons que le siège de l’ICCO (l’organisation internationale de cacao, ndlr) vienne dans le premier pays de cacao au monde. Les défis que vous aviez soulignés, sont à relever dans la filière cacao. Tous s’accordent à dire que si ça continue ainsi, on n’aura plus de producteurs de cacao. Parce qu’il y a la durabilité de la filière qui est en jeu. Nous avons adressé cette question au plan national dans le cadre de la réforme. Et nous sommes arrivés à la conclusion que pour le faire, il fallait premièrement que le paysan qui soit le mieux servi des ressources générées de la filière. Deuxièmement, l’Etat seul ne pourra plus investir seul dans ce secteur. Il faut inviter le secteur privé à investir dans la viabilité de la filière. Il y a une plate-forme public-privé qui a été en place. Je suis heureux de vous apprendre qu’en marge de cette conférence mondiale, Les coopératives ne contrôlent qu’en réalité 10% notre production de cacao sur les dix prochaines années dans notre pays.
Ce sont des investissements qui vont aller directement dans les conditions de vie et de travail des producteurs, dans la régénération des vergers. Vous savez que le verger est vieillissant et que nous avons des rendements qui sont assez faibles. Avec ces investissements, on peut accroître nos rendements. La conférence mondiale, en dehors des bénéfices au plan diplomatique est une conférence qui a repositionné notre pays.
Est-ce qu’on aura le siège ?
Ah oui !
Mamadou Sangafowa Coulibaly merci d’être passé, qui sans aucune forme d’hésitation a accepté de venir dans cette émission : « une fois n’est pas coutume ». On se retrouve la semaine prochaine plus exactement entre 18 heures et 20 heures pour retomber encore une fois, comme un cheveu sur la sauce, c’est un peu le concept de cette émission.
Chaque jeudi, de 18 à 20 heures plus exactement, Cheick Yhane, animateur à Radio Nostalgie, reçoit des invités dans le cadre de son émission « une fois n’est pas coutume. Ainsi, pour ce jeudi 14 mars 2013, les studios de l’avenue chardy de la commune du plateau ont ouvert ses portes au ministre ivoirien en charge de l’Agriculture, Coulibaly Mamadou Sangafowa. Nous proposons l’intégralité de ce face à face.
Cheick Yhvane. - Monsieur Mamadou Sangafoha Coulibaly nous fait l’honneur de répondre à notre invitation et nous en sommes ravis. Sangafoha Coulibaly bonsoir.
Coulibaly Mamadou Sangafowa.
– Bonsoir.
J’ai été surtout fasciné par une chose. J’ai lu votre curriculum vitae officiel, et j’ai vu que vous n’aviez même pas 50 ans.
Ah bon ! Vous croyez que 50 ans ou 49 ans c’est peu ?
Je trouve que ce n’est pas fréquent en Afrique d’avoir de jeunes ministres. Et, à qui on confie d’ailleurs des portefeuilles si importants. Comment vous appréciez cette charge-là ?
Ecoutez, avec le soutien du Président de la république (Alassane Ouattara, ndlr), du premier ministre (Daniel Kablan Duncan, ndlr). Il suffit de suivre les orientations et puis on s’en sort.
Vous parlez du chef de l’Etat et vous parlez du Premier ministre et des orientations. Je vous lis rapidement cette question qui est encore d’actualités puisse qu’on sort pratiquement donc à peine du Premier séminaire gouvernemental de l’année 2013. En clôture, le Président déclare ceci : « un accès doit être mis sur les priorités en matière de développement agricole ». Réactions ?
Vous savez, le Président ne fait que rappeler l’orientation qu’il nous a déjà donnée lorsque nous avions pris fonction, à savoir, nous devons mettre la priorité sur le secteur agricole de manière à impulser à la croissance économique de façon générale. Mais spécifiquement sur la sécurité alimentaire.
Et Premier ministre Kablan Duncan a dit : « a mis parcours du mandat présidentiel, nous ne pourrons pas nous permettre de ne pas aller vite ».Vous pensez qu’on va suffisamment vite ou non ?
Je crois que le rythme est soutenu. C’est un rythme qui est à mon avis, correspond aux besoins du pays.
C’est très diplomatique comme réponse ça. Un rythme soutenu (rires)
Non ! En fait, nous sortons quand même de 10 années de difficultés. Vous savez bien. En plus, elles se sont terminées par une crise électorale. Quand je prends par exemple le secteur qui est le mien. La crise post-électorale a contribué à détériorer l’outil de production agricole, donc il fallait remettre l’outil en état et ensuite avoir des programmes de développement durables. Je le dis parce que, sortir de la crise post-électorale veut dire qu’il faut faire les choses vite. Parce que les agendas sont très serrés. Il faut faire en sorte que la confiance revienne très vite pour les investisseurs. Ça veut dire qu’il faut travailler au niveau sécuritaire. Vous voyez que chaque jour, il y a des décisions nouvelles qui sont prises de manière à renforcer la sécurité et rassurer tout le monde.
Je me permets de vous citer, ça date du 12 décembre 2011, lors des matinales d’informations du gouvernement. Vous disiez ceci : « au lendemain de son indépendance, notre pays a fait le choix stratégique et pertinent de baser son développement sur le secteur agricole, pendant des décennies le surplus tiré des exportations a permis de financer les investissements dans les secteurs sociaux de base ( de l’éducation notamment ), et dans les infrastructures économiques ( routes , ports, aéroports, industries ) » ; et puis vous vous rappelez que ces investissements lancés ont soutenu la croissance , qui au début des années 80 a atteint l’indice de 7%. Aujourd’hui, on n’est très mal barrés, on peut le dire non ?
Aujourd’hui, on n’est pas si mal barré parce que je rappelle quand même que malgré cela, on n’est quand même 1er pays producteur au monde de cacao. Au niveau de l’Afrique, nous avons des rangs enviables. Notamment dans l’hévéa, le palmier…Il y a ce qu’on appelle une résilience du secteur. Cette résilience est due essentiellement au secteur privé qui est investi dans les secteurs de rente, ce qui a permis de tenir un peu le secteur agricole. Mais c’est vrai que le secteur est rentré en crise dès les années 80. Et cela est dû premièrement de façon structurelle à la chute des cours de matières premières. Vous savez que notre pays dépendait essentiellement de la vente des matières premières. Nous nous sommes rendus compte que le modèle que nous avions choisi, à savoir, faire en sorte que ce soit l’Etat qui investisse dans le secteur au niveau de la production, de la commercialisation, la transformation. Et peut-être qu’il fallait que l’Etat fasse la place au secteur privé.
On n’est toujours avec le ministre de l’Agriculture, Mamadou Sangafoha Coulibaly pour évoquer évidemment des sujets d’actualités, des sujets majeurs, d’autant que son département est évidemment en avant- postes des décisions politiques et même gouvernementales. C’est vrai que le secteur agricole est toujours le socle de l’économie ivoirienne, ou faut ranger ça aux calendres grecques ?
A non ! Pas du tout. Aujourd’hui le secteur agricole offre 2/3 des emplois dans le pays, contribue entre 24 et 35 % dans la formulation du PIB (produit intérieur brut, ndlr), c’est-à-dire la richesse nationale. C’est le secteur agricole qui permet de lutter efficacement contre la pauvreté. Dans notre pays, quand vous voulez sortir 4 personnes de la pauvreté, 3 le seront grâce au secteur agricole. Toutes les études ont montré que notre pays n’a pas le choix que de reposer la relance économique sur le secteur agricole. Ensuite, nous avons une grande expérience, à partir des années 60, on n’a déjà réussi cela. Ça nous a conduits à un miracle ivoirien. C’est pour cela que le Président de la république a promis le 2ème miracle ivoirien et notre pays émergeant d’ici l’horizon 2020. Ça se fera avec le secteur agricole et le secteur des mines viendra en appoint.
Je voudrais justement qu’on évoque le PNIA (Programme National de d’Investissement agricole), vous avez donc la levée des fonds, 2.040 milliards de FCFA, c’était novembre dernier. Pour l’instant on est parvenu à financer à hauteur de 400 milliards. Le privé qui a promis environ 1.619 milliards FCFA ne s’est toujours pas manifesté. C’est du à quoi ?
Ah non, ce n’est pas comme cela que ça marche. Vous savez, la table ronde ce sont des intentions de financement. D’abord, nous avons évalué le programme compte tenu des objectifs que nous avons donné à ces programmes. Nous avons évalué les coûts financiers. Quels sont les objectifs que nous avons donnés au programme ? Pour ce programme pour 5 ans, il s’agit de sortir 6 à 7 millions personnes de la faim. Pour ce programme dans les 5 ans, et de sa mise en œuvre, et s’agit de créer 2 millions 400 emplois. Dans ce programme, il s’agit de porter la croissance agricole à 9%. Ce programme permettra d’assurer la sécurité alimentaire. Non seulement pour notre pays, mais également pour la sous-région. Quand vous avez de telles ambitions, il faut qu’il y ait un coût en face. C’est pour cela que le coût a été évalué à 2002.000 000 000 milliards de FCFA. Qui va financer ? L’Etat à hauteur de 10% au moins de la ressource nationale, les partenaires techniques et financiers, et essentiellement le secteur privé. Aujourd’hui la répartition est celle-ci : 60 % des ressources ont été annoncé par le secteur privé comme les intentions de financement. Les 40 %, c’est l’Etat et les partenaires techniques et financiers. Je peux vous dire que sur les 2040.000 000 000 milliards, 421 000 000 000 milliards sont des acquis. C’est-à-dire que ce sont des financements qui sont acquis auprès des partenaires techniques et financiers. Et pour cette année, nous allons investir 177 000 000 000 milliards issus de l’accord avec les partenaires techniques et financiers. Le secteur privé a annoncé 1600 000 000 000 milliards. Le secteur privé a déjà les ressources. D’ailleurs, pour les 6600 000 000 000 milliards, nous n’avons pas comptabilisé ceux qui ont des idées de projets. Nous avons comptabilisé ceux des membres du secteur privé qui ont le financement, et qui ont un projet prêt, pour lequel ils attendent que l’Etat puisse faire un minimum pour leur permette de réaliser leurs investissements. 1600 000 000 000 milliards, alors je peux vous dire que pour cette année, il y en a 233 000 000 000 milliards qui seront investis pour six projets de secteur privé.
Lesquels projets rapidement ?
En général, ce sont des projets tournés vers la sécurité alimentaire. Ce sont des projets sur le vivrier, ce sont des projets notamment sur les cultures de rentes. Mais mieux, nous avons un projet pilote pour voir comment on peut harmonieusement intégrer toutes les productions. C’est-à-dire, faire en sorte plutôt que de mettre les productions, comment faire en sorte que les cultures de rentes contribuent à financer le secteur du vivrier. Et que les deux puissent évoluer parallèlement. Donc, nous avons des gens du secteur prié qui sont intéressés par ce type d’investissement. Pour résumer, pour cette année, c’est 233 000 000 000 milliards que le secteur privé doit investir. Et ils attendent qu’on les accompagne. Vous Yhane, si vous avez envie de faire un investissement dans le secteur privé. Alors vous êtes privé et vous avez envie de faire un investissement dans le secteur agricole, si vous n’avez pas besoin de l’Etat, vous réalisez. Je ne compte pas tous les investissements tous les investissements qui sont réalisés par ailleurs, pour lesquels on n’a pas besoin forcément d’un accompagnement de l’Etat. Là, je ne parle que des investissements pour lesquels on n’a besoin de l’accompagnement de l’Etat. Et ce n’est pas u accompagnement financier. C’est-à-dire que chacun à son métier. Celui qui veut faire du riz, il nous dit « écoutez, il appartient à l’Etat de faire une ouverture donc. C’est ce qu’on appelle « les ouvrages ultra-agricoles ». Si l’Etat n’a pas les moyens, l’Etat emprunte auprès des partenaires techniques et financiers pour réaliser l’ouvrage. Et une fois l’ouvrage réalisé, lui il a de l’eau, et il tire l’eau pour irriguer sa plantation.
La sécurité alimentaire qui est un concept nouveau, qui n’a absolument rien à voir avec l’autosuffisance alimentaire ni la sécurité sanitaire des aliments. C’est en fait un concept qui cumulativement tient compte de quatre paramètres que je vais me faire fort rapidement de rappeler, en espérant donc de ne pas me perdre dans mes notes. C’est d’abord la disponibilité, donc la production intérieure, la capacité de stockage et tout, c’est aussi l’accès qui en fait dépend du pouvoir d’achat et des infrastructures disponibles. C’est aussi la stabilité des infrastructures, mais aussi, la stabilité climatique et politique. Et puis enfin, la qualité et la sécurité alimentaire (la salubrité, l’hygiène alimentaire, la non-toxicité de l’accès à l’eau justement). On en est où dans votre département ?
D’abord l’autosuffisance alimentaire dans le concept actuel, c’est pratiquement une utopie. Parce que ça veut dire quoi ?
Ça veut dire que le pays doit se suffire à lui-même, ne doit rien importer. Aucun pays au monde ne peut réussir cela. La sécurité alimentaire c’est d’avoir donc des stocks alimentaires de manière à ce qu’a tout moment, vous puissiez faire face à des situations qui sont peut-être dues à des conditions climatiques imprévisibles. Par exemple quand je prends notre stratégie dans le riz. Il est prévu un stock régulateur, il est prévu un stock de sécurité alimentaire. Une fois qu’on aura produit suffisamment pour nos besoins, nous allons avoir un stock en flux tendu qui fait qu’à tout moment, on peut recourir à ce stock pour faire face à des situations imprévues.
Est-ce qu’on a ce stock ?
Pour le moment, on n’a pas encore atteint la production pour satisfaire nos besoins.
C’est un objectif ?
Bien sûr, c’est notre objectif avant l’exportation. Vous parlez de la sécurité alimentaire des aliments. Ça, c’est un autre chapitre. Parce que c’est tous les pays qui sont concernés. Parce que ce que nous mangeons, ça doit être pour nous nourrir et donc pas pour nous empoisonner. Aujourd’hui, je peux vous dire que tous les pays sont stricts pour le contrôle des denrées alimentaires. Toutes nos exportations passent par ces mécanismes de contrôle, aussi bien au départ comme à l’arrivée. Ce que nous importons est aussi contrôlé dans nos laboratoires. Pour parler par exemple des OGM (organisme génétiquement modifié, ndlr), vous savez qu’il y a beaucoup d’écoles à dessus. La protection du consommateur vient en tout. Et je peux vous dire que notre pays fait un travail dans ce sens.
On va parler de la filière café-cacao, le sujet est crucial. Je veux citer Lambert Kouassi Konan qui est Président du Conseil d’Administration du Conseil café-cacao qui disait qu’il y a quatre problématiques à résoudre pour réussir la réforme de la filière café-cacao. Il cite, c’était le 11 juillet 2012, il y a d’abord la qualité des produits, il y a des pistes rurale qu’il faut évidemment réaménager, il y a la relance de la production du café, et enfin, la gestion des coopératives. C’est votre point de vue ?
Ça c’est un autre chapitre de la réforme. Au lendemain de l’indépendance, on avait ce qu’on appelait la caisse de stabilisation. L’Etat était en quelque sorte propriétaire du physique. A l’époque, l’Etat gérait la filière. Il y a eu après la libération, et l’Etat a cédé la place au privé. La réforme que nous avions mis en place sous la direction du Président de la république lui-même, c’est une réforme qui emprunte à la fois à l’ancien système de la caisse de stabilisation et au système de libération. En ce qui concerne par exemple la gouvernance de la filière, cette réforme, ce n’est pas seulement l’Etat qui gère la filière. La filière est gérée de manière paritaire avec les interprofessions, notamment le secteur privé. La deuxième chose c’est qu’au niveau de la gouvernance, les structures étaient budgétivores. Donc, nous avons ramené toutes ces structures à une structure unique, ce que nous avons emprunté à l’ancien système, c’est-à-dire le système de la caisse de stabilisation. Alors, quels sont les principaux objectifs de cette réforme ? Dans le système de libération, pour fixer le prix aux paysans, quand on connaissait le prix caf, on enlevait les frais d’approche de tout le monde, chacun enlevait sa marge et le prix qui restait, on l’attribué aux paysans. Ce qu’on appelait à l’époque le prix résiduel. C’est-à-dire que personne ne se préoccupait de savoir quelle est sa charge d’exploitation, quel est son coût de production. Le Président de la république a dit qu’il faut inverser, que c’est une aberration économique et que c’est moralement pas acceptable. Ce qui est fait maintenant dans cette réforme, c’est de dire que dès qu’on connait le prix caf, si vous voulez appelons-le dès qu’on connait la taille du gâteau, quel que soit sa taille, 60% de ce gâteau est reversé déjà aux producteurs, ensuite, les uns et les autres vont amener leurs frais d’approche jusqu’à leurs mage ainsi de suite y compris l’Etat.
Les 470. 000 000 000 milliards ont été reversée aux producteurs en trois mois.
Oui, entre octobre, novembre et décembre. Il était indexé aux fluctuations trop prononcées des cours. Aujourd’hui le cacao peut être à un prix, au bout d’une semaine, ça varie. Le Président a stabilisé le prix à travers des ventes anticipées à la moyenne qui permettent de chercher un prix fixe aux paysans de sorte que sur une campagne, il a affaire à un prix stabilisé. Et donc, il peut faire de la prévision.
Est-ce que la qualité du cacao y est ?
Par le passé notre pays faisait de la bonne qualité au point où nous avions une surcote. C’est avec la libération que les efforts ce sont relâchés. Parce que quand je vous décris ce que je viens de vous décrire, quand un paysan ne gagne pas suffisamment, il n’a pas le courage d’entretenir sa plantation ; il n’a pas le courage d’observer les bonnes pratiques agricoles. Parce que quand il finit de récolter le cacao doit être manipulé d’une façon pour qu’il garde une bonne qualité. Mais il ne s’investit plus dans ces démarches de qualité. Aujourd’hui avec la réforme, quand il a su que son prix était non seulement stable et qu’il n’avait pas à se précipiter, et que nous avons été aussi très fermes pour dire que le prix qu’on vous a donnés, c’est le prix pour un cacao de qualité. Si vous venez avec le cacao qui n’est pas bien séché et fermenté, on ne pourra pas vous l’acheter puisse que nous n’allons pas autoriser que quelqu’un paie en dessous du prix indiqué, ils se sont tous alignés, et les opérateurs, les transformateurs comme les transformateurs étaient les premiers à nous dire qu’ils ont observé un bond qualitatif de la qualité du cacao de la Côte d’Ivoire, de plus de 25%. Ce qui nous a permis de retrouver du coup une surcote. Or nous on était sous-cotés. C’est-à-dire que lorsque que vous connaissez le prix de long, si vous dites que c’est l’origine Côte d’Ivoire, il y a une dépréciation. Aujourd’hui quand vous dites l’origine Côte d’Ivoire, il y a appréciation.
L’autre point focal de la réforme c’est la question des organisations professionnelles. Vous dites notamment « 51 ans après l’indépendance, notre agriculture continue de fournir au marché mondial essentiellement de la matière brute, sans valeur ajoutée, même le conditionnement approprié des produits agricoles confèrent une meilleure qualité et une durée de conservation plus longue et donc la valeur ajoutée n’est pas maitrisée pour la plupart des filières. La faiblesse persistance de l’organisation professionnelle agricole et l’illégitimité criarde des représentants du monde paysan sont des facteurs qui nuisent au secteur que de le servir ». Vous avez trouvé une solution à cela ?
Là il faut que je sois très explicite. Vous savez que quand l’Etat s’est retiré. Par le passé c’est l’Etat qui faisait la production, la transformation, la commercialisation. Evidemment ce n’est pas le rôle de l’Etat de rester dans ces fonctions. Ce n’est pas une fonction régalienne. Dès qu’il y a eu la crise, et que l’Etat était obligé de sortir ; l’Etat est sorti de manière inattendue, on va dire de toutes ces fonctions. La position des bailleurs de fonds, dans le fond ils n’ont pas tort, c’était de dire que les organisations professionnelles agricoles prendront le relais ainsi que le secteur privé. Mais à l’analyse, le retrait de l’Etat n’a pas été planifié et ordonné. Par conséquent, l’Etat n’a pas eu le temps de mettre à niveau les organisations agricoles de manière à leur passer le relais. Pour nous, il y a eu une faiblesse structurelles qui est née à partir de là qui fait qu’on a pensé que le secteur privé et les autres avaient la capacité de prendre le relève après l’Etat mais ça n’a pas suivi. De telle sorte que toutes les reformes qui se sont succédé, même si elles avaient un sens dans le fond, mais elles reposaient sur des organisations qui elles-mêmes n’étaient pas suffisamment structurées et bien organisées.
Qu’est-ce que vous avez décidé de faire ?
C’est de partir à la base. Premièrement, il faut déjà recenser de manière exhaustive tous les producteurs. Ce qui est en cours avec un financement de l’Union Européenne et de l’Etat. Tous les producteurs de toutes les spéculations, mais mieux, nous allons recenser les exploitations, et à chaque producteur sera donné une exploitation. Et ça, c’est la valeur de base qui permettra après de vérifier la viabilité et la fiabilité des coopératives. Vous savez que les coopératives permettent d’aller à l’interprofession ; et ça permet aussi d’avoir des représentants pour la chambre d’agriculture. Nous pensons qu’en faisant cela, on règle deux problèmes. Premièrement, on sait qu’on a affaire à des producteurs, donc des professionnels, et en ce moment ils pourront bénéficier de la vision de l’Etat qui permettra de renforcer leurs capacités en leur apprenant la façon dont on gère une coopérative, comment on fait pour ne pas confondre le bénéfice avec le chiffre d’affaire.
Autrement il faut professionnaliser ces organisations.
Exactement ! Malheureusement la période de la libération qui a perverti le système. Il y a des coopératives sui ont été constitué de telle sorte que finalement même ceux qui ne sont pas producteurs ont constitué des coopératives pour pouvoir bénéficier de ces rentes. Donc, on s’est retrouvé avec une inflation de coopératives à travers le pays. Les coopératives ne contrôlent qu’en réalité 10% notre production de cacao par exemple. Il s’agit donc d’assainir ce milieu. Et pour l’assainir, il faut déjà commencer à recenser et pour avoir un fichier fiable qui permettrait de générer d’autres fichiers afin de renforcer la capacité de ceux qui sont des vrais agriculteurs.
En novembre 2012, la Côte d’Ivoire a abrié pour la première fois, la première conférence mondiale de cacao, l’objectif était de faire une sorte d’examen critique majeur qui s’impose au secteur de l’industrie cacaoyère. Il y a eu 1200 participants venus d’une quarantaine de pays. C’est quoi le bénéfice direct pour le citoyen lambda, pour le vulgum pecus d’une telle rencontre ?
Nous contrôlons 40% de la production mondiale de cacao. Mais, nous sommes absents dans la gouvernance mondiale du cacao. C’est une aberration. Pour nous, il s’agissait de dire que la Côte d’Ivoire est de retour. Et le Président de la république, qui lui-même s’est investi, investi son image et son leadership pour faire en sorte que nous puissions obtenir l’organisation de cette conférence dans notre pays. Ce qui a été fait. La deuxième chose, c’est que nous voulons que le siège de l’ICCO (l’organisation internationale de cacao, ndlr) vienne dans le premier pays de cacao au monde. Les défis que vous aviez soulignés, sont à relever dans la filière cacao. Tous s’accordent à dire que si ça continue ainsi, on n’aura plus de producteurs de cacao. Parce qu’il y a la durabilité de la filière qui est en jeu. Nous avons adressé cette question au plan national dans le cadre de la réforme. Et nous sommes arrivés à la conclusion que pour le faire, il fallait premièrement que le paysan qui soit le mieux servi des ressources générées de la filière. Deuxièmement, l’Etat seul ne pourra plus investir seul dans ce secteur. Il faut inviter le secteur privé à investir dans la viabilité de la filière. Il y a une plate-forme public-privé qui a été en place. Je suis heureux de vous apprendre qu’en marge de cette conférence mondiale, Les coopératives ne contrôlent qu’en réalité 10% notre production de cacao sur les dix prochaines années dans notre pays.
Ce sont des investissements qui vont aller directement dans les conditions de vie et de travail des producteurs, dans la régénération des vergers. Vous savez que le verger est vieillissant et que nous avons des rendements qui sont assez faibles. Avec ces investissements, on peut accroître nos rendements. La conférence mondiale, en dehors des bénéfices au plan diplomatique est une conférence qui a repositionné notre pays.
Est-ce qu’on aura le siège ?
Ah oui !
Mamadou Sangafowa Coulibaly merci d’être passé, qui sans aucune forme d’hésitation a accepté de venir dans cette émission : « une fois n’est pas coutume ». On se retrouve la semaine prochaine plus exactement entre 18 heures et 20 heures pour retomber encore une fois, comme un cheveu sur la sauce, c’est un peu le concept de cette émission.