Il est bien plus facile de tourner en dérision l’opinion en faisant passer la victime pour le bourreau ou encore en faisant porter le chapeau des pires massacres de l’histoire ivoirienne commis, à une collectivité qui a plutôt été bâillonnée par des ogres d’une époque. C’est piteusement à cet exercice du dilatoire, que semble s’adonner une certaine presse, qui dans sa coupure-parution d’hier lundi 19 mars 2013, n’a pas hésité à barrer à sa Une, une information saugrenue. «Embrasement de l’Ouest, le Fpi responsable», pouvait-on lire. On le comprend aisément. Les auteurs n’ont fait que jouer leur rôle de missi dominici (les envoyés du maître), pour faire espérer abreuver aux Ivoiriens de telles insanités. Mais fort heureusement, l’opinion locale ne se laisse pas mordre à un tel hameçon, ou du moins ne se laisse pas prendre au jeu de ceux qui sèment le faux pour engranger du vrai. Loin d’être dupes d’une telle aventure, la vérité sur l’Ouest meurtri par plus de 10 ans de terreur, s’offre à toutes les casseroles. La responsabilité de ceux qui ont mis et qui continuent de mettre à sang et à feu cette partie de la Côte d’Ivoire est palpable. Et là-dessus, l’histoire est assez flexible en termes de faits tangibles sur le massacre des Wê, pour ne pas dire sur le génocide des Wê. Peuple qu’on a, à tort ou à raison, taxés d’être proches de Laurent Gbagbo. Quand on remonte l’aiguille du temps, les réalités tourmentent la mémoire collective et l’esprit, en revenant sur ce qui constitue finalement une redite, mais qui en vaut la peine, pour la postérité. L’ex-rébellion de 2002, dirigée par Guillaume Soro par le truchement de sa représentation politique, le Mpci, a encore ses mains immaculées du sang d’innocentes personnes. Qui ont littéralement été rayées de la carte à travers massacres, violences, viols, vols, pillages, destructions de biens, confiscation de terres. Les démembrements du Mpci que sont le Mouvement populaire ivoirien du grand Ouest (Mpigo), dirigé par feu Doh Félix, avait envahi l’Ouest, après l’occupation de Bouaké. Un des lieutenants de Guillaume Soro, tué le 25 avril 2003 par mercenaires libériens, Doh Félix était un chef rebelle installé à Danané. Le Mouvement pour la justice et la paix (Mjp), de Gaspard Déli, s’est fait connaître lui aussi le 28 novembre 2003, en revendiquant la prise de la ville de Man. Avec plus de 250 combattants dont une cinquantaine de Dozo. Ils ont à leur actif le massacre de plusieurs personnes de l’ethnie Wê. Massacres documentés par plusieurs organisations internationales de protection des droits humains. A cela, il faut ajouter les massacres de Guitrozon et de petit-Duékoué. En effet, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2005, une bande d'individus armés a fait irruption dans les villages de Guitrozon et de petit Duekoué et ont tué plus d’une quarantaine de personnes qui dormaient paisiblement. Deux ans plus tard, des rapports indépendants indiquaient clairement que ces crimes étaient parfaitement prévisibles car l’épuration ethnique ciblant les Wê, est une pratique constante des forces de Ouattara depuis leur apparition en septembre 2002 et à travers les noms variés qu’elles se sont donnés successivement, Mpci, Mjp, Mpigo, Fn. Avec une vague de massacres qui eut lieu entre novembre 2002 et mars 2003, faisant environ 3000 à 6000 victimes Wê dans tout le pays Wê. L’exposé non exhaustif de ces faits indicatifs, nous situent l’ampleur des massacres perpétrés et ne manquent pas de ramener à leur copie ceux qui à tort accusent le Fpi dans le péril de l’Ouest. Un territoire où, face à l’adversité, les jeunes Wê se sont organisés en groupements d’auto-défense pour résister à l’agresseur. Pis, malgré le changement de régime, après avoir évincé Laurent Gbagbo le 11 avril 2011, contre qui la rébellion de 2002 combattait, la situation ne s’est pas pour autant améliorée à l’Ouest. Les massacres de Nahibly, le vendredi 20 juillet 2012, les massacres de Duékoué le 29 mars 2011, consacrent la continuité de la politique d’épuration ethnique installée à l’Ouest et l’impunité qui en découle. Empirée par la confiscation et la colonisation de ce territoire par des bandes armées comme celles d’Amadé Ouérémi. Car à ce jour, en dépit des rapports de l’Onu, de Human Rights Watch, de la Commission d’enquête mise sur pied par Ouattara en personne et autres, incriminant les forces fidèles au régime actuel, rien n’a bougé judiciairement. Voici ce qui est de la responsabilité dans le brasier à l’Ouest.
Marcel Dezogno
Marcel Dezogno