Depuis quelques années, l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) soutient, à travers diverses initiatives, la production et la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles en Afrique francophone, surtout au Sud du Sahara. Plus qu’un accompagnement, elle maintient en vie une industrie au bord de l’agonie sur cette partie du continent. Jeudi 28 février 2013. Nous sommes à Ouagadougou. Le 23ème Fespaco bat son plein. Il est 10h. La salle de conférence du Liptako Gourma, qui abrite le centre de presse du festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, est archicomble. Il n’y a plus de plus de places assises. Les allées sont même occupées. Ils sont donc tous là. Ou presque. Producteurs, distributeurs, scénaristes, acteurs et actrices… Personne ne veut rater ce rendez-vous, ô combien, important pour le cinéma en Afrique francophone. Dans quelques instants, va se tenir la conférence de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), autour du thème « OIF : acteur de coopération culturelle internationale au service africain », qui sera animée par Mme Sandra Coulibaly Leroy, Sous-directrice de la Diversité et du Développement culturels, entourée de MM. Pierre Barrot en charge des TV, Toussaint Tiendregeogo, en charge du programme «politiques et industries culturelles» et de Mme Souad Houssein en charge du cinéma… L’engouement constaté dans cette salle pour cette conférence témoigne du rôle prépondérant que joue l’OIF dans le développement du cinéma en Afrique, singulièrement dans l’espace francophone. Il faut le dire tout net, l’OIF est l’un des partenaires, sinon le partenaire clé du cinéma africain. Au siège de l’OIF, à Paris, on a compris vite que «le cinéma et la télévision sont des vecteurs incomparables d’expression des identités culturelles». Pour cette institution, ils constituent également des leviers efficaces pour le développement économique et social. C’est pourquoi, l’OIF a mis en place des mécanismes pour accompagner les professionnels de l’audiovisuel des pays francophones du Sud dans la production et la valorisation de leurs œuvres en tenant compte des dimensions artistique, culturelle et économique de ce secteur. Concrètement, comme l’a si bien souligné Mme Coulibaly Leroy dans son speech, l’OIF intervient autour de quatre axes principaux : l’aide à la production, l’aide à la promotion et la mise en marché, l’aide à l’exploitation, la formation. Et pour être mieux efficace sur le terrain, l’OIF s’est dotée d’outils importants. A commencer par le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud, qui, à travers trois sessions annuelles (une pour le cinéma et deux pour la télévision), appuie, chaque année, 50 à 70 projets. Grâce à ce fonds, conjointement géré par l’OIF et le CIRTEF, a révélé Sandra Coulibaly Leroy, l’OIF a aidé, depuis sa création, à la production de 1000 œuvres dont 200 longs métrages de pays du Sud. Et cet appui se traduit par des aides directes à la production, la finition et quelques fois à la promotion des œuvres cinématographiques et télévisuelles des pays du Sud, en particulier africains. Preuve évidente de l’importance de ce fonds, parmi les 101 films sélectionnés pour la compétition officielle du récent Fespaco, on dénombrait 12 œuvres soutenues par le Fonds francophone : 4 longs métrages de fiction dont «Tey/ Aujourd’hui» d’Alain Gomis, qui a raflé l’Etalon d’Or de Yennenga, et «La Pirogue» de Moussa Touré, Etalon de Bronze de Yennenga, 3 courts métrages, 2 documentaires et 3 séries télévisées. « Au cours des deux dernières années, le fonds de l’OIF a attribué un total de 2 280 000 euros (soit 1 493 400 000 FCFA), dont 1 080 000 euros (707 400 000 FCFA) pour la commission cinéma qui a aidé 43 projets de 14 pays différents. Dans le même temps, la commission télévision a retenu 72 projets de 21 pays pour un montant total de 1 200 000 euros (786 000 000 FCFA)», a fait savoir Mme Coulibaly Leroy. Parmi ces œuvres, on note des productions ivoiriennes entre autres la série Teenager, Prix OIF au festival Vues d’Afrique à Montréal (Canada) en 2011 et la fiction –vidéo«Le Djassa a pris feu» de Lonesome Solo, sélection panorama au festival de Berlin. Par le passé, les longs métrages «Une couleur café» du regretté Henri Duparc et «Adanggaman» de Roger Gnoan M’Bala, avaient bénéficié de l’appui de l’OIF. Le Fonds francophone est aujourd’hui, aux yeux de Mme Coulibaly Leroy, le 2ème fonds international d’aide directe au cinéma africain en dépit de difficultés budgétaires et des montants attribués que l’on peut juger faible. A ce fonds s’ajoutent d’autres initiatives tout aussi intéressantes. Il s’agit des aides au développement, des Fonds de garantie pour les industries culturelles, qui permettent, depuis 2003, de cautionner des prêts bancaires sollicités par les entreprises du secteur culturel, dont le cinéma et l’audiovisuel. Pour l’instant, trois fonds de garantie sont opérationnels : deux au Maghreb (Maroc et Tunisie) et un en Afrique de l’Ouest en partenariat avec la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BDIC). Autres actions initiées par le l’OIF, le renforcement des politiques publiques des industries culturelles, et notamment de l’industrie cinématographique et audiovisuelle. L’OIF aide par exemple à la mise en place de cadres législatifs, réglementaire et économique adaptés. Ce n’est pas tout, il y a aussi le site www.imagesfrancophones.org qui fournit des infos utiles pour les professionnels et un catalogue de 1250 œuvres soutenues par l’OIF. Et les aides aux festivals. L’OIF appuie le Fespaco, les Journées Cinématographiques de Carthage, le pavillon des cinémas du monde au Festival de Cannes, ainsi qu’une dizaine d’autres manifestations sur quatre continents. Pour autant, l’OIF ne s’arrête pas là. L’organisation se bat, par ailleurs, pour la diffusion des œuvres produites. En 2012, « un pas supplémentaire », pour emprunter les propos de Mme Sandra Coulibaly Leroy, a même été fait, avec la signature d’accord avec deux chaînes de télévision : TV5 et France 3 corse Via Stella. En contrepartie de leur présence dans les deux commissions du Fonds, ces deux chaînes apportent, sous la forme d’un pré-achat, un apport financier en amont de la production et une garantie de diffusion. Résultat, environ 10% des projets soutenus par le Fonds bénéficient d’un pré-achat par TV5 ou Via Stella. Ce qui est un vrai gage pour les producteurs et les réalisateurs, que leurs films trouveront preneurs, avant même qu’ils ne soient terminés. Dans un contexte où la rentabilité des productions africaines est un casse-tête, pour les professionnels du secteur, ce n’est déjà pas rien. Mais, l’OIF va même plus loin, en soutenant, via un mécanisme d’appel à candidature, l’aide à la vente ou à la prévente de films ou de programmes de télévision. « Ces aides permettent à quelques opérateurs d’être présents sur une dizaine de marchés tels que le marché du film de Cannes, le MIP-TV (Marché International des programmes de télévision de Cannes), le DISCOP (Salon des programmeurs, des producteurs et distributeurs de contenus télévisuels de Dakar), le MICA (marché International du cinéma et de l’audiovisuel africains) etc.», a assuré Mme Sandra Coulibaly Leroy. A l’en croire, ces aides ont permis, l’an dernier, de conclure la vente de 37 films ou programmes TV, pour un montant global de 125 000 euros (81 875 000 FCFA). Dernier «gros coup» en date de l’OIF, la mise en place du Fonds panafricain pour le cinéma et l’audiovisuel (FPCA), à la demande de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI). Le Conseil d’orientation transitoire, composé d’éminences grises comme Mme Alimata Salembéré, le Pr Elikia M’Bokolo, s’est réuni le vendredi 2 mars dernier pendant le Fespaco, dans un hôtel de la capitale burkinabé, pour jeter les bases de ce Fonds, qui sera une vraie bouffée d’oxygène pour les producteurs. Son but sera de mettre à la disposition des cinéastes du continent des fonds capables de financer des projets audiovisuels importants pour l’image de l’Afrique toute entière. Enfin, pour valoriser le patrimoine d’images accumulées en vingt ans d’existence du Fonds d’aide à la production, l’OIF a initié, en janvier 2010, le lancement d’un catalogue numérisé de l’image du Sud à vocation professionnelle. Objectif, renforcer la promotion et la diffusion des œuvres audiovisuelles du Sud en constituant sur internet un catalogue homogène des œuvres par la mise en ligne d’informations facilitant leur exploitation ( format, thématique, coordonnées des ayant-droits) et en favorisant les échanges entre les intervenants du secteur sur les questions de la profession par le biais de communautés sur la toile. Cette action, a précisé Mme Coulibaly Leroy, entre dans la droite ligne du mandat de conservation et de valorisation du patrimoine inscrit dans la Déclaration de Kinshasa. On le voit, l’OIF est un soutien solide pour le cinéma et l’audiovisuel en Afrique.
Y. Sangaré
Y. Sangaré