Le 1er mai, jour consacré à la célébration du travail dans le monde entier, n’est pas perçu de la même manière en Côte d’Ivoire. Gouvernement et responsables syndicaux ont crié à hue et à dia, ce mercredi dans les «jardins de la Primature» où officiait le Premier ministre Daniel Kablan Duncan. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le Pouvoir et les cinq responsables syndicaux ne sont pas sur la même longueur d’onde. L’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (Ugtci), la Confédération ivoirienne des syndicats libres-Cisl Dignité, la Fédération des syndicats autonomes de Côte d’Ivoire(Fesaci) l’Union nationale des travailleurs de Côte d’Ivoire (Unatrci) et la centrale Humanisme n’ont pas voulu se laisser intimider par les promesses creuses et infructueuses du président Ouattara aux acteurs sociaux. Tous ont dénoncé avec courage les conditions pénibles dans lesquelles le monde du travail évolue depuis l’avènement du régime Ouattara, le 11 avril 2011. Quand Yves Kodibo, secrétaire général de l’Unatrci prend la parole, ce n’est pas pour conter fleurette au gouvernement Duncan. «La réalité dans nos ménages est autre que ce que le gouvernement dit. Le coût de l’électricité est hors de portée. Les travailleurs ne peuvent plus attendre un cadre de discussions. Le forum social prévu tous les six mois n’a pu aboutir à un document de synthèse encore moins à un engagement de l’Etat. C’était donc du folklore !» Et d’ajouter exaspéré : «Ne dit-on pas que l’avenir du pays repose sur l’agriculture. Diantre ! Pourquoi ce sont les travailleurs des plantations qui souffrent le plus ?» Fraîchement sorti de prison Mahan Gahé Basil le grand patron de la centrale Dignité a cédé la place au 1er secrétaire général adjoint de Dignité. C’est donc Boga Dago qui va remonter les brettelles à Kablan Duncun : «Force est de constater que deux ans après la crise postélectorale, des exactions continuent d’être perpétrées par des forces républicaines et par des dozos, dans des villages de l’ouest du pays. De même, nombre de domaines privés sont toujours occupés par ces mêmes éléments (…) La Cisl-Dignité est préoccupée par le sort de milliers d’Ivoiriens contraints à l’exil, de nombreux prisonniers politiques, d’Ivoiriens arrêtés, extradés et détenus dans des lieux tenus encore secrets. Monsieur le Premier ministre, si le maillon politique dans un pays est perturbé, c’est tout le système sociopolitique qui sera ébranlé et cela ne peut laisser indifférents les travailleurs que nous sommes». Mais face à ce sombre tableau dépeint par les responsables syndicaux, le Premier ministre n’a trouvé d’échappatoire que l’imaginaire. En effet, grande a été la surprise des travailleurs d’entendre Daniel Kablan Duncan lequel se basant sur des «résultats des enquêtes emplois», dépeindre une situation irréelle avec des chiffres sortis de son imagination car contrastant avec le vécu quotidien des Ivoiriens. «Les résultats de l’enquête emploi de novembre 2012, montrent que de mai 2011 à octobre 2012, 1.043.293 emplois ont été créés, dont 101.670 emplois formels et 941.623 emplois non formels. Ces créations concernent principalement le commerce de détail, l’agriculture et les autres services.» C’est un Premier ministre qui copie bien son patron ! Susurre un syndicaliste qui n’y a vu que du feu dans les propos du hôte des travailleurs ivoiriens. Des promesses de création d’emplois ont été faites comme le régime Ouattara en a donné l’habitude, par le Premier ministre ivoirien qui projetait une «couverture maladie universelle pour tous avant la fin de l’année, la création de 2 millions d’emplois à moyen terme…» Mais dans quel pays et qui sont ces nouveaux employés depuis qu’Alassane Ouattara est au pouvoir, dont parle son Premier ministre ? De sources concordantes, selon un rapport de l'OIT (Organisation Internationale du Travail) dont la publication est attendue dans les jours qui viennent, il y a exactement 4.742.000 personnes diplômées sans emploi en Côte d'Ivoire. Il s’agit notamment des personnes qui ont fini leurs études et qui n'ont pas encore exercé un premier emploi. Au moment où l’on parle d’environ cinq millions d’Ivoiriens sans emploi, le régime Ouattara annonce qu’il a déjà crée 1.043.293 en moins de deux ans. Mais où ? Ce n’est un secret pour personne dans ce pays qu’au moment où Alassane Ouattara annonce un taux virtuel de croissance de 9.8%, aucun Ivoirien moyen ne peut s’acheter un kg de viande encore se procurer trois repas journaliers. Pour cause de renvois collectifs et de fermeture d’entreprises privées. A ce propos, les chiffres donnés par la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgci) sont parfaitement illustratifs de la situation de pauvreté extrême dans laquelle vivent les Ivoiriens depuis le 11 avril 2011. Ce sont 80.000 emplois selon la Cgci, et pire, la chambre de commerce annonce quant à elle 120.000 emplois détruits dans la crise postélectorale. Le patronat ivoirien a du mal à digérer la perte subite par les Pme (Petites et moyennes entreprises) qu’il estime à 1000 milliards de Fcfa. L’Agence de gestion et de promotion de l’emploi donne des chiffres plus exacts. Pour l’Agepe, la Côte d’Ivoire compte à ce jour 5 millions de chômeurs. (In Notre voie du 29 avril 2013). Alors quels emplois Alassane Ouattara a-t-il créés et que les Ivoiriens n’ont pas encore vus ?
S. Allard
S. Allard