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Art et Culture Publié le mardi 7 mai 2013 | LG Infos

Sam Fan Thomas (Artiste-musicien) : «Les pays africains sont des siamois, les problèmes sont les mêmes partout»

Sam Fan Thomas est un musicien camerounais associé au Makossa. Il commence tard sa carrière dans les années 1970 avec son premier tube Rikiatou. Son African Typic Collection a été un succès international en 1984. Et son album «Makassi» fait en 1988, dans lequel il rend hommage à Mandela, est un véritable tabac dans le monde entier. De passage à Abidjan, lors du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua). LG Infos l’a rencontré. Interview !
Qu’est-ce qui a suscité votre morceau «Mandala» qui a fait tabac dans le show-biz africain dans les années 1980 ?
Le fait d’être musicien vous oblige parfois, à faire un peu de recherches pour orienter votre musique dans un genre que vous voulez. C’est un peu la chance que j’ai eue. Parce que pendant des années, quand j’ai écouté les morceaux dédiés à Mandela. C’était des chansons langoureuses, des slows et des pleurs, c’est vrai qu’il fallait pleurer. C’est ainsi qu’un jour, je me suis dit qu’on peut aussi aller dans les boîtes de nuit et faire rappeler qu’il y a quelqu’un en prison, depuis 27 ans. Et comme ça, on danse en étant content de lui comme il a choisi de souffrir pour la liberté.
C’était une forme d’engagement pour vous ?
Oui bien sûr. Tous les artistes sont engagés, parce que l’engagement, ce n’est pas seulement dans la politique, on peut aussi être engagé dans la musique. Dans la musique on peut parler amour, l’amour c’est une forme d’engagement.
Mais là on était dans un contexte politique ?
C’était pour dire aux enfants qu’ils fassent un petit retro. Il y a quelqu’un là-bas depuis 27 ans, qui veut la liberté, demande la liberté et l’égalité sociale. C’est de ça que je parle. Je demande au Seigneur de regarder un peu dans son rétroviseur afin que le monde avance, pas seulement pour mettre dans les oubliettes ceux qui sont derrière.
Et comme par hasard, il a été libéré en 1990 ?
Et comme par hasard il a été libéré, j’ai fait la chanson en 1988 et il a été libéré en 1990. Et Dieu merci c’est cette chanson qui l’a accompagné de la prison à son domicile
Est-ce que c’est le même regard que vous avez aussi bien aujourd’hui de tous les pays africains comme la situation de Mandela ?
Les pays africains, c’est comme des siamois, le même problème qui est au Cameroun, c’est le même problème qui est en Côte d’Ivoire, au Mali. J’ai l’impression que les pays africains sont faits pour avoir les mêmes problèmes. Franchement, qu’on ne nous fasse pas croire qu’un pays africain est différent d’un autre. Il n’y a que les noms des pays qui changent, sinon c’est la même chose, si on nous mélange on va avoir les problèmes de la même façon.
Vous pensez qu’on peut s’en sortir ?
Mais tout dépend des Africains. Si nous pensons qu’il y a quelqu’un qui va nous sortir de nos difficultés, on se trompe. C’est l’Afrique qui doit se battre pour sortir de là où elle est. Pas quelqu’un d’autre.
Pensez-vous que sans l’entente, les Africains peuvent un jour s’en sortir ?
Mais il y a quel problème qu’on ne puisse pas résoudre. Il n’y a que la mort. En dehors de la mort je ne vois pas encore de problème qu’on ne puisse pas résoudre. On dit toujours à chaque problème il y a une solution.
C’est dire que Sam Fam Thomas n’est pas pour la résolution des problèmes par la violence ?
Mais qui peut aimer la guerre ? C’est la pire des choses qu’on puisse souhaiter à quelqu’un. Moi je suis né avant l’indépendance du Cameroun donc je sais ce que c’est que la guerre. En 1960, on nous déplaçait tout temps, tantôt on est à Bouda, tantôt à Batié et dans chaque ville, on allait, on était en difficulté. Cela dit, je connais les effets de la guerre. Quand il y a la guerre, il y a les règlements de compte, c’est l’anarchie totale, chacun fait ce qu’il veut.
Vous êtes en Côte d’ivoire on ne peut pas ne pas vous demander votre avis sur la situation ivoirienne ?
Oui, j’ai vécu le problème ivoirien comme tout Africain à 100%, je ne dormais pas. J’étais aux aguets des informations pour voir si le pays que je connais va retrouver la paix. Le pays qui m’a aimé, donné tout le succès. Parce que mon premier grand spectacle, c’était à Abidjan que je l’ai eu, c’était en 1984. J’ai joué pour les 30 ans de musique de François Lougah quand je passais pour aller au Burkina Faso, invité par Thomas Sankara. Pour me remettre le grand Prix de la meilleure chanson africaine. Personne ne peut accepter ce qui se passe, personne. Sans aller de gauche à droite, je dis que la guerre c’est la pire des choses qui puisse arriver. Les hommes devaient finir par s’entendre, être heureux de la vie que Dieu leur a donnée.
Avec un peu de recul, quel regard portez-vous sur la musique ivoirienne ?
C’est vrai que, quand ça sort ici on dit la musique ivoirienne. Vous imaginez si je prenais la nationalité ivoirienne, on va dire quoi ? Sam Fan Thomas fait la musique ivoirienne (rire). Vous voyez la musique c’est la musique ; ce sont les langues qui changent. Les Usa sont vastes. Connaissez-vous la musique de la Californie ? Les rappeurs qui chantent en Californie on ne dit pas après que ce sont rappeurs de Californie. Mais tout simplement les rappeurs des Usa. Chaque pays apporte un rythme. Pouvez-vous faire la différence entre musique mandingue ou arabe ? C’est la même musique. Ce sont les langues qui changent et comme les blancs sont venus nous diviser, moi ça me gène.
Pourquoi ?
Oui, ça me gène parce que l’identité qu’on nous a donnée n’est pas ce que Dieu nous a donné. Ce sont les êtres humains qui sont venus nous diviser en disant tel est Camerounais ou tel est Congolais. Ce n’est pas une révolution.
Quand on parle d’Abidjan, à quel rythme pensez-vous ?
Il y a de grands chanteurs en Côte d’ivoire. Il ne faudrait pas qu’on identifie la Côte d’Ivoire au coupé-décalé. Parce que c’est souiller la mémoire des gens comme François Lougah, Ernesto Djédjé. J’ai interprété leurs chansons dans des cabarets au Cameroun ; je ne connaissais pas leur langue et j’étais obligé de résumer en français. Je ne voudrais pas, pour l’amour de la musique, que le coupé décale soit identifié par la musique ivoirienne. Je suis désolé.
Mais c’est cette musique qui est beaucoup prisée ?
Je ne dis pas que ce n’est pas une musique. Mais il y a eu la pop music, le Rock, le blues et le jazz et la musique classique. On ne peut pas avoir un diplôme de musique sans passer par la musique classique, c’est-à-dire, c’est là que vous trouvez tout ce qu’il y a comme élément pour faire la musique. J’aime beaucoup le coupé-décalé mais je ne sais même pas ce qui se passe là-dedans. Seulement, je voudrais qu’on salue la mémoire de ceux qui ont fait la musique ici. A savoir ceux que je viens de citer et même A’salfo, Meiway, David Tayorault, Bailly Spinto.

Entretien réalisé par Renaud Djatchi
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