«Notre pays étonnera le monde… ». Telle a été l’annonce prophétique faite en fin d’année 2011 par Alassane Ouattara au moment où tous ses soutiens politico-financiers extérieurs le présentaient comme le «messie» venu «délivrer la Côte d’Ivoire». En 2012, on a beau écarquiller les yeux, porter des loupes, on n’a pas vu ce qui a étonné le monde. Sauf s’il est question d’exactions inqualifiables sur les partisans de Laurent Gbagbo.
Lors de sa visite « historique » en Côte d’Ivoire, la présidente du Fmi, Christine Lagarde, dans un esprit de soutien à un membre du clan, prophétise un «deuxième miracle ivoirien, un miracle qui peut voir le jour, cela ne fait aucun doute» (discours à l’assemblée nationale).
Il est peut-être trop tôt pour juger de la qualité de cette prophétie. Mais après deux années de gestion Ouattara, on est certain que cette prophétie risque de ne jamais s’accomplir sous ce régime. Ne dit-on pas que « c’est la queue qui détermine l’animal » ?
De nombreuses données indiquent, en effet, que le pays se retrouve aujourd’hui dans un état économique inquiétant en dépit des apparences soutenues par des campagnes de communication démagogiques destinées à frapper les esprits des partisans indécrottables et un réseautage pour convaincre les investisseurs internationaux. Telles que « l’argent ne circule pas parce qu’il travaille ». Alors que si l’argent travaillait réellement, on aurait senti une vivacité de l’activité économique dans le pays et chaque citoyen aurait constaté les résultats dans son portefeuille.
Que constate-t-on réellement? Une chute des recettes fiscales (un gap de 34 milliards FCFA au cours du premier trimestre) et douanières (le trafic du Port autonome d’Abidjan a chuté de 26%. Or, ce port est considéré comme le poumon économique du pays.), un niveau d’investissements bien en-deçà des prévisions, une inflation non maîtrisée qui affecte le niveau de consommation des ménages etc. Tout ceci verni par une incompétence dédaigneuse de l’administration Ouattara (du fait d’agents de bas niveau recrutés comme récompense de guerre), une impéritie d’un régime paralysé par l’ombre omnipotent du président Laurent Gbagbo (chef d’État expérimenté, historien et démocrate de vocation, déporté à la Haye à la suite d’une guerre à lui menée par la communauté internationale).
Tous ces facteurs se conjuguent pour rendre le contexte socio-économique inextricable et inquiéter les traditionnels partenaires de la Côte d’Ivoire. Sinon comment expliquer que les intentions de financement du Pnd n’aient pas encore été concrétisées au bénéfice de celui qui a été présenté comme «la chance de l’avenir de la Côte d’Ivoire» (Obama), un véritable chef d’Etat (Sarkozy). Et que tous les voyages à travers le monde «pour chercher de l’argent» se soient avérés infructueux.
Plutôt vers un mirage
Pour qu’il y ait possibilité de « miracle », il faudrait que la politique libérale choisie par Alassane Ouattara soit enrobée de substances nécessaires au progrès économique comme pouvait l’écrire Adam Smith. Parmi ces conditions institutionnelles figurent en bonne place l’Etat de droit, la bonne gouvernance économique, l’émergence d’un entrepreneuriat dynamique qui tire le progrès économique. Ce que Christine Lagarde appelle « Plus d’investissements, une meilleure inclusion et une gouvernance plus solide» (ibid).
La Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara suit-elle ce modèle? On en doute fort.
D’abord, la Côte d’Ivoire est trop dépendante de l’extérieur. Le récent séminaire du Front populaire ivoirien (Fpi) sur le surendettement de la Côte d’Ivoire par Alassane Ouattara a révélé qu’il n’y a pas une véritable politique d’encouragement à la production nationale. Avec le partenariat public-privé, presque tous les secteurs importants de l’économie nationale sont contrôlés par le privé extérieur avec des investissements non marchands pour la plupart. En plus, le système économique mise sur une spécialisation de « l’économie nationale » dans quelques cultures d’exportation dont les cours fluctuent (café, cacao, bois etc.). Un tel système est voué à l’échec.
Ensuite, et pas le moindre, l’entrepreneuriat local est délibérément étouffé au profit des multinationales (dont la plupart ont financé la guerre en Côte d’Ivoire). Une sorte de retour de l’ascenseur qui se gère dans les officines secrètes. Raison pour laquelle Alassane Ouattara a pris le contrôle des marchés publics. Le libéralisme dont il se prévaut n’a pas encore amélioré sa note depuis deux ans d’exercice du pouvoir dans l’index de liberté économique. Comme le disait un penseur, on cherche en réalité le libéralisme en Côte d’Ivoire. Car privatiser une économie ne revient pas à la libéraliser : il faut réellement permettre les réformes institutionnelles en faveur de toutes les entreprises. On apprend à propos que dans le secteur bancaire, le gouvernement est en train de dépecer malicieusement les banques nationales au profit de grosses multinationales. Ce qui va conduire inévitablement à de dangereux monopoles privés. Tout simplement parce que big business et gros contrats signifient corruption, favoritisme, clientélisme et passe-droits dans la Côte d’Ivoire actuelle. Exemples patents : ces forces parallèles et internes qui écument tous les pôles économiques.
Pour ce qui est de l’Etat de droit, point n’est besoin de faire de longs développements. Les organisations internationales des droits de l’homme se sont longuement répandues sur la question. Outre les tortures, elles dénoncent le bâillonnement de l’opposition et les entraves à la liberté syndicale. Que dire du rattrapage ethnique qui crée un malaise profond au sein de la société, une division profonde entre « privilégiés » et « bannis ».
En somme, il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que l’économie ivoirienne va à la dérive. Des chefs d’entreprises nous confiaient récemment qu’ils n’ont jamais été autant éprouvés depuis l’avènement de Alassane Ouattara. L’Union européenne, porte-parole des partenaires techniques et financiers de la Côte d’Ivoire, n’entretient pas l’espoir. Elle qui vient de demander une fois de plus au gouvernement de revoir sa copie sur l’Etat de droit et la gouvernance économique avant tout décaissement des fonds destinées au financement du Pnd. Or le gouvernement ne jure que sur l’argent du Pnd (un dérivé du Dsrp élaboré par le pouvoir Gbagbo, lequel document a pesé de tout son poids dans l’atteinte du point d’achèvement) pour engager des investissements. Comme quoi il ne suffit pas d’être un homme du milieu financier et bénéficier d’un réseautage pour décréter l’émergence de son pays. Un miracle économique est-il possible pour une économie basée, deux années durant, sur la mendicité d’Etat? On ne peut le croire.
J-S Lia
Lors de sa visite « historique » en Côte d’Ivoire, la présidente du Fmi, Christine Lagarde, dans un esprit de soutien à un membre du clan, prophétise un «deuxième miracle ivoirien, un miracle qui peut voir le jour, cela ne fait aucun doute» (discours à l’assemblée nationale).
Il est peut-être trop tôt pour juger de la qualité de cette prophétie. Mais après deux années de gestion Ouattara, on est certain que cette prophétie risque de ne jamais s’accomplir sous ce régime. Ne dit-on pas que « c’est la queue qui détermine l’animal » ?
De nombreuses données indiquent, en effet, que le pays se retrouve aujourd’hui dans un état économique inquiétant en dépit des apparences soutenues par des campagnes de communication démagogiques destinées à frapper les esprits des partisans indécrottables et un réseautage pour convaincre les investisseurs internationaux. Telles que « l’argent ne circule pas parce qu’il travaille ». Alors que si l’argent travaillait réellement, on aurait senti une vivacité de l’activité économique dans le pays et chaque citoyen aurait constaté les résultats dans son portefeuille.
Que constate-t-on réellement? Une chute des recettes fiscales (un gap de 34 milliards FCFA au cours du premier trimestre) et douanières (le trafic du Port autonome d’Abidjan a chuté de 26%. Or, ce port est considéré comme le poumon économique du pays.), un niveau d’investissements bien en-deçà des prévisions, une inflation non maîtrisée qui affecte le niveau de consommation des ménages etc. Tout ceci verni par une incompétence dédaigneuse de l’administration Ouattara (du fait d’agents de bas niveau recrutés comme récompense de guerre), une impéritie d’un régime paralysé par l’ombre omnipotent du président Laurent Gbagbo (chef d’État expérimenté, historien et démocrate de vocation, déporté à la Haye à la suite d’une guerre à lui menée par la communauté internationale).
Tous ces facteurs se conjuguent pour rendre le contexte socio-économique inextricable et inquiéter les traditionnels partenaires de la Côte d’Ivoire. Sinon comment expliquer que les intentions de financement du Pnd n’aient pas encore été concrétisées au bénéfice de celui qui a été présenté comme «la chance de l’avenir de la Côte d’Ivoire» (Obama), un véritable chef d’Etat (Sarkozy). Et que tous les voyages à travers le monde «pour chercher de l’argent» se soient avérés infructueux.
Plutôt vers un mirage
Pour qu’il y ait possibilité de « miracle », il faudrait que la politique libérale choisie par Alassane Ouattara soit enrobée de substances nécessaires au progrès économique comme pouvait l’écrire Adam Smith. Parmi ces conditions institutionnelles figurent en bonne place l’Etat de droit, la bonne gouvernance économique, l’émergence d’un entrepreneuriat dynamique qui tire le progrès économique. Ce que Christine Lagarde appelle « Plus d’investissements, une meilleure inclusion et une gouvernance plus solide» (ibid).
La Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara suit-elle ce modèle? On en doute fort.
D’abord, la Côte d’Ivoire est trop dépendante de l’extérieur. Le récent séminaire du Front populaire ivoirien (Fpi) sur le surendettement de la Côte d’Ivoire par Alassane Ouattara a révélé qu’il n’y a pas une véritable politique d’encouragement à la production nationale. Avec le partenariat public-privé, presque tous les secteurs importants de l’économie nationale sont contrôlés par le privé extérieur avec des investissements non marchands pour la plupart. En plus, le système économique mise sur une spécialisation de « l’économie nationale » dans quelques cultures d’exportation dont les cours fluctuent (café, cacao, bois etc.). Un tel système est voué à l’échec.
Ensuite, et pas le moindre, l’entrepreneuriat local est délibérément étouffé au profit des multinationales (dont la plupart ont financé la guerre en Côte d’Ivoire). Une sorte de retour de l’ascenseur qui se gère dans les officines secrètes. Raison pour laquelle Alassane Ouattara a pris le contrôle des marchés publics. Le libéralisme dont il se prévaut n’a pas encore amélioré sa note depuis deux ans d’exercice du pouvoir dans l’index de liberté économique. Comme le disait un penseur, on cherche en réalité le libéralisme en Côte d’Ivoire. Car privatiser une économie ne revient pas à la libéraliser : il faut réellement permettre les réformes institutionnelles en faveur de toutes les entreprises. On apprend à propos que dans le secteur bancaire, le gouvernement est en train de dépecer malicieusement les banques nationales au profit de grosses multinationales. Ce qui va conduire inévitablement à de dangereux monopoles privés. Tout simplement parce que big business et gros contrats signifient corruption, favoritisme, clientélisme et passe-droits dans la Côte d’Ivoire actuelle. Exemples patents : ces forces parallèles et internes qui écument tous les pôles économiques.
Pour ce qui est de l’Etat de droit, point n’est besoin de faire de longs développements. Les organisations internationales des droits de l’homme se sont longuement répandues sur la question. Outre les tortures, elles dénoncent le bâillonnement de l’opposition et les entraves à la liberté syndicale. Que dire du rattrapage ethnique qui crée un malaise profond au sein de la société, une division profonde entre « privilégiés » et « bannis ».
En somme, il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que l’économie ivoirienne va à la dérive. Des chefs d’entreprises nous confiaient récemment qu’ils n’ont jamais été autant éprouvés depuis l’avènement de Alassane Ouattara. L’Union européenne, porte-parole des partenaires techniques et financiers de la Côte d’Ivoire, n’entretient pas l’espoir. Elle qui vient de demander une fois de plus au gouvernement de revoir sa copie sur l’Etat de droit et la gouvernance économique avant tout décaissement des fonds destinées au financement du Pnd. Or le gouvernement ne jure que sur l’argent du Pnd (un dérivé du Dsrp élaboré par le pouvoir Gbagbo, lequel document a pesé de tout son poids dans l’atteinte du point d’achèvement) pour engager des investissements. Comme quoi il ne suffit pas d’être un homme du milieu financier et bénéficier d’un réseautage pour décréter l’émergence de son pays. Un miracle économique est-il possible pour une économie basée, deux années durant, sur la mendicité d’Etat? On ne peut le croire.
J-S Lia