C’est incontestable monsieur le président, vous avez battu avant la fin de votre mandat, le record Guinness ivoirien de voyage présidentiel. Mais en même temps, jamais les sorties des présidents n’ont été aussi infructueuses au plan financier si tant est que c’est cela le but de vos nombreux voyages. Monsieur le président, notre pays a connu un traitement de mépris pendant les dix dernières années de la part de certains de nos amis de la sous régions et a fait l’objet de commentaires de toute nature sauf la vérité sur nos réalités. Il est vrai que nous mêmes, pour notre propre intérêt, avons souvent déformé la réalité. Ainsi, c’est l’ombre de certains d’entre nous qui flotte derrière les séquences du film sur « la poudrière identitaire du réalisateur belge » qui a diffusé à travers le monde qu’il y a l’exclusion ethnique en côte d’ivoire. Ce sont encore certains d’entre nous qui sont soupçonnés d’avoir orchestré la campagne contre la côte d’ivoire qui fait des enfants burkinabé et maliens des esclaves dans les plantations de café et de cacao dans nos plantations. Toutes choses qui ont servi d’arguments pour justifier la crise armée avant d’expliquer la nécessité de mettre Laurent Gbagbo hors d’état de nuire en le chassant par tous les moyens du palais présidentiel. Pendant dix bonnes années, tout ce qui a été entrepris pour dépeindre Gbagbo a contribué à rabaisser l’image du pays lui-même. Aussi, de tels clichés sont difficiles à effacer d’un coup de baguette magique. Monsieur le président, vous ne pouvez pas convaincre ainsi les bailleurs de fonds et autre « faiseurs » du monde à décréter la côte d’ivoire subitement un pays de paix avec une économie florissante qui attend d’être redynamisée. C’est pourquoi nous pensons que la meilleure des actions à mener est de niveler les secteurs contenus dans les indices d’appréciation dans les classements des pays fréquentables, et vous verrez, ceux que vous cherchez viendront et avec l’argent. Vous le savez mieux que quiconque que l’un des premiers avantages des renonciations de dettes par l’obtention d’achèvement de l’initiative PPTE a été de restituer à notre pays son éligibilité sur le marché de l’endettement avec un taux très excellent en la matière. Nous croyons pourtant difficilement aux communiqués qui annoncent que vous rentrez de voyage avec des milliards dans vos valises et des plus de billets de banque tombent sur notre pays. Tant que nous passerons au travers de ces gouttes de pluie d’argent qui ne mouillent personne et avec ses activités d’argent fantôme qu’on ne voit ni circuler ni les effets de ses activités, il sera difficile de croire que vos voyages nous rapportent de l’argent. Et puis, monsieur le président, l’argent seul ne construit pas un pays émergent. Autant il est admis que science sans conscience n’est que ruine de l’âme, autant l’argent n’ayant de valeur que par ce que l’on en fait, n’est que liasses de billets sans la place prépondérante de l’homme au début et à la fin de son utilisation. Quelle est la situation sociale aujourd’hui en côte d’ivoire au plan de la sécurité, de la justice, de la bonne gouvernance et tout le reste ? Croyez-moi monsieur le président, ce n’est pas un sujet qui relève du bois sacré. Dès que la réconciliation sera effective, que l’embauche, les réinsertions et les promotions dans la fonction publique ne seront pas sujets à la volonté de rattrapage, que tous les hommes en arme dans le pays ne seront que des agents des corps constitués et reconnus dans l’armée nationale, en somme dès le retour de la normalité, les investisseurs viendront d’eux même. Feu Balla Kéita disait que le premier produit d’exportation de la côte d’ivoire n’était pas le cacao mais Félix Houphouët-Boigny par sa politique de paix et de stabilité politique. Vous saviez tout ça et vous avez dit aux Ivoiriens de vous donner seulement cinq ans pour leur bâtir le pays dont rêve tout citoyen. Monsieur le président, si vous restiez un peu souvent avec nous dans le pays, vous comprendrez nos cris qui expriment que notre rêve a changé. Nous voulons un pays où l’on peut voyager en sécurité à toute heure et sur tous les tronçons, où l’on peut se loger décemment et selon des règles claires entre les propriétaires et les locataires, où les femmes peuvent convoyer sereinement les produits vivriers du village jusqu’au marché gouro à Abidjan, un pays où les citoyens peuvent parler de politique sans suspicion et menace en tout genre, bref, où on a un président qui nous écoute et agit quand nous exprimons nos complaintes. Voici des situations qui attiraient les bailleurs du monde entier qui défilaient ici pour nous proposer des crédits. Arrêtez donc de courir à travers le monde, reposez-vous un peu monsieur le président, ramenons la paix et revivons ensemble dans la confiance retrouvée dans les uns et les autres et vous verrez. Une doléance monsieur le président, demandez à vos ministres de vérifier les critiques et les révélations et interpellations des ONG internationales qui publient l’état des indices de classement des pays sur les registres divers dans les livres du développement, et de voir de plus près comment corriger les insuffisances plutôt que de réagir par des communiqués et autres interventions qui finalement ne convainquent personne et mettent plutôt à mal nos relations avec le milieu. Les policiers disent en cela, « ne compliquons pas notre cas ». Rendez-vous dans quinze jours monsieur le président. D’ici là, faites un bon voyage pour le prochain tour.
Georges AMANI
Georges AMANI