Saran Koly est coordinatrice de la Communication au département Afrique Sub-saharienne de Transparency International. Dans cette interview, elle explique pourquoi la corruption est si accentué dans les pays africains.
Notre Voie : Quel est l’impact de la corruption en Afrique ?
Saran Koly : Selon une enquête de la Banque mondiale, l’Afrique perd 148 milliards de dollars américains chaque année à cause de la corruption. Ce qui représente 25% du Produit intérieur brut du continent. L’impact est d’autant plus fort qu’il y a beaucoup de ressources naturelles en Afrique. La corruption n’est pas seulement nationale. Elle est aussi transnationale et transfrontalière. Elle part d’un pays ou d’une région et se répand ailleurs. C’est d’ailleurs pour ça que dans les débats, on parle de récupération des avoirs, de l’accaparement des terres....
N.V. : Comment lutter efficacement contre la corruption en Afrique ?
S.K. : Pour lutter efficacement, il faut favoriser l’accès de tous à l’information. Les citoyens doivent être informés des dépenses publiques. Ils doivent participer aux prises de décisions. La société civile doit être libre et forte. En outre, il faut renforcer la capacité des institutions étatiques. Tout cela doit bien sûr s’accompagner d’une volonté politique.
N.V. : Quel regard portez-vous sur les efforts des Etats ces dernières années ?
S.K. : Les choses vont dans le bon sens. Dans certains pays, la société civile est forte, tandis que dans d’autres, ce n’est pas encore le cas. Donc le niveau d’engagement des citoyens est différent selon les pays. De façon concrète, chaque fois qu’il y a des dénonciations de corruption ou des actions allant dans le sens du renforcement de la bonne gouvernance, ça fait avancer les choses. La société civile, on l’a dit, est très impliquée. Dans les sections nationales de Transparency International nous avons des centres d’aides juridiques et d’actions citoyennes (CAJAC) qui encadrent et accompagnent les citoyens.
N.V. : Quelles sont les actions concrètes menées par les sections nationales de Transparency International ?
S.K. : Au Sénégal, nous sommes représentés par le Forum civil. Depuis quelques années, ce partenaire fait la promotion de la bonne gouvernance. Récemment, le Forum a distingué 25 collectivités locales pour les encourager en leur octroyant la certification citoyenne de la bonne gouvernance. La certification citoyenne s’arcboute sur cinq principes que sont l’efficacité, l’équité, la participation, l’obligation de rendre compte et la transparence. Son ambition est de mettre à jour un cadre normatif et institutionnel approprié pour rendre la mobilisation citoyenne nécessaire et assurer aux politiques publiques le maximum d’efficacité. Monitoring des élections TI Cameroun. Transparency International Cameroon (TI-C) a organisé le 10 mai dernier au Centre Jean XXIII de Mvolyé à Yaoundé, un atelier de formation à l’intention des représentants des partis politiques. L’objectif était de veiller à la transparence, à l’équité et à la régularité du double scrutin législatif et municipal à venir.
N.V. : Que pensez-vous des structures de lutte créées ces dernières années dans certains pays africains ?
S.K. : Vous faites allusion aux observatoires et autres structures existant dans certains pays. De façon générale, ce sont des structures de contrôle qui ont plus vocation à s’assurer que les dispositifs de lutte contre la corruption mis en place par les gouvernements sont appliqués. C’est positif, parce que, dans tous les cas, il s’agit d’une évolution. Cela dit, il faut que ces structures fonctionnent correctement. C’est-à-dire, elles doivent être véritablement libres et indépendantes du pouvoir économique. Il est bon de savoir que pour lutter efficacement contre la corruption, aussi bien l’Etat, le secteur privé que la société civile doivent conjuguer leurs efforts.
N.V.: Pourquoi la corruption est-il si forte dans les pays du Tiers-monde au regard du classement de Transparency international ?
S.K. : L’indice de perception c’est de cela qu’il s’agit ici, c’est le condensé des statistiques de plusieurs organismes internationaux, notamment la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Fonds monétaire internationale, pour ne citer que ceux-là. L’objectif de ce classement est d’ouvrir le débat sur la corruption. Ce n’est pas parce que des pays ne sont pas classés au top qu’ils ne sont touchés par le phénomène. Comme le nom l’indique, il s’agit juste d’une perception des experts.
Pour revenir à la question, dans les pays du Tiers-monde, notamment, ceux d’Afrique, le plus souvent, les institutions étatiques sont faibles. La bonne gouvernance repose sur un ensemble de piliers : les médias, la justice, la société civile et bien d’autres choses. Les médias doivent être libres, la société civile forte et la justice crédible. Quand un des maillons de la chaîne est faible, c’est une brèche favorisant la corruption. Cela arrive lorsqu’un pays est dirigé par un régime totalitaire ou quand il se trouve en situation de conflit. Vous convenez que ce sont des situations qu’on voit dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique. La faiblesse des institutions étatiques dans ces Etats est un terreau favorable à la corruption
N.V. : Est-ce à dire que la corruption est un problème politique ?
S.K. : Lorsque les richesses ne sont pas distribuées équitablement, l’éducation pas garantie à tous, la santé pas accessible au plus grand nombre personnes, les services de base inexistants, il y a un terreau favorable à la corruption. Pour annihiler toutes les velléités, il faut une volonté politique forte qui sanctionne sévèrement tous les cas révélés. La population doit être informée et rééduquée dans ce sens.
N.V. : La perception de la corruption n’est-elle pas une question culturelle?
S.K. : Bien qu'il existe différentes normes et traditions en matière de donner et d'accepter des cadeaux dans le monde, il est clair que l'abus de pouvoir à des fins personnelles de gain de ressources publiques ou privées est inacceptable dans toutes les cultures et sociétés. Cela est confirmé par notre enquête du Baromètre mondial de la corruption, qui analyse les opinions et les expériences de la corruption de personnes dans plus de 60 pays. Les formes et les causes de la corruption varient selon les pays. Cela implique que les meilleurs moyens d'y remédier diffèrent aussi. C'est pourquoi notre approche de la lutte contre la corruption est ancrée dans notre système de sections nationales qui sont gérées par des gens qui sont ancrés dans leurs sociétés et sont donc les mieux placés pour comprendre et lutter contre la corruption dans leurs pays respectifs.
Interview réalisée par
César Ebrokié
Notre Voie : Quel est l’impact de la corruption en Afrique ?
Saran Koly : Selon une enquête de la Banque mondiale, l’Afrique perd 148 milliards de dollars américains chaque année à cause de la corruption. Ce qui représente 25% du Produit intérieur brut du continent. L’impact est d’autant plus fort qu’il y a beaucoup de ressources naturelles en Afrique. La corruption n’est pas seulement nationale. Elle est aussi transnationale et transfrontalière. Elle part d’un pays ou d’une région et se répand ailleurs. C’est d’ailleurs pour ça que dans les débats, on parle de récupération des avoirs, de l’accaparement des terres....
N.V. : Comment lutter efficacement contre la corruption en Afrique ?
S.K. : Pour lutter efficacement, il faut favoriser l’accès de tous à l’information. Les citoyens doivent être informés des dépenses publiques. Ils doivent participer aux prises de décisions. La société civile doit être libre et forte. En outre, il faut renforcer la capacité des institutions étatiques. Tout cela doit bien sûr s’accompagner d’une volonté politique.
N.V. : Quel regard portez-vous sur les efforts des Etats ces dernières années ?
S.K. : Les choses vont dans le bon sens. Dans certains pays, la société civile est forte, tandis que dans d’autres, ce n’est pas encore le cas. Donc le niveau d’engagement des citoyens est différent selon les pays. De façon concrète, chaque fois qu’il y a des dénonciations de corruption ou des actions allant dans le sens du renforcement de la bonne gouvernance, ça fait avancer les choses. La société civile, on l’a dit, est très impliquée. Dans les sections nationales de Transparency International nous avons des centres d’aides juridiques et d’actions citoyennes (CAJAC) qui encadrent et accompagnent les citoyens.
N.V. : Quelles sont les actions concrètes menées par les sections nationales de Transparency International ?
S.K. : Au Sénégal, nous sommes représentés par le Forum civil. Depuis quelques années, ce partenaire fait la promotion de la bonne gouvernance. Récemment, le Forum a distingué 25 collectivités locales pour les encourager en leur octroyant la certification citoyenne de la bonne gouvernance. La certification citoyenne s’arcboute sur cinq principes que sont l’efficacité, l’équité, la participation, l’obligation de rendre compte et la transparence. Son ambition est de mettre à jour un cadre normatif et institutionnel approprié pour rendre la mobilisation citoyenne nécessaire et assurer aux politiques publiques le maximum d’efficacité. Monitoring des élections TI Cameroun. Transparency International Cameroon (TI-C) a organisé le 10 mai dernier au Centre Jean XXIII de Mvolyé à Yaoundé, un atelier de formation à l’intention des représentants des partis politiques. L’objectif était de veiller à la transparence, à l’équité et à la régularité du double scrutin législatif et municipal à venir.
N.V. : Que pensez-vous des structures de lutte créées ces dernières années dans certains pays africains ?
S.K. : Vous faites allusion aux observatoires et autres structures existant dans certains pays. De façon générale, ce sont des structures de contrôle qui ont plus vocation à s’assurer que les dispositifs de lutte contre la corruption mis en place par les gouvernements sont appliqués. C’est positif, parce que, dans tous les cas, il s’agit d’une évolution. Cela dit, il faut que ces structures fonctionnent correctement. C’est-à-dire, elles doivent être véritablement libres et indépendantes du pouvoir économique. Il est bon de savoir que pour lutter efficacement contre la corruption, aussi bien l’Etat, le secteur privé que la société civile doivent conjuguer leurs efforts.
N.V.: Pourquoi la corruption est-il si forte dans les pays du Tiers-monde au regard du classement de Transparency international ?
S.K. : L’indice de perception c’est de cela qu’il s’agit ici, c’est le condensé des statistiques de plusieurs organismes internationaux, notamment la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Fonds monétaire internationale, pour ne citer que ceux-là. L’objectif de ce classement est d’ouvrir le débat sur la corruption. Ce n’est pas parce que des pays ne sont pas classés au top qu’ils ne sont touchés par le phénomène. Comme le nom l’indique, il s’agit juste d’une perception des experts.
Pour revenir à la question, dans les pays du Tiers-monde, notamment, ceux d’Afrique, le plus souvent, les institutions étatiques sont faibles. La bonne gouvernance repose sur un ensemble de piliers : les médias, la justice, la société civile et bien d’autres choses. Les médias doivent être libres, la société civile forte et la justice crédible. Quand un des maillons de la chaîne est faible, c’est une brèche favorisant la corruption. Cela arrive lorsqu’un pays est dirigé par un régime totalitaire ou quand il se trouve en situation de conflit. Vous convenez que ce sont des situations qu’on voit dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique. La faiblesse des institutions étatiques dans ces Etats est un terreau favorable à la corruption
N.V. : Est-ce à dire que la corruption est un problème politique ?
S.K. : Lorsque les richesses ne sont pas distribuées équitablement, l’éducation pas garantie à tous, la santé pas accessible au plus grand nombre personnes, les services de base inexistants, il y a un terreau favorable à la corruption. Pour annihiler toutes les velléités, il faut une volonté politique forte qui sanctionne sévèrement tous les cas révélés. La population doit être informée et rééduquée dans ce sens.
N.V. : La perception de la corruption n’est-elle pas une question culturelle?
S.K. : Bien qu'il existe différentes normes et traditions en matière de donner et d'accepter des cadeaux dans le monde, il est clair que l'abus de pouvoir à des fins personnelles de gain de ressources publiques ou privées est inacceptable dans toutes les cultures et sociétés. Cela est confirmé par notre enquête du Baromètre mondial de la corruption, qui analyse les opinions et les expériences de la corruption de personnes dans plus de 60 pays. Les formes et les causes de la corruption varient selon les pays. Cela implique que les meilleurs moyens d'y remédier diffèrent aussi. C'est pourquoi notre approche de la lutte contre la corruption est ancrée dans notre système de sections nationales qui sont gérées par des gens qui sont ancrés dans leurs sociétés et sont donc les mieux placés pour comprendre et lutter contre la corruption dans leurs pays respectifs.
Interview réalisée par
César Ebrokié