Cette année, le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro a décidé de rendre un témoignage sur ce qu’il s’est passé à Bouaké, un matin du 29 juin 2007. L’ancien Premier ministre, principale cible de l’avion présidentiel attaqué, raconte comment il a vécu cet attentat.
« 29 Juin 2007! Jour fatidique. Jour de douleurs vives. Ce jour-là, j’avais compris la mort. Je l’avais presque acceptée avec sérénité. Indifférence ? Les images de l’effroi se bousculent. Tout devient noir et rouge. Rouge du sang du caporal Diomandé, mon garde du corps, qui dégouline sur moi. Car j’avais admis la mort. Les images ont défilé dans mon cerveau embrouillé. Le noir s’est emparé de l’avion. Et je ne voyais pas ces corps affalés sur les sièges. Je sors de l’avion quelque peu hébété. Je ne réalise pas encore ce qui vient de se passer. Disons que je ne l’accepte pas, car je ne peux pas comprendre. Pourtant, c’est aux magistrats que je devais m’adresser ce jour-là. Hélas, ce sont plutôt les roquettes de la mort que je devrais affronter.
Arrivé dans mon bureau du Secrétariat général des Forces nouvelles, je frissonne encore. Je regarde mes habits tachés du rouge (sang). Je me touche et pourtant je ne ressens pas de douleur. Je me tâte ! Curieux je ne suis pas blessé ! Tout me revient. C’est le sang du caporal Diomandé. Ce garde du corps qui a eu le réflexe de courir à moi dès qu’il a entendu l’explosion. Il voulait me couvrir de son corps pour me protéger. Il pensait que son corps serait un solide paravent pour moi. C’est cet acte qui lui a coûté la vie. Dans sa course à moi, un éclat de roquette lui a tranché le bras et l’omoplate. Il s’est alors affalé sur moi murmurant « chef, je suis touché ». Je ne sais que répondre. Un peu hagard, je lui rétorque : « Non, Tu n’es pas touché ». Non, en effet je refuse d’admettre la réalité. Non, je ne veux pas qu’il meure. Hélas, il se vide de sang sous mes yeux. Ses yeux deviennent vitreux. Je sens la mort dans son regard. Je ne sais que faire ! Je détourne mon regard. À sa suite, je vois Soul (ndlr : Koné Souleymane, le directeur du protocole) étendu et saignant qui me chuchote : « moi aussi je suis blessé ». Je comprends que nous sommes dans un cauchemar. Le cauchemar du 29 juin 2007. Je veux en sortir mais je suis prisonnier de l’avion. Je demande à Hermann, (ndlr : Le lieutenant Hermann Koné) mon aide de camp : « dis-moi qu’est-ce qui se passe ? » Et c’est Kouamé Jean-Baptiste (chef de la sécurité rapprochée) qui me répond : « chef, on tire sur l’avion ». « Comment ça ? » répliquais-je. Et JB de continuer : « on tire de partout sur l’avion ». Ce 29 juin ne s’oubliera jamais.Le ministre Alain Lobognon doit créer l’Association des rescapés du 29 juin pour cultiver la solidarité entre les membres que le destin a réunis ce jour-là, pour remercier Dieu de la prolongation qu’il nous permet de disputer sur la terre des Hommes. Car le 29 juin 2007, le destin aurait pu se terminer dans le noir et le rouge. Ave »
Guillaume Kigbafori Soro
« 29 Juin 2007! Jour fatidique. Jour de douleurs vives. Ce jour-là, j’avais compris la mort. Je l’avais presque acceptée avec sérénité. Indifférence ? Les images de l’effroi se bousculent. Tout devient noir et rouge. Rouge du sang du caporal Diomandé, mon garde du corps, qui dégouline sur moi. Car j’avais admis la mort. Les images ont défilé dans mon cerveau embrouillé. Le noir s’est emparé de l’avion. Et je ne voyais pas ces corps affalés sur les sièges. Je sors de l’avion quelque peu hébété. Je ne réalise pas encore ce qui vient de se passer. Disons que je ne l’accepte pas, car je ne peux pas comprendre. Pourtant, c’est aux magistrats que je devais m’adresser ce jour-là. Hélas, ce sont plutôt les roquettes de la mort que je devrais affronter.
Arrivé dans mon bureau du Secrétariat général des Forces nouvelles, je frissonne encore. Je regarde mes habits tachés du rouge (sang). Je me touche et pourtant je ne ressens pas de douleur. Je me tâte ! Curieux je ne suis pas blessé ! Tout me revient. C’est le sang du caporal Diomandé. Ce garde du corps qui a eu le réflexe de courir à moi dès qu’il a entendu l’explosion. Il voulait me couvrir de son corps pour me protéger. Il pensait que son corps serait un solide paravent pour moi. C’est cet acte qui lui a coûté la vie. Dans sa course à moi, un éclat de roquette lui a tranché le bras et l’omoplate. Il s’est alors affalé sur moi murmurant « chef, je suis touché ». Je ne sais que répondre. Un peu hagard, je lui rétorque : « Non, Tu n’es pas touché ». Non, en effet je refuse d’admettre la réalité. Non, je ne veux pas qu’il meure. Hélas, il se vide de sang sous mes yeux. Ses yeux deviennent vitreux. Je sens la mort dans son regard. Je ne sais que faire ! Je détourne mon regard. À sa suite, je vois Soul (ndlr : Koné Souleymane, le directeur du protocole) étendu et saignant qui me chuchote : « moi aussi je suis blessé ». Je comprends que nous sommes dans un cauchemar. Le cauchemar du 29 juin 2007. Je veux en sortir mais je suis prisonnier de l’avion. Je demande à Hermann, (ndlr : Le lieutenant Hermann Koné) mon aide de camp : « dis-moi qu’est-ce qui se passe ? » Et c’est Kouamé Jean-Baptiste (chef de la sécurité rapprochée) qui me répond : « chef, on tire sur l’avion ». « Comment ça ? » répliquais-je. Et JB de continuer : « on tire de partout sur l’avion ». Ce 29 juin ne s’oubliera jamais.Le ministre Alain Lobognon doit créer l’Association des rescapés du 29 juin pour cultiver la solidarité entre les membres que le destin a réunis ce jour-là, pour remercier Dieu de la prolongation qu’il nous permet de disputer sur la terre des Hommes. Car le 29 juin 2007, le destin aurait pu se terminer dans le noir et le rouge. Ave »
Guillaume Kigbafori Soro