Interview exclusive et inédite de l’Honorable Alphonse Soro. L’actualité politique ces derniers temps, est beaucoup fournie. Nous avons rencontré récemment le président de l’Alliance pour le Changement, le député Alphonse Soro. Dans cet entretien, le député de Karakoro et Komboro donne son avis sur le refus de pardon du FPI, les dernières sorties de KKB, la candidature du chef de l’Etat, la capture d’Amadé Ouéremi, le lynchage manqué du ministre Bacongo sur le campus son engagement auprès des victimes. Le président de l’APC profite de l’occasion pour apporter des précisions sur ces relations avec le président Ouattara, Guillaume Soro et l’après-Ouattara. Interview.
Le Patriote : Que dire de l’attitude du FPI qui refuse de demander pardon aux victimes ?
Alphonse Soro : C’est de l’Irresponsabilité extrême, suprême et inouïe. Désormais, les ivoiriens savent qui est le blocage du processus de réconciliation nationale puisque les autres acteurs ont demandé pardon aux ivoiriens malgré leur degré de responsabilité relative. Et dire que ces gens la (le FPI) ont pu nous diriger pendant dix ans, j’ai mal! Il faut un isolement du FPI et considérer "le pardon"comme préalable à sa prise en compte comme acteur de la vie politique nationale, il faut marginaliser ce groupuscule extrémiste. La réconciliation des ivoiriens est possible sans les petits politiciens aux chantages ireverencieux. Dès à présent je demande aux jeunes épris de paix, de mettre le FPI en observation sur toute l’étendue du territoire. On ne peut pas demander l’amnistie et en même temps nier sa responsabilité. Si nous ne prenons garde, on part inexorablement vers la négation des massacres de la crise postelectorale. Cela n’est pas acceptable.
LP : Que pensez vous des nombreuses sorties médiatiques de KKB ?
AS : J’ai d’abord hésité et méditer sur l’opportunité de répondre à KKB, parce que les loups ne se mangent pas entre eux. Depuis le milieu des années 90, KKB était à la CERAC (NDLR : Comité estudiantin de Réflexion et d’Actions concrètes) quand nous étions à la FESCI et nous avons tous été les jeunes acteurs de l’activisme syndical et politique du pays. De plus, la réaction du président Henri Konan Bédié est tombé comme un couperet dans ce débat galopant PDCIste. Le président Bédié a mis les points sur les i. Donc, inutile de tirer sur une ambulance.
Cela dit, il me semble important de ne pas rater l’occasion historique de rappeler deux choses : le peuple du Nord avait toujours été PDCI-RDA et a même donné au PDCI son premier député en la personne de Félix Houphouët-Boigny qui a été élu pour la première fois à Korhogo. Et c’est en cette qualité qu’il intégra l’Assemblée constituante française. J’ajoute qu’à cause du PDCI-RDA, à l’époque, le peuple du Nord a même banni au profit du président Houphouët, un de ses fils, Sékou Sanogo, qui a voulu détourner les populations du Nord vers un autre parti.
C’est l’ivoirité qui est à l’origine du divorce, l’ivoirité que le président Henri Konan Bédié a reconnu avoir été dévoyé. Cela a été considéré comme une haute trahison du PDCI pour les populations du Nord. Si bien qu’elles ont été obligées de se retrouver dans le RDR pour lutter contre cette politique qui tendait à les humilier. Le camarade KKB gagnerait à bien problématiser la question de la reconquête du Nord et du pouvoir par le PDCI et éviter de dire qu’il suffit de se procurer quelques kalachnikovs pour prendre le pouvoir.
Je souhaite m’arrêter là pour ce qui est du passé. Nos ainés, en se réunissant à nouveau dans le RHDP, ont vu juste. Il nous appartient à nous leurs enfants de travailler à consolider cette alliance qu’ils ont créée en sortant du bolchévisme politique. J’ai d’ailleurs demandé à le voir pour qu’on discute, mais KKB me fuit et cela laisse penser qu’il est accroché à un plan B auquel il ne souhaite pas renoncer.
LP : Que pensez-vous également de la sortie de Blé Guirao qui parle de la gourmandise de certains cadres du RDR et de leur inaccessibilité ?
AS : Je lis les coups de gueules de Blé Guirao que je partage en partie. Au cours d’une rencontre de la jeunesse à Bouaké, nous avions tiré sur la sonnette d’alarme quant à l’inaccessibilité des cadres du RHDP qui pensent que le combat pour la conquête du pouvoir étant gagné, il faut maintenant penser à remplir sa panse sans songer à comment le conserver. Malheureusement pour eux, il faut qu’ils sachent que l’adversaire, lui, ne s’arrête jamais de chercher à reconquérir le pouvoir perdu. Les gens se mettent facilement à rêver qu’on va faire 30 ans au pouvoir. Je tiens à leur dire que c’est une grande méprise de leur part. Il faut garder la porte ouverte à la jeunesse qui est le fer de lance de cette lutte au lieu de la mépriser et la rejeter. Je le vois parfois par le regard que l’on porte sur moi-même. Nous avons connu beaucoup de morts sur la route de la conquête du pouvoir. Des gens sont tombés sur le champ d’honneur. D’autres ont disparu. Aujourd’hui, nous comptons encore de nombreux handicapés dans nos rangs. Il faut qu’on se rappelle de cela et qu’on arrête également de croire que ceux qui mènent des actions politiques actuellement n’ont rien à faire.
LP : Honorable, l’actualité est aussi les bagarres entre étudiants qui ont repris et le lynchage manqué du ministre Ibrahima Cissé Bacongo…
AS : Il n’est pas normal que les mêmes étudiants qui étaient là pendant ces dix dernières années quand l’université de Cocody était plus armée que le camp d’Akouédo, les mêmes Étudiants qui étaient là quand la FESCI vendait les chambres aux loubards et aux militaires, veuillent donner des leçons. Ils étaient tous là lorsque la FESCI est devenue un bras séculier du pouvoir FPI. Depuis plus de 10 ans, la FESCI a fait quelle revendication académique? Mais personne n’a osé lever le petit doigt et tous semblaient se réjouir de cette pétaudière universitaire où la recherche du savoir avait foutu le camp pour faire place à la formation de spécialistes politiciens et miliciens. Et subitement, quand le président Ouattara ressuscite les universités de Côte d’Ivoire qui sont maintenant comparables à celles des pays occidentaux, c’est là qu’on découvre qu’il y a des choses à revendiquer bruyamment. Ils oublient manifestement que tout ne peut être réglé à coups de baguette magique. Surtout si l’on tient compte de l’état des lieux au sortir de la crise. Comment se fait-il que tout d’un coup, ils s’excitent ? Rien à chercher, c’est de la pure manipulation. Ce sont nos anciens camarades FPI de la FESCI qui manipulent leurs petits. Mais nous avons les moyens de régler ce problème. Nous voulons interpeller les autorités universitaires qui ne semblent d’ailleurs pas avoir la bonne lecture et compréhension de la situation qui prévaut à l’Université. Nous voulons leur dire qu’il faut arrêter de rêver. Car, la FESCI est idéologiquement opposée au pouvoir actuel et rien ne la fera changer. Pas plus que les quelques strapontins, chartes de bonne conduite ou même des enveloppes glissées à Mian Augustin ne changeront quoi que ce soit. Que l’on se le tienne pour dit : le syndicalisme en milieu estudiantin ne s’étouffe pas, il se contrôle.
LP : La question de la Cour pénale internationale a ajourné sa décision dans l’audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo. Une décision qui a jeté l’émoi dans le milieu des victimes. Vous avez décidé de faire une marche de protestation avec elles au Plateau que certains ont critiqué pour le manque de coordination et de mobilisation. Vous avez annoncé d’autres actions de protestation, malgré tout. Pourquoi tant d’activisme auprès des victimes ?
AS : Croyez-moi, désormais nous seront aux côtés des victimes pour faire entendre leur voix. Le temps où on croyait que seule la voix du clan Gbagbo sur la question de la CPI avait pion sur rue, était révolu. Le temps où c’est seulement les partisans de Gbagbo qui battait le pavé à La Haye et partout dans les capitales du monde pour tenter de se faire passer pour la victime est passé. Nous nous organisons pour monter crescendo. Nous allons gagner en puissance dans la mobilisation d’ici le verdict final du jugement. Il est hors de question de refaire les mêmes erreurs du passé. Enjamber les corps encore chaud des victimes et faire passer par perte et profit la mort des milliers de victimes au prétexte d’une quelconque réconciliation des tropiques, c’est grandement ouvrir la porte à une autre guerre, une autre escalade de violences dans ce pays qui renoue en ce moment avec la stabilité et le développement. J’ai entendu plein de choses sur notre mobilisation du Plateau. Mais, il fallait commencer. 200 à 300 personnes devant le Palais de Justice ont suffi pour que soit pris en compte le point de vue de ces milliers de victimes silencieuses. Vous avez remarqué que ces mêmes voix qui ont de façon véhémente critiqué notre marche au Plateau sont restées anormalement aphones depuis.
LP : Amadé Ouéremi a été appréhendé et délogé du mont Péko. D’aucuns parlent d’un deal avec le pouvoir et accuse le pouvoir d’être complice des occupations illégales des terres à l’Ouest avec l’aide des dozos. Ces accusations sont-elles fondées pour vous ?
AS : On fait comme si Amadé Ouéremi est arrivé dans le mont Péko sous le président Alassane Ouattara. Or, il était là depuis 10 ans. Donc sous Laurent Gbagbo. Et rien n’a été fait pour l’y déloger. Pendant qu’eux sont restés dans le verbiage, le président Alassane Ouattara, lui, est passé aux actes. Au grand dam de ceux qui faisaient croire qu’Amadé Ouéremi était un envoyé de la République.
Sur cette question de l’Ouest, je suis contre l’occupation illégale des forêts de nos parents par des tiers et je suis pour que les dozos de cette localité soient cantonnés et reviennent à leur vocation ancienne et originale. Mais on a tendance à occulter le débat de fond. On a trop politisé cette affaire de terres à l’Ouest. Pour mettre fin à cela, il faut imaginer une commission parlementaire pour connaitre les tenants et les aboutissants objectifs. Car, il y a trop de manipulation. Certaines personnes feignent de ne pas savoir que beaucoup de gens, non originaires de la région et même de pays voisins, s’y sont installées depuis des lustres avec l’accord des populations autochtones. Malheureusement, ces personnes ont été chassées de manière violente par la cinquantaine de groupes miliciens qui régnait dans la région lorsque la crise militaire de 2002 a éclaté. Souvenez-vous qu’à cette période, il y a eu des départs massifs par convois de cars de ces personnes dans leur pays d’origine. Ces personnes-là, pourtant, vivaient en harmonie avec leurs tuteurs. Avec la fin de la crise, ce sont ces mêmes personnes qui semblent revenir. Je ne crois pas qu’il y ait de nouvelles personnes qui débarquent ou envahissent chaque jour l’Ouest comme on veut le faire croire.
LP : Le président de la République a annoncé récemment qu’il est candidat à sa propre succession. Quel est votre avis sur la question ?
AS : À Bouaké comme au Baron de Yopougon et partout en Côte d’Ivoire, nous continuons les mobilisations pour donner un répondant populaire à cette volonté du Chef de l’Etat. À chaque fois, les jeunes expriment leur souhait de voir le président de la République continuer ce qu’il a commencé. Nous estimons qu’il doit continuer les grands chantiers qu’il a déjà entamés à la tête du pays. Grâce au président Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire se transforme, vie ensemble et se développe radicalement.
LP : « La Lettre du Continent » a relaté que vous serez celui que le président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro utilise pour préparer l’après-Ouattara. Par ailleurs, on vous dit être son frère cadet.
AS : Ce sont des sornettes et fadaises de petits journalistes sans imagination. N’importe quoi de la part d’un bulletin qui se dit de scoops! Pourquoi ils ne viennent pas m’interroger? Stop à tous ces mensonges. Guillaume Soro n’est pas mon grand frère biologique, comme je l’entends souvent. Tous les Bakayoko seraient donc les petits frères de Hamed Bakayoko, tous les Ouattara, des enfants de Kong et tous les Konan, des enfants de Bédié. Quand à mes actions politiques, je ne suis en mission pour personne d’autre que le président Ouattara. Guillaume Soro ne m’a confié aucune mission, je dis bien aucune. De grâce, après vingt ans de vie de braise politique, laissez-moi avec le président Ouattara pour la reconstruction et le développement du pays. Je ne suis pas un politicien charlatan pour déjà connaître qui va lui succéder et quand. Il me revient aussi que des gens qui sont dans l’orbite du Président s’adonne également à ce petit jeu de me peindre comme tel et c’est dommage! Quand j’ai été encerclé et hué par un groupe de skinheads FPI à la sortie de la RTI en 2001, après l’émission Débat National, j’étais en mission pour qui ? Idem quand le Président Ouattara a été obligé de m’envoyer sa propre sécurité pour me soustraire du Palais de Culture après mon intervention au Forum pour la Réconciliation.
LP : On parle également d’une certaine guerre de succession entre le président Guillaume Soro et le ministre d’Etat Hamed Bakayoko. Quelle est votre position sur la question ?
AS : Succession à qui et de quoi ?
LP: Du Président Alassane Ouattara.
AS: J’espère que vous n’êtes pas au sérieux! Revenez me poser cette question à la fin du règne Ouattara. En ce moment, j’aurai à vous répondre. Mais après seulement deux ans de pouvoir, je n’ai pas le temps d’y penser. Mon curseur est ailleurs.
LP : Alphonse Soro, le Blé Goudé de Ouattara ?
AS : J’ai un défaut. Je refuse qu’avec tout ce qu’il a comme charge, se soit le Président de la République qui vienne répondre aux slogans politiques sortis des laboratoires adverses du genre « rattrapage ethnique », « l’argent ne circule pas », « justice des vainqueurs » etc. Tant que c’est le Président qui va parcourir le monde, revenir faire tout ce qu’il fait pour mettre le pays en chantier et c’est encore lui qui doit venir s’occuper de l’animation politique nationale, alors oui j’accepte ce qualificatif. Dans ce cas, je ne suis pas le Blé Goudé de Ouattara, mais plutôt Alphonse Soro de Ouattara.
Interview réalisée par
Jean Claude Coulibaly
Le Patriote : Que dire de l’attitude du FPI qui refuse de demander pardon aux victimes ?
Alphonse Soro : C’est de l’Irresponsabilité extrême, suprême et inouïe. Désormais, les ivoiriens savent qui est le blocage du processus de réconciliation nationale puisque les autres acteurs ont demandé pardon aux ivoiriens malgré leur degré de responsabilité relative. Et dire que ces gens la (le FPI) ont pu nous diriger pendant dix ans, j’ai mal! Il faut un isolement du FPI et considérer "le pardon"comme préalable à sa prise en compte comme acteur de la vie politique nationale, il faut marginaliser ce groupuscule extrémiste. La réconciliation des ivoiriens est possible sans les petits politiciens aux chantages ireverencieux. Dès à présent je demande aux jeunes épris de paix, de mettre le FPI en observation sur toute l’étendue du territoire. On ne peut pas demander l’amnistie et en même temps nier sa responsabilité. Si nous ne prenons garde, on part inexorablement vers la négation des massacres de la crise postelectorale. Cela n’est pas acceptable.
LP : Que pensez vous des nombreuses sorties médiatiques de KKB ?
AS : J’ai d’abord hésité et méditer sur l’opportunité de répondre à KKB, parce que les loups ne se mangent pas entre eux. Depuis le milieu des années 90, KKB était à la CERAC (NDLR : Comité estudiantin de Réflexion et d’Actions concrètes) quand nous étions à la FESCI et nous avons tous été les jeunes acteurs de l’activisme syndical et politique du pays. De plus, la réaction du président Henri Konan Bédié est tombé comme un couperet dans ce débat galopant PDCIste. Le président Bédié a mis les points sur les i. Donc, inutile de tirer sur une ambulance.
Cela dit, il me semble important de ne pas rater l’occasion historique de rappeler deux choses : le peuple du Nord avait toujours été PDCI-RDA et a même donné au PDCI son premier député en la personne de Félix Houphouët-Boigny qui a été élu pour la première fois à Korhogo. Et c’est en cette qualité qu’il intégra l’Assemblée constituante française. J’ajoute qu’à cause du PDCI-RDA, à l’époque, le peuple du Nord a même banni au profit du président Houphouët, un de ses fils, Sékou Sanogo, qui a voulu détourner les populations du Nord vers un autre parti.
C’est l’ivoirité qui est à l’origine du divorce, l’ivoirité que le président Henri Konan Bédié a reconnu avoir été dévoyé. Cela a été considéré comme une haute trahison du PDCI pour les populations du Nord. Si bien qu’elles ont été obligées de se retrouver dans le RDR pour lutter contre cette politique qui tendait à les humilier. Le camarade KKB gagnerait à bien problématiser la question de la reconquête du Nord et du pouvoir par le PDCI et éviter de dire qu’il suffit de se procurer quelques kalachnikovs pour prendre le pouvoir.
Je souhaite m’arrêter là pour ce qui est du passé. Nos ainés, en se réunissant à nouveau dans le RHDP, ont vu juste. Il nous appartient à nous leurs enfants de travailler à consolider cette alliance qu’ils ont créée en sortant du bolchévisme politique. J’ai d’ailleurs demandé à le voir pour qu’on discute, mais KKB me fuit et cela laisse penser qu’il est accroché à un plan B auquel il ne souhaite pas renoncer.
LP : Que pensez-vous également de la sortie de Blé Guirao qui parle de la gourmandise de certains cadres du RDR et de leur inaccessibilité ?
AS : Je lis les coups de gueules de Blé Guirao que je partage en partie. Au cours d’une rencontre de la jeunesse à Bouaké, nous avions tiré sur la sonnette d’alarme quant à l’inaccessibilité des cadres du RHDP qui pensent que le combat pour la conquête du pouvoir étant gagné, il faut maintenant penser à remplir sa panse sans songer à comment le conserver. Malheureusement pour eux, il faut qu’ils sachent que l’adversaire, lui, ne s’arrête jamais de chercher à reconquérir le pouvoir perdu. Les gens se mettent facilement à rêver qu’on va faire 30 ans au pouvoir. Je tiens à leur dire que c’est une grande méprise de leur part. Il faut garder la porte ouverte à la jeunesse qui est le fer de lance de cette lutte au lieu de la mépriser et la rejeter. Je le vois parfois par le regard que l’on porte sur moi-même. Nous avons connu beaucoup de morts sur la route de la conquête du pouvoir. Des gens sont tombés sur le champ d’honneur. D’autres ont disparu. Aujourd’hui, nous comptons encore de nombreux handicapés dans nos rangs. Il faut qu’on se rappelle de cela et qu’on arrête également de croire que ceux qui mènent des actions politiques actuellement n’ont rien à faire.
LP : Honorable, l’actualité est aussi les bagarres entre étudiants qui ont repris et le lynchage manqué du ministre Ibrahima Cissé Bacongo…
AS : Il n’est pas normal que les mêmes étudiants qui étaient là pendant ces dix dernières années quand l’université de Cocody était plus armée que le camp d’Akouédo, les mêmes Étudiants qui étaient là quand la FESCI vendait les chambres aux loubards et aux militaires, veuillent donner des leçons. Ils étaient tous là lorsque la FESCI est devenue un bras séculier du pouvoir FPI. Depuis plus de 10 ans, la FESCI a fait quelle revendication académique? Mais personne n’a osé lever le petit doigt et tous semblaient se réjouir de cette pétaudière universitaire où la recherche du savoir avait foutu le camp pour faire place à la formation de spécialistes politiciens et miliciens. Et subitement, quand le président Ouattara ressuscite les universités de Côte d’Ivoire qui sont maintenant comparables à celles des pays occidentaux, c’est là qu’on découvre qu’il y a des choses à revendiquer bruyamment. Ils oublient manifestement que tout ne peut être réglé à coups de baguette magique. Surtout si l’on tient compte de l’état des lieux au sortir de la crise. Comment se fait-il que tout d’un coup, ils s’excitent ? Rien à chercher, c’est de la pure manipulation. Ce sont nos anciens camarades FPI de la FESCI qui manipulent leurs petits. Mais nous avons les moyens de régler ce problème. Nous voulons interpeller les autorités universitaires qui ne semblent d’ailleurs pas avoir la bonne lecture et compréhension de la situation qui prévaut à l’Université. Nous voulons leur dire qu’il faut arrêter de rêver. Car, la FESCI est idéologiquement opposée au pouvoir actuel et rien ne la fera changer. Pas plus que les quelques strapontins, chartes de bonne conduite ou même des enveloppes glissées à Mian Augustin ne changeront quoi que ce soit. Que l’on se le tienne pour dit : le syndicalisme en milieu estudiantin ne s’étouffe pas, il se contrôle.
LP : La question de la Cour pénale internationale a ajourné sa décision dans l’audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo. Une décision qui a jeté l’émoi dans le milieu des victimes. Vous avez décidé de faire une marche de protestation avec elles au Plateau que certains ont critiqué pour le manque de coordination et de mobilisation. Vous avez annoncé d’autres actions de protestation, malgré tout. Pourquoi tant d’activisme auprès des victimes ?
AS : Croyez-moi, désormais nous seront aux côtés des victimes pour faire entendre leur voix. Le temps où on croyait que seule la voix du clan Gbagbo sur la question de la CPI avait pion sur rue, était révolu. Le temps où c’est seulement les partisans de Gbagbo qui battait le pavé à La Haye et partout dans les capitales du monde pour tenter de se faire passer pour la victime est passé. Nous nous organisons pour monter crescendo. Nous allons gagner en puissance dans la mobilisation d’ici le verdict final du jugement. Il est hors de question de refaire les mêmes erreurs du passé. Enjamber les corps encore chaud des victimes et faire passer par perte et profit la mort des milliers de victimes au prétexte d’une quelconque réconciliation des tropiques, c’est grandement ouvrir la porte à une autre guerre, une autre escalade de violences dans ce pays qui renoue en ce moment avec la stabilité et le développement. J’ai entendu plein de choses sur notre mobilisation du Plateau. Mais, il fallait commencer. 200 à 300 personnes devant le Palais de Justice ont suffi pour que soit pris en compte le point de vue de ces milliers de victimes silencieuses. Vous avez remarqué que ces mêmes voix qui ont de façon véhémente critiqué notre marche au Plateau sont restées anormalement aphones depuis.
LP : Amadé Ouéremi a été appréhendé et délogé du mont Péko. D’aucuns parlent d’un deal avec le pouvoir et accuse le pouvoir d’être complice des occupations illégales des terres à l’Ouest avec l’aide des dozos. Ces accusations sont-elles fondées pour vous ?
AS : On fait comme si Amadé Ouéremi est arrivé dans le mont Péko sous le président Alassane Ouattara. Or, il était là depuis 10 ans. Donc sous Laurent Gbagbo. Et rien n’a été fait pour l’y déloger. Pendant qu’eux sont restés dans le verbiage, le président Alassane Ouattara, lui, est passé aux actes. Au grand dam de ceux qui faisaient croire qu’Amadé Ouéremi était un envoyé de la République.
Sur cette question de l’Ouest, je suis contre l’occupation illégale des forêts de nos parents par des tiers et je suis pour que les dozos de cette localité soient cantonnés et reviennent à leur vocation ancienne et originale. Mais on a tendance à occulter le débat de fond. On a trop politisé cette affaire de terres à l’Ouest. Pour mettre fin à cela, il faut imaginer une commission parlementaire pour connaitre les tenants et les aboutissants objectifs. Car, il y a trop de manipulation. Certaines personnes feignent de ne pas savoir que beaucoup de gens, non originaires de la région et même de pays voisins, s’y sont installées depuis des lustres avec l’accord des populations autochtones. Malheureusement, ces personnes ont été chassées de manière violente par la cinquantaine de groupes miliciens qui régnait dans la région lorsque la crise militaire de 2002 a éclaté. Souvenez-vous qu’à cette période, il y a eu des départs massifs par convois de cars de ces personnes dans leur pays d’origine. Ces personnes-là, pourtant, vivaient en harmonie avec leurs tuteurs. Avec la fin de la crise, ce sont ces mêmes personnes qui semblent revenir. Je ne crois pas qu’il y ait de nouvelles personnes qui débarquent ou envahissent chaque jour l’Ouest comme on veut le faire croire.
LP : Le président de la République a annoncé récemment qu’il est candidat à sa propre succession. Quel est votre avis sur la question ?
AS : À Bouaké comme au Baron de Yopougon et partout en Côte d’Ivoire, nous continuons les mobilisations pour donner un répondant populaire à cette volonté du Chef de l’Etat. À chaque fois, les jeunes expriment leur souhait de voir le président de la République continuer ce qu’il a commencé. Nous estimons qu’il doit continuer les grands chantiers qu’il a déjà entamés à la tête du pays. Grâce au président Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire se transforme, vie ensemble et se développe radicalement.
LP : « La Lettre du Continent » a relaté que vous serez celui que le président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro utilise pour préparer l’après-Ouattara. Par ailleurs, on vous dit être son frère cadet.
AS : Ce sont des sornettes et fadaises de petits journalistes sans imagination. N’importe quoi de la part d’un bulletin qui se dit de scoops! Pourquoi ils ne viennent pas m’interroger? Stop à tous ces mensonges. Guillaume Soro n’est pas mon grand frère biologique, comme je l’entends souvent. Tous les Bakayoko seraient donc les petits frères de Hamed Bakayoko, tous les Ouattara, des enfants de Kong et tous les Konan, des enfants de Bédié. Quand à mes actions politiques, je ne suis en mission pour personne d’autre que le président Ouattara. Guillaume Soro ne m’a confié aucune mission, je dis bien aucune. De grâce, après vingt ans de vie de braise politique, laissez-moi avec le président Ouattara pour la reconstruction et le développement du pays. Je ne suis pas un politicien charlatan pour déjà connaître qui va lui succéder et quand. Il me revient aussi que des gens qui sont dans l’orbite du Président s’adonne également à ce petit jeu de me peindre comme tel et c’est dommage! Quand j’ai été encerclé et hué par un groupe de skinheads FPI à la sortie de la RTI en 2001, après l’émission Débat National, j’étais en mission pour qui ? Idem quand le Président Ouattara a été obligé de m’envoyer sa propre sécurité pour me soustraire du Palais de Culture après mon intervention au Forum pour la Réconciliation.
LP : On parle également d’une certaine guerre de succession entre le président Guillaume Soro et le ministre d’Etat Hamed Bakayoko. Quelle est votre position sur la question ?
AS : Succession à qui et de quoi ?
LP: Du Président Alassane Ouattara.
AS: J’espère que vous n’êtes pas au sérieux! Revenez me poser cette question à la fin du règne Ouattara. En ce moment, j’aurai à vous répondre. Mais après seulement deux ans de pouvoir, je n’ai pas le temps d’y penser. Mon curseur est ailleurs.
LP : Alphonse Soro, le Blé Goudé de Ouattara ?
AS : J’ai un défaut. Je refuse qu’avec tout ce qu’il a comme charge, se soit le Président de la République qui vienne répondre aux slogans politiques sortis des laboratoires adverses du genre « rattrapage ethnique », « l’argent ne circule pas », « justice des vainqueurs » etc. Tant que c’est le Président qui va parcourir le monde, revenir faire tout ce qu’il fait pour mettre le pays en chantier et c’est encore lui qui doit venir s’occuper de l’animation politique nationale, alors oui j’accepte ce qualificatif. Dans ce cas, je ne suis pas le Blé Goudé de Ouattara, mais plutôt Alphonse Soro de Ouattara.
Interview réalisée par
Jean Claude Coulibaly