Soro Karna est le chef de la division Désarmement , Démobilisation et Réintégration (DDR) à l’ADDR. Dans cet entretien, il fait l’état des lieux du processus DDR depuis janvier, et énumère les difficultés dans la mise en ?uvre du processus. Il rassure également les ex-combattants quant à leur prise en compte totale dans le processus. Entretien.
Le Patriote : En tant que responsable de la division DDR, pouvez-vous nous faire l’état des lieux du processus ?
Soro Karna : En tant que responsable de la division DDR, je travaille donc sous l’autorité du DG de L’ADDR, Fidèle Sarassoro. C’est donc lui qui définit touts les axes stratégiques. Nous, nous sommes chargés de la mise en œuvre de ces axes stratégiques. A l’heure où je vous parle, le directeur a défini et validé tous les axes stratégiques ainsi que toutes les approches. Il a mis en place tous les outils qui nous permettent la mise en œuvre des projets. Nous sommes donc à la phase de mise en œuvre des projets de réintégration des ex-combattants.
LP : Quels sont ces projets ?
S.K : Ils peuvent être classés en trois catégories. La première a trait aux emplois fixes. Je veux parler des corps paramilitaires, tels que le corps des gardes pénitentiaires où nous avons déjà réinsérés 2000 ex-combattants. Vous avez la douane où on a également 2000 personnes qui sont en formation. Vous avez les eaux et forêts où 1000 personnes ont été intégrées. Sans oublier la protection civile. Nous avons également des emplois dans le privé. Le deuxième type de projets concerne les artisans. Ce sont des projets d’appui à des personnes qui se sont auto-réintégrés ou qui se débrouillent déjà. Nous leur apportons des appuis afin de leur permettre de consolider leurs activités pour les rendre plus solides et plus viables. Et le troisième type de projet est celui relatif à des projets collectifs. Ce sont des projets qui concernent des collectifs d’ex-combattants. Dans ce sens, on a des projets qui concernent l’agriculture, notamment la production, la transformation, le transport. En somme, tout ce qui est production agricole. Nous allons également avoir des projets dans la production du biogaz et de l’engrais. La liste est longue. Voilà donc les trois catégories de projets que nous avons et qui forment la trame programmatique. Il s’agit maintenant d’injecter les individus dans chacune de ces trames-là, en fonction de leur choix.
LP : Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans la mise en œuvre du processus DDR ?
S.K : La difficulté principale, c’est l’impatience des ex-combattants. Cette impatience est due à ce qu’ils entendent un peu çà et là. Comme vous le savez, ils ne sont pas dans un environnement qui leur permet de vérifier ce qu’ils entendent. Et à la moindre rumeur, tout le monde rue dans les brancards. Et cela perturbe un peu le travail. Cela fait que le travail de programmation n’arrive pas à se faire dans la sérénité. Fidèle Sarassoro a à cœur de s’assurer que les ressources qui arrivent, aillent aux ex-combattants. Il nous le répète tout le temps. Il ne veut pas que l’argent soit absorbé par les coûts administratifs. Du coup, nous sommes obligés de faire beaucoup avec peu du point de vue administratif.
LP : Quelle est la frange la plus importante d’ex-combattants ? Est-ce ceux de 2002 et ou ceux qui ont rejoint le mouvement à la faveur de la crise postélectorale pour défendre leur conviction ?
S.K : La frange la plus importante des ex-combattants, est ceux de 2002. C’est le contingent le plus important. Dans notre jargon, on les appelle les ex-combattants de la série 039. Cette série regroupe tous ceux qui avaient été profilés en 2006 et 2007. Les ex-combattants de la série 039 appartiennent soit aux Forces armées des Forces Nouvelles, aux milices d’Abidjan ou de l’intérieur. Tous ces ex-combattants forment presque de 70% de ce que nous avons à gérer. Le reste des 30% viennent des jeunes qui ont rejoint le mouvement à la faveur de la crise postélectorale, que nous appelons les jeunes associés.
LP : Avec quelle frange avez-vous plus de difficultés ?
S.K : C’est difficile de dire que nous avons plus de difficultés avec une catégorie plus qu’une autre. Puisque tous attendent d’être appuyés dans leur réintégration socio-économique. Dans la mesure où eux tous attendent d’être appuyés, c’est vraiment difficile de dire qu’on rencontre plus difficultés avec un groupe qu’un autre. Ceux de la série 039 sont des gens dont la moyenne d’âge se situe entre 35 et 70 ans. Ce sont des personnes qui ont des familles et ils se sont déjà réintégrés pour la plupart. Eux, ils veulent tout juste un appui. Tandis que pour les jeunes associés, il faut dans un premier temps les persuader que l’armée n’est plus une option et qu’il faut chercher un plan B. Il faut les convaincre de se tourner vers des projets et que l’ADDR est là pour les soutenir. Ce n’est pas plus difficile, mais cela demande plus de travail.
LP : Qu’en est-il des ex-membres des groupes d’autodéfense ? Ont-ils tous intégré le processus, après les assurances données par le DG de l’ADDR, en mars dernier à Toulépleu ?
K.S : Nous, nous considérons tous les ex-combattants qui sont dans nos bases de données une fois qu’ils arrivent. Nous ne leur demandons pas où étaient-ils et d’où viennent-ils. Une fois qu’ils sont arrivés et déposent leurs armes, ils sont immédiatement pris en charge dans le processus. Là-dessus, les instructions du DG de l’ADDR sont claires. Un individu qui vient vers nous pour déposer son arme et qui est dans la base de données des ex-combattants, il est immédiatement pris en charge dans les projets quel que soit son lieu de provenance. Nous ne faisons pas de distinction entre les ex-combattants. Nous avons des miliciens qu’on appelle désormais les groupes d’auto-défense, à la douane. Certains sont devenus des gardes pénitentiaires. Les ex-membres des groupes d’auto-défense sont réintégrés dans tous les projets. Il y a des projets en cours pour ceux de Toulépleu.
LP : Sont-ils rassurés, puisqu’ils évoquaient des problèmes de sécurité ?
S.K : En réalité, cette question ne nous incombe pas, nous ADDR. Puisqu’ici à Abidjan, des leaders ont été réintégrés. Et le problème de sécurité ne s’est pas posé. Si quelqu’un à des problèmes de sécurité, ce doit être d’un autre ordre. Cela doit être lié à autre chose. Je ne pense pas avoir entendu qu’un ex-combattant ait été lynché, parce qu’il était combattant d’un camp ou de l’autre.
LP : Depuis un certain moment, on assiste à des attaques récurrentes dans le Nord du pays. La dernière en date est celle du cortège de votre Directeur général. Ces attaques sont attribuées à vos cibles. Quels est votre avis ?
S.K : Nous n’avons pas d’avis sur cette question. Les coupeurs de route ont toujours existé en Côte d’Ivoire. Avant la guerre, le phénomène existait. Depuis les années 80 et 90, il y en a eu toujours. Les ex-combattants font partie intégrante des communautés ivoiriennes. Tout comme les bandits de grand chemin. Donc, s’il y a des ex-combattants parmi eux, je ne pense pas que ce soit leur statut qui les y ait amenés. Je pense que quand un individu commet des crimes, c’est un criminel. Il y a des enquêtes en cours. On ne nous a encore rien notifié officiellement. Jusque-là, ce sont des spéculations.
LP : Vu les cibles, on raconte, puisqu’ils sont impatients, que c’est une manière pour eux de manifester ainsi leur impatience en faisant du chantage…
S.K : Je pense qu’il faut rectifier les choses. Certes, les ex-combattants manifestent par moment leur impatience. Mais, je ne pense qu’ils soient aussi inconscients jusqu’à tirer sur celui-là même qui est chargé de trouver des solutions à leur problème. Je rappelle que M. Sarassoro était en route pour Kong, et qu’il venait de remettre des tricycles à des ex-combattants de Kouto, Boundiali, et Tengréla. Il venait également de signer un appui de subvention à des ex-combattants à Ferké, Korhogo Boundiali. Il était en route pour Kong pour remettre des tricycles et ensuite appuyer une centaine d’ex-combattants. Je voudrais qu’on m’explique pourquoi est-ce qu’ils iront tirer sur le DG de l’ADDR au prétexte qu’ils sont impatients. Alors même que M. Sarassoro venait de réintégrer 400 d’entre eux et était en route pour aller remettre des clés de tricycles et des carnets d’épargne à certains d’entre eux, qui ont été formés à l’agriculture. Cette remise devait se faire dans les minutes qui suivaient si son convoi n’avait pas été attaqué. Sarassoro était dans la région depuis plusieurs jours pour consacrer la réintégration de plus de 500 ex-combattants jusqu’au jour où son cortège a été attaqué. Je ne crois donc pas que l’attaque soit l’œuvre de démobilisés.
LP : A combien estimez-vous le nombre d’ex-combattants déjà réintégrés ou en cours de réintégration cette année ?
S.K : Nous sommes à plus de 8000 depuis le mois de janvier.
LP : L’objectif, cette année est de réintégrer 30 000 ex-combattants. Le pari est-il encore tenable ?
S.K : Le pari est toujours tenable. Naturellement, comme vous le savez, il y a un certain nombre de projets qui prennent du temps pour se mettre en place. Vous avez des projets qui peuvent facilement prendre 6 mois pour se mettre en place. Et la mise en œuvre elle-même prendra deux mois. Nous avons, par exemple, un projet qui va concerner plus de 2000 personnes dans le domaine agricole. Cela a demandé une longue préparation. Une fois les individus identifiés, le reste va très vite. Donc le pari est tenable.
LP : Au niveau des armes, combien d’armes avez-vous déjà collectées ?
S.K : Les armes continuent d’être collectées. L’ADDR à ce jour a collecté une quantité assez impressionnante d’armes. Nous avons déjà collecté plus de 5000 armes qui ont été marquées et reversées dans les arsenaux nationaux sous instruction du D.G. de l’ADDR. Toutes les autres armes non fonctionnelles sont systématiquement détruites. Nous continuons, puisque le dépôt des armes est une étape essentiellement importante pour nous. Cette étape détermine l’ensemble du processus. Je voudrais dire que le DG de l’ADDR est déterminé à ce que ce processus aille vite et bien. Il a donc instruit ses départements techniques que nous sommes d’accélérer la mise en œuvre des projets, tout en nous assurant que ces projets le sont, selon des standards qui permettent de garantir leur réussite totale. J’invite donc les ex-combattants à s’inscrire résolument dans le processus, à attendre leur tour et à respecter les étapes.
LP : Il se raconte que des faux ex-combattants bénéficieraient des actions de l’ADDR en lieu et place des vrais…
S.K : Nous avons aussi entendu cela. Mais, on ne nous a pas encore donné de nom. Nous avons une base de données et tous ceux que nous prenons, nous vérifions bien qu’ils sont dans la base de données. Si on pense que tous les ex-combattants se connaissent, c’est évidemment par unité qu’ils se connaissent. Si quelqu’un n’a pas combattu avec vous dans une unité, vous ne pouvez pas le connaitre. Tous les ex-combattants ne sont pas tous des combattants qui ont été sur les mêmes théâtres d’opérations pour dire que tout le monde connait le nom de tout le monde. Les différentes unités combattantes ont opéré avec des éléments à qui elles ont donné des fonctions bien précises. Il y a des gens qui faisaient du renseignement, de la logistique, etc. Les combattants étaient à tous les niveaux. Je tiens à dire que la notion de combattant n’a pas été inventée par l’ADDR. C’est une notion qui se retrouve dans les conventions de Genève. La définition de combattant part depuis celui qui est porteur d’armes en passant par les cuisiniers et les renseignements généraux. Vous avez toute une architecture dans une unité combattante. Fort de cela, on ne peut pas d’emblée se lever pour dire qu’un tel n’est pas combattant. La seule personne qui peut définir que quelqu’un est un combattant ou pas, c’est celui qui a dirigé cette unité. Parce que lui seul sait qui a participé aux combats avec lui. Parce qu’il est le seul qui sait qui préparait, qui transportait les fusils, qui apportaient les médicaments en cachette. Le combattant, ce n’est pas seulement celui qui a un fusil. Je viens de Man où nous avons mis à la disposition de la gendarmerie, un certain nombre d’individus se faisant passer pour des ex-combattants. Nous avons, nous-mêmes, démantelé un réseau de plus 20 ex-faux combattants à Man. C’est un réseau qui tentait d’introduire dans le processus des personnes qui n’étaient pas des ex-combattants en leur extorquant de l’argent. Aux ex-combattants, je voudrais leur dire que le Président de la République a instruit le DG de l’ADDR de s’assurer que personne ne soit mis de côté. La trame programmatique que nous avons élaborée s’apparente à un menu où chacun en fonction de son niveau, de ce qu’il sait faire, de ses compétences, à la limite même de son état, peut choisir quelque chose. Je leur demande d’approcher simplement les bureaux régionaux.
réalisée par Zana Coulibaly
Le Patriote : En tant que responsable de la division DDR, pouvez-vous nous faire l’état des lieux du processus ?
Soro Karna : En tant que responsable de la division DDR, je travaille donc sous l’autorité du DG de L’ADDR, Fidèle Sarassoro. C’est donc lui qui définit touts les axes stratégiques. Nous, nous sommes chargés de la mise en œuvre de ces axes stratégiques. A l’heure où je vous parle, le directeur a défini et validé tous les axes stratégiques ainsi que toutes les approches. Il a mis en place tous les outils qui nous permettent la mise en œuvre des projets. Nous sommes donc à la phase de mise en œuvre des projets de réintégration des ex-combattants.
LP : Quels sont ces projets ?
S.K : Ils peuvent être classés en trois catégories. La première a trait aux emplois fixes. Je veux parler des corps paramilitaires, tels que le corps des gardes pénitentiaires où nous avons déjà réinsérés 2000 ex-combattants. Vous avez la douane où on a également 2000 personnes qui sont en formation. Vous avez les eaux et forêts où 1000 personnes ont été intégrées. Sans oublier la protection civile. Nous avons également des emplois dans le privé. Le deuxième type de projets concerne les artisans. Ce sont des projets d’appui à des personnes qui se sont auto-réintégrés ou qui se débrouillent déjà. Nous leur apportons des appuis afin de leur permettre de consolider leurs activités pour les rendre plus solides et plus viables. Et le troisième type de projet est celui relatif à des projets collectifs. Ce sont des projets qui concernent des collectifs d’ex-combattants. Dans ce sens, on a des projets qui concernent l’agriculture, notamment la production, la transformation, le transport. En somme, tout ce qui est production agricole. Nous allons également avoir des projets dans la production du biogaz et de l’engrais. La liste est longue. Voilà donc les trois catégories de projets que nous avons et qui forment la trame programmatique. Il s’agit maintenant d’injecter les individus dans chacune de ces trames-là, en fonction de leur choix.
LP : Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans la mise en œuvre du processus DDR ?
S.K : La difficulté principale, c’est l’impatience des ex-combattants. Cette impatience est due à ce qu’ils entendent un peu çà et là. Comme vous le savez, ils ne sont pas dans un environnement qui leur permet de vérifier ce qu’ils entendent. Et à la moindre rumeur, tout le monde rue dans les brancards. Et cela perturbe un peu le travail. Cela fait que le travail de programmation n’arrive pas à se faire dans la sérénité. Fidèle Sarassoro a à cœur de s’assurer que les ressources qui arrivent, aillent aux ex-combattants. Il nous le répète tout le temps. Il ne veut pas que l’argent soit absorbé par les coûts administratifs. Du coup, nous sommes obligés de faire beaucoup avec peu du point de vue administratif.
LP : Quelle est la frange la plus importante d’ex-combattants ? Est-ce ceux de 2002 et ou ceux qui ont rejoint le mouvement à la faveur de la crise postélectorale pour défendre leur conviction ?
S.K : La frange la plus importante des ex-combattants, est ceux de 2002. C’est le contingent le plus important. Dans notre jargon, on les appelle les ex-combattants de la série 039. Cette série regroupe tous ceux qui avaient été profilés en 2006 et 2007. Les ex-combattants de la série 039 appartiennent soit aux Forces armées des Forces Nouvelles, aux milices d’Abidjan ou de l’intérieur. Tous ces ex-combattants forment presque de 70% de ce que nous avons à gérer. Le reste des 30% viennent des jeunes qui ont rejoint le mouvement à la faveur de la crise postélectorale, que nous appelons les jeunes associés.
LP : Avec quelle frange avez-vous plus de difficultés ?
S.K : C’est difficile de dire que nous avons plus de difficultés avec une catégorie plus qu’une autre. Puisque tous attendent d’être appuyés dans leur réintégration socio-économique. Dans la mesure où eux tous attendent d’être appuyés, c’est vraiment difficile de dire qu’on rencontre plus difficultés avec un groupe qu’un autre. Ceux de la série 039 sont des gens dont la moyenne d’âge se situe entre 35 et 70 ans. Ce sont des personnes qui ont des familles et ils se sont déjà réintégrés pour la plupart. Eux, ils veulent tout juste un appui. Tandis que pour les jeunes associés, il faut dans un premier temps les persuader que l’armée n’est plus une option et qu’il faut chercher un plan B. Il faut les convaincre de se tourner vers des projets et que l’ADDR est là pour les soutenir. Ce n’est pas plus difficile, mais cela demande plus de travail.
LP : Qu’en est-il des ex-membres des groupes d’autodéfense ? Ont-ils tous intégré le processus, après les assurances données par le DG de l’ADDR, en mars dernier à Toulépleu ?
K.S : Nous, nous considérons tous les ex-combattants qui sont dans nos bases de données une fois qu’ils arrivent. Nous ne leur demandons pas où étaient-ils et d’où viennent-ils. Une fois qu’ils sont arrivés et déposent leurs armes, ils sont immédiatement pris en charge dans le processus. Là-dessus, les instructions du DG de l’ADDR sont claires. Un individu qui vient vers nous pour déposer son arme et qui est dans la base de données des ex-combattants, il est immédiatement pris en charge dans les projets quel que soit son lieu de provenance. Nous ne faisons pas de distinction entre les ex-combattants. Nous avons des miliciens qu’on appelle désormais les groupes d’auto-défense, à la douane. Certains sont devenus des gardes pénitentiaires. Les ex-membres des groupes d’auto-défense sont réintégrés dans tous les projets. Il y a des projets en cours pour ceux de Toulépleu.
LP : Sont-ils rassurés, puisqu’ils évoquaient des problèmes de sécurité ?
S.K : En réalité, cette question ne nous incombe pas, nous ADDR. Puisqu’ici à Abidjan, des leaders ont été réintégrés. Et le problème de sécurité ne s’est pas posé. Si quelqu’un à des problèmes de sécurité, ce doit être d’un autre ordre. Cela doit être lié à autre chose. Je ne pense pas avoir entendu qu’un ex-combattant ait été lynché, parce qu’il était combattant d’un camp ou de l’autre.
LP : Depuis un certain moment, on assiste à des attaques récurrentes dans le Nord du pays. La dernière en date est celle du cortège de votre Directeur général. Ces attaques sont attribuées à vos cibles. Quels est votre avis ?
S.K : Nous n’avons pas d’avis sur cette question. Les coupeurs de route ont toujours existé en Côte d’Ivoire. Avant la guerre, le phénomène existait. Depuis les années 80 et 90, il y en a eu toujours. Les ex-combattants font partie intégrante des communautés ivoiriennes. Tout comme les bandits de grand chemin. Donc, s’il y a des ex-combattants parmi eux, je ne pense pas que ce soit leur statut qui les y ait amenés. Je pense que quand un individu commet des crimes, c’est un criminel. Il y a des enquêtes en cours. On ne nous a encore rien notifié officiellement. Jusque-là, ce sont des spéculations.
LP : Vu les cibles, on raconte, puisqu’ils sont impatients, que c’est une manière pour eux de manifester ainsi leur impatience en faisant du chantage…
S.K : Je pense qu’il faut rectifier les choses. Certes, les ex-combattants manifestent par moment leur impatience. Mais, je ne pense qu’ils soient aussi inconscients jusqu’à tirer sur celui-là même qui est chargé de trouver des solutions à leur problème. Je rappelle que M. Sarassoro était en route pour Kong, et qu’il venait de remettre des tricycles à des ex-combattants de Kouto, Boundiali, et Tengréla. Il venait également de signer un appui de subvention à des ex-combattants à Ferké, Korhogo Boundiali. Il était en route pour Kong pour remettre des tricycles et ensuite appuyer une centaine d’ex-combattants. Je voudrais qu’on m’explique pourquoi est-ce qu’ils iront tirer sur le DG de l’ADDR au prétexte qu’ils sont impatients. Alors même que M. Sarassoro venait de réintégrer 400 d’entre eux et était en route pour aller remettre des clés de tricycles et des carnets d’épargne à certains d’entre eux, qui ont été formés à l’agriculture. Cette remise devait se faire dans les minutes qui suivaient si son convoi n’avait pas été attaqué. Sarassoro était dans la région depuis plusieurs jours pour consacrer la réintégration de plus de 500 ex-combattants jusqu’au jour où son cortège a été attaqué. Je ne crois donc pas que l’attaque soit l’œuvre de démobilisés.
LP : A combien estimez-vous le nombre d’ex-combattants déjà réintégrés ou en cours de réintégration cette année ?
S.K : Nous sommes à plus de 8000 depuis le mois de janvier.
LP : L’objectif, cette année est de réintégrer 30 000 ex-combattants. Le pari est-il encore tenable ?
S.K : Le pari est toujours tenable. Naturellement, comme vous le savez, il y a un certain nombre de projets qui prennent du temps pour se mettre en place. Vous avez des projets qui peuvent facilement prendre 6 mois pour se mettre en place. Et la mise en œuvre elle-même prendra deux mois. Nous avons, par exemple, un projet qui va concerner plus de 2000 personnes dans le domaine agricole. Cela a demandé une longue préparation. Une fois les individus identifiés, le reste va très vite. Donc le pari est tenable.
LP : Au niveau des armes, combien d’armes avez-vous déjà collectées ?
S.K : Les armes continuent d’être collectées. L’ADDR à ce jour a collecté une quantité assez impressionnante d’armes. Nous avons déjà collecté plus de 5000 armes qui ont été marquées et reversées dans les arsenaux nationaux sous instruction du D.G. de l’ADDR. Toutes les autres armes non fonctionnelles sont systématiquement détruites. Nous continuons, puisque le dépôt des armes est une étape essentiellement importante pour nous. Cette étape détermine l’ensemble du processus. Je voudrais dire que le DG de l’ADDR est déterminé à ce que ce processus aille vite et bien. Il a donc instruit ses départements techniques que nous sommes d’accélérer la mise en œuvre des projets, tout en nous assurant que ces projets le sont, selon des standards qui permettent de garantir leur réussite totale. J’invite donc les ex-combattants à s’inscrire résolument dans le processus, à attendre leur tour et à respecter les étapes.
LP : Il se raconte que des faux ex-combattants bénéficieraient des actions de l’ADDR en lieu et place des vrais…
S.K : Nous avons aussi entendu cela. Mais, on ne nous a pas encore donné de nom. Nous avons une base de données et tous ceux que nous prenons, nous vérifions bien qu’ils sont dans la base de données. Si on pense que tous les ex-combattants se connaissent, c’est évidemment par unité qu’ils se connaissent. Si quelqu’un n’a pas combattu avec vous dans une unité, vous ne pouvez pas le connaitre. Tous les ex-combattants ne sont pas tous des combattants qui ont été sur les mêmes théâtres d’opérations pour dire que tout le monde connait le nom de tout le monde. Les différentes unités combattantes ont opéré avec des éléments à qui elles ont donné des fonctions bien précises. Il y a des gens qui faisaient du renseignement, de la logistique, etc. Les combattants étaient à tous les niveaux. Je tiens à dire que la notion de combattant n’a pas été inventée par l’ADDR. C’est une notion qui se retrouve dans les conventions de Genève. La définition de combattant part depuis celui qui est porteur d’armes en passant par les cuisiniers et les renseignements généraux. Vous avez toute une architecture dans une unité combattante. Fort de cela, on ne peut pas d’emblée se lever pour dire qu’un tel n’est pas combattant. La seule personne qui peut définir que quelqu’un est un combattant ou pas, c’est celui qui a dirigé cette unité. Parce que lui seul sait qui a participé aux combats avec lui. Parce qu’il est le seul qui sait qui préparait, qui transportait les fusils, qui apportaient les médicaments en cachette. Le combattant, ce n’est pas seulement celui qui a un fusil. Je viens de Man où nous avons mis à la disposition de la gendarmerie, un certain nombre d’individus se faisant passer pour des ex-combattants. Nous avons, nous-mêmes, démantelé un réseau de plus 20 ex-faux combattants à Man. C’est un réseau qui tentait d’introduire dans le processus des personnes qui n’étaient pas des ex-combattants en leur extorquant de l’argent. Aux ex-combattants, je voudrais leur dire que le Président de la République a instruit le DG de l’ADDR de s’assurer que personne ne soit mis de côté. La trame programmatique que nous avons élaborée s’apparente à un menu où chacun en fonction de son niveau, de ce qu’il sait faire, de ses compétences, à la limite même de son état, peut choisir quelque chose. Je leur demande d’approcher simplement les bureaux régionaux.
réalisée par Zana Coulibaly