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Editorial Publié le vendredi 9 août 2013 | L’intelligent d’Abidjan

>>> Editorial: Au delà des leçons immédiates et politiciennes d’une liberté encore provisoire...

­La justice ivoirienne a parlé le lundi dernier, avec la décision prise d’accorder la liberté provisoire à des détenus partisans de l’ancien Président de la République, qui avaient été arrêtés pour leurs implications supposées dans des crimes commis durant la période de la crise post électorale. Elle a parlé et bien parlé. Cette justice qui a pris une décision d’opportunité, est incarnée par la chambre d’accusation, le Procureur de la République et le Procureur général, avec notamment le premier qui a annoncé la mesure de liberté provisoire. Contrairement au juge de siège, les juges du parquet ne sont pas inamovibles, ni indépendants. Ils sont liés à la chancellerie et au pouvoir politique. Ils portent au nom de la société ivoirienne et de l’Etat la charge contre les prévenus. Contrairement aux juges d’instruction, les juges du parquet engagent les poursuites davantage à charge qu’à décharge. Qui ne se souvient des débats houleux à l’époque entre le Pdci et le Fpi, au sujet des lois organiques concernant l’organisation de la justice. Le Pdci souhaitait alors que le cordon ombilical entre le Parquet et l’Exécutif soit coupé, tandis que le Fpi qui était favorable à cela quand il était dans l’opposition, avait changé de point de vue sur la question. Le débat soulevé sur les circonstances de la liberté provisoire accordée, malgré l’insistance mise par les autorités étatiques pour assurer du caractère non politique, mais plutôt judiciaire et juridique du processus, indique bien que le chemin est encore long, pour parvenir à des institutions fortes et indépendantes les unes des autres, dans l’intérêt de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit. D’ailleurs les commentaires de responsables politiques comme Guillaume Soro et de certains observateurs, rendant davantage hommage au Président de la République, qu’à la justice ivoirienne, ont du mal à convaincre de la parfaite liberté d’action de la justice ivoirienne sur cette question majeure. Les décisions de justice tiennent fortement compte de l’environnement politique et du contexte politique. C’est ce que l’ancien Président Laurent Gbagbo appelait les jugements d’opportunité. Aujourd’hui la justice libère, mais hier elle a refusé de le faire. La Côte d’Ivoire a-t-elle encore et toujours besoin des décisions de justice d’opportunité (opportunistes et pas toujours bien inspirées) qui dépendent des orientations générales décidées par l’Exécutif, dont l’agenda peut être différent de celui de la justice. Il ne faut pas avoir peur de le dire : si la justice et le Procureur ont décidé ‘’librement’’ de s’autosaisir, c’est tout simplement parce que l’Exécutif a lui-même admis le principe que cette décision était une bonne décision, et que le moment était arrivé de la prendre.

Peut-on penser que le Procureur de la République ou les juges de la chambre d’accusation auraient pu prendre cette décision majeure sans l’aval du pouvoir exécutif ? Le moment n’est assurément pas indiqué pour jouer les rabat-joies, ni pour irriter ceux qui célèbrent avec humour et ironie cette justice des vainqueurs qui donne le sourire aux vaincus pro-Gbagbo qui ont eu plus de chance que les vaincus d’hier tués. D’un autre côté le moment n’est pas propice pour banaliser la joie des personnes libérées, qui crient victoire et qui sont convaincus d’avoir fait reculer la justice et les autorités politiques. Il n’y a qu’à lire le message de François Hollande rendu public par l’ambassade de France en Côte d’Ivoire, et celui du Président chinois dans le cadre de la célébration de l’an 53 de notre pays pour comprendre, comment au-delà de la Côte d’Ivoire, de nombreux amis et partenaires de notre pays tenaient tant à la décrispation politique. L’une des premières leçons à tirer de tout ceci est d’inciter à la mesure et au refus de l’excès. Des pro-Ouattara qui militaient hier pour de longues années de prison pour Affi et les autres sont désormais et subitement en train d’applaudir alors que la justice, a dit autre chose. On aurait aimé les voir marcher et manifester pour dire non à la réconciliation en cours, pour dire non à la libération provisoire des détenus. Moralité : réclamer la justice et la lutte contre l’impunité n’est pas incompatible avec la générosité, l’humanisme et le refus de la haine. Le message est le même pour les partisans de Laurent Gbagbo qui, à force de dénoncer la haine des autres, en oublient leur propre haine. Ils sont comme ces antiracistes qui tombent eux-mêmes sans le savoir (ou qui assument cela) dans le racisme. L’amour de la Côte d’Ivoire éternelle doit être au-dessus de l’amour partisan, et de l’amour pour les acteurs et les idoles politiques. Aimer un chef, c’est malgré son aura et son pouvoir de décision, c’est malgré le droit de vie et de mort qu’il peut avoir sur nous, saisir des opportunités qui peuvent se présenter pour lui dire ce qui ne va pas ; c’est aussi la possibilité de ne jamais se taire devant les dérapages et les mauvaises décisions éventuelles, surtout si elles sont prises de bonne foi. Il y a seulement deux ans, le pays a sombré parce qu’ils n’ont pas été nombreux dans son camp (civils comme militaires) à se dresser ouvertement et visiblement contre Laurent Gbagbo pour sauver trois mille morts et les autres victimes. Se dresser sans jamais renier ainsi Laurent Gbagbo, ni cesser de l’aimer en tant que leader. Aujourd’hui on sent renaître un peu de cette même attitude au sein du pouvoir, de cette volonté de préserver sa part du gâteau et d’éviter la colère du chef de l’Etat, qui pourtant appelle souvent lui-même certaines personnes pour leur demander de lui donner toutes les nouvelles, y compris les mauvaises. Les leçons d’hier nous enseignent de ne pas se taire, et de saisir les opportunités qui peuvent s’offrir pour parler vrai et juste au Président de la République. Nous qui écrivons dans l’optique d’apaiser et de favoriser la réconciliation nationale, sommes heureux, hier comme aujourd’hui, de n’avoir pas toujours hurlé avec les loups, et d’avoir eu cette longueur d’avance au sujet de l’apaisement et de la réconciliation nationale. Vivre ensemble n’est pas pour nous, un slogan creux, ni un vœu pieux. Insulté à gauche, vilipendé à droite, très souvent incompris et victime de quolibets, nous continuerons notre travail de veille démocratique et de lanceur d’alertes à l’égard de toutes les chapelles politiques. Selon nous, il est difficile et impossible de vouloir être heureux seul. N’est-ce pas pour cette raison qu’on a vu certains Ivoiriens, souhaiter l’échec des éléphants footballeurs et de la Côte d’Ivoire dirigée par le Président Ouattara, à cause de leur vie d’exilés et de leurs souffrances ? Au nom de la réconciliation nationale et au nom de la Côte d’Ivoire qui a célébré avec moins de haine et moins de ressentiment, avec un peu plus d’amour son 53e anniversaire mercredi dernier, nous resterons tant que faire se peut, fidèle à notre serment : aider à rassembler les Ivoiriens, rendre effectif le vivre ensemble et sortir des schémas qui divisent. Il est possible de parvenir à cela en aimant Ouattara ou Bédié, tout comme cela n’est pas impossible en aimant Gbagbo. Comme dit l’adage (y a rien dans jalousie), la haine ne mène à rien. Merci aux vainqueurs qui demeurent modestes, qui sont sans haine, ni ressentiment. Merci également aux vaincus qui ne sont pas orgueilleux, qui ne sont pas prétentieux, et qui ne rêvent pas de vengeance avec la haine, comme moteur de leur action. Bonne liberté provisoire aux uns, en attendant d’autres meilleures nouvelles pour la réconciliation certes, mais aussi pour la lutte équitable et juste contre l’impunité. Bonne fête à toutes et à tous. Vivement l’an 54 !

Charles Kouassi
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