Avant même la proclamation des résultats du second tour, Soumaïla Cissé a reconnu sa défaite en allant saluer son adversaire. Un acte fort qui interpelle l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo.
C’est un geste remarquable et riche en symboles que vient de poser l’un des candidats à l’élection présidentielle malienne. Quelques heures après le déroulement du second tour de la présidentielle au Mali, dimanche 11 août, Soumaïla Cissé a surpris tout le monde. Le candidat de l’Union pour la république et la démocratie (Urd) s’est rendu lundi soir chez son adversaire, Ibrahim Boubacar Kéïta, pour le féliciter. Pourtant, la Commission électorale n’a pas encore rendu son verdict. L’acte est inédit : jusque-là, les perdants qui s’assument comme tels avaient pris pour habitude d’appeler leurs adversaires et les congratuler. Ce fut le cas par exemple entre Macky Sall et Abdoulaye Wade au Sénégal, au soir de l’élection présidentielle du 25 mars 2012.
A travers son action très appréciée et largement commentée au-delà des frontières maliennes, Soumaïla Cissé a indéniablement évité à son pays une situation chaotique certaine. On ne peut, à ce stade, s’empêcher d’emprunter un raccourci pour évoquer le cas ivoirien. Que se serait-il passé après le scrutin du 28 novembre 2010 en Côte d’Ivoire, si Laurent Gbagbo et ses partisans avaient humblement accepté de reconnaître l’avance (fût-elle courte) de son adversaire Alassane Ouattara? La réponse sonne comme une évidence. Le pays n’aurait pas basculé dans la violence inouïe et l’horreur. On ne serait pas aujourd’hui en train de regretter les 3000 morts (chiffre officiel) de la crise postélectorale. L’ancien chef de l’État aurait évité assurément son transfèrement à la Cour pénale internationale (Cpi) de La Haye (Pays-Bas) et son épouse serait aujourd’hui probablement hors des barreaux ivoiriens. Qui plus est, la reconstruction du pays n’aurait sûrement pas entraîné ces sommes faramineuses englouties après le 11 avril 2011, dans des travaux à l’échelle nationale. Mieux, les populations entières, y compris, les milliers de sympathisants de Laurent Gbagbo, seraient en train de jouir des retombées de la croissance économique actuelle. Hélas, ce ne fut pas le cas. L’opposant historique à Houphouet-Boigny, qui avait auparavant passé près de dix ans au pouvoir, a dramatiquement refusé d’accepter sa défaite prévisible. Face à la coalition formée par le Rassemblement des houphouétistes pour la paix et la démocratie (Rhdp), M. Gbagbo n’avait aucune chance de sortir vainqueur de cette élection. Par cet entêtement ridicule, qui lui coûte aujourd’hui sa liberté, l’ancien président ivoirien a inscrit son pays sur la liste noire des nations ayant connu une transition désastreuse. Sans prétendre refaire l’Histoire, il y a lieu de reconnaître que le geste de Soumaïla Cissé est aux antipodes de celui posé par Laurent Gbagbo et doit faire tache d’huile. Il n’existe pas au monde une élection totalement réussie. On se souvient encore du psychodrame américain, en novembre 2000, à l’issue d’une élection très contestable de George W. Bush face à Al Gore. Des irrégularités ne sont pas à exclure dans tout scrutin. Elles peuvent susciter des grincements de dents, voire des mécontentements et des manifestations de colère. Mais pas au point d’entraîner la remise en cause de l’ensemble du vote. Sauf cas extrêmement grave. Le deuxième tour de la présidentielle malienne a connu son lot de désordre. En France, par exemple, un quidam a été pris en possession de dizaines de vraies fausses cartes d’électeurs. Un ressortissant malien a crié sa colère face aux cameras de France 24 pour avoir constaté que quelqu’un d’autre avait émargé devant son nom, synonyme de vote déjà effectué.
A Abidjan, nous avions relayé dans nos colonnes une multitude de plaintes d’électeurs non inscrits sur les listings électoraux ou de cas de noms écorchés. Toutes ces anomalies auraient pu valablement servir de prétexte au candidat de l’Urd pour réclamer un nouveau scrutin. Mais il ne l’a pas fait. Refusant très courageusement d’entraîner son pays dans une spirale de violence inutile. Il aurait pu invoquer aussi une élection précipitée par la volonté de la France qui souhaitait assez rapidement un retour à l’ordre constitutionnel. Le Mali renaît, après la malheureuse parenthèse de mars 2012.
Karim Wally
C’est un geste remarquable et riche en symboles que vient de poser l’un des candidats à l’élection présidentielle malienne. Quelques heures après le déroulement du second tour de la présidentielle au Mali, dimanche 11 août, Soumaïla Cissé a surpris tout le monde. Le candidat de l’Union pour la république et la démocratie (Urd) s’est rendu lundi soir chez son adversaire, Ibrahim Boubacar Kéïta, pour le féliciter. Pourtant, la Commission électorale n’a pas encore rendu son verdict. L’acte est inédit : jusque-là, les perdants qui s’assument comme tels avaient pris pour habitude d’appeler leurs adversaires et les congratuler. Ce fut le cas par exemple entre Macky Sall et Abdoulaye Wade au Sénégal, au soir de l’élection présidentielle du 25 mars 2012.
A travers son action très appréciée et largement commentée au-delà des frontières maliennes, Soumaïla Cissé a indéniablement évité à son pays une situation chaotique certaine. On ne peut, à ce stade, s’empêcher d’emprunter un raccourci pour évoquer le cas ivoirien. Que se serait-il passé après le scrutin du 28 novembre 2010 en Côte d’Ivoire, si Laurent Gbagbo et ses partisans avaient humblement accepté de reconnaître l’avance (fût-elle courte) de son adversaire Alassane Ouattara? La réponse sonne comme une évidence. Le pays n’aurait pas basculé dans la violence inouïe et l’horreur. On ne serait pas aujourd’hui en train de regretter les 3000 morts (chiffre officiel) de la crise postélectorale. L’ancien chef de l’État aurait évité assurément son transfèrement à la Cour pénale internationale (Cpi) de La Haye (Pays-Bas) et son épouse serait aujourd’hui probablement hors des barreaux ivoiriens. Qui plus est, la reconstruction du pays n’aurait sûrement pas entraîné ces sommes faramineuses englouties après le 11 avril 2011, dans des travaux à l’échelle nationale. Mieux, les populations entières, y compris, les milliers de sympathisants de Laurent Gbagbo, seraient en train de jouir des retombées de la croissance économique actuelle. Hélas, ce ne fut pas le cas. L’opposant historique à Houphouet-Boigny, qui avait auparavant passé près de dix ans au pouvoir, a dramatiquement refusé d’accepter sa défaite prévisible. Face à la coalition formée par le Rassemblement des houphouétistes pour la paix et la démocratie (Rhdp), M. Gbagbo n’avait aucune chance de sortir vainqueur de cette élection. Par cet entêtement ridicule, qui lui coûte aujourd’hui sa liberté, l’ancien président ivoirien a inscrit son pays sur la liste noire des nations ayant connu une transition désastreuse. Sans prétendre refaire l’Histoire, il y a lieu de reconnaître que le geste de Soumaïla Cissé est aux antipodes de celui posé par Laurent Gbagbo et doit faire tache d’huile. Il n’existe pas au monde une élection totalement réussie. On se souvient encore du psychodrame américain, en novembre 2000, à l’issue d’une élection très contestable de George W. Bush face à Al Gore. Des irrégularités ne sont pas à exclure dans tout scrutin. Elles peuvent susciter des grincements de dents, voire des mécontentements et des manifestations de colère. Mais pas au point d’entraîner la remise en cause de l’ensemble du vote. Sauf cas extrêmement grave. Le deuxième tour de la présidentielle malienne a connu son lot de désordre. En France, par exemple, un quidam a été pris en possession de dizaines de vraies fausses cartes d’électeurs. Un ressortissant malien a crié sa colère face aux cameras de France 24 pour avoir constaté que quelqu’un d’autre avait émargé devant son nom, synonyme de vote déjà effectué.
A Abidjan, nous avions relayé dans nos colonnes une multitude de plaintes d’électeurs non inscrits sur les listings électoraux ou de cas de noms écorchés. Toutes ces anomalies auraient pu valablement servir de prétexte au candidat de l’Urd pour réclamer un nouveau scrutin. Mais il ne l’a pas fait. Refusant très courageusement d’entraîner son pays dans une spirale de violence inutile. Il aurait pu invoquer aussi une élection précipitée par la volonté de la France qui souhaitait assez rapidement un retour à l’ordre constitutionnel. Le Mali renaît, après la malheureuse parenthèse de mars 2012.
Karim Wally