En matière de lutte contre les Mutilations Génitales Féminines (MGF), la Côte d’Ivoire est mal vu par les autres pays africains et les organismes internationaux. Ils s’expliquent difficilement l’inertie des autorités ivoiriennes face à une pratique qui dégrade la femme, en portant atteinte à son intégrité physique, psychologique et morale. C’est donc à juste titre que les responsables en charge de la question se font régulièrement interpellés aux rencontres internationales. Mme Kaba Yaya Fanta, directrice de l’égalité et de la promotion du genre au ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant en a fait les frais, lors de sa récente participation à une mission en Holland sur la population. « J’ai été interpellée en des termes vraiment gênants par un groupe de représentants de pays africains. Ils m’ont dit que nous les ivoiriens nous paraissons civilisés, en avance dans beaucoup de choses, mais, que quand on rentre en profondeur on se rend compte que ce n’est pas le cas. Qu’en réalité nous sommes très en retard. Ils ne comprenaient pas que nous ayons 36% de taux de prévalence en matière de MGF. Ils ne comprenaient pas cela, surtout qu’un pays comme le Niger à majorité musulman (l’islam est à tord pris comme argument pour justifier la pratique), soit à 2% de taux de prévalence », a-t-elle avoué. Mme Kaba a fait cette confession hier, lors de la clôture de l’atelier de diffusion, d’appropriation et de mise en ?uvre de la résolution A/RES/67/146 de l’ONU sur l’intensification de l’action mondiale visant à éliminer les MGF, organisé par la fondation Djigui, La Grande Espérance, à Treichville. Pour éviter d’être « humiliée » de la sorte, la directrice de l’égalité et de la promotion du genre a indiqué qu’il était urgent de mener des actions concrètes afin de réduire de façon drastique ce taux de 36% qui n’honore vraiment pas la Côte d’Ivoire. «Il est impérieux pour nous d’agir. La lutte contre MGF est aujourd’hui une question d’honneur pour la République», a-t-elle indiqué. C’est en cela qu’elle a salué la fondation Djigui qui représente dignement la Côte d’Ivoire dans les instances internationales, notamment le Comité Interafricain de lutte contre les MGF. Le PCA de la fondation, l’imam Cissé Djiguiba s’est réjouit de la prise de la résolution A/RES/67/146, une première du genre dans le cadre de la lutte contre les MGF. Elle vien, a-t-il estimé renforcer le dispositif juridique en matière de protection des femmes et des filles contre les MGF. Cet atelier a donc permis d’évaluer l’ampleur de la pratique en Côte d’Ivoire, d’analyser les stratégies existantes et en tirer les leçons, mais surtout de s’approprier la nouvelles résolution, de définir les stratégies de sa diffusion au niveau national et de définir une feuille de route pour sa mise en ?uvre. A ce niveau une recommandation spéciale a été adressé à la Première Dame Dominique Ouattara afin qu’elle soit au devant de la lutte. Selon l’enquête démographique et de santé (EDS) de 2012, le nord-ouest de la Côte d’Ivoire est la région la plus touchée par le fléau, avec 80% de taux de prévalence, suit le nord avec 74% et l’ouest avec 57%. Concernant l’appartenance ethnique, les mandés du nord sont ceux qui excisent le plus les femmes, soit un taux de 67%. Ils sont suivis par les voltaïques (64%), les mandés du sud, 51%, les krou 19% et les akans 2%. A cela, il faut ajouter les autres nationalités présentes en Côte d’Ivoire avec un taux de 64%. Le phénomène est très urbain également. A Abidjan, grande métropole, le taux de femme excisée est de 37%. Un taux plus élevé que la moyenne nationale.
Dao Maïmouna
Dao Maïmouna