Des ex-combattants crient leur désarroi. Blessés, lors de la prise de la ville d’Abidjan et ses banlieues, alors sous le contrôle des forces proches de l’ancien régime, ils vivent dans des conditions déplorables. Moussa Traoré, que nous avons rencontré dans les encablures de l’Hôpital militaire d’Abidjan (Hma), fait partie de ceux-là. Appuyé sur une béquille, le pied droit bandé, il se plaint de douleurs musculaires. En effet, il traîne une plaie. Lui qui n’a pour tout abri qu’un hangar de fortune, non loin de cet hôpital, n’a pas d’autre logis où aller, selon lui. Il a été un supplétif des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). Il appartenait à un détachement basé à la cité de la Compagnie républicaine de sécurité (Crs), à Williasmville, à Adjamé. Un groupe dirigé par un certain ‘’commandant Van Damme‘’. Moussa Traoré n’a que des souvenirs vraisemblablement tristes. Il se souvient, par exemple, que ses amis et lui ont bravé la peur, en prenant des armes. Mais en retour, assure-t-il, ils n’ont bénéficié de rien. Et dire qu’ils ont été d’un soutien considérable pour des éléments les forces régulières, comme il se plaît à le raconter, en se vantant. « Nous passions devant pour leur montrer des endroits où pouvaient se trouver des forces ou des miliciens de Gbagbo », révèle-t-il. Mais le destin de l’éclaireur va tourner court, en avril 2011. Une faction ennemie leur a tendu un piège devant l’école de gendarmerie, à Cocody. « Cette embuscade a fait plusieurs victimes. Nous étions trois à avoir pris des ‘’grains’’, (des balles, ndlr). Deux d’entre nous, raconte-t-il, sont morts sur-le-champ. Moi, j’ai été blessé au pied ». Aujourd’hui, il traîne le pied. Presque sans secours. «Je vis dans des conditions extrêmement difficiles, se lamente-t-il. Mon pied est en train de pourrir. Il n’y a personne pour m’aider. C’était mes amis qui se cotisaient pour me venir en aide, mais ils n’ont pu continuer». Le secours extérieur, même recommandé, n’est pas toujours prompt. Pour preuve, il dit avoir été refoulé. « On m’a conseillé de me rendre à l’état-major un voir un colonel dont je tais le nom. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il ne m’a pas envoyé pour combattre. Je souffre comme vous le constatez », fulmine-t-il. Une peine partagée… Ibrahim Bakayoko, ex-combattant de la commune de Yopougon vit le même drame. Son témoignage: « j’ai pris des balles, lors des affrontements pour la libération de la base navale de Locodjoro à Yopougon, le 20 avril 2011 ». Il dit être lui aussi laissé pour compte. « Depuis cette date, s’indigne-t-il, personne n’est venu me voir. J’ai fait des démarches pour être aidé. Hélas ! Maintenant, je chauffe de l’eau pour soigner mon pied. Mais, je sais qu’il va pourrir ». Dans un autre endroit, crève un autre ex-supplétif. Celui-là se nomme Daouda Compaoré. Etendu sur un matelas de fortune, à même le plancher, dans une chambre de la cité universitaire d’Abobo1, il lutte contre la solitude et la puanteur d’une plaie au pied. Il dit avoir été blessé au mois de février 2011, à la gare routière de cette commune. C’était lors d’une bataille qui les a opposés aux forces fidèles à Laurent Gbagbo. «Depuis lors, pleure-t-il, aucun chef n’est venu me saluer, à plus forte raison me donner de l’argent pour mes soins. Ce sont les femmes de mes amis qui m’apportent à manger ». Son ‘’frère d’arme‘’ et voisin, Moussa Samaké, est lui aussi amer. Selon ce dernier, toutes les démarches entreprises auprès des autorités militaires en vue d’obtenir de l’aide pour leurs camarades blessés, sont resté vaines. « Plusieurs fois, je suis allé à l’état-major et au ministère de la Défense, pour qu’on me vienne en aide, mais rien. Je suis là, j’attends… », désespère-t-il visiblement. En somme, ces rescapés n’ont que des regrets. Le cas de Kouassi Kandé est tout aussi édifiant. Il dit avoir été blessé à la mâchoire, le 18 mars 2011, lors de la prise du camp commando d’Abobo. « J’ai été touché, quand on cherchait à déloger les gendarmes. Et, depuis lors, je traîne le mal. Je n’ai bénéficié d’aucune assistance. On nous l’a promis, mais jusque là rien », lâche-t-il, déçu. Il n’y a pas qu’à Abidjan où croupissent les rescapés de guerre proches du camp Ouattara. Joint par téléphone, vendredi, Ibrahim Diarrassouba, responsable des ex-combattants à Bouaké, a soutenu que la ville compte plusieurs dizaines de blessés. Bon nombre d’entre eux vivent dans des conditions extrêmement pénibles, selon lui. « Certains sont devenus des mendiants », déplore-t-il. Interrogé, le ministère de la Défense a estimé que ces personnes n’ont jamais sollicité les services de ce département. Il soutient qu’il a apporté assistance à tous ceux qui l’ont sollicité, en citant en exemple ceux de Yamoussoukro. Au regard du nombre important des ex-combattants blessés de guerre, qui disent être sans assistance médicale, l’urgence s’impose.
DL (stagiaire)
DL (stagiaire)