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Politique Publié le lundi 14 octobre 2013 | Nord-Sud

Aly Ouattara, pdt Ci-Cpi à propos de la décision de l’Ua - “L’Ua est une honte pour l’Afrique”

© Nord-Sud Par DR
Monsieur Ali Ouattara, Président Coalition ivoirienne pour la Cpi
Dans cet entretien, Ali Ouattara, président de la Coalition ivoirienne pour la Cour pénale internationale, s’insurge contre la décision des chefs d’Etat africains, d’œuvrer pour l’ajournement des poursuites contre les dirigeants africains en fonction.

Le dernier sommet de l’Union africaine a demandé à la Cour pénale internationale (Cpi) d’ajourner ses poursuites contre des chefs d’Etat africains encore en fonction. N’est-ce pas une prime aux dictateurs africains ?
Nous avions fait beaucoup de déclarations, de plaidoyers dans ce sens. Nous disons que l’Union africaine n’est pas Etat-partie à la Cpi. Il faut clarifier les choses. Donc l’Union africaine ne peut rien imposer à la Cpi. Deuxièmement, c’est de façon individuelle, indépendante et souveraine que chaque Etat a ratifié le statut de Rome relatif à la Cpi. Donc cette volonté de quitter la Cpi ne peut se faire en bloc. Ce qui est prévu dans le statut de Rome, notamment en son article16, c’est de demander au Conseil de sécurité la suspension pour 12 mois des poursuites et des mandats d’arrêt. C’est le statut qui a permis cela. C’est pas nouveau. L’Union africaine avait essayé dans le cas Béchir. Plus d’une fois, l’Union africaine a demandé au Conseil de sécurité de suspendre les poursuites contre lui, mais le Conseil ne l’a pas suivie. Cette proposition n’est pas nouvelle. Là où ils sont allés loin, c’est quand ils demandent que les chefs d’Etat poursuivis finissent leur mandat avant l’entame d’une poursuite. A ce niveau, je suis d’accord avec vous. C’est comme un syndicat qui se réunit pour défendre l’intérêt de ses membres. C’est l’impression que cela donne. Aujourd’hui, ce sont des intérêts égoïstes, personnels que l’Union africaine défend, alors que la Cpi est une structure qui a été créée pour lutter contre l’impunité, en faisant en sorte que personne ne soit au-dessus de la loi, pour qu’elle soit la voix des sans-voix, la voix des victimes et la voix des oubliés. C’est pour défendre les victimes que la Cpi a été créée. Dès l’instant où on dit que les chefs d’Etat en fonction ayant commis des crimes graves ne doivent être poursuivis qu’après la fin de leur mandat, c’est effectivement un encouragement, une prime à l’impunité. L’Union africaine, depuis sa création, n’a jamais posé des actes pour lutter contre l’impunité dans les Etats en proie à des crises, des guerres et à des coups d’Etat. L’Union africaine, telle qu’elle fonctionne présentement, est une honte pour l’Afrique.

En plus, n’est-ce pas une manière d’encourager les dirigeants africains dictateurs à se maintenir au pouvoir ?
Absolument ! Ces chefs d’Etat feront en sorte que leur mandat ne finisse jamais. Ils vont s’éterniser au pouvoir, ils vont y rester jusqu’à leur mort. Ce qui nous choque, ce sont les victimes qu’on oublie dans cette affaire. Il y a des milliers de victimes en Afrique. On ne pense pas à elles, alors que le rôle de l’Union africaine, c’est de défendre les peuples africains. Ce n’est pas une unité de chefs d’Etat ou de personnalités qu’on doit défendre. Il faut défendre les victimes. Y a t-il une prise en charge pour ces victimes ? Qu’est-ce qu’on fait pour ces victimes ? Qu’est-ce qu’on fait pour maintenir la stabilité, la paix, les droits de l’Homme dans nos Etats ? Voici les questions qu’on se pose. On ne sait pas à quel jeu joue l’Union africaine. Par cette sortie, l’Union africaine donne le permis de tuer les populations africaines. On dit toujours que pour éviter ce débat politico-judiciaire, il faut que nos institutions locales s’approprient les compétences du statut de Rome. Si on s’approprie ces compétences, qu’on les insère dans notre code pénal et on les harmonise, on va avoir cette souveraineté juridique. On n’aura pas besoin de la Cpi ou de structure extérieure pour intervenir dans nos différends. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Nos dirigeants font en sorte qu’ils y aient une immunité totale tout le long de leur mandat ; qu’on n’ait pas d’institutions qui puissent les inquiéter. On prend le cas de la Côte d’Ivoire. Il y a la Haute cour de justice qui est prévue dans la Constitution et qui devait être là pour juger les personnalités. Mais, cette institution n’existe pas. Dans aucun pays africain, aucun chef d’Etat en exercice n’a déjà été inquiété. Voilà un peu notre inquiétude. Il faut que les populations africaines dans leur ensemble se mobilisent pour ne pas être des souffre-douleur de certains dictateurs. Il faut qu’en Afrique, nous ayons une population épanouie, libre, qui a droit à la parole, qui bénéficie de toutes les commodités de développement. Voici un peu l’objectif du combat contre l’impunité. Lorsqu’on dit qu’on demande de suspendre des poursuites contre un chef d’Etat, c’est un encouragement à l’injustice et à l’impunité. Nous disons toujours que l’impunité d’aujourd’hui, est le crime de demain.

Comment avez-vous apprécié le parallèle qui a été fait avec le cas de Laurent Gbagbo dans les commentaires ?
Je ne pense pas que ce cas ait été cité à l’Ua. C’est plutôt le cas du Kenya qui été longuement discuté. En ce qui concerne le président Gbagbo, c’est une enquête qui a été menée et la procédure suit son cours normal. Mais, ce que vous devez savoir, c’est qu’aucune institution, aucun chef d’Etat dans le monde ne peut faire pression pour influencer les décisions des juges. La chambre préliminaire, de façon autonome et souveraine, va apprécier. Tout le débat qui a lieu autour de cette affaire est partisan ; c’est un débat qui fait l’objet de manipulation. M. Ouattara a indiqué que le cas Laurent Gbagbo n’a pas été abordé en Ethiopie. Je ne pense pas qu’on puisse en parler car l’Union africaine et même les Nations unies n’ont pas de pouvoir pour influencer la Cpi. Entre la Cpi et l’Ua, il y a un accord de coopération qui existe en dehors du mode de saisine qui est également prévu. Il faut rester objectif et faire surtout en sorte que notre Afrique soit un continent de paix, développé où il fait bon vivre. Ce sont les populations africaines qui peuvent emmener les dirigeants africains à changer positivement.

Entretien réalisé par Marc Dossa

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