« Côte d’Ivoire : de l’Ethnie à la Nation ». C’est le thème traité le jeudi 24 octobre 2013 par le professeur Simon-Pierre Ekanza, à l’occasion d’une conférence-débat à l’Ecole normale supérieure (ENS) sur l’initiative du Programme d’appui stratégique à la recherche scientifique en Côte d’Ivoire (PASRES).
C’est à un cours magistral qu’a été conviée l’assistance ce jeudi à l’amphithéâtre de l’ENS, au cours de la conférence-débat prononcée par le Pr. Pierre Ekanza. Le conférencier a rappelé que l’une des causes majeures de la crise sociopolitique qui a divisé le pays en 2002 et dont on sent encore les relents se résume à l’opposition entre l’« autochtone » et l’ « allochtone ». En clair : qui est Ivoirien et qui ne l’est pas ? Selon l’universitaire, l’objectif de cette causerie est de rechercher les causes du malaise ivoirien pour en prévenir les rebondissements éventuels, et conjurer définitivement le mal en esquissant des solutions. Pour y parvenir, le conférencier a d’abord expliqué ce que l’on entend par nation puis par la notion d’Etat. La nation est selon lui, l’ensemble regroupant ceux qui- nés sur le même territoire ou « naturalisés »- ont la volonté effective de vivre ensemble, leurs vies matérielles et spirituelles, et d’avoir un sort collectif commun. « Ils sont soudés par des liens de solidarité originale, la solidarité nationale, fussent-ils des ennemis personnels », indique Pr. Ekanza Pierre. L’Etat étant un pays avec des limites géographiques, des institutions etc. Selon le Professeur, « la Côte d’Ivoire est aujourd’hui un Etat achevé, mais une nation en formation ». Parlant de la nationalité, le conférencier a indiqué que chaque Etat désigne librement ses nationaux. Cependant, il a souligné qu’il est bon que chaque individu n’ait qu’une nationalité afin d’accélérer le processus d’intégration à la nation. « Est-ce que les nouveaux naturalisés accepteraient de sacrifier l’une ou l’autre de leur nationalité ? Pourtant, c’est à ce facteur que sera construite la nation ivoirienne », a indiqué le professeur Ekanza.
La diversité culturelle ivoirienne nécessite une politique de quotas
Selon lui, la construction d’une nation passera par une action sur l’environnement social, le brassage des populations, le respect de l’autre et de la réciprocité. Cependant, lorsque dans un pays comme la Côte d’Ivoire les habitants, très souvent, se définissent par rapport à leur région, leur religion, leur tradition, il est vital pour l’Etat d’intégrer de façon proportionnelle ces populations afin de permettre aux différentes communautés de sentir qu’elles appartiennent à la nation. « L’Etat ivoirien doit avoir le souci d’appliquer la politique de quotas pour rassembler toutes les couches sociales, régionales et ethniques dans le processus politique et administratif », affirme Pr. Ekanza. Il a souligné que le pouvoir au temps du parti politique unique avait plus ou moins bien réussi cette politique. « L’on ne doit pas avoir le sentiment que l’Etat n’appartient qu’à une seule ethnie, une seule communauté. Cela est source d’une désagrégation potentielle », a-t-il prévenu. Et d’avertir sur une éventuelle tentation de maintenir l’harmonie par la force. « Cela ne dure jamais, l’exemple de l’ex-Yougoslavie est là pour nous le démontrer. La mort du maréchal Tito a provoqué la dislocation de cette nation des Balkans », a souligné le conférencier. C’est pour cela qu’il pense que le système de quotas est le mieux indiqué en Côte d’Ivoire car, il permet pour des communautés diverses, un partage efficient du pouvoir à l’image de ce qui se passe au Liban (Président, Premier ministre et Président de l’Assemblée nationale proviennent de communautés différentes) entre chrétiens maronites et musulmans chiites ou sunites. Pour lui, il est illusoire et dangereux de pratiquer une discriminatoire même « positive » envers une communauté qui a « souffert ». Car on prend le risque de réparer une injustice par une autre et perpétuer un système qui mène à la division et non à la construction d’une nation. C’est pourquoi, afin de faire barrage au vote clanique, religieux ou communautaire, Pr. Simon-Pierre Ekanza a plaidé pour un « vote d’hommes libres » où triomphent les valeurs et non les mécanismes. « Aujourd’hui, Ivoiriens par naissances ou par naturalisations, nous devons être liés et porteurs d’un seul projet, celui de faire progresser notre pays et de renforcer sa cohésion », a-t-il conclu.
Olivier Guédé
C’est à un cours magistral qu’a été conviée l’assistance ce jeudi à l’amphithéâtre de l’ENS, au cours de la conférence-débat prononcée par le Pr. Pierre Ekanza. Le conférencier a rappelé que l’une des causes majeures de la crise sociopolitique qui a divisé le pays en 2002 et dont on sent encore les relents se résume à l’opposition entre l’« autochtone » et l’ « allochtone ». En clair : qui est Ivoirien et qui ne l’est pas ? Selon l’universitaire, l’objectif de cette causerie est de rechercher les causes du malaise ivoirien pour en prévenir les rebondissements éventuels, et conjurer définitivement le mal en esquissant des solutions. Pour y parvenir, le conférencier a d’abord expliqué ce que l’on entend par nation puis par la notion d’Etat. La nation est selon lui, l’ensemble regroupant ceux qui- nés sur le même territoire ou « naturalisés »- ont la volonté effective de vivre ensemble, leurs vies matérielles et spirituelles, et d’avoir un sort collectif commun. « Ils sont soudés par des liens de solidarité originale, la solidarité nationale, fussent-ils des ennemis personnels », indique Pr. Ekanza Pierre. L’Etat étant un pays avec des limites géographiques, des institutions etc. Selon le Professeur, « la Côte d’Ivoire est aujourd’hui un Etat achevé, mais une nation en formation ». Parlant de la nationalité, le conférencier a indiqué que chaque Etat désigne librement ses nationaux. Cependant, il a souligné qu’il est bon que chaque individu n’ait qu’une nationalité afin d’accélérer le processus d’intégration à la nation. « Est-ce que les nouveaux naturalisés accepteraient de sacrifier l’une ou l’autre de leur nationalité ? Pourtant, c’est à ce facteur que sera construite la nation ivoirienne », a indiqué le professeur Ekanza.
La diversité culturelle ivoirienne nécessite une politique de quotas
Selon lui, la construction d’une nation passera par une action sur l’environnement social, le brassage des populations, le respect de l’autre et de la réciprocité. Cependant, lorsque dans un pays comme la Côte d’Ivoire les habitants, très souvent, se définissent par rapport à leur région, leur religion, leur tradition, il est vital pour l’Etat d’intégrer de façon proportionnelle ces populations afin de permettre aux différentes communautés de sentir qu’elles appartiennent à la nation. « L’Etat ivoirien doit avoir le souci d’appliquer la politique de quotas pour rassembler toutes les couches sociales, régionales et ethniques dans le processus politique et administratif », affirme Pr. Ekanza. Il a souligné que le pouvoir au temps du parti politique unique avait plus ou moins bien réussi cette politique. « L’on ne doit pas avoir le sentiment que l’Etat n’appartient qu’à une seule ethnie, une seule communauté. Cela est source d’une désagrégation potentielle », a-t-il prévenu. Et d’avertir sur une éventuelle tentation de maintenir l’harmonie par la force. « Cela ne dure jamais, l’exemple de l’ex-Yougoslavie est là pour nous le démontrer. La mort du maréchal Tito a provoqué la dislocation de cette nation des Balkans », a souligné le conférencier. C’est pour cela qu’il pense que le système de quotas est le mieux indiqué en Côte d’Ivoire car, il permet pour des communautés diverses, un partage efficient du pouvoir à l’image de ce qui se passe au Liban (Président, Premier ministre et Président de l’Assemblée nationale proviennent de communautés différentes) entre chrétiens maronites et musulmans chiites ou sunites. Pour lui, il est illusoire et dangereux de pratiquer une discriminatoire même « positive » envers une communauté qui a « souffert ». Car on prend le risque de réparer une injustice par une autre et perpétuer un système qui mène à la division et non à la construction d’une nation. C’est pourquoi, afin de faire barrage au vote clanique, religieux ou communautaire, Pr. Simon-Pierre Ekanza a plaidé pour un « vote d’hommes libres » où triomphent les valeurs et non les mécanismes. « Aujourd’hui, Ivoiriens par naissances ou par naturalisations, nous devons être liés et porteurs d’un seul projet, celui de faire progresser notre pays et de renforcer sa cohésion », a-t-il conclu.
Olivier Guédé