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Société Publié le mardi 29 octobre 2013 | Nord-Sud

Emplois dans le privé : Ces pratiques discriminatoires qui tuent

On ne le dira jamais assez : trouver du boulot en Côte d’Ivoire relève presque du miracle. Mais à la rareté du travail s’ajoutent, aujourd’hui, des conditions de recrutement pas trop…équitables.


L’annonce lui a mis l’eau à la bouche. Affiché sur le site de l’Agence d’études et de promotion de l’emploi (Agepe), le job avait plutôt l’air correct. Vous postulez, vous êtes retenu et vous recevez les fonds. Ce que Ouattara Lanciné ignorait, c’était la close secrète de l’employeur : quiconque veut bénéficier du projet doit se plier à une formation biblique. Selon M. Adjé Narcisse, le président exécutif de la structure, pas question de mettre des fonds à la disposition des bénéficiaires tant que ceux-ci n’auront pas intégré la parole de Dieu. Et ils sont environ trois cents jeunes qui ont été sélectionnés. L’affaire est d’autant plus sérieuse que c’est un projet agronome qui rentre dans le cadre des 125.000 emplois pilotés par le ministère de l’Emploi, des affaires sociales et de la formation professionnelle. Musulman invétéré, Ouattara Lancina ne pouvait pas « blasphémer » Allah en allant prendre des enseignements bibliques. Il a donc été mis sur le carreau. Et c’est tout indigné que le garçon crie discrimination ! Si ce cas paraît anodin, le phénomène en lui-même est malheureusement une triste réalité pour de nombreux demandeurs d’emploi, déjà désillusionnés par la rareté du travail. La pratique est subtile, parfois sournoise et prend très souvent différents visages. « Il y a des annonces qui comportent en elles-mêmes des germes de discrimination, témoigne Mme Attia Kassi, présidente du Réseau ivoirien des gestionnaires de ressources humaines. Par exemple, pour un poste qui requiert la compétence d’un homme, le professionnel ne vous le fera jamais savoir ». Après l’entretien, les femmes sont purement et simplement rayées de la liste, note-t-elle. Pour Mme Kassi, qui dirige également l’Association francophone des gestionnaires de ressources humaines, c’est le quotidien en Côte d’Ivoire. « Et même des femmes enceintes sont écartées à cause de leur état. Bien sûr, à l’entretien, l’employeur vous demandera subtilement si vous portez une grossesse », fait-elle savoir. Mais jamais vous n’en douterez. Alors, conseil : si vous êtes une femme compétente et que vous avez fait chou blanc à un entretien d’embauche, ne remettez surtout pas vos connaissances en cause. Demandez-vous plutôt s’il y a anguille sous roche. Toutefois, d’autres cas de discriminations sont plus palpables, révoltants même. A entendre Mamadou Ouattara, président de l’Association ivoirienne des dialysés et insuffisants-rénaux (Aidir), ils sont l’exem­ple type de discrimination la plus rependue. A l’embauche comme au travail, ces malades sont éliminés du circuit par un simple coup de stylo. «Si vous travaillez dans une entreprise privée et que vous êtes insuffisant rénal, vous n’avez aucune chance de rester longtemps à votre poste », dénonce le malade.

La discrimination tue
les insuffisants-rénaux

Plusieurs de ses frères l’ont appris à leurs dépens. Comme Roger Badou, cet ancien gestionnaire dans une société bancaire à Abidjan. Le 29 mars 2008, son employeur, après avoir constaté son état, lui a donné un congé maladie, avant de le mettre à la porte pour insuffisance de résultat. « Nos frères dans le public peuvent travailler, pourquoi pas ceux du privé ?», s’interroge M. Ouattara. Malheureusement, déplore le président de l’Aidir, beaucoup d’insuffisants-rénaux ont perdu la vie par la faute de ces pratiques d’un autre âge. Ils n’avaient plus de quoi faire face aux frais de dialyse. Et pour les dialysés qui vont frapper à la porte de l’emploi, ça craint ! Car, une fois que l’employeur est au fait de leur situation sanitaire, c’est l’échec assuré. Choquant ! Mais cela n’a rien de personnel, ce n’est que du business. Du moins, quand on écoute ce chef d’entreprise que nous avons joint et qui préfère garder l’anonymat. « Les sociétés privées ne font pas de la philanthropie. Si un employé ne peut plus produire, c’est évident que son employeur s’en séparera. Cela n’a rien à voir avec la prise en charge médicale du travailleur quand il est malade, parce qu’en général, ils sont assurés». Et l’embauche, ajoute-t-il, répond au même principe de productivité des entreprises. «C’est d’ail­leurs pour cela qu’on leur demande d’avoir de l’expérience », justifie-t-il. Adjé Narcisse, président exécutif de l’Ong jeunesse au travail, qui a recruté plus de trois cents jeunes dans le cadre de son projet agronome, refuse que l’on emploie le terme discrimination dans son cas. Accusé d’avoir fait suivre une formation biblique à ses recrues, le chef d’entreprise précise qu’il s’agit d’un programme de développement personnel. « Ce n’est une obligation pour personne ! Partout où nous sommes passés, les gens se sont demandés si les bénéficiaires ne prendraient pas la poudre d’escampette après avoir reçu le fonds », explique-t-il. Il fallait donc un travail de base, selon le responsable du projet, pour que ces personnes puissent se prendre en charge. « Que vous soyez musulman, bouddhiste ou chrétien, cela ne dérange personne. Il y a des musulmans qui ont suivi cette formation ». Mais que dit le règlement en la matière ?


Raphaël Tanoh
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