L'ancien diplomate burkinabè a oeuvré à la mise en place d'un tarif extérieur commun en Afrique de l'Ouest. Reste à renforcer le commerce au sein de la zone.
À bientôt 60 ans, l'ex-Premier ministre du Burkina Faso, à la tête de la Commission de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) depuis près d'un an et demi, est devenu le chantre de l'intégration régionale. Son leitmotiv : accélérer la construction d'un marché régional fort et stable (d'environ 300 millions d'habitants) tout en restant actif sur le front de la gestion des crises sociopolitiques. Également ancien représentant du Burkina Faso auprès de l'Union européenne (UE), il est, pour le compte des quinze États membres de la Cedeao, l'un des négociateurs en chef des accords de partenariat économique (APE) avec Bruxelles. Des accords qui devront régir le commerce entre les deux zones. Affable et très loquace lorsqu'il s'agit de l'économie de la sous-région, ce diplômé de HEC Paris a répondu aux questions de Jeune Afrique.
jeune afrique : Pour la première fois depuis longtemps, les chefs d'État de la Cedeao ont tenu, le 25 octobre à Dakar, un sommet exclusivement économique. Quelle était l'urgence de la situation ?
Kadré Désiré Ouédraogo : Pour faire face à l'évolution du monde et à ses défis, le moyen le plus sûr est d'accélérer notre processus d'intégration régionale. Cette volonté de lever les dernières barrières a amené les chefs d'État à organiser une session extraordinaire pour discuter de questions essentiellement économiques. En amont, des experts et des ministres ont travaillé d'arrache-pied pour parvenir à un consensus - pour la première fois depuis une dizaine d'années - autour d'un tarif extérieur commun (TEC) qui doit faire de notre zone de libre-échange une véritable union douanière.
Que devient le TEC de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui regroupe les huit pays ayant le franc CFA en commun ?
L'UEMOA avait déjà son TEC en effet. Au départ, il s'agissait simplement de l'étendre à l'ensemble des pays de la Cedeao. Mais certains ont estimé qu'il ne protégeait pas suffisamment leur industrie manufacturière. Nous avons alors calculé qu'en passant de quatre bandes tarifaires à cinq, avec un taux de droit de douane maximal de 35 % (contre 20 % pour l'UEMOA), les marchés de la communauté seraient suffisamment protégés. À partir de janvier 2015, il n'y aura qu'un seul TEC en Afrique de l'Ouest.
Pourquoi le TEC était-il indispensable ?
C'est une étape importante dans l'édification de notre marché. Ce dispositif constituera le socle sur lequel nous relancerons les négociations commerciales avec l'UE dans le cadre des APE. [Au point mort depuis quelques années, ceux-ci sont censés remplacer l'accord de Cotonou, qui régit depuis 2000 le commerce entre l'Europe et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), NDLR].
Le Ghana et la Côte d'Ivoire, deux de vos États membres, ont signé des APE intérimaires avec Bruxelles pour préserver leur accès aux marchés du Vieux Continent. Cela ne fragilise-t-il pas la zone ?
Si ces accords venaient à être ratifiés sans que nous ayons trouvé une réponse régionale globale, cela signifierait qu'il existe des politiques commerciales et des systèmes tarifaires différents au sein de la sous-région. Ce qui n'est pas concevable dans un marché régional unique. Avec l'UE, nous sommes convenus que, dès qu'un accord régional serait conclu, ceux de ces deux pays seraient caducs.
mage.
Vous vous dites favorable à l'ouverture du marché régional, mais pas pour tous les produits. Pourquoi ?
Certains sont jugés sensibles, parce qu'ils nous permettent d'assurer notre autosuffisance alimentaire, parce qu'ils contribuent à protéger certaines de nos industries essentielles, ou parce qu'ils participent à la préservation de l'emploi. On ne peut pas ouvrir notre marché à des concurrents étrangers qui, eux, sont fortement subventionnés. Pour tous les autres produits, le degré de libéralisation tiendra compte de leur importance dans notre tissu économique régional. Nous avons étudié tous les secteurs et sommes maintenant capables d'analyser notre propre intérêt offensif et notre capacité à préserver notre production locale.
À Dakar, les chefs d'État de la zone vous ont demandé, ainsi qu'à votre homologue de l'UEMOA, de reprendre les discussions sur les APE avec l'UE. Quel sera votre fil conducteur ?
Notre priorité est d'établir un marché régional et d'y promouvoir le commerce interne. Nous sommes pour des APE promoteurs de développement favorisant l'intégration de nos États, accroissant leurs capacités d'ajustement, améliorant leur compétitivité, construisant un marché régional pour tirer bénéfice du commerce international.
Comment renforcer la compétitivité des économies de la sous-région ?
Le soutien au secteur énergétique dans les États membres mais aussi l'interconnexion des réseaux électriques sont devenus nos priorités. Nous avons lancé la construction d'autoroutes destinées à faciliter le trafic dans la sous-région. Cinq de nos membres soutiennent ainsi un projet d'autoroute entre Abidjan et Lagos censée fluidifier le trafic côtier et relier les principaux ports de la sous-région.
Vous arrivez à mi-chemin de votre mandat unique de quatre ans ; comment voyez-vous l'avenir de l'institution ?
Nous gagnons en efficacité. Un cabinet international mène actuellement un audit pour revoir la structure de la Cedeao et améliorer le fonctionnement des ressources humaines, de la gestion financière, de l'informatisation, etc. Toutes les procédures seront réorganisées. Aujourd'hui, nous avons déjà réussi à engager la quasi-totalité des 600 millions d'euros que nous a octroyés l'UE au titre du 10e FED [Fonds européen de développement]. Seuls 5 % de cette somme étaient utilisés jusqu'à présent.
À bientôt 60 ans, l'ex-Premier ministre du Burkina Faso, à la tête de la Commission de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) depuis près d'un an et demi, est devenu le chantre de l'intégration régionale. Son leitmotiv : accélérer la construction d'un marché régional fort et stable (d'environ 300 millions d'habitants) tout en restant actif sur le front de la gestion des crises sociopolitiques. Également ancien représentant du Burkina Faso auprès de l'Union européenne (UE), il est, pour le compte des quinze États membres de la Cedeao, l'un des négociateurs en chef des accords de partenariat économique (APE) avec Bruxelles. Des accords qui devront régir le commerce entre les deux zones. Affable et très loquace lorsqu'il s'agit de l'économie de la sous-région, ce diplômé de HEC Paris a répondu aux questions de Jeune Afrique.
jeune afrique : Pour la première fois depuis longtemps, les chefs d'État de la Cedeao ont tenu, le 25 octobre à Dakar, un sommet exclusivement économique. Quelle était l'urgence de la situation ?
Kadré Désiré Ouédraogo : Pour faire face à l'évolution du monde et à ses défis, le moyen le plus sûr est d'accélérer notre processus d'intégration régionale. Cette volonté de lever les dernières barrières a amené les chefs d'État à organiser une session extraordinaire pour discuter de questions essentiellement économiques. En amont, des experts et des ministres ont travaillé d'arrache-pied pour parvenir à un consensus - pour la première fois depuis une dizaine d'années - autour d'un tarif extérieur commun (TEC) qui doit faire de notre zone de libre-échange une véritable union douanière.
Que devient le TEC de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui regroupe les huit pays ayant le franc CFA en commun ?
L'UEMOA avait déjà son TEC en effet. Au départ, il s'agissait simplement de l'étendre à l'ensemble des pays de la Cedeao. Mais certains ont estimé qu'il ne protégeait pas suffisamment leur industrie manufacturière. Nous avons alors calculé qu'en passant de quatre bandes tarifaires à cinq, avec un taux de droit de douane maximal de 35 % (contre 20 % pour l'UEMOA), les marchés de la communauté seraient suffisamment protégés. À partir de janvier 2015, il n'y aura qu'un seul TEC en Afrique de l'Ouest.
Pourquoi le TEC était-il indispensable ?
C'est une étape importante dans l'édification de notre marché. Ce dispositif constituera le socle sur lequel nous relancerons les négociations commerciales avec l'UE dans le cadre des APE. [Au point mort depuis quelques années, ceux-ci sont censés remplacer l'accord de Cotonou, qui régit depuis 2000 le commerce entre l'Europe et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), NDLR].
Le Ghana et la Côte d'Ivoire, deux de vos États membres, ont signé des APE intérimaires avec Bruxelles pour préserver leur accès aux marchés du Vieux Continent. Cela ne fragilise-t-il pas la zone ?
Si ces accords venaient à être ratifiés sans que nous ayons trouvé une réponse régionale globale, cela signifierait qu'il existe des politiques commerciales et des systèmes tarifaires différents au sein de la sous-région. Ce qui n'est pas concevable dans un marché régional unique. Avec l'UE, nous sommes convenus que, dès qu'un accord régional serait conclu, ceux de ces deux pays seraient caducs.
mage.
Vous vous dites favorable à l'ouverture du marché régional, mais pas pour tous les produits. Pourquoi ?
Certains sont jugés sensibles, parce qu'ils nous permettent d'assurer notre autosuffisance alimentaire, parce qu'ils contribuent à protéger certaines de nos industries essentielles, ou parce qu'ils participent à la préservation de l'emploi. On ne peut pas ouvrir notre marché à des concurrents étrangers qui, eux, sont fortement subventionnés. Pour tous les autres produits, le degré de libéralisation tiendra compte de leur importance dans notre tissu économique régional. Nous avons étudié tous les secteurs et sommes maintenant capables d'analyser notre propre intérêt offensif et notre capacité à préserver notre production locale.
À Dakar, les chefs d'État de la zone vous ont demandé, ainsi qu'à votre homologue de l'UEMOA, de reprendre les discussions sur les APE avec l'UE. Quel sera votre fil conducteur ?
Notre priorité est d'établir un marché régional et d'y promouvoir le commerce interne. Nous sommes pour des APE promoteurs de développement favorisant l'intégration de nos États, accroissant leurs capacités d'ajustement, améliorant leur compétitivité, construisant un marché régional pour tirer bénéfice du commerce international.
Comment renforcer la compétitivité des économies de la sous-région ?
Le soutien au secteur énergétique dans les États membres mais aussi l'interconnexion des réseaux électriques sont devenus nos priorités. Nous avons lancé la construction d'autoroutes destinées à faciliter le trafic dans la sous-région. Cinq de nos membres soutiennent ainsi un projet d'autoroute entre Abidjan et Lagos censée fluidifier le trafic côtier et relier les principaux ports de la sous-région.
Vous arrivez à mi-chemin de votre mandat unique de quatre ans ; comment voyez-vous l'avenir de l'institution ?
Nous gagnons en efficacité. Un cabinet international mène actuellement un audit pour revoir la structure de la Cedeao et améliorer le fonctionnement des ressources humaines, de la gestion financière, de l'informatisation, etc. Toutes les procédures seront réorganisées. Aujourd'hui, nous avons déjà réussi à engager la quasi-totalité des 600 millions d'euros que nous a octroyés l'UE au titre du 10e FED [Fonds européen de développement]. Seuls 5 % de cette somme étaient utilisés jusqu'à présent.