«Au niveau des points positifs, c’est la mise en place d’une stratégie nationale. Il a mis de l’ordre dans toutes les structures post-crise qui s’occupaient du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion. Il y en a une dizaine qui faisaient à peu près les mêmes choses, partageaient les dossiers et quelquefois qui se chevauchaient sur les prérogatives. L’autre satisfaction, c’est la création d’une structure unique sous le couvert de la présidence c’est-à-dire le Conseil national de sécurité (Cns). Il s’occupe en même temps du Désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion (Ddr) et de la Réforme du secteur de la sécurité (Rss). On peut se féliciter de ce que la réflexion ait été menée avec l’implication plus ou moins de toutes les parties prenantes. On salue aussi la création de la Haute autorité du désarmement qui commence à fonctionner même si c’est un peu laborieux, parce que le désarmement n’est pas seulement technique. Il a une dimension politique. Il a été mis en place un secrétariat au niveau du Cns qui coordonne tout ceci. Je pense que 2014 sera véritablement comme ils l’ont promis, l’année de la mise en œuvre, assurément du processus du Ddr et Rss, après la phase de mise en place, de sensibilisation et de formation qui a lieu en 2012-2013. Maintenant, il faut accélérer le processus. Au niveau de ce qu’il reste à faire concernant la Rss, je pense qu’il faut continuer davantage à impliquer la société civile, les communautés et les médias, parce que c’est une question de confiance. Il faut créer la confiance au niveau des communautés, des différentes couches socioprofessionnelles. Et que la volonté politique qui a été affichée se manifeste réellement en allant de manière véritable au désarmement. Au niveau du processus du ramassage des armes que mène la Commission nationale de lutte contre les armes (Comnat), si le volet Ddr n’est pas mis en œuvre et achevé, il sera difficile pour cette structure de véritablement travailler, de ramasser et de retrouver toutes les armes. Je pense que ce qui reste à faire c’est de continuer à manifester la volonté politique en donnant les moyens aux structures pour faire leur travail.»
Salimanta Porquet, présidente du Réseau et sécurité des femmes de la Cedeao (Repsfeco) :«La Côte d’Ivoire a une bonne image à l’extérieur»
«Au plan international, notre pays est mieux respecté. Lorsque le président arrive à Addis-Abeba, c’est vraiment le tapis rouge qui lui est déroulé. Par exemple, quand il a pris la parole au dernier sommet sur la Cour pénale internationale (Cpi) et qu’il a donné son point de vue, il aurait fallu être dans la salle pour voir comment il a été fortement acclamé. Au niveau de la sous-région, avec la Cedeao, le président est vraiment intervenu pour régler la crise malienne. Sans son appui, ce n’était pas évident que les autres pays comme la France s’engagent dans le combat pour sauver le Mali. Il a fallu l’insistance et l’implication personnelle du président Ouattara pour que la France et même les Etats-Unis interviennent dans ce pays frère. Au niveau de la Guinée-Bissau, de grandes décisions sont en train d’être prises. Il est en train de faire avancer également les Forces africaines d’interposition. C’est dire qu’à l’échelle sous-régionale, j’ai une satisfaction parce que la Côte d’Ivoire a une autre image. Nous demandons cependant au président de se ménager. Il veut tellement faire pour son pays et même pour l’Afrique qu’il est toujours entre deux avions».
Bamba Sindou, Coordonnateur général du Regroupement des acteurs des droits humains (Raidh) :«Il doit garantir la libre circulation des biens et des personnes»
«Lorsque le président Alassane Ouattara prêtait serment, il disait qu’il voulait faire de la Côte d’Ivoire un Etat de droit. Des efforts ont été réalisés dans ce sens mais beaucoup reste à faire. Il doit garantir la sécurité et la libre circulation des biens et des personnes. Cela suppose qu’il y ait une force républicaine. De nouveaux tribunaux ont ouvert et nous souhaitons que cet Etat de droit soit une réalité, où la démocratie s’exprime et les droits des uns et des autres respectés. Nous souhaitons que l’accès à la justice soit assuré pour tous les citoyens. Cela signifie qu’il faut une justice crédible qui rassure davantage les populations. Des efforts sont à faire en matière de justice. Il est important de rapprocher les tribunaux des populations. Cela nécessite une éducation de celles-ci et des animateurs de l’appareil judiciaire. Sur le plan sécuritaire, on constate une confusion au niveau des différents acteurs parce qu’on ne sait pas le rôle de la police, celui de la gendarmerie et des Frci (Forces républicaines de Côte d’Ivoire, Ndlr). Il est important que chacun d’eux soit mis dans son rôle réel, soit équipé conséquemment. Il faut que les gens aient de l’emploi, la santé. L’ouverture des concours est primordiale parce que la Côte d’Ivoire a besoin de fonctionnaires. Au niveau du privé, il faut créer des conditions pour que ce secteur s’installe et qu’il puisse absorber le nombre croissant de jeunes sans-emploi. Un processus de réconciliation est amorcé, il faut qu’il aboutisse. On a des programmes notamment la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr) dont il faut prolonger le mandat en fonction du travail qui lui reste à faire. Il y a également la Cellule spéciale d’enquête dont le mandat doit aussi être prolongé afin qu’elle s’occupe de certaines choses en dehors de la justice classique. On a aussi le Programme de cohésion sociale. Il faut repenser le dédommagement des victimes, le recensement des anciens combattants et des démobilisés… Toutes ces conditions satisfaites peuvent nous amener à des élections pacifiques en 2015».
Christophe Kouamé, Coordonnateur national de la Csci : «Le bilan est mitigé»
«Le bilan est mitigé. Il y a eu d’énormes avancées en termes de réformes institutionnelles jusqu’à ce que la Côte d’Ivoire soit classée ‘’Top performer’’ du ‘’Doing business 2014‘’, parmi les dix premiers pays au vu des réformes opérées. Cependant, pour la société civile, le tout n’est pas de faire une pléthore de réformes, mais il convient de les faire respecter et appliquer scrupuleusement. C’est seulement à ce prix que le changement de mentalité et de comportements des citoyens tant souhaité peut s’opérer. Le talon d’Achille de la justice ivoirienne reste son impuissance face au phénomène récurrent de la corruption qui gangrène toute la sphère publique. En témoigne le recul de notre pays dans le classement de Transparency International où notre pays occupe le 136ème rang sur 175 alors que l’année précédente le classement était de 130ème sur 175. Malheureusement, ce fléau n’a pas été suffisamment abordé en termes de mise en œuvre opérationnelle même si deux ordonnances ont été prises, dont l’une porte sur la création de la Haute autorité de la bonne gouvernance. Par ailleurs, les problèmes pendants n’ont pas été réglés ; c‘est-à-dire ceux relatifs aux personnes qui ont amassé frauduleusement des biens. Que fait-on d’elles surtout qu’elles pourraient techniquement être détectées ? Il est techniquement possible de déterminer les avoirs (ou les biens) d’un citoyen en fonction de ses revenus. Tout comme, il peut être demandé à tout citoyen de justifier l’origine de ses biens. Mais à notre corps défendant, nous constatons que l’impérieuse nécessité d’adopter une loi sur l’enrichissement illicite, qui a fait l’objet de consensus à Linas-Marcoussis, n’est toujours pas d’actualité. Donc ces deux problèmes viennent assombrir tout ce qui a été fait de positif. Puis vient le plus gros problème de la justice. Plusieurs décisions sont obtenues mais pas appliquées.
Globalement, la sécurité s’est améliorée et nous le constatons tous. Des infrastructures sont en construction. Mais encore faut-il se demander comment nous allons les gérer? Prenons l’exemple d’un pont à péage qui est l’objet d’un contrat PPP (Partenariat public privé, Ndlr), l’investisseur privé, le maître d’œuvre, doit être remboursé par la gestion du péage. Comment est-ce possible si la corruption n’est pas combattue ? Les points positifs : Les réformes institutionnelles ont démarré, certaines sont terminées. Nous percevons une volonté affichée d’avancer dans les réformes. Les points à améliorer : Il faudrait créer une combinaison gagnante en lançant parallèlement à ces réformes une éducation civique et citoyenne novatrice. Elles consisteraient à accompagner les organisations de la société civile en plus des programmes scolaires à dispenser dans les établissements scolaires, en mettant l’accent sur les nouvelles problématiques (corruption, bien public, redevabilité etc.) pour imprimer «le changement» aux nouvelles générations».
Recueillis par Danielle Tagro
Salimanta Porquet, présidente du Réseau et sécurité des femmes de la Cedeao (Repsfeco) :«La Côte d’Ivoire a une bonne image à l’extérieur»
«Au plan international, notre pays est mieux respecté. Lorsque le président arrive à Addis-Abeba, c’est vraiment le tapis rouge qui lui est déroulé. Par exemple, quand il a pris la parole au dernier sommet sur la Cour pénale internationale (Cpi) et qu’il a donné son point de vue, il aurait fallu être dans la salle pour voir comment il a été fortement acclamé. Au niveau de la sous-région, avec la Cedeao, le président est vraiment intervenu pour régler la crise malienne. Sans son appui, ce n’était pas évident que les autres pays comme la France s’engagent dans le combat pour sauver le Mali. Il a fallu l’insistance et l’implication personnelle du président Ouattara pour que la France et même les Etats-Unis interviennent dans ce pays frère. Au niveau de la Guinée-Bissau, de grandes décisions sont en train d’être prises. Il est en train de faire avancer également les Forces africaines d’interposition. C’est dire qu’à l’échelle sous-régionale, j’ai une satisfaction parce que la Côte d’Ivoire a une autre image. Nous demandons cependant au président de se ménager. Il veut tellement faire pour son pays et même pour l’Afrique qu’il est toujours entre deux avions».
Bamba Sindou, Coordonnateur général du Regroupement des acteurs des droits humains (Raidh) :«Il doit garantir la libre circulation des biens et des personnes»
«Lorsque le président Alassane Ouattara prêtait serment, il disait qu’il voulait faire de la Côte d’Ivoire un Etat de droit. Des efforts ont été réalisés dans ce sens mais beaucoup reste à faire. Il doit garantir la sécurité et la libre circulation des biens et des personnes. Cela suppose qu’il y ait une force républicaine. De nouveaux tribunaux ont ouvert et nous souhaitons que cet Etat de droit soit une réalité, où la démocratie s’exprime et les droits des uns et des autres respectés. Nous souhaitons que l’accès à la justice soit assuré pour tous les citoyens. Cela signifie qu’il faut une justice crédible qui rassure davantage les populations. Des efforts sont à faire en matière de justice. Il est important de rapprocher les tribunaux des populations. Cela nécessite une éducation de celles-ci et des animateurs de l’appareil judiciaire. Sur le plan sécuritaire, on constate une confusion au niveau des différents acteurs parce qu’on ne sait pas le rôle de la police, celui de la gendarmerie et des Frci (Forces républicaines de Côte d’Ivoire, Ndlr). Il est important que chacun d’eux soit mis dans son rôle réel, soit équipé conséquemment. Il faut que les gens aient de l’emploi, la santé. L’ouverture des concours est primordiale parce que la Côte d’Ivoire a besoin de fonctionnaires. Au niveau du privé, il faut créer des conditions pour que ce secteur s’installe et qu’il puisse absorber le nombre croissant de jeunes sans-emploi. Un processus de réconciliation est amorcé, il faut qu’il aboutisse. On a des programmes notamment la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr) dont il faut prolonger le mandat en fonction du travail qui lui reste à faire. Il y a également la Cellule spéciale d’enquête dont le mandat doit aussi être prolongé afin qu’elle s’occupe de certaines choses en dehors de la justice classique. On a aussi le Programme de cohésion sociale. Il faut repenser le dédommagement des victimes, le recensement des anciens combattants et des démobilisés… Toutes ces conditions satisfaites peuvent nous amener à des élections pacifiques en 2015».
Christophe Kouamé, Coordonnateur national de la Csci : «Le bilan est mitigé»
«Le bilan est mitigé. Il y a eu d’énormes avancées en termes de réformes institutionnelles jusqu’à ce que la Côte d’Ivoire soit classée ‘’Top performer’’ du ‘’Doing business 2014‘’, parmi les dix premiers pays au vu des réformes opérées. Cependant, pour la société civile, le tout n’est pas de faire une pléthore de réformes, mais il convient de les faire respecter et appliquer scrupuleusement. C’est seulement à ce prix que le changement de mentalité et de comportements des citoyens tant souhaité peut s’opérer. Le talon d’Achille de la justice ivoirienne reste son impuissance face au phénomène récurrent de la corruption qui gangrène toute la sphère publique. En témoigne le recul de notre pays dans le classement de Transparency International où notre pays occupe le 136ème rang sur 175 alors que l’année précédente le classement était de 130ème sur 175. Malheureusement, ce fléau n’a pas été suffisamment abordé en termes de mise en œuvre opérationnelle même si deux ordonnances ont été prises, dont l’une porte sur la création de la Haute autorité de la bonne gouvernance. Par ailleurs, les problèmes pendants n’ont pas été réglés ; c‘est-à-dire ceux relatifs aux personnes qui ont amassé frauduleusement des biens. Que fait-on d’elles surtout qu’elles pourraient techniquement être détectées ? Il est techniquement possible de déterminer les avoirs (ou les biens) d’un citoyen en fonction de ses revenus. Tout comme, il peut être demandé à tout citoyen de justifier l’origine de ses biens. Mais à notre corps défendant, nous constatons que l’impérieuse nécessité d’adopter une loi sur l’enrichissement illicite, qui a fait l’objet de consensus à Linas-Marcoussis, n’est toujours pas d’actualité. Donc ces deux problèmes viennent assombrir tout ce qui a été fait de positif. Puis vient le plus gros problème de la justice. Plusieurs décisions sont obtenues mais pas appliquées.
Globalement, la sécurité s’est améliorée et nous le constatons tous. Des infrastructures sont en construction. Mais encore faut-il se demander comment nous allons les gérer? Prenons l’exemple d’un pont à péage qui est l’objet d’un contrat PPP (Partenariat public privé, Ndlr), l’investisseur privé, le maître d’œuvre, doit être remboursé par la gestion du péage. Comment est-ce possible si la corruption n’est pas combattue ? Les points positifs : Les réformes institutionnelles ont démarré, certaines sont terminées. Nous percevons une volonté affichée d’avancer dans les réformes. Les points à améliorer : Il faudrait créer une combinaison gagnante en lançant parallèlement à ces réformes une éducation civique et citoyenne novatrice. Elles consisteraient à accompagner les organisations de la société civile en plus des programmes scolaires à dispenser dans les établissements scolaires, en mettant l’accent sur les nouvelles problématiques (corruption, bien public, redevabilité etc.) pour imprimer «le changement» aux nouvelles générations».
Recueillis par Danielle Tagro