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Sport Publié le jeudi 16 janvier 2014 | Le Mandat

Entretien avec Toh Jean (Ancienne gloire de football) charge : « Si rien n’est fait, on reviendra sur la pointe des pieds »

Toh Jean est une ancienne gloire du football ivoirien. Il a évolué dans divers clubs en Côte d’Ivoire, notamment à la Renaissance Club de Man, à l’As Divo, au Stella, et dans la sélection des Eléphants dans les années 70 et 80. Ses talents reconnus l’ont conduit à une carrière professionnelle au Stade Malherbe de Caen et au Matra Racing club de Paris. Il est l’actuel intendant du Stella Club d’Adjamé. Dans cet entretien, il met à nu les limites des Eléphants et les raisons d’un football ivoirien à la traîne.

Quelle différence faites-vous entre le championnat de votre époque et celui de maintenant ?
Avant, on jouait avec le cœur. Entre-temps, je travaillais dans une entreprise de la place. Mais je ne venais pas au football pour de l’argent. A cette époque, on jouait pour se faire plaisir et faire plaisir à ceux qui se déplaçaient au stade. Maintenant, le football est devenu professionnel. Les petits joueurs de maintenant se prennent tous pour des Ronaldo, des Zidane. Ils ne sont pas consciencieux.

Ne pensez-vous pas que c’est le manque de créativité des joueurs qui amène les spectateurs à boycotter les matchs ?

C’est de cela que je parle. Qui fait venir le public ? C’est l’artiste, c’est le joueur. Mais quand le public vient, et qu’il ne voit rien, comment voulez-vous qu’il revienne ? Il n’y a plus de bons joueurs en Afrique. Quand un enfant a 16 ans, et qu’il joue bien, tout de suite les Occidentaux viennent le chercher. Tous ceux-là se prennent pour des professionnels. Ils se prennent pour ce qu’ils ne sont pas. Je ne sais pas si la Fédération fait aussi quelque chose pour que le public vienne au stade.
Quel est votre recette pour ramener le public au terrain, en tant qu’ancien joueur ?
Déjà, pour ramener le public, il faut que chaque club s’organise comme l’Asec. J’ai l’impression qu’on crée des clubs pour dire qu’on est président. Jacques Anouma, ancien président de la Fédération, a créé un club. Aujourd’hui, les résultats sont là. Il faut noter qu’il n’y a plus de présidents passionnés pour attirer le monde. Depuis le passage de Troussier, qui a réussi un coup avec les Académiciens ? Il n’y a que des académiciens quelconques maintenant. Toutes les équipes jouent avec le même schéma. On ne crée pas. On ne permet pas aux enfants de jouer avec leur qualité naturelle. Avant, on avait des joueurs qui pouvaient décanter les situations à n’importe quel moment.

A l’image des autres clubs ivoiriens, le Stella est à la traîne. Selon vous, comment sortir le club de l’ornière ?

C’est parce que les temps sont durs. En Côte d’Ivoire, on n’a pas de sponsor. Aujourd’hui, l’Asec plane sur tout le monde. Parce qu’elle a des sponsors. Les autres clubs sont à la traîne parce qu’ils n’ont pas de sponsors. Il n’y a qu’une seule personne qui tient le club qui peut s’essouffler à un moment donné. Depuis que le Séwé a commencé à jouer la Coupe d’Afrique, son président Eugène Diomandé a vendu quelques joueurs, ce qui lui permet de gagner de l’argent. Et ainsi, Il peut mettre ses joueurs à l’aise. Cela peut se remarque sur trois saisons. Parmi les grands clubs dont on parle en Côte d’Ivoire, la situation de l’Africa est la plus triste. Parce que ce club avait des ‘’fous’’ comme Zinsou qui faisait tout et parlait moins. Aujourd’hui, il n’y a plus d’hommes de cette trempe à l’Africa. Et les résultats attestent bien mes propos. Il y a aussi une grande équipe comme le Stade d’Abidjan qui se retrouve aujourd’hui en deuxième Division. Et la raison est la même. Il n’y a plus personne qui puisse égaler Me Mondon, paix à son âme. On ne trouve plus des hommes comme Zinsou et Mondon qui étaient des présidents qui faisaient la fierté des clubs.

Les Eléphants sont qualifiés pour le troisième Mondial d’affilée et sont logés dans la poule C. Un commentaire sur cette poule ?

Je pense que ça va être dur. Je ne vais peut-être pas vous faire plaisir. Il y en a qui disent qu’on ira au deuxième tour, parce qu’il y a des équipes comme le Japon, la Grèce et la Colombie. C’est là que je dis que beaucoup vont déchanter ! La Colombie par exemple est classée 4ème au classement Fifa. Les joueurs des équipes comme la Grèce et le Japon jouent pleinement dès que le coup d’envoi est donné, et ne s’arrêtent pas. On ne verra jamais un joueur en train de marcher sur le terrain. Or, dans l’équipe des Eléphants, on a des joueurs qui se comportent comme des Sénateurs. Mais quand ils viennent en équipe nationale, chacun roule sa mécanique. Personne ne veut travailler pour l’autre. Or, avec les Grecs et les Japonais, c’est « un pour tous et tous pour un ». Si on ne se met pas au travail sérieusement, on va souffrir. Si on joue seulement parce qu’on porte les couleurs d’un pays, on va déchanter. Et c’est clair !
En tant qu’ancien, que conseilleriez-vous aux Eléphants, pour une campagne digne de la Côte d’Ivoire.
Je leur dirai de se battre, de mouiller le maillot. Qu’ils mettent de côté ces petites querelles de personnes qui découlent de la star mania. Ces petits conflits tuent la sélection aujourd’hui. Et on devrait les régler avant d’aller au Mondial. Mais on constate plutôt que les gens font semblant de prôner l’entente. Si rien n’est fait, on reviendra sur la pointe des pieds.
Pour ce Mondial, Sabri Lamouchi doit-il compter avec la fougue de la jeunesse ou l’expérience des plus anciens ?
C’est une question difficile, parce que c’est un travail qui se fait sur le long terme. Depuis qu’il est aux commandes de la sélection, je pense qu’il aurait pu y penser. Mais j’avoue que ce sera difficile pour nous après cette génération. Il y a des pays qui l’ont compris. Au Nigéria par exemple, l’équipe est formée de locaux et de quelques expatriés. Ce qui n’est pas le cas avec les Eléphants, où à 99%, tout le monde est expatrié.
Selon vous, quel est le véritable problème du football ivoirien ?
Il n’y a pas de suivi dans le football ivoirien, parce qu’il n’est pas organisé. On n’a ni un championnat cadet, ni un championnat réserve, encore moins un championnat junior. Et, on ne fait pas d’effort parce qu’on sait que nos joueurs sont en occident. Zougoula, est parti d’ici. Et des Zougoula, il y en a ici. Il suffit de les prendre, de travailler sérieusement avec eux pour qu’ils soient bons. Mais cela révèle aussi l’inconvénient d’avoir un expatrié à la tête de l’équipe nationale.
De vous à nous, les joueurs locaux ont-ils du coffre ?
Si on leur donne le moyen d’avoir du coffre, ils en auront. C’est cela l’Ivoirien. Il parle Français, il s’habille Italien et il danse Américain. Il ne boit jamais le café de Côte d’Ivoire. Alors que beaucoup de pays auprès de nous se sont inspirés de notre exemple pour développer leur football, tels que le Nigéria, le Ghana et le Sénégal…

Entretien réalisé par Francis Aké
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