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Société Publié le mardi 25 mars 2014 | Nord-Sud

Hygiène alimentaire : Les restaurants à ciel ouvert inquiètent

Le manque d’hygiène observé dans les restaurants à ciel ouvert a pris des proportions alarmantes dans plusieurs communes d’Abidjan. Enquête.

Il est 13 heures, ce mardi 11 mars, quand nous arrivons dans la commune de Treichville, précisément au quartier Apollo. Dans chaque coin de rue, il existe au moins deux restaurants à ciel ouvert. Sillonnant le quartier, nous sommes attirés par celui de dame N’Dah Suzanne. L’endroit ne présente pas fière allure. Une eau de couleur noirâtre coule sous la table où sont posés marmites et autres accessoires de cuisine. Le décor ne semble gêner aucun client. Nous nous présentons devant la vendeuse qui nous renseigne aussitôt sur les tarifs des plats. « Ici, les prix varient entre 400 Fcfa et 500 F. Mais si tu as 300 F, tu peux manger ; foutou 100 F, poisson 200F. Donc tout le monde peut se restaurer», détaille-t-elle. Au menu du jour, la sauce aubergine accompagnée de patte de bœuf, du foutou (banane pilée) et du riz. « Je viens manger ici parce que c’est moins cher et la cuisine est bien faite. Je n’ai jamais eu un problème de santé lié à la nourriture de cette dame », indique un client qui a requis l’anonymat. Au sujet de l’hygiène des lieux, A.M, agent de sécurité s’empresse de répondre : « Moi, l’eau sale ne me dit rien, puisque ce n’est pas dans la nourriture que cela se trouve ». Sa réaction nous laisse perplexe. Dame N’dah Suzanne qui a suivi la conversation réplique : «  Quand je ne vendais pas ici, l’endroit était sale. C’est moi qui balaie et nettoie, avant de servir les clients. Quand vient la saison des pluies, cet endroit devient une lagune. L’eau inonde cette place à tel point que je ne peux plus m’y installer ; sinon ma clientèle serait obligée de marcher dans de l’eau avant d’acheter la nourriture ». Et de poursuivre, en guise de précision : « Mais chaque jour, je verse un peu d’eau de javel, avant d’installer mes plats », avance-t-elle. A la question de savoir si elle a déjà reçu la visite des agents de l’Hygiène publique, la restauratrice répond par la négative. Avant d’ajouter : « Les agents de la mairie m’encaissent la somme de 100 F chaque jour ». Elle nous montre le papier qui fait office de ticket. A quelques encablures de là, une autre gargote. Une parmi les nombreux espaces gastronomiques que compte la rue que les clients appellent  « Chez Chantal ». A cet endroit, le constat est alarmant. Une eau dont la vue suffirait à donner la nausée, stagne tout juste à côté des assiettes déjà utilisées. Une nappe en plastique défraîchie recouvre les différentes tables. L’une des employées M .F. nous apprend que la propriétaire s’acquitte également d’une taxe à la mairie. « Ma patronne paie la taxe de la mairie par an. Mais je ne sais pas combien cela lui coûte », confie-t-elle. Contrairement à dame Suzanne, elle reconnaît avoir subi l’inspection des agents de l’Hygiène publique. « Ils ont regardé dans tout le restaurant. Quand ils ont fini, ils nous ont dit de rendre cet endroit propre, d’appliquer les règles d’hygiène et qu’ils vont repasser pour un autre contrôle », se souvient-elle. Des clients en plein dégustation de foutou à la sauce graine, à qui nous avons voulu arracher quelques mots ont refusé de s’exprimer. Des voitures stationnées à proximité portent à croire que des clients de toutes les couches sociales fréquentent cet établissement. «Ici, tous les plats sont à 1000 F », nous précise M.F.
De Treichville, nous mettons le cap sur Williamsville. Autre lieu, même réalité ! Devant le restaurant « Tantie, j’ai faim », ustensiles et assiettes sont posés à même le sol, dans un ballet incessant de mouches. À l’intérieur, deux tables et deux bancs sont à disposition des clients. En s’avançant plus loin dans ce même endroit nous apercevons deux femmes qui pilent le foutou que des consommateurs attendent avec impatience. « Je travaille juste à côté, donc je viens manger ici chaque jour. Elle prépare bien et sait accueillir les clients, et le cadre ne me dérange pas parce qu’on est à Williamsville », explique Amos, employé d’une pharmacie voisine. Un autre client, K.S., en train de déguster du riz servi avec de la sauce arachide ne partage pas le point de vue. «Ce n’est pas parce que nous sommes à Williamsville que les conditions de propreté doivent faire défaut. Moi, le cadre me gêne beaucoup. Elle prépare bien et nous fait manger à coût très réduit, mais elle doit revoir le cadre », se plaint-il. La patronne des lieux, Konan Adjoua, affirme ne pas connaître les agents de l’Hygiène publique et n’avoir reçu aucune visite de ces agents. Mais tout comme les autres auberges des environs, elle paye régulièrement une taxe à la mairie. Les « garbadromes », autres lieux de restauration prisés offrent le même spectacle répugnant. C’est le cas de celui tenu par le nommé Seydou, à quelques mètres de là. Installé à cet endroit depuis 2002, ce vendeur d’attiéké «garba» (semoule de manioc servi avec du poisson thon) est bien connu dans les environs. Des jeunes gens qui mangent avec appétit sur une table à la propreté douteuse nous confient avec le sourire : « On vient manger à crédit. Quand on gagne un peu d’argent, on vient payer ce qu’on lui doit. En plus, son attiéké est plus doux que pour les autres ». Au sujet de l’hygiène du site, un client qui jusque-là ne disait mot, réagit promptement. «  Tous les coins de garba sont comme ça. C’est ce qui fait que c’est doux. Dans les coins trop propres, le goût n’est pas pareil», soutient-il. Pendant ce temps, Seydou est occupé à répartir les poissons fris tout juste retirés d’une huile de couleur noirâtre plusieurs fois utilisée.  « Je paie les taxes de la mairie qui s’élèvent à 300 F par jour. Aucun agent de l’Hygiène publique n’est venu me dire que mon coin n’est pas propre. Je fais mon possible pour nettoyer ici », se défend-il. Mais l’aspect du sol nous laisse croire qu’il n’a pas reçu un seul coup de balai depuis des lustres.
Au carrefour Agban, à la sortie de la commune d’Adjamé, parmi les menuisiers et derrière une station de lavage d’autos qui manque fort d’entretien, se trouve l’espace de dame Fanta. A notre arrivée, les mets cuisinés ce jour étaient déjà finis. Les clients avaient déserté les lieux. Seule la patronne du coin s’y trouvait encore. Selon elle, tous les midis, les clients s’y retrouvent en grand nombre. Cette dame non plus n’est nullement inquiétée par les contrôles. « Je n’ai jamais été visitée par des agents d’hygiène », soutient-elle. Selon Dr Bitty Marie-Joseph avec qui nous avons échangé sur le sujet, l’hygiène publique se décline en plusieurs branches, « il s’agit de l’hygiène alimentaire, environnementale, corporelle, individuelle et collective et l’hygiène hospitalière. Il faut retenir qu’en fait, il s’agit de bonnes pratiques à mettre en œuvre en vue de prévenir des maladies. » D’après ses explications, quand on mange dans les restaurants pas très salubres, on s’expose à toutes les maladies diarrhéiques. «On s’expose au choléra qui devient une épidémie quand un seul cas est déclaré et toutes les intoxications alimentaires dues aux aliments qui sont contaminés. Il y a aussi la fièvre typhoïde qui peut se contracter aisément dans ces conditions et tout ce qui est parasitose, les infections par les parasites », prévient la spécialiste.


SMD (stagiaire)
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