« Voulez-vous qu’on vous notifie votre mandat d’arrêt ? ». A cette question de la présidente de la Chambre préliminaire I, la réponse de Charles Blé Goudé a été sans équivoque : « Non ! ». Charles Blé Goudé a donc refusé que la juge Silvia de Gurmendi lise à l’attention du monde entier la teneur du mandat d’arrêt qui lui vaut d’être aujourd’hui à La Haye. Mais « le ministre de la rue » ne l’a fait ni pour faire gagner du temps à la Cour ni par pudeur. L’attitude du nouveau pensionnaire du centre pénitentiaire de Scheveningen est dictée par un sentiment qui s’apparente à de la lâcheté. Charles Blé Goudé refuse de se regarder dans son propre miroir. La lecture du mandat d’arrêt aurait dévoilé à la face du monde le vrai visage du nouveau client des juges de La Haye. Charles Blé Goudé est poursuivi, comme l’indique son mandat d’arrêt, en tant que coauteur indirect, de quatre chefs de crimes contre l’humanité perpétrés entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011. A savoir : « meurtres, viols, autres formes de violences sexuelles, actes de persécution et autres actes inhumains ». Le refus de l’ancien secrétaire général de la FESCI de se voir notifier, en guise d’un simple rappel qui obéit à la procédure en pareille circonstance, ces différents chefs d’accusation, a forcément donné le sentiment à ceux qui ont suivi l’audience hier, que l’homme était en proie à un supplice intérieur. Celui de devoir entendre, énumérés l’un après l’autre, les crimes qu’il avait pu commettre contre les Ivoiriens pendant la crise postélectorale. Des turpitudes qu’il s’est mis en idée de cacher à la face du monde en se présentant comme la victime expiatoire d’un complot qui n’existe que dans sa tête. Exactement comme l’a fait le président Laurent Gbagbo avant lui. Dans la même logique de la fuite-avant de son mentor, Charles Blé Goudé, au cours de son intervention, s’est borné à accabler le pouvoir d’Abidjan. Sans souffler un seul de mot sur le rôle qu’il a joué dans la tragédie postélectorale qui a fait plus 3000 morts. Constamment, son regard fuyait le miroir de cette histoire de fraiche et triste mémoire en Côte d’Ivoire pour ne se concentrer que sur son moi. Or comme le dit Blaise Pascal : « le moi est haïssable ». Blé Goudé a tenté d’émouvoir les juges de La Haye sur les conditions prétendument exécrables dans lesquelles il a vécu ces 14 derniers mois, depuis son extradition du Ghana à son séjour à la DST et dans la « résidence protégée » allouée par les autorités ivoiriennes. Charles Blé Goudé, comme on s’y attendait, a fait son « one man show » hier à la CPI. Il a tout dit, sauf l’essentiel, qui est sa part de responsabilité dans la parenthèse honteuse de la crise postélectorale. « Si je suis coupable, que la loi me soit appliquée dans toute sa rigueur ou que je sois innocenté et retourner dans mon pays si je suis déclaré non coupable », a-t-il lancé à la barre. Si aujourd’hui, Charles Blé Goudé semble avoir honte de ses crimes, il est fort à parier que le moment venu, il reniera ses propos et refusera d’assumer sa part d’histoire.
jCC
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