Réunis fin juin dernier à Malabo en Guinée équatoriale pour le XXIIIe sommet de l'Union africaine, les dirigeants africains ont voté à l'unanimité, une résolution qui les prémunit de poursuites devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Le 4 juillet dernier, le Directeur des affaires juridiques de l'Ua a rendu public l'information qui n'était jusque-là pas officielle. Le juriste justifie cette décision qui prémunit les chefs d'Etat en exercice et les hauts responsables gouvernementaux de poursuites, par le souci de voir «le navire de l'Etat continuer d'être dirigé». Curieux prétexte, car c'est cette propension des dirigeants africains à penser qu'en dehors d'eux, il n'y a personne d'autre pour diriger leurs pays, qui fait qu'ils sont convaincus que la vie s'arrêtera dans leurs pays, le jour où ils auront le moindre bobo. C'est la même raison qui a motivé la requête adressée fin 2013 par l'Ua à la Cpi en faveur du président kenyan Uhuru Kenyatta, demandant à ce tribunal de suspendre ses poursuites contre lui durant son mandat. Cette auto-immunité que se sont accordés nos dirigeants, n'est rien d'autre qu'une prime à l'impunité dont heureusement la valeur ne dépasse pas les frontières du continent. Pour le moment, cette Cour africaine n'existe que sur le papier. Depuis la décision de sa création en 1998, rien n'a été fait pour qu'elle voit le jour et c'est tant mieux, si c'est pour émettre des lois aussi rétrogrades. Même si le projet est matérialisé, il y a de fortes chances que ses décisions n'aient aucune compétence universelle. Le procès que fait l'Union africaine à la Cour pénale internationale (Cpi), n'est pas seulement fondé sur le fait que ce tribunal ne poursuit que les seuls dirigeants africains. La vraie raison est que depuis sa mise en place, la Cpi constitue une véritable épouvante pour nos dirigeants qui se voient désormais privés de ce ''droit de vie et de mort'' sur leurs concitoyens, pendant leur règne. L'auto-immunité qu'ils viennent de s'accorder, est une réaction au rejet par la Cpi de leur requête en suspension de poursuites, pendant qu'ils sont aux affaires. Le continent peine déjà à se débarrasser de ses vieux dirigeants qui s’agrippent au pouvoir depuis des décennies. Leur hantise d'être rattrapés par leurs nombreux crimes, le jour où ils ne seront plus en exercice, explique leur refus obstiné de lâcher le gouvernail. S'ils sont alors assurés d'une impunité totale pendant qu'ils sont au pouvoir, ils feront tout pour s'y maintenir jusqu'à leur mort.
Charles d'Almeida
Charles d'Almeida