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Afrique Publié le jeudi 16 octobre 2014 | Diasporas-News

Nigéria : Boko Haram s’invite aux élections présidentielles

© Diasporas-News Par DR
43ème Session Ordinaire du Sommet d`ECOWAS: SEM Alassane Ouattara a à Abuja
Mercredi 17 juillet 2013. Abuja, Nigeria. Le Président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, prend part à la 43ème Session Ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Photo : Le Président nigérien Goodluck Jonathan.
Dans la même semaine, le sanguinaire chef de la secte terroriste Abubakar Shekau a été donné mort, par deux fois : d’abord côté camerounais et ensuite côté nigériane. Aveu d’impuissance des forces armées qui le traque ? Le président sortant Jonathan Goodluck aimerait bien avoir un peu de répit, avec le scrutin de février 2015.


25 villes du Nord-Est seraient aujourd’hui sous-contrôle de Boko Haram (BH). Face à cette flambée de violence récurrente depuis maintenant trois ans, le président Jonathan Goodluck avait instauré en mai 2013 l’état d’urgence dans trois États de la partie orientale : Borno, Yobe, Adamawa. Cette zone de guerre est complètement isolée, presque coupée de tous moyens de télécommunications ; il est quasiment impossible de vérifier la véracité sur cette mainmise du groupe islamiste. Seuls les témoignages de la population fuyant la région, tendent à confirmer l’aveu à demi-mot de l’armée nigériane. Elle admet, en effet, que cette situation instable peut constituer une menace pour la souveraineté du pays alors que les élections présidentielles auront lieu dans quatre mois c’est-à-dire en février 2015.

Les flots d’informations en continu, la culture du zapping relèguent souvent au second rang d’autres crises majeures. Nigéria : « où s’arrêtera la violence ? » avions-nous titré (NDLR : Diasporas-News n°53 de juin 2014). Pendant que se déroulaient le conflit israélo-palestinien et l’avènement de l’État Islamique en Mésopotamie, au Nigéria le feuilleton « BH » aligne ses épisodes funestes avec son cortège d’horreurs : plus de 2.500 morts en 2014 ! L’enlèvement de quelques 250 lycéennes, au mois d’avril dernier, a ému la planète entière. Stars, hommes politiques et même le festival de Cannes ont fait sienne la cause soutenue par madame Oby Ezekwesili, ancienne ministre de l’Éducation : #bringbackourgirls#. Aujourd’hui encore, aucune trace de quelques 220 adolescentes toujours entre les griffes de BH et ce, malgré les moyens mis œuvre pour les retrouver : arrivée d’experts en renseignements dépêchés par les États-Unis, la Grande-Bretagne, surveillance aérienne et satellitaire renforcée au-dessus de la zone. Où sont-elles : dans la forêt de Sambisa ou déjà dispatchées hors des frontières ?
Ce kidnapping a surtout permis de mettre au jour l’inefficacité de la lutte menée par l’armée nigériane contre ces terroristes. Cette catastrophe aurait pu être évitée car il s’est avéré, a postériori, que l’armée nigériane a été informée de l’attaque contre le lycée de Chibok, quatre heures avant qu’elle n’ait eu lieu. Et pourtant le Nigéria affecte plus de 5.000 milliards $ par an à son budget militaire. Depuis un an, la 7ème division d’infanterie est chargée de sécuriser le Nord-Est. 8.000 hommes composent cette unité dont des soldats rapatriés spécialement du Mali pour couvrir une zone de 150.000 km². Les experts militaires stigmatisent le manque cruel de moyens aériens et d’intervention rapide pour surprendre les attaques de groupe BH ou ne serait-ce-que pour obtenir des renforts à temps. Sans oublier les rivalités entre services de sécurité !

La coopération internationale


Jonathan Goodluck a sollicité l’aide internationale. Ainsi Paris a accueilli la conférence sur la sécurité du Nigéria avec ses voisins en mai dernier. Elle scella officiellement la décision de mener une lutte coordonnée contre ce fléau. Alors qu’auparavant, ceux-ci ne sont jamais préoccupés outre mesure de la porosité de leurs frontières ; une aubaine pour les miliciens islamistes fuyant la répression des autorités nigérianes ou peut-être même de se constituer une base-arrière.
Mais cette fois-ci, outre la menace sur la sécurité de chaque pays du bassin du lac Tchad, l’avancée de BH risque de toucher leurs intérêts vitaux. Le Niger qui exploite depuis trois ans le gisement d’Agadem souhaite maintenant exporter son surplus de brut. Pour cela, un accord a été signé en 2012 entre le Niamey et Ndjamena pour la construction de la route du pétrole. Il s’agit d’un oléoduc qui part de Diffa (Est Niger), long de 300 km jusqu’au terminal de Kribi (Cameroun) via le Tchad. Un contournement qui rallonge le pipeline de 180 km pour éviter justement le Nord-Est du Nigéria. Or la ville nigériane de Kukawa, située au Sud de Diffa, serait maintenant sous-contrôle de BH.

La guerre de communiqués entre le Cameroun et le Nigéria

Le 21 septembre dernier, une dépêche de l’agence de presse APA rapporte les propos d’un haut-gradé camerounais : « Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram a été tué lors de violents combats entre ses éléments et les terroristes ». Aussitôt, les services de renseignements nigérians contredirent l’information et en précisant qu’il s’agirait plutôt de son lieutenant Mohammed Bashir. Quelques jours plus tard, l’AFP annonça encore une fois sa mort. Ou plutôt le porte-parole de l’armée nigériane le général Chris Olukolade qui a déclaré « que son armée avait tué le chef islamiste qui se faisait passer pour le défunt Abubakar Shekau ». Prudents, les américains qui avaient mis à prix sa tête pour 7 millions $, demandent un test ADN de la personne, avant de se prononcer. Et pourtant, même l’armée nigériane, chargée de le traquer, l’a donné plusieurs fois pour mort avant qu’il ne resurgisse ailleurs.
La revendication de la mort du leader du groupe terroriste remet encore une fois sur la table les questions de susceptibilité entre le Cameroun et le Nigeria. Les relations entre les deux pays ont été assombries par l’invasion en 1993 de la presqu’île de Bakassi et son gisement d’hydrocarbures par les troupes nigérianes. Tous les successeurs de Sani Abacha n’ont jamais trouvé grâce aux yeux du président Paul Biya. Car l’arbitrage rendu en faveur du Cameroun en 2002, par la Cour Internationale de Justice, ne lui a toujours pas permis de jouir pleinement de son gisement de pétrole. Malgré cet épisode, l’armée camerounaise participe maintenant à la lutte contre BH. Car aujourd’hui, la donne a changé. Les terroristes ne se contentent plus de venir se replier dans les forêts luxuriantes de Waza au Nord du Cameroun ; plusieurs centaines de jeunes camerounais se sont fait enrôlés, davantage pour l’appât du gain que pour épouser la cause islamiste. Les conducteurs de moto-taxi qui gagnaient à peine 50 $ par mois peuvent toucher jusqu’à 1.000 $ en s’engageant soit en soutien logistique ou en combattant.

Quid de BH
Jama’atu Ahlul Sunna Lidda’awati Wal Dihad « communauté des disciples de la tradition de l’islam pour la prédication et la guerre sainte » ; tel est le nom officiel de Boko Haram. Il ressemble à s’y méprendre, par sa dénomination, à son cousin algérien : le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC). Il s’agit d’une émanation du GIA, dont le leader Abdelmalek Droukdel a porté allégeance à Ben Laden, en 2006 avant de se métamorphoser en Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Comme ce groupe, BH s’inspire de l’idéologie talibane et veut instaurer la charia au Nigéria ; avec pour leitmotiv, le rejet de l’occident. Jusqu’en 2009, le groupe salafiste ne s’en prenait qu’au symbole du pouvoir avant de se radicaliser. BH a pris une dimension supérieure et s’est transformé en une franchise terroriste prospère, très violente et donc mondialement réputée. Ceci passe un changement dans le mode opératoire et les cibles : la population, les intérêts occidentaux ainsi que les sièges des institutions internationales et ce jusqu’au cœur même de la capitale Abuja. Même si BH n’a aucune vocation à s’internationaliser, l’expertise technique (maniement d’explosifs, entraînement de combattants), la prise d’otages occidentaux prouvent que des liens se sont noués au sein de l’International Terroriste c’est-à-dire entre BH et AQMI ou les Shebabs de Somalie. Aujourd’hui, BH adopte les mêmes codes en termes de rhétorique guerrière, de moyens de communication (mise en scène vidéo, revendication via le web) pour obtenir un écho médiatique planétaire. La récente allégeance d’Abubakar Shekau au califat de l’État Islamique d’Abou Bakr Al-Bagdadi complète la panoplie.

Avec un effectif porté à 50.000 combattants, le champ de recrutement s’élargit et ne se limite plus à l’ethnie kanuri. Il existe un noyau de purs et durs, prêts à donner leur vie pour la cause. Ensuite, par opportunité, des bandes de criminels profitent de la situation en toute impunité, sous la bannière de BH. Et le reste du groupe obéit à une autre logique : servir une cause politique pour essayer de combattre le pouvoir fédéral.

L’échéance présidentielle de février 2015
Le président sortant Goodluck Jonathan a besoin d’une victoire militaire contre BH pour espérer briguer un autre mandat de cinq ans en 2015. Le People’s Democratic Party (PDP) – parti majoritaire au pouvoir depuis 1999 - et la coalition de quatre partis d’opposition All Progressives Congres (APC) se renvoient la balle. L’un et l’autre reproche au parti adverse d’être responsable du chaos ambiant ou au minimum de soutenir le groupe terroriste. Depuis l’avènement du multipartisme en 1999, le PDP a gagné toutes les élections majeures. Il a une assise nationale avec une composante chrétienne et musulmane. Une règle non-écrite au niveau fédéral assure une alternance entre président de confession différente à chaque mandat. En 2007, l’actuel chef de l’État, chrétien, avait fait un ticket avec le président musulman Umaru Yar Adua. A la mort prématurée de ce dernier en 2010, Goodluck Jonathan assura l’intérim de la présidence avant de gagner les élections présidentielles de 2011. Sa candidature pour 2015 ne fait pas l’unanimité au sein même de son camp, au nom de la sacrosainte alternance chrétien-musulman. Qui plus est, l’ombre du charismatique Olusegun Obansanjo plane toujours au-dessus du PDP. Cette figure tutélaire de la classe politique reproche à son successeur sa mauvaise gestion de lutte contre BH en occultant toute possibilité de dialogues avec les éléments modérés du groupe. Le PDP ne cesse de perdre des voix à chaque élection présidentielle En 2007, il a obtenu plus de 70% alors que la victoire de Goodluck Jonathan en 2011 s’est soldée par un score de 57%. Ce qui donne de l’espoir à l’APC s’il ne retombe pas dans les mêmes travers : lutte pour le leadership, réflexe ethnocentrique, antagonisme Nord-Sud.

Nigéria, « première économie » d’Afrique
Un titre flatteur mais il donne du baume au cœur pour un pays en proie à une insécurité récurrente. Son PIB fait un bond de plus de 50 milliards $ entre 2012 et 2013 (de 453 à 510 milliards $) alors que l’Afrique du Sud culmine à 384 milliards $. A la faveur d’une modification – préconisée par le FMI et la Banque Mondiale tous les cinq ans – dans la méthode de calcul du PIB, deux secteurs d’activité ont ainsi été comptabilisés : les télécommunications et l’industrie du cinéma, Nollywood. Rapporté le PIB au nombre d’habitants, l’Afrique du Sud reste à la tête du classement (2.688 $ contre 7.500 $ pour l’Afrique du Sud) ; sans compter les paramètres tels que la bonne gouvernance, l’infrastructure et l’Indicateur de Développement Humain (IDH) : santé, éducation… Par contre avec sa production estimée à 1.777,54 milles barils/jour, le Nigéria reste le premier producteur de pétrole du continent. Les hydrocarbures génèrent 80% des recettes de l’État mais n’emploient à peine que 2% de la population. Pourquoi une croissance économique de plus de 5% par an n’engendre-t-elle pas un changement structurel ? Bien au contraire elle provoque une disparité régionale ou sectorielle.

Ces dernières années, la radicalisation de BH cristallisent toutes les attentions. Pour des raisons de sécurité, les commerçants de la communauté Yoruba refusent d’aller s’approvisionner dans le Nord ; ce qui entraîne la hausse des prix des denrées alimentaires.

Mais d’autres foyers de tensions couvent un peu partout dans le pays. L’instauration de la charia semble la principale cause avancée. Mais les revendications violentes du MOSOP (Mouvement pour la Survie du Peuple Ogoni) en 1992 dénoncent la collusion des intérêts de la compagnie Shell et du gouvernement fédéral. De même que le MEND (Mouvement pour l’Émancipation du Delta du Niger(en 2003 -2004) réclamait lui aussi déjà une meilleure allocation des revenus issus du pétrole et la lutte contre la corruption.

La composition ethnique d’un pays fédéral – 36 États - de 177 millions d’habitants complique encore davantage la donne. Le Sud héberge les chrétiens (35%) ; tandis que le Nord est peuplé à majorité de musulmans (45%) et le reste de la population se classe parmi les animistes (20%). Le contrôle de la rente pétrolière entre le Nord et le Sud crée des tensions au sein de l’État fédéral. D’autant plus, que l’on observe l’émergence d’une élite sudiste parallèlement à une diminution du nombre de postes de responsabilité au sein de l’armée par les officiers originaires du Nord. Cocktail détonnant !

Lamine THIAM
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